Bernard le bûcheron

Roland Grandet

fable moderne

     Bernard le bûcheron

 

   Il était une fois Bernard le bûcheron qui vit son pays ravagé par les flammes.

La terre était noircie. Les petits vers de terre couinaient et les fourmis pleuraient.

Poser son pied dans la suie Un cimetière de charbon sous les talons.

Le ciel bleu sombre à perte de vue. Les rivières marrons qui mordent Les champs, les champs, les champs Les oreilles enrubannées de gel.

Dans son sommeil l'esprit de la forêt lui parle : Le nom des rivières Le nombre de champs La couleur des nuages.

Dans son sommeil le mauvais esprit l'égare : Le nom des rivières Le nombre de champs La couleur des nuages.

Les pieds dans la vase La faim nouant les tripes. L'esprit de l'arbre mène Bernard dans les grandes forêts lui montre les futaies, les hêtraies, les pinèdes les jeunes pousses et les vieux décatis les tourbières mensongères et les clairières riantes.

Aussitôt assoupi le mauvais esprit de l'arbre commande : coupe, tranche, assèche, amoncelle des tas de bois jusqu'au ciel.

Aux animaux geignant sous le joug le sang du soir se mêle.

Coupe, coupe mon Bernard. Sous la lame une mèche blonde la douceur qui s'emmêle à la sueur du mâle montrant la paix, le jardin les légumes attendris les joues roses des bambins.

Bernard à ses pieds renonce à l'or, à la puissance.

Le mauvais esprit s'habille de satin séduit la blonde au sourire mutin laissant Bernard à ses rêves de fou.

Quand tous les animaux des trous des caves sortent par milliers dévorant ce séducteur malsain Bernard au bras de sa blonde la marmaille en dentelle cueille les fleurs de l'esprit.



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