Au nom d'Allah

Dominique Capo

Pensée philosophique personnelle

Hier, j'ai un peu discuté avec une jeune femme qui habitait en Algérie. J'étais heureux d'aller à la rencontre d'une personne issue d'une autre civilisation, d'une autre forme de pensée, possédant d'autres rêves, d'autres espoirs. Mais, aussitôt, elle m'a demandé : "es-tu musulman ?". J'avoue que cette question m'a profondément choquée. En effet, nous nous connaissions uniquement depuis quelques minutes, à peine ; que la Religion s'est immédiatement invitée dans notre conversation. Je lui ai alors répondu que cela ne regardait que moi, que cette notion n'avait pas à venir interférer dans le lien que nous établissions ensemble, que là n'était pas l'essentiel dans ce que nous cherchions à apprendre, à découvrir, à apprécier - ou pas - chez l'autre.

C'est un fait qui m'"attriste et me choque profondément, de devoir se référer à la Religion - quelle qu'elle soit d'ailleurs - pour mettre en avant son caractère, sa personnalité, ses opinions, ses rêves, ses espoirs, ses centres d'intérêts, ou ses passions. Comme s'ils étaient indissociables. Ce qui, évidemment, n'est pas le cas. Si Dieu existe - je n'en suis pas persuadé, mais je m'interroge comme je m'interroge sur toutes les grandes questions existentielles de ce monde -, Il nous a donné notre libre arbitre. Il n'exige certainement pas que nous nous référions en permanence à Lui ou à Ses Livres. Ceux-ci ne sont là que pour nous guider, et non pas pour être des Vérités absolues gravées à jamais dans la pierre. J'ai d'ailleurs expliqué à cette jeune femme cette notion en lui évoquant ceci : "A l'époque du Prophète, si le cochon était interdit, c'était parce qu'il était porteur de maladie dans les pays chauds du Proche et Moyen-Orient. C'était une question de salubrité publique en une période où les vaccins n'existaient pas, et où les maladies dont il était le porteur en cette région du monde décimaient quantité de populations. Aujourd'hui, les temps ont changé. Les maladies de l'époque ont été éradiquées ; des vaccins les empêchant de se propager existent. Mais cette Tradition a perduré comme une Vérité inaltérable, universelle. Je lui ai dis : "Mais si le cochon était toujours porteur de maladie, il y a longtemps que l'Occident, l'Asie, ou l'ensemble des peuples non musulmans auraient vécu des épidémies qui auraient tuées les neuf dixième de leurs contrées. C'est juste une question de bon sens et de logique. La religion n'a rien à voir là dedans." Ce que je voulais lui démontrer, c'est que de se retrancher systématiquement derrière la Religion - ou la Tradition plutôt - empêchait de réfléchir, d'avoir son libre arbitre ; insinuait peur et non acceptation de celui qui est différent : "Tu es musulman ?". "Peu importe ma Religion", lui ai-je dit. C'est ce que nous partageons ensemble qui est le plus important. Nous sommes libres. Nous réfléchissons, sommes intelligents. Et si le monde sombre parfois dans le chaos comme nous l'observons trop souvent - ces derniers jours encore -, c'est parce que les idéologies empreintes de Religion et de Traditions telles que celles que je viens de relater, viennent interférer et restreindre cette liberté. Ces personnes instillent la peur, la méfiance, la haine, la violence envers ceux et celles qui ne pensent pas comme eux, parce qu'ils ne connaissent que leur propre vision du monde. Que l'imposer aux autres leur donne l'impression d'avoir prise sur ce monde en permanence bouleversé et changeant qui existe autour d'eux. Et que ces changements, inéluctables, inévitables, qui les atteindront tôt ou tard de toute manière quoiqu'ils fassent, quoiqu'ils tentent pour refréner sa marche, ont toujours existé, et existeront toujours.

Je lui ai également dit : "Au cours du Moyen Age occidental, la civilisation musulmane était en avance sur son temps. Elle était tolérante, acceptant et protégeant les autres Religions, les autres modes de pensée, les autres philosophies ; alors qu'en Occident, l'Inquisition brûlait les livres et interdisait toute autre doctrine que le Christianisme. La civilisations musulmane possédait de grands savants, de grands penseurs, de grands mathématiciens (le zéro a été découvert par les musulmans). Elle protégeait les juifs obligés de fuir l'Europe parce que persécutés. Dés Juifs ont même été Grands Vizirs de Sultans de cette époque. C'était l'Age d'Or musulman et le Moyen Age Occidental.

Aujourd'hui, la courbe de l'Histoire s'est inversée. Ceux qui étaient intolérants hier, se sont ouverts au monde, ont accepté ses bouleversements, ses transformations, son évolution. La Religion est devenue une question personnelle, intime, qui ne regarde que le croyant et son Dieu. Qui ne s'impose pas au reste de la population. Chacun est libre de penser ou de croire - ou pas -. Ceux qui étaient tolérants hier se sont repliés sur eux mêmes, sont terrorisés par ces changements, ces bouleversements, s'accrochent désespérément à leurs croyances, à leurs traditions, comme si c'était le dernier récif sur lequel s'appuyer pour ne pas être emporté par le tourbillon que ce changement d'Ère, de Civilisation, de monde, entraîne. Ce qu'ils oublient tout simplement, c'est que ce changement se fera malgré tout ; et si c'est sans eux, ils en subiront des conséquences désastreuses - c'est déjà le cas -. S'ils l'acceptent, l'accompagnent, l'anticipent, comme les pays Asiatiques l'ont compris, alors que jadis, c'étaient eux qui étaient dépendants de l'Occident -, alors, ils y trouveront leur place.

Rome, du temps de sa grandeur, se croyait éternelle. L'empire Romain durerait jusqu'à la fin de l'Histoire. Le Christianisme l'a, en partie, mis a terre. Le Christianisme, en Occident, s'est cru éternel. A son tour, sa prédominance s'est effondrée, le dieu argent l'a remplacé. Aujourd'hui, à son tour, ce modèle arrive en fin de course et ses lézardes se multiplient. L'Asie pointe le bout de son nez et son avènement n'est plus loin. Nous changeons de civilisation. La civilisation musulmane est belle, riche, passionnante, à eue son heure de gloire jadis. Si elle ne réagit pas en acceptant l'extérieur, elle s'effondrera comme toutes les autres. C'est inéluctable. C'est inévitable, car comme l'a dit quelqu'un un jour : "Nous, civilisations, savons désormais que nous sommes mortelles"…

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