Avril 2019 - Back in the days

Melvin Dia

Retour en mots sur le quatrième mois de 2019...

S'il m'est donné un jour d'écrire ma vie, le bon, le mauvais, de tout dire, je crois que je choisirais ce titre “Back in the days”. Une manière de parachever cette longue balade entre les époques qu'auront été mes écrits.

Mais puisqu'il faut parler du présent, impossible d'évoquer le mois sans commencer par ce qui l'a profondément marqué. 15 avril: Notre-Dame Brûle. La France s'émeut. Comment pourrait-il en être autrement ? Mais la vieille dame en a vu d'autres, me dis-je en voyant les premières images peu avant 19 heures. C'était sans compter avec l'émotion numérique. La bête médiatique s'emballe, les appels à souscription, et les théories les plus folles sur l'origine de l'incendie aussi.

Alors à défaut de pouvoir éteindre le feu, je choisis d'éteindre les écrans, et de me tenir éloigné du sujet pour les jours suivants.

Il en va des grandes catastrophes comme du football, à partir du moment où cela passe dans le petit écran, tout le monde devient éligible à partager son opinion.

Chacun y verra le symbole, ou le signe annonciateur qu'il jugera: qui de la déliquescence du pays, qui du complot ourdi par le pouvoir, qui un tas de pierre et de bois… Si on ajoute aujourd'hui les réseaux sociaux, la dictature de l'émotion et de l'immédiateté n'aura jamais été mieux servie. Tout cela a été dit et écrit, mais n'a jamais était si prégnant.

Ce que l'on oublie, c'est qu'à chaque grande catastrophe nationale (Charly, 13 novembre, Notre-Dame aujourd'hui), le monde pleure avec nous. Exception française. Quelle exception ? L'exception que je perçois chez nous c'est celle de la division qui est devenue le seul dénominateur commun.

Avec les gilets jaunes comme avatars de cette longue crise fin de siècle dont nous ne parvenons pas à sortir.  Et dont on ne sortira pas de si tôt. On pourra se satisfaire de d'avoir contenus les violences, qui ne manqueront pas de réapparaître une fois la garde baissée: gardons en mémoire le 01 décembre et 16 mars derniers… Dans un mois, dans un an, cet orage immobile de colère ne manquera pas d'éclater à nouveau. A un problème politique, il convient toujours d'apporter une réponse politique à la mesure.

Notre-Dame brûle et le Sri-Lanka saigne, la France se fourvoie à nouveau en Libye, Le Venezuela éructe, l'Algérie, le Soudan cherchent leurs voies dans la démocratie sous l'oeil vigilant de l'armée, alors que l'Afrique Sub-saharienne semble avoir disparu des radars. Le monde bouge.

Pendant ce temps Macron clôt son grand débat. Si on voulait être méchant, je dirai et son "grand bla-bla", qui n'aura servi qu'à le remettre en scelle. Et ce ne sont pas les milliards promis, dont on tarde pour la première tranche à en voir les espèces sonnantes et trébuchantes. Le gouvernement aura beau promettre de ne pas fermer d'écoles pour mieux fermer des classes, de ne pas fermer d'hôpitaux pour mieux supprimer des lits, ou appeler un énarque dénomination, le compte n'y est pas. Ce qu'il manque ? Une vision qui entraîne ce pays.

Macron, comment vous dire ? Je n'y crois pas. J'ai toujours eu un problème avec les banquiers, pourquoi en serait-il autrement avec un banquier devenu président ? Et que défend-il au final. ? Une société de l'hyper-mobilité, qui convient à quelques uns, moi inclus sans doute, mais que reste le plus grand nombre.

Il ne me semble pas à même de mettre un terme au mal français, qui remonte à plusieurs décennies si on veut être honnête. Ce mal qui puise son origine dans nos identités troublées. L'identité, ce baril de nitroglycérine sociale à manipuler avec les plus grandes précautions. Mais il est un fait: nous ne savons plus qui nous sommes, et donc où nous habitons.

Certains prônent un retour à passé idyllique, oubliant que qu'entre deux français d'hier et d'aujourd'hui, plus proche du contemporain qui fait ses courses sur Amazon comme lui, pianote à longueur de journée, que celui des siècles emprunt de foi, .  Cette France qui, ayant coupée la tête de son roi, il y plus de deux cents ans, oscille toujours entre nostalgie révolutionnaire et retour d'un Ancien Régime. Et surtout une France perdue dans un monde globalisé et qui se colore, pour qui le déclassement est devenu l'ultime peur. Et au lieu de retricoté ce lien social, on persiste à l'abîmer.

Et les défis de demain, dont l'AI, l'Intelligence Artificielle qui arrive ? Sommes-nous prêts à faire face à la disparition de milliers, de millions d'emplois. Pour en créer d'autres. Lesquels ? Et dans l'intermède que fera-t-on de cette masse de salariés à qui l'on demandera de travailler plus longtemps ?

Au détour, je me demande que sera-t-il de cette forme suprême d'intelligence qu'est l'humour ? Et de cette capacité de rire de soi-même ? L'intelligence pourra bien être artificielle, je ne suis pas certain qu'une machine pourra lâcher quelques bons mots vaches qui me feront rire. On verra. L'avenir est plein de surprises. Cette jeunesse avec qui je travaille au quotidien me rappelle qu'il toujours regarder de l'avant. Et j'ai encore la chance de faire de belles rencontres. Toutes ces personnes récentes qui sont entrées dans ma vie me rappellent qu'il ne faut jamais fermé la porte de la nouveauté.

Car le réel est bien là. Tombant sur cette photo de mon frère à New-York, et que j'ai choisie pour illustrer ce mois d'avril, photo que je ne parviens pas à dater, très eighties en tout cas, et sur quelques autres de famille, je m'engage dans à nouveau dans cette balade dans les temps.

Sans nostalgie, parce que le présent a mille promesses, les promesses du futur. Le temps passe, une nouvelle époque s'ouvre. Même si à mon goût, n'a-t-on pas pris la mesure de cette transformation induite par le téléphone portable, de l'information permanente. Et la fatigue induite par cette sollicitation permanente. Besoin de déconnecter parfois.

Ce qui me rassure, c'est de rester  éternellement ravi à la vue d'un crépuscule de printemps qui m'émeut tout autant qu'il y  vingt, trente ans.

Vendredi soir d'avril, je dîne à Bordeaux, au moment de payer l'addition au comptoir passe une musique très eighties, j'en fais la remarque. Un cadre dont la semaine a dû être longue et qui doit être à quelques verres, lance tout de go “Les années 80 c'était y a quarante ans !”. Je suis prêt à le reprendre “non 30 ans”, puis me ravise. Je me rends compte qu'à peu de choses près il a raison. “Le temps se raccourcit à mesure que l'on vieillit...”, ai-je lu quelque part. Je reste fasciné, et un peu étourdi, non pas tant par ce temps qui passe mais par sa distorsion.

Ce qui est certain c'est qu'en ce printemps flotte le parfum d'un âge où l'on se réconcilie avec soi-même et donc un peu plus facilement avec les autres. L'âge de raison...

Pour parachever le tableau de ce mois écoulé, il me faut évoquer la réalité du travail, le quotidien, les incompréhensions, les petites luttes de “pouvoir” qui ne nous grandissent pas. Bref la vie. Ce que je sais à présent, et ma récente expérience de l'entreprise le confirme: le pouvoir ne se partage pas. Quelque soit l'échelle. Mais encore faut-il l'assumer au mieux pour ceux qui en ont la charge.

En avril la météo aura à merveille illustrée le dicton du mois. Arrive mai, pour faire ce qu'il nous plait avec ces longs ponts, mois qui m'encourage à repartir sur les sentiers de l'écriture, convaincu qu'elle ne vaut la peine que si elle maintient, tels deux aimants, cette tension permanente entre le réel et l'émotion.


Melvin.

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