Arthis 2.0 - Épisode 2: C'est Léthé !

grabuge

Ça craque, ça coupe, ça découpe. Et je dormais trop bien ce matin. Qu'est-ce qu'ils ont les parents à faire autant de bruit le matin, à 15h30 ? Ça peut plus durer.

— Maman ! Eh maman ! Tu peux pas faire ça à un autre moment ?
— T'as qu'à te lever plus tôt.

Et puis j'ai faim. Mais si je mange pas à midi ben je mange pas jusqu'au soir. Je me sens encore endormi, peut-être que je devrais aller me recoucher. Ou alors non, je vais retourner sur le PC. Bonne idée hein ? Héhé. Comme d'habitude, j'allume Skype, et puis je parle avec des potes, mais je me suis rendu compte que quand je parlais pas de jeux avec eux, ben j'avais plus rien d'autre à dire. Je me rappelle des après-midi chez un pote à le regarder jouer à la PS3, sans rien faire d'autre. Qu'est-ce que c'était chiant.

On va pas se mentir, j'ai joué toute la nuit. Bon, mon pote est parti sur le coup des 4h du matin, mais je suis resté, il me manquait quelques points pour avoir un nouveau personnage. Il est là le gros dilemme que chaque gamer s'est posé au moins une fois dans sa vie (Garou sors de là), se coucher à 5h quand t'entends les oiseaux qui gazouillent, ou rester debout jusqu'au soir ?


Donc, ce jour là, je suis encore resté debout. Pas dormi. Dormir c'est pour les faibles, moi j'suis sûr que t'es un-e faible. Des fois ça m'arrive de m'endormir en plein jeu, à cause des temps où ton personnage meurs, tu te dis que t'as le temps de fermer les yeux deux secondes. Mais deux secondes c'est déjà vite cinq minutes. Y'a ton pote qui te réveille en hurlant dans son micro à chaque fois, mais il a pas encore sorti la corne de brume. Non parce que là je l'aurais haï.

— J'suis désolé mec, je ruine la game, mais j'arrive pas à suivre, j'ai pas dormi de la nuit, je finis ça et je vais me reposer.
— OK. Quelle idée aussi !

Je ferme le client de jeu, et je m'endors aussitôt, le PC portable à côté de moi, dans mon lit.
J'atterris dans une grande prairie avec un fleuve un peu plus loin. C'est vachement beau, genre tu vois avec des coquelicots, de la lavande, mais pas une abeille, et puis le soleil qui te nique pas les yeux, un petit vent frais... Et y'a cette forme dans l'arrière-plan, un truc tout bossu. En me rapprochant j'ai vu que c'était un vieux avec une canne, à côté d'une table avec un grand verre de Pastis et du jambon. Il faisait des aller-retours vers le fleuve pour y remplir son verre.

— Qu'est-ce que tu fais là ? Me dit-il, en me menaçant avec un revolver. Je t'avais déjà dit de ne pas t'approcher de ma fille !
— De quoi ? Quelle fille ?
— Je ne me souviens plus. Mais tu dois mourir ! T'as fait un truc mal !
— Mais quoi ?
Et il se retourne vers le fleuve, et bois un grand verre de Pastis, avant de se retourner de nouveau vers moi.
— C'est à cause de toi que les Raoni se sont faits expulser de leur territoire par Belo Monte ! C'est à cause de toi que tout un peuple va mourir ! Salopard de capitaliste sans coeur ! Crève !
Et puis je me suis mis à courir dans tous les sens, comme quelqu'un qui se fait tirer dessus au revolver. Et puis il a oublié pourquoi il tirait, alors il a arrêté.
— Pardon je ne sais pas pourquoi je te tirais dessus. Viens, viens, je ne te ferais pas de mal, un peu de jambon ?
J'avais quand même la trouille hein, mais j'y suis allé quand même. Putain de rêve débile.
— Je perds un peu la boule hein, je crois, me dit-il avec un grand sourire.
— Un peu. Mais genre, un tout petit peu comme ça.
— Il fait chaud hein ! Un peu d'eau ? Ça fait du bien, l'eau.
— Euh... Non merci. Je me suis mis à siffloter La Truite de Schubert. Paraît que ça aide les amnésiques à retrouver la mémoire. Mais lui a pas réagi, il doit être sacrément atteint.
— Allez quoi ! C'est l'eau du fleuve Léthé, tu peux pas trouver mieux. Un jour, une sorcière m'a dit que si j'avais le moindre souci, de l'anxiété ou quoi que ce soit, et je crois qu'avant je faisais des crises, je ne me souviens plus, il me suffisait de boire cette eau. Et je dois dire que ça marche foutrement bien, puisque je ne me rappelle même plus depuis combien de temps je suis ici.
— Ouais non mais le fleuve Léthé c'est en Enfer vous savez !
— Mais on est pas en Enfer ici. D'ailleurs où est-on et qui est tu ?
— On est je ne sais pas où et vous ne me connaissez pas.
— Un espion ? Le fils de Poutine ? KGB ! Et puis il s'est mis à hurler et à tirer dans tous les sens avec son flingue. Crève, pourriture communiste de merde ! J'entendais au loin.
Ah les vieux. Tous pareils.

— Encore en train de dormir ?
— Hnnnmmm ? Quoi ?
— C'est pas le moment de dormir ! Il est 16h !
— Ah, ouais.
— Qu'est-ce que tu vas faire de ta vie, hein ? T'as pas d'avenir, comme tous les autres jeunes !

Schubert, il mettais ses lunettes à l'envers. Ça doit être pour ça qu'il voyait des truites, mais à l'envers. Doit y avoir une connotation sexuelle. Quand je serais grand, je ferais musicologue. En attendant dans les cours de la Lebonnard on se fait bien chier avec ça et l'Ode à la Joie. D'ailleurs, je l'ai demain, parce que demain c'est lundi. J'aime pas le lundi et j'aime pas la flûte. J'aurais trop voulu faire du violon moi !

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