Apparition

dilettante

Jeune fille, j'espère revoir un jour ta chevelure.

Elle était assise, par terre. Le sol était jonché de mégots et de déchets de toute sortes ainsi que ponctué d'une myriade de crachats. Elle s'en foutait.. L'odeur étouffante du bitume chauffé par le soleil lui montait à la tête, elle regardait les voitures stagner. Une masse incalculable de fer et de plastique, rugissant en cœur dans une clameur monotone, exhalant des vapeurs de gas-oil.

Adossée contre la paroi vitrée d'une station de bus, elle attendait. Les passants ne pouvaient s'empêcher de la regarder, se posaient toutes sortes de questions. Que faisait cette jeune fille, seule, le visage fermé, les yeux vagues; qui pourtant exprimaient la plus grande des souffrances. Les gens n'osait rencontrer son regard. Cette fille, qui qu'elle pu être, semblait concentrer en elle tous les maux enfouis d'une humanité qui a mal. Elle ferma les yeux, releva la tête pour laisser au soleil le loisir de caresser les courbes harmonieuses mais violentes de son visage. Le vent chaud anima sa crinière d'or et de feu, faisant voleter autour de sa tête quelques mèches de cheveux rebelles.

Un grondement la fit sursauter violemment, l'extirpant ainsi des profondeurs de son esprit. Ce n'était que le bus. Elle monta, en ayant pris consciencieusement le temps de laisser passer les "autres" avant. L'empressement futile des hommes provoquait en elle une multitude de sentiments contradictoires, et c'était tantôt un regard amusé et condescendant tantôt un regard haineux et méprisant qu'elle posait sur ses semblables et leurs vagissements stériles. Tandis que cette mare humaine tourbillonnante se répandait en insultes, coups et autres amabilités, elle se faufilait. Quand elle fût assise, seule, loin, presque invisible dans cette alcôlve mystique, j'eus le temps de l'admirer une dernière fois, puis elle disparût.

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