Au café de l'avenue Foch
beth-bnt
Elle les regardait passer ces filles, ces idiotes détestables, avec dans ses yeux l’envie de leur faire ravaler leur impudence. Elle voulait leur rappeler qu’elle avait été jeune avant elles mais c’était là son défaut.
Elle était ce qu’elle pointait du doigt chez ces filles. Un cliché, le cliché de la ménopausée n’ayant jamais été jeune qui reproche aux autres de l’être encore. Douce ironie, pour parachever ce tableau pathétique d’une vie digne d’une héroïne de Zola mais style avenue Foch, l’idiot qu’elle avait épousé dans un moment d’égarement s’en était rendu compte. Comme beaucoup d’idiots, il était fier, il s’en alla après qu’elle lui ait rendu ces couilles sur un coussin de velours. De toute façon, elle en avait toujours trop eu. Partir, c’était surement la seule chose intelligente qu’il n’avait jamais fait de sa vie.
Alors elle était descendue, prendre un simple café dans ce troquet hors de prix en bas de son immeuble bourgeois. Dans cette disette sentimentale, elle avait ressenti le besoin de se rappeler qu’elle était riche. Son confort lui permettrait de s’accrocher un petit plus au temps. Pas comme ces filles des faubourgs qui elles, le gaspillaient leur temps. C’était la seule chose qu’elle pouvait gaspiller d’ailleurs.
Que ces filles semblaient sales pensa-t-elle soudain, ne les enviant plus. Avec leurs talons râpés, leur élégance aussi élimée que leurs cerveaux et leurs dents elles, tant de fois limées.
Elle au moins pensa-t-elle, les fois où elle s’était donné, elle en avait tiré autre chose qu’un râle. Elle se souvenait de chaque fois et cette pensée l’accabla de nouveau.
Ces filles ne se souvenaient plus, tellement les fois furent nombreuses. Mais finalement se souvenait-on de toutes les fois où nous étions allés au supermarché ? Ces filles, c’était pareil pensa-t-elle, leurs portes s’ouvraient de manière aussi automatique que celle d’un centre commercial.
Alors qu’elle, elle, il fallait tourner un peu en rond avant de rentrer, faire au moins l’effort de pousser la porte.
Non vraiment, elle se demanda pourquoi elle s’était soudain mise à haïr ces pimbêches à l’esprit placé assez bas.
Cet homme qu’elle avait épousé sera comblé avec l’une d’entre elles pensa-t-elle. Il n’arrêtait pas de dire qu’il était au fond du trou, le fait d’en voir vraiment un lui remontera peut-être le moral. Pour une fois il appréciera aller au fond des choses ironisa-t-elle.
Elle se réjouit qu’elle, il ne l’ait pas épousé pour ça. A cette pensée, elle sut qu’elle ne fut jamais jeune, ce n’est pas à son âge qu’elle allait le regretter.
Elle se dit qu’il n’était pas si idiot. Sa tasse s’était miraculeusement brisée et un marc de café se répandit sur la table.
Elle se dit qu’elle n’aurait pas dû lui rendre ses couilles. Elle se dit qu’elle n’en verrait plus, ni celles de personne, ni celles de son mari perdu. Et que ce dernier avait emporté les siennes avec lui.
Ah non, c'est à moi de dire merci! ;)
· Il y a presque 13 ans ·beth-bnt