Bis repetita

boulbi

Un autre texte écrit à l'occasion d'un atelier d'écriture. La consigne : écrire en utilisant tout ou partie d'une liste de dix mots.

   Ses yeux s'ouvrirent lentement, s'adaptant petit à petit à la lumière éblouissante. Il se réveilla péniblement. Avec lui des douleurs. Dans les jambes, le dos et surtout dans la tête. Quel mal de crâne il se payait ! Groggy mais peu surpris, il découvrit l'endroit où il avait apparemment passé la nuit. A première vue, il se trouvait à quelques centaines de mètres d'une ample zone commerciale, plutôt banale. Des hangars abritant des grandes enseignes, des ronds points en veux-tu en voilà et, dominant l'ensemble, un gigantesque batiment sans fantaisie sur lequelle reposait en lettres géantes le mot "Auchan".


   Mon Dieu ! Où avait-il atterri cette fois encore ? Il ne reconnaissait rien, au milieu du terrain vague où il reprenait doucement ses esprits. Un seul moyen de le savoir : aller voir de plus près et demander aux braves gens s'ils en savaient plus. Il se mit en route. Alors qu'il avançait d'une démarche vacillante, il arriva à une barrière blanche, en métal, censée à priori l'avertir qu'il quittait le terrain vague pour un nouvel espace de jeu. Et en effet, derrière cette barrière, en contrebas, passait une route à 2x2 voies. "Curieux emplacement tout de même pour une barrière !" se disait-il. En tout cas cela devenait compliqué. Mais pas impossible ! Il se décida à traverser la route, le plus vite possible, sans réfléchir, ça passerait mieux ! Et puis cela lui permettrait de se dérouiller.


   Il commença à descendre le haut talus quand, peu sûr encore de ses mouvements, il trébucha et roula comme un tonneau jusqu'en bas, venant se fracasser tout entier contre la barrière de sécurité en béton. Cela n'aida pas son mal de crâne mais force était de reconnaître que sans elle cela aurait pu mal finir. Positif, il se dit qu'il était en veine. Il grimpa la masse de béton, atterrit sur la bande d'arrêt d'urgence, fonça vers le terre-plein central, presque les yeux fermés. Essuyant quelques coups de klaxons et sans doute quelques injures, il arriva au centre de la voie. Quelle rapidité et quelle dextérité ! En tout cas c'était l'impression qu'il avait de lui-même. Les caméras de surveillance de la route devaient être d'un autre avis. Il effectua la deuxième partie du chemin de la même façon, sans une égratignure et sans causer d'accident. Un miracle !


   En montant le talus, il se trouva pile en face d'une des nombreuses entrées de ce temple de la consommation qu'est l'hypermarché. Du moins il était sur le palier de la galerie marchande qui le précédait. Il y rentra sereinement se disant qu'il aurait bien besoin de se nourrir et de se rafraîchir, avant de commencer son enquête. Il ne fit pas dix mètres qu'il s'arrêta net, les sens en alerte. L'odeur de tabac froid, de cacahuètes grillées, le bruit du verre qui tinte, le brouhaha des badauds au comptoir, les rires de bons vivants, le Rapido en boucle sur les écrans de télévision ... Tout cela lui était familier. Il entra alors d'un pas décidé dans ce charmant petit tabac-PMU, qu'il jugea de très bon goût. Immédiatement des bribes de moments passés firent irruption dans sa tête, curieusement moins douloureuse. Il avait la bouche pâteuse et se rappela qu'il était vital de s'hydrater régulièrement. A quand remontait sa dernière gorgée ? Allez savoir ! Ne voulant pas négliger sa santé, il commanda un Ricard, "pas trop noyé !" précisa-t-il, en fin connaisseur qu'il était. Au bout de quelques gorgées, il se surprit à penser : "Bah mon petit vieux c'est pas comme ça que tu vas retrouver ton chemin !"


   Puis, en y réfléchissant, il ne se souvenait même pas quel diable de chemin il devait chercher ! Il décida donc de passer la journée à "La bonne vie" et de s'en remettre à demain !

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