Bibi

aroma

"Confire des fruits est un délicat travail" disait souvent ma tante Adèle.

Je la revois les éplucher. Tout en douceur.

Elle les câlinait, leur chantonnait des mélodies sucrées pour les amadouer et susciter leur essence.

Moi, je me souviens, avec ma soeur et mon cousin, nous sucions nos pouces de contentement, posés sur le solide banc de bois.

Eugène, notre oncle, agriculteur, passait l'après-midi ébouriffer nos têtes de choux crémeux, élevés au beurre.

Ses grosses bottes sentaient la terre et ses bêtes. Odeur forte et réconfortante, loin du citron posé dans la tasse citadine.

Le suivait fidèlement, en boîtant, son chien Bibi, fièvreux compagnon des champs, humant l'air avec bonheur.

A l'aise entre les vaches, heureux sur le tracteur, Bibi avait le regard profond et brillant.

Comme disait mon oncle "lui manque plus que la parole".

Et bien, moi, je jurerais qu'il m'a parlé, une fin de journée, une fin d'été, une fin de vous.

Je ne peux me souvenir du son, des intonations mais je me souviens d'avoir été consolé au-delà du possible.

Percuté et compris, moi, l'enfant aux oreilles décollées.

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