Big One Chapitre 1

365-mots

Après quelques mois à avoir griffonné, effacé, recommencé, pleuré, et enfin terminé, je poste cette partie qui mérite encore quelques modifications. N'hésitez pas à donner votre avis.

Vingt-six août deux mille quatorze. Rentrée des classes. Je passais en première année, pour obtenir mon diplôme de médecine. J'avais élu domicile sur le campus, et partageais ma chambre avec Dakota, qui lui, suivait le cursus droit. Nous étions à l'université du Minnesota. Pour ma part, j'allais sur mes vingt ans. La journée était agréable, et la température avoisinait les soixante-seize degrés Fahrenheit. Il faisait plutôt bon, sans qu'il ne fasse trop chaud non plus. Par rapport au mois de juillet, ou au Nevada, c'était de la rigolade.
« -Dak, tu te bouges un peu ? Ça la fou mal d'arriver en retard le premier jour…
-J'suis prêt, j'arrive. »
Dakota était blond aux yeux bleus. Il avait vraiment la tête pour faire craquer toutes les filles. Mais il ne s'y intéressait pas. Des fois, j'avais quelques doutes sur son orientation sexuelle. Je n'avais jamais osé lui en parler. Il arriva, vêtu d'un tee-shirt blanc, d'une veste en cuir chiadée, d'un pantalon noir, de rangers, et d'un chapeau blanc. Moi, j'avais plutôt opté pour un baggy style usé, des rangers, et un tee-shirt noir sur lequel on pouvait lire en rouge « Fuck Authority. » pour bien rentrer dans le moule des coincés de médecine quoi. Quand on nous voyait, on comprenait bien pourquoi est-ce qu'on était pote.
«-Angel nous attend en bas ?
-Oui. Répondis-je en attendant devant la porte, pour pouvoir la fermer, une fois qu'il sortirait. »

C'est d'un pas pressé qu'on déambulait dans les couloirs, pour rejoindre au plus vite la jeune fille, et partir. Mon téléphone sonna. Je soupirai, avant de voir qu'il s'agissait d'un message d'Angel.
Expéditeur : Angel.
Message : Vous mettez trop de temps. Je ne veux pas être en retard. On se retrouve au même endroit à la pause. J'me tire en cours.
J'avalai un ricanement, amusé, avant de montrer à Dakota le message que j'avais reçu. Il ne rit pas, fixant l'heure.
« Mec, on commence dans deux minutes. »


Si vous prenez deux premières années en retard, et que vous leur collez un air insouciant sur le visage, vous nous obtenez. Deux dératés qui courent de toute leurs forces dans les couloirs, et dévalent les marches quatre par quatre. Quitte à s'exploser la tronche sur le sol. Evidemment, ça nous arriva. Mais pas comme on l'avait prévu...
Alors qu'on arrivait aux dernières marches, on a sentit le bâtiment trembler. On s'est jeté au sol, pour éviter de se prendre un morceau du plafond dessus. J'ai vu le menton de Dakota heurter le sol, alors que moi, c'était mes genoux qui amortissaient le choc.
« Mec, tu vas bien ?! » m'écriai-je à l'attention de Dakota, qui était à présent inconscient.
Bordel, quel con. C'était pas le moment. Je le tirai jusque sous la cage d'escaliers où je l'abritai, avec moi. Dehors, j'entendais les cris de tous les étudiants. Je pense qu'il y avait aussi quelques membres du personnel. La panique était totale, normal, dans le Minnesota, on n'a pas l'habitude des tremblements de terre... Quant à moi, je sentais surtout mes genoux à l'agonie. Je jetais de temps à autre un regard au blond qui semblait dormir paisiblement à côté de moi. J'étais calme. Trop calme. Peut-être la douleur que je ressentais à ce moment précis m'empêchait de paniquer ? Non. Si j'avais dit ça, j'aurai menti. Je n'en avais rien à foutre. Un tremblement de terre, ça arrive couramment, un peu partout dans le monde. Seulement, cette université n'était pas très solide (vu l'activité sismique du Minnesota, ce n'était pas bien étonnant), d'où notre sympathique jeté dans les escaliers.

Le temps passait sans que rien ne cesse. Au moins, on n'était pas en retard pour rien. Les cris continuaient, autant que les secousses. Je jetais de réguliers coups d'oeil à mon téléphone, pour regarder les minutes défiler. Je n'avais plus de réseau. Angel ne pouvait pas me contacter. Comment ça se passait à l'extérieur ? Je n'en savais trop rien, et ça m'était égal. Dakota commença à bouger, récupérant peu à peu conscience. Ça attira mon regard. Il était sonné, et ne semblait pas très bien. J'crois qu'il captait rien en fait. Je le laissai reprendre ses esprits, pas la peine de le brusquer, c'est loin d'être fini à mon avis. Je fermai les yeux, tout en pliant et dépliant mes genoux, afin de faire passer cette douleur infernale qui commençai sincèrement à me faire déboulonner. Je ne savais même pas si j'allais réussir à me relever. Je commençai à remonter mon pantalon. Mais c'est trop chiant à ce niveau là les baggys. On va le faire à la masculine. Je commençai à déboucler ma ceinture, quand Dakota me regarda stupéfait.
« -Qu'est ce que tu fais ?
-Je regarde mes genoux. »
C'était évident, non ? Je fis tomber le vêtement jusqu'à mes chevilles, pour découvrir des genoux bleus, ayant triplé de volume. Merde. J'avais mal, et même si ça semblait vouloir légèrement me soulager, je savais que l'enflure était loin d'être normale et passagère. Dakota me dévisageait, choqué. J'aurai bien aimé lui dire que vu ce qu'il lui était arrivé, il ferait mieux de la fermer, mais lorsque j'ai ouvert la bouche pour lui parler, j'ai seulement pu hurler la douleur que je ressentais. Je me suis mis à pleurer. J'avais mal. Il me regarda, surpris. En dix ans d'amitié, il n'avait jamais vu mes larmes couler, même malgré les nombreuses blessures que j'avais pu me faire.

Il a posé une main sur chacun de mes genoux, comme s'il voulait attiser la douleur. Putain ! Il va les retirer oui ?! C'est encore plus horrible lorsque quelque chose se trouve dessus ! Pendant un instant, j'ai cru qu'il se vengeait de quelque chose. Je ne savais pas pourquoi, mais je crois qu'il éprouvait du plaisir à me voir souffrir. Je commençais à haleter tant la douleur était vive. Ma tête tournait, et je crois bien qu'il aurait suffit d'une seconde de plus pour que je perde connaissance. Heureusement, il a retiré ses mains. Un grand soulagement parcouru mon corps, et mes genoux avaient tant soufferts du fait que Dakota appuie ainsi dessus, que je ne ressentais pratiquement plus rien. Je comprenais alors l'origine de son geste, et laissait échapper un soupir, avant de lui adresser un petit sourire reconnaissant. Je remontais rapidement mon baggy.

On pouvait entendre les bâtiments s'effondrer dans des bruits sourds, tout s'écroulait. C'était comme si on se retrouvait dans un film apocalyptique, les zombies en moins quoi. Dakota n'allait pas bien, son regard était porté sur la porte close, tandis que ses mains cherchaient désespérément quelque chose à massacrer, pour calmer son angoisse. Je détournai mon attention, pour me replonger sur cette porte qui mènerait sûrement à l'Enfer une fois ouverte. J'avalais bruyamment tant ma gorge était serré, et je tirai sur le col de mon tee-shirt. Ce haut aurait dû me valoir des regards de travers, le fait d'être catalogué parmi les « anarchistes », considérés comme les lépreux de cette putain de section. Il n'aurait pas dû me servir d'antistress pendant que j'attendais la mort qui forçait les portes du bâtiment.

On s'est regardé avec Dak'. Je me rappelle de ce que je lisais dans ses yeux. Il avait peur. Peur de ce qu'il pouvait trouver dehors. Je m'en fichais. J'avais envie de sortir de cet endroit à présent, mais je craignais de ne pouvoir me relever. Seul notre respiration saccadée par tous ces événements brisait le silence pesant qui régnait entre nous, alors que tout ce qu'on avait à dire, nous le faisions avec les yeux. Il prit appuie sur ses mains, et s'est relevé. Je l'ai vu vaciller. Le coup sur le menton avait été bien violent, je me demande même si il ne se l'est pas fracturé. Quoi qu'il en soit, il a l'air bien trop préoccupé pour penser une seconde à la douleur de son corps. Il me tendit la main. Je le regardai pendant ce qui me paru une éternité. Je la saisi, pour me relever. Mes genoux claquèrent, et Dak' me soutenu pour ne pas que je tombe. Pendant un instant, c'était le néant. Il m'aidait à marcher. Je n'arrivai pas à le faire seul.

Putain, quand on s'est approchés de ces portes, mon cœur s'est mit à battre plus rapidement que jamais. Je ne sais pas pourquoi. Quel était ce sentiment étrange ? La peur. Je me redressai. Tant pis, je devais me supporter, seul. On avançai notre main en même temps, pour pousser les deux portes, et découvrir le monde extérieur. La lumière m'éblouit, comme le matin dans notre maison de vacances. Je cachai mes yeux avec ma main, et je me suis rappelé de l'histoire du Big One. Non, cette connerie ne pouvait pas être vraie, encore moins dans le Minnesota !
« Oh putain. » a lâché Dakota, stupéfait.

Il me fallu beaucoup de temps pour m'habituer à la lumière qui stimulait ma rétine. Lorsque l'image devint nette, je cru avoir à faire à une illusion. Ce qui me fit comprendre que c'était bien réel, c'est la main de Dak' qui était venu se saisir du bout de ma manche, en soupirant d'une façon lasse. Quand je me suis tournée vers lui, j'ai pu remarquer qu'il pleurait. Je passai instinctivement mon bras autour de ses épaules. Je le protégeais comme ma vie. Il était comme mon petit frère après tout. Ma main serra son bras.
« Aller mec, on va retrouver Angel. » lui soufflais-je.

Je fermai les yeux, pris une grande inspiration, et j'affronté la réalité. L'université totalement détruite, les arbres déracinés, la terre mutilée, les bâtiments éventrés, et les corps sans vie des perdants. La vie est un jeu, sauf que tu n'as pas de seconde chance. L'échec ? La mort. Je me saisit ensuite de la main du blondinet, avant de la serrer. J'entendais les brimades des autres, dans ma tête.  « Baaah, des pédés. » « T'as vu ? Ils sont gays. » Pour une fois, ça m'a fait rire. Non, je n'aimais pas les hommes. Dakota était juste la personne la plus chère à mes yeux. Mon protégé.

J'avance. A chaque pas la douleur est de plus en plus vive, et me suscite de lourdes inspirations, comme si cela set à quelque chose...
on enjambait de nombreux corps sans vie. Chaque fois, les doigts de Dakota se resserraient sur ma main. Je le sentais tressaillir derrière moi. Les bâtiments en ruine, comme s'il s'agissait d'une université fantôme lui donnaient la chaire de poule...
« Viens, on va aller voir à l'intérieur, il y a sûrement des survivants. »
Il a répondu par un simple « Hm. » Je ne savais pas ce que ça voulait dire, mais j'avais envie de savoir si nous étions les seuls encore vivants. Alors, je pris ça pour un oui.
Le bâtiment m'effrayait. Je ne savais pas ce que je pourrais apercevoir dedans. Je crois, que j'avais peur de retrouver Angel morte. Je ne sais pas pourquoi. Je n'avais jamais ressenti ça.
Bordel, que j'ai mal.
En poussant la porte, je pu entendre un cri. Je ne savais pas vraiment s'il s'agissait d'un cri de joie ou de détresse. Quoi qu'il en soit, cela prouvait qu'il restait des gens vivants par ici, et c'était le principal. Dakota a aussi été rassuré. Je sentis par ailleurs son étreinte se desserrer lentement, et le sang couler de nouveau dans ma main, qui en avait été privée durant toute la traversée de la cour.
Une fois les portes ouvertes, nous avons pu voir l'intérieur du bâtiment, et particulièrement ces quelques têtes qui dépassaient de la cage d'escaliers. Ça me fit rire. Intérieurement. Les apercevoir nous scruter ainsi était hilarant. Mais, parmi toutes ces têtes, aucune ne m'était familière... Pas de trace d'Angel... Je crois que Dakota a posé son regard sur moi. Je crois qu'il voulait lire qu'elle était encore vivante dans mes yeux. Je ne lui ai accordé aucune importance. Je ne voulais pas le décevoir. Je le senti tressaillir, alors je me tournai vers lui. Je le trouvai penché en avant. Il a vomit et j'ai passé ma main dans son dos, pour le réconforter. Tous ces événements en plus du choc lui tournaient la tête. C'était normal après tout.
« L'infirmerie est pas la droite. M'a indiqué une petite voix féminine. »
J'hochais la tête en guise de remerciement, et j'attrapai Dakota par le bras, avant de me diriger vers ladite infirmerie. A chaque fois que mon pied touchait le sol, le plus délicatement possible évidemment, je sentais des décharges remonter depuis mon genou. J'eu envie de frissonner de nombreuses fois, mais je serrai juste les dents. Dakota avait besoin de quelqu'un de stable.

Je cru franchement avoir à faire à un parcours militaire, avec les morceaux de toit partiellement détruit. Je faisais attention de ne rien déplacer. J'avais vu un bras en-dehors des décombres un peu plus tôt, mais pas Dakota. Je ne voulais pas qu'il voie de telles choses à nouveau. On parvint finalement à l'infirmerie. J'ouvris la porte, sans cesser de soutenir Dak. La pièce était plus ou moins bien conservée. Seules quelques étagères étaient renversées, et leur vitre brisées. J'assis Dakota sur le lit. Il posa ses coudes sur ses genoux, et appuya son front contre ses paumes. Ses doigts se crispèrent. Je crois qu'il pleurai, mais je n'y prêta aucune attention. Je relevai une armoire pour tenter de trouver quelques médocs.
« Ja... Jared ? »
Je levai la tête, surpris, scrutant tous les coins de la pièce. C'était une voix féminine. Je me relevai, certes avec du mal, mais tout de même.
« Angel ?! »
Pas de réponse. Et personne d'autre que Dak et moi dans la pièce... Personne … Je repris mes recherches parmi les débris de verre. Mes mains tremblaient. La douleur me détruisait. Malgré tous mes efforts, je perdis connaissance.

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