Belle-mère
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Variante texte à contrainte avec phrases au début, fin et une au milieu imposées (L'annonce paraîtrait un vendredi, question de temps libre, délicieuse belle-mère)
L'annonce paraîtrait un vendredi.
Dès samedi un premier contact, un premier rendez-vous.
Depuis son expulsion à l'amiable des cours Sogallo, institut privé bordelais, malgré une longue expérience réussie comme professeur à New-York, Michel approcherait enfin un élève. Il fila en vélo vers une vieille villa de la ville du haut, un portail ouvragé coulissa au 23, corniche des chiens, il s'avança bicyclette au pied, quand apparut en surplomb et en escarpin la mère d'élève. Elle lui présenta sa fille de quinze ans, Anne-Sophie, multi-redoublante, d'un niveau en maths valant une fin maternelle ZEP.
Cette première heure lui permit de mesurer l'immensité de ses lacunes, de taille océanique, et de ses appas de taille alpestre.
Avant de partir, sa mère Madame Bertille de Calais, née Buskay, l'invita à lui transmettre autour d'une tasse de thé, un premier diagnostic, et sa note.
Sans l'affoler il lui conseilla un traitement de choc pour les prochains congés : un stage d'une semaine, dans un camp d'entraînement devant muer des handicapés du calcul en élèves médiocres capables de réussir surtout s'ils suivaient le module complémentaire nommé copiage.
Au programme :
Lundi : participation dans le public à l'enregistrement de l'émission des chiffres et des lettres.
Mardi : Travaux pratiques concernant l'addition, s'il-vous-plaît, puis au remplacement d'une caissière de restaurant libre-service durant les heures de pointe et une panne d'électricité, et l'après-midi la gestion du bénéfice d'une station Total dans la Somme.
Mercredi : Etude de la soustraction : Visite des égouts de Nice, du musée Kerviél, du mont Stavitsky, du mémorial Madoff, de l'hôtel des impôts, d'un péage d'autoroute. Mise au point d'un enlèvement, recherche d'un diminutif et vers cinq heures ôter.
Jeudi : La multiplication des pains avec pique-nique, un regard sur la multiplicité des multiplex et les multinationales, conclusion avec l'influence des huiles multigrades sur l'état d'esprit de l'état major.
En soirée, problème à résoudre : trouver le nombre d'heures nécessaire à 4 caristes pour fabriquer les ¾ de 4 cars, de 4 4X4 et de 4 quatre-quarts en 3/8.
Vendredi : la division du travail et de l'heure, les divisions administratives, les divisions blindées, le partage des parts de gâteau, la vache qui rit, le Trivial Pursuit, l'opinion sur : comment la semer pour mieux régner, la cellulaire, le divorce et la séparation.
Samedi : Retour aux racines de la puissance, les produits dérivés des continents, comment intégrer les grands ensembles. Statistiques, lotos, roulette, pokers et paris.
Dimanche : le matin, conférence d'un grand derviche, dit Ahmet, maître soufi, spécialiste du cercle dont on connaît un rayon entier de son traité à la librairie du globe. Recherche des œufs de Pâques avec relevé des dimensions.
Pour finir l'après-midi, spectacle final : construction d'une pyramide humaine, saut en parachute, rondes de nuit, rondes enfantines du cercle polaire et de l'Equateur.
Emballées par ce projet, Anne-Sophie à l'idée de s'extraire de son milieu pesant, et sa mère à celle d'être libre une semaine, donnèrent leur accord et un acompte de 1 000 euros.
De retour il ouvrit plusieurs messages, les jours suivant encore plus, et bientôt, il avait trente inscriptions pour son stage, mais aucune préparation, tout allait être improvisé.
Il embaucha sans déclaration deux ex-collègues sans emploi comme lui, pour encadrer sa formation.
Un vieux bus bleu collecta tout son monde, sacs aux dos, le samedi matin, et les emmena dans une ancienne base militaire perdue dans les Ardennes, qu'ils occuperont de façon semi-officielle après contrat conclu avec le gardien des installations contre cinq bouteilles de cognac taïwanais.
Sur place les jeunes colons s'installèrent dans les dortoirs improvisés sous des hangars aux tôles percées, et leurs portables furent confisqués.
Le repas fut pris dans la cour autour de braseros qui enfumèrent les frileux, le printemps ayant dû oublier l'endroit ; au menu : sandwiches, chips, cacahouètes, Mars, Haribo, Nutella, sodas enrichis ; à minuit tous avaient roulé sous les tréteaux.
Michel et Anne-Sophie, ronds comme la lune claire, totalement désinhibés, et sans souliers s'enlacèrent, avant de sombrer inconscients sur un matelas voyeur dans un sommeil noir.
Dimanche matin à 6H00 le réveil fut difficile pour tous, Michel sur son vélo avec Anne-Sophie sur le porte-bagage, emmenèrent dans leur sillage les stagiaires en petite foulée au village sis dans la vallée.
A midi, un repas composé de soupe claire inaugura une diète d'une semaine, (détail absent du programme en raison d'un oubli) destinée à amollir leurs cerveaux pour former la bosse des maths plus aisément. Michel et Anne-Sophie quant à eux se régalèrent dans l'auberge locale, alors que les élèves lapaient tout en ânonnant les tables de multiplication, en suivant l'écran de karaoké situé derrière le siège du chauffeur du bus, qui les attendait sur la place.
Départ à 16h00 pour les studios de l'ancêtre des jeux TV.
Arrivée à 22h00 sur l'aire d'autoroute, souper et nuit sur les banquettes pour les occupants.
Michel réveilla le dortoir à 6H00, toilette dans les sanitaires de la station B.P et transfert.
Les étudiants mécontents prirent place, munis d'un calepin, mais au lieu de poser leur calcul, ils commencèrent à rédiger des messages d'aide qu'ils voulurent transmettre aux animateurs et spectateurs présents.
Pour déminer le scandale annoncé, Michel se déchaîna en tançant les dénonciateurs pour faire croire à un canular, ce qui alerta le service d'ordre de la chaîne qui expulsa tout le monde.
L'équipe éducative ramena les récalcitrants, les tenant fermement, tandis que les autres les suivirent en grognant.
Que faire sinon rentrer dare-dare.
Mais le camp leur réservait une surprise, car profitant de leur absence et de l'état piteux du gardien cuvant sa fine chinoise, un groupe de teufeurs éméchés+++ affrontait un clan de gitans installé depuis deux heures dans la place. Les voyant, et croyant en l'intervention des forces de l'ordre, les deux partis se liguèrent et bombardèrent le car.
Marche arrière toute, fuite dans un chemin forestier, et rapidement les voila perdus et bloqués la nuit tombant, dans la forêt ardennaise, deux pneumatiques à plat, avec un réservoir percé et la première pompe à 30 kilomètres.
Tous les téléphones étant restés dans le camp, et le sien déchargé, Michel prit la décision de quitter le groupe pour trouver de l'aide.
En compagnie d'Anne-Sophie, ils s'enfoncèrent sous les pins alors que les étoiles commençaient de s'allumer ; au bout de trois kilomètres, ils rencontrèrent un haut mur de clôture en pierre dure qu'ils suivirent jusqu'à un portail en fer forgé.
Mais là point de sonnette ou d'interphone, effrayés à l'idée d'être poursuivis par des molosses, ils hésitèrent à pénétrer dans les lieux.
Empoignant chacun un gros bâton, ils ouvrirent la lourde grille grinçante qui n'était pas fermée à clef et s'engagèrent dans l'allée centrale bordée d'arbres tordus par les ans.
Au bout de plusieurs hectomètres apparut un château style néo-gothique semblant désert.
Ils en firent le tour sans détecter de présence humaine, et trouvèrent à l'arrière une fenêtre sans défenses qu'ils purent forcer aisément.
A l'intérieur, ils inspectèrent l'ensemble des pièces glacées, garnies de meubles anciens recouverts de draps blancs empoussiérés.
Ils revinrent pour amener dans ce refuge le groupe resté apeuré au fond du bus.
Tels des vieux scouts, ils commencèrent à s'organiser, une équipe s'occupa de trouver du bois pour alimenter les cheminées monumentales, une autre prépara les lits des vingt chambres et les canapés des cinq salons, et une dernière chercha de quoi se restaurer.
Pour tous repas, ils avalèrent une soupe aux orties garnies de morilles, le tout arrosé de vieux vins découverts dans la cave.
Au lit tôt, mais personne ne pût fermer l'œil et vers minuit, des bruits sourds retentirent semblant provenir des combles, quelqu'un marchait sur le parquet.
Michel en plaisantant s'amusa à déclarer que les lieux étaient hantés.
Courageux il entreprit d'inspecter le grenier et découvrit qu'en réalité un grand-duc, locataire à titre gracieux des lieux se baladait à la recherche de quelque souris intrépide.
Exténués et réconfortés, tout le monde s'endormit, mais pour peu de temps car profitant du même châssis non défendu, des cambrioleurs s'étaient introduits dans le logis.
N'écoutant que son courage, Michel armé d'un sabre prélevé du bouquet d'arme accroché dans la cage d'escalier chargea les intrus, qui tellement surpris par cet assaut filèrent sans demander leur reste.
Estimant que l'aventure prenait un virage trop dangereux, les responsables dès le lendemain matin, prirent la décision de ramener les enfants à leurs parents, mais à leur grande surprise, personne ne souhaitait regagner le nid familial.
Ils jurèrent de ne rien dire à condition de continuer en ces lieux le stage.
Surpris Michel et ses acolytes organisèrent alors un programme différent alternant la vie de château et la construction de cabanes dans les hauts bois.
De retour, tous ne firent que compliments relatifs aux merveilleux moments passés ensemble et les géniteurs ne surent jamais ce qu'il s'était réellement passé.
Quelques années passèrent ; Anne-Sophie et sa mère retrouvèrent Michel.
S'aimant toujours, ils convolèrent puis les tourtereaux s'envolèrent vers les Etats-Unis, où Ils fondèrent une école privée accueillant les élèves en difficulté dans un château niché dans une forêt du Maine, dont les pierres provenaient des Ardennes.
Au cours d'un exercice de tyrolienne, Michel se trompa de voie, fit une mauvaise chute et se brisa le péroné.
Il fut opéré à New-York, et y passa sa convalescence.
A Central Park, avec sa jambe plâtrée, il restait des heures assis sur la même chaise et regardait les femmes passer, bien plus longuement que jamais auparavant.
Quelques jours avant d'être enfin prêt pour retourner dans son établissement, il remarqua une femme très attirante, probablement très pratiquante, vus son voile et ses lunettes de soleil. Il appréciait surtout sa démarche souple mettant en valeur ses mollets au galbe sublime.
Le premier soir déplâtré, il la suivit et l'invita à prendre un cocktail dans un bar branché sous un arbre, elle semblait timide, n'osant pas s'exposer, elle parla si peu, qu'elle lui sembla la personne la plus timide du monde.
Reculant son retour, il revit le lendemain, la belle inconnue, qui soudain se fit plus diserte et lui proposa de monter dans son appartement.
Arrivé dans le salon, il l'embrassa dans le cou, puis en soulevant légèrement son voile au tissu léopard, il s'aperçut que sa conquête était une femme couguar, de lion il devint minet.
Quand elle ôta ses lunettes, il découvrit qu'il avait en face la mère d'Anne-Sophie, dont le visage, et les atours venaient d'être rénovés.
Bertille était une délicieuse belle-mère.
Je n'ai pas lu la phrase du milieu, mais celle de début et de fin de texte sont très biens. :o))
· Il y a plus de 5 ans ·Hervé Lénervé