Black Trombone

Lucien Ginsburg

Né le 2 avril 1928, à Paris. île de la Cité, maternité de l'Hôtel-Dieu (4e)

Famille d'immigrants juifs ashkénazes -d'origine russe (Ukraine)

Paris. 35, Rue de la Chine (20e)

Le père, Joseph Ginsburg. Pianiste de cabaret    Constantinople (Turquie), 1896 - 1971

La mère, Brucha Goda Besman  Théodosie (Crimée) 1894 - 1985. Olia ou Olga. Chanteuse mezzo-soprano

1919. Joseph et Olga fuient la guerre. Ils quittent Odessa (Ukraine), s'exilent en Géorgie, puis Istanbul. 25 mars 1921, ils débarquent à Marseille. Ils s'installent à Paris  

Joseph enseigne le piano à Lucien puis l'oriente vers la peinture. Lucien suit Joseph dans les concerts où il joue -stations balnéaires. Arcachon, Deauville, Cabourg, Le Touquet

« Tout jeune garçon, j'étais timide et romantique. Je ne suis devenu cynique qu'au contact de mes prochains qui m'agressaient sur ma laideur et sur ma franchise »

1940. Lucien est inscrit à l'École normale de musique de Paris, 114 Bis Boulevard Malesherbes (17e)

Seconde Guerre mondiale. Lucien porte l'étoile jaune. « Je suis né sous une bonne étoile… jaune ». « Une étoile de shérif »

Septembre 1944. Après la Libération, retour à Paris. Lycée Condorcet, 8 Rue du Havre (9e). Lucien abandonne peu avant le bac

Académie de Montmartre (peinture). 4 Boulevard de Clichy (18e)

5 mars 1947. Académie de Montmartre. Lucien (19 ans) rencontre sa future première épouse, Lise Levitsky (21 ans. Née en 1926), fille d'aristocrates russes émigrés. Mannequin et peintre. Proche des surréalistes, secrétaire de Georges Hugnet. Poète, écrivain, dramaturge, graphiste et cinéaste   1906-1974

1948. Courbevoie, Hauts-de-Seine. Caserne Charras, 99 Rue Jean-Baptiste Charcot. Lucien (20 ans). Service militaire, 93e Régiment d'Infanterie. Souvent "au trou" pour insoumission. Alcoolisme (vin). Il apprend à jouer de la guitare

Mairie du Mesnil-le-Roi, Yvelines. 3 novembre 1951 - 1957 (six ans). Mariage avec Élisabeth (Lise) Levitzky

1958. Jusqu'à trente ans, Lucien vit de petits métiers. Professeur de dessin, de chant, surveillant

Peinture. Dadaïsme, Francis Picabia -"Jésus-Christ Rastaquouère" (1920)

Francis Picabia   1879-1953. Peintre, poète, pamphlétaire. Entreprise systématique de négation de l'art. L'œuvre phare de Dada à Paris. Livre iconoclaste, scandaleux, dans lequel sont mis à mal les concepts les plus sacrés. Dédié "à toutes les jeunes filles"

"Qui est avec moi est contre moi."

“Ne travaillez pas, n'aimez pas, ne lisez pas, pensez à moi ; j'ai trouvé le rire nouveau qui donne le laissez-passer. Il n'y a rien à comprendre, vis pour ton plaisir, il n'y a rien, rien, rien que la valeur que tu donneras toi-même à tout.”

Obsession esthétique. "À Rebours" (1884), de Joris Karl Huysmans    1808-1889

Le dandy, retranché du monde. Jean des Esseintes : torpeur, langueur, névrose du XIXe siècle finissant. Angoissé, grotesque, pathétique. Loin de la réalité, Jean des Esseintes cherche des sensations rares, des plaisirs nouveaux, jusqu'à l'hallucination, la folie

1884. Barbey d'Aurevilly écrit. "Après un tel livre, il ne reste plus à l'auteur qu'à choisir entre la bouche d'un pistolet ou les pieds de la croix".

1952. Chambre à la Schola Cantorum de Paris (5e). 269 Rue Saint-Jacques. Lucien répare le piano, en mauvais état. Au fond d'un placard, Lucien et Elizabeth découvrent une porte. Salle de concert. Des groupes de jazz américains enregistrent leurs disques. Lucien observe

1954. Crooner de piano-bar dans les casinos des villes côtières. Le Touquet Paris-Plage -Club de la Forêt du restaurant Flavio. Deauville

Paris, cabarets ; Madame Arthur, un cabaret transformiste. Montmartre, 75 Bis Rue des Martyrs (18e). Lucien compose quelques chansons pour la revue du cabaret

Perdues : Zita la Panthère. Meximambo. Tragique cinq à sept

Lucien remplace parfois le pianiste -son père, Joseph

1954. Lucien dépose ses titres à la SACEM. Pseudonyme, Lucien Ginsburg. Julien Gris. Julien Grix

Avril 1957. "Serge Gainsbourg". "Serge" évoque la Russie. Les voyelles « A » et « O » ajoutées sont une réponse aux enseignants de sa jeunesse ; pour souligner devant ses camarades son origine judéo-russe, ils écorchaient son patronyme    "Ginsburg"

Cabaret Milord l'Arsouille. 5 rue de Beaujolais (1er). Boris Vian écrit et interprète des textes provocateurs, drôles, cyniques. Loin des vedettes du moment,

Dario Moreno. Chanteur d'opérette et acteur turc   1921-1968

ou Annie Cordy. Meneuse de revue et actrice belge   1928-1920

1955. Serge est engagé comme pianiste d'ambiance par Francis Claude, directeur artistique du cabaret Milord l'Arsouille. Serge accompagne à la guitare la chanteuse Michèle Arnaud

1957. Pour voir ses toiles, Michèle Arnaud et Francis Claude vont chez Serge. Ils découvrent ses compositions (partitions mises en évidence par Lise et Serge). Le lendemain soir, Francis Claude pousse Serge sur scène. Mort de trac, il interprète son répertoire

5 janvier 1958. Jacques Canetti, directeur du théâtre des Trois Baudets, 64 Bd de Clichy (18e). Directeur artistique des Disques Philips. Serge chante au Trois Baudets et dans les tournées que Jacques Canetti organise -Jacques Brel, Guy Béart, Raymond Devos. Denis Bourgeois, l'adjoint de Canetti chez Philips, aide Serge à percer dans le disque

Serge compose de nombreuses chansons, une revue musicale

Il abandonne la peinture ; contre l'avis de Lise qui l'incite à persévérer, il détruit ses toiles

Lise perd son bébé. "Quand j'étais enceinte, je suis tombée un jour dans l'escalier et je l'ai perdu."

Serge, séducteur effréné. "Monstrueusement infidèle." Serge s'éloigne de Lise, lassée

Octobre 1957. Divorce

« Le jour de notre divorce, nous avons décidé de fêter notre rupture. Nous avons alors acheté une bouteille de champagne et nous avons été à l'hôtel Madison, à Saint-Germain-des-Prés. Après l'avoir bue, on a fait un mariage gitan : il a brisé la bouteille et on s'est tailladé la main afin d'échanger nos sangs. »

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Serge est musicien autodidacte

Dès ses débuts en 1958, il est médiatisé. Mais comme interprète, le succès est long à venir. Vingt années. Grâce au reggae -"Aux Armes et cætera"

Jamaïque, Kingston, janvier 1979. Enregistrement en cinq jours. Célèbres musiciens jamaïcains -Sticky Thompson, Sly Dunbar, Robbie Shakespeare (Sly & Robbie). Les choristes de Bob Marley -les I-Threes

Philips, sa maison de disque ne le lâche pas. Pendant des années, il touche un pourcentage de débutant. Il ne dépasse pas le budget alloué pour ses albums, qu'il enregistre en quelques jours. Comme auteur-compositeur, il est profitable : "Poupée de cire poupée de son" (1965), "Les Sucettes" (1966), pour France Gall

Serge a un goût sûr dans la direction musicale et sait choisir ses collaborateurs. Importante dans ses chansons, la contribution des orchestrateurs et des arrangeurs est essentielle dans ses musiques de films

Serge crée la trame mélodique, les thèmes principaux. Ses assistants finalisent le projet. "Son Gainsbourg"

Sur les pochettes de disques, arrangeurs. Sur les dépôts Sacem, co-compositeurs

Les arrangeurs rompent avec Serge dans un climat orageux, fait de frustrations

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La griffe jazzy (arrangeur 1958-1964)

Alain Goraguer, né en 1931

Son nom est associé aux grands noms de la chanson française -Serge Reggiani, Boris Vian, Boby Lapointe, Jean Ferrat, Serge Gainsbourg

1956.Go-Go Goraguer. Jazz, bel album en trio

1958. Les débuts musicaux de Serge sont marqués par un éloignement du style « Rive Gauche », à la mode. Couleur jazz. Serge souffre de sortir ses premiers disques, à l'âge de trente ans

Alain Goraguer, parfait collaborateur. Plus jeune de trois ans que Serge, il joue du piano, du violon, écrit des musiques de films, compose pour Boris Vian  

Goraguer arrange les six premiers albums de Serge, jusqu'à "Gainsbourg Percussions" (1964). Ils signent ensemble plusieurs musiques de film, parmi lesquels "L'Eau à la bouche" (1960)

1963. Goraguer arrange les chansons de France Gall. Remarquée et primée (grand prix du Concours Eurovision de la chanson 1965), l'orchestration de "Poupée de cire poupée de son".  Goraguer est « l'arrangeur » par excellence. Il renouvelle les orchestrations

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Michel Colombier (arrangeur 1965-1968)

Sur les conseils d'Alain Goraguer, Serge Gainsbourg rencontre Michel Colombier. Plus jeune (né en 1939), sa palette musicale va du jazz au rock. Couleur Brésil. "Pop", milieu des années 1960, « pop »

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Jean-Claude Vannier, né en 1943 (arrangeur 1969-1973)    

Décembre 1968. Jean-Claude Desmarty, directeur artistique chez Philips, présente Jean-Claude Vannier, à Serge  

« Je savais que Serge s'était fâché avec Alain et Michel, mais cela ne me faisait pas peur ».

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1958. Du Chant à la une ! …

Premier album studio. Vinyle 10" (25 cm)

Remarqué lors de sa sortie par Boris Vian, le disque se vend à quelques centaines d'exemplaires seulement

Notes de la pochette arrière. Marcel Aymé. Écrivain, dramaturge, nouvelliste, scénariste et essayiste    1902-1967

« Serge Gainsbourg est un pianiste de vingt-cinq ans qui est devenu compositeur de chansons, parolier et chanteur. Il chante l'alcool, les filles, l'adultère, les voitures qui vont vite, la pauvreté, les métiers tristes. Ses chansons, inspirées par l'expérience d'une jeunesse que la vie n'a pas favorisée, ont un accent de mélancolie, d'amertume, et souvent la dureté d'un constat. Elles se chantent sur une musique un peu avare où, selon la mode de notre temps, le suivi du rythme efface la mélodie. Je souhaite à Serge Gainsbourg que la chance lui sourie autant qu'il le mérite et qu'elle mette dans ses chansons quelques taches de soleil. »

Cet album est particulièrement connu pour le titre Le Poinçonneur des Lilas. Le premier tube de Serge.

J'suis l'poinçonneur des Lilas

Le gars qu'on croise et qu'on n'regarde pas

...

Parfois je rêve, je divague

Je vois des vagues

Et dans la brume au bout du quai

J'vois un bateau qui vient m'chercher

...

Y a d'quoi devenir dingue

De quoi prendre un flingue

S'faire un trou, un petit trou, un dernier petit trou

Un petit trou, un petit trou, un dernier petit trou

Et on m'mettra dans un grand trou

Et j'n'entendrai plus parler d'trou, plus jamais d'trou

De petits trous, de petits trous, de petits trous

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Juillet 1959. Serge Gainsbourg N° 2

Deuxième album studio

Enregistré du 12 mai au 4 juin 1959

Jazz

Pochette de l'album. Serge Gainsbourg assis. Une cigarette à la main droite, aux côtés d'un bouquet de roses rouges et d'un revolver, posés sur une table

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5 avril 1961. L'Étonnant Serge Gainsbourg

Troisième album studio  

Studio Blanqui, Paris (13e). 94 Bd Auguste Blanqui. Enregistré du 8 au 14 février 1961 et du 6 au 16 mars 1961

Trois adaptations de poésies

La Chanson de Prévert

...

Jour après jour les amours mortes

N'en finissent pas de mourir

Avec d'autres bien sûr je m'abandonne

Mais leur chanson est monotone

Et peu à peu je m'indiffère

A cela il n'est rien à faire

...

Passe l'automne vienne l'hiver

Et que la chanson de Prévert

Cette chanson "Les feuilles mortes"

S'efface de mon souvenir

Et ce jour-là mes amours mortes

En auront fini de mourir

*

23 mai 1962. Serge Gainsbourg N° 4

Quatrième album studio. Vinyle, 25 cm

Studio Blanqui, Paris. Enregistré du 14 au 28 mars et du 3 au 16 avril 1962

Œuvre de transition. La « période bleue » de Serge n'est pas terminée. Le jazz prédomine encore (Quand tu t'y mets, Black trombone). La musique classique n'est pas loin -Les Goémons

Rythmes latins -Baudelaire, Les Cigarillos, Ce grand méchant vous

Twist -Requiem pour un twisteur. Intoxicated Man, proche de "Je bois", 1955, de Boris Vian

Serge cherche sa voie

...

Black trombone

Monotone

Elle se donne

À demi

Nue, frissonne

Déraisonne

M'empoisonne

M'envahit

...

C'est l'automne

De ma vie

Plus personne

Ne m'étonne

J'abandonne

C'est fini

*

1963. Gainsbourg Confidentiel

Cinquième album studio

Enregistré du 12 au 14 novembre 1963

Serge rencontre le guitariste Elek Bacsik et le contrebassiste Michel Gaudry. Album empreint du jazz d'avant-garde qui plaît à Serge mais qui jamais, ne lui permettra d'accéder au succès

Le disque se vend à 1 500 exemplaires

A la sortie du studio, Serge déclare : « Je vais me lancer dans l'alimentaire et m'acheter une Rolls »

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7 janvier 1964 - 1966 (2 ans de mariage). Serge a 36 ans. Mariage avec Françoise-Antoinette Pancrazzi (33 ans), "Béatrice". Née le 28 juillet 1931. Annaba, Algérie

1953, précédent mariage avec le prince Georges Galitzine

8 août 1964. Naissance de Natacha

Août 1966. Jalousie. Divorce

Brève période de réconciliation

Avril 1968. Naissance de Paul / Vania

Octobre 1967. Séparation

Ainsi, Serge a quatre enfants

de Françoise-Antoinette Pancrazzi. Natacha (née en 1964) et Paul (1968. Il a peu connu son père)

de Jane Birkin. Charlotte (1971)

de Bambou. Lucien "Lulu" (1986)

Lointaines relations Natacha et Paul / Charlotte et Lulu

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26 octobre 1964. Gainsbourg Percussions

Sixième album studio

Studio Blanqui. Enregistré du 5 au 10 et 16 octobre 1964    

Saxophone ténor et saxophone soprano, Michel Portal. Né en 1935, jazz

Orgue, Eddy Louiss. 1941-2015, jazz

Nouvel échec, plus important que l'album précédent "Confidentiel". Dernière collaboration avec Alain Goraguer. Serge se dirige vers des horizons plus Pop

Alain Goraguer, arrangeur musical. « Nous avons fait cet album. J'en garde de merveilleux souvenirs, nous nous sommes amusés comme des fous, surtout quand on montrait aux choristes françaises comment prendre des voix de négresses un peu aiguës. En dehors d'un sax et d'une guitare rythmique, sur certains morceaux, ce ne sont que des percussions ».

Serge Gainsbourg. « L'art abstrait a fait éclater la peinture : quand en musique on fait éclater les formes, il ne reste que les percussions, au désavantage de l'harmonie. […] Pour réaliser ce disque, j'ai emprunté des rythmes africains et si je les utilise de manière abondante, ce n'est pas une concession à notre époque. Il faut une forme qui lui corresponde et le rythme la caractérise ».

Sans l'indiquer dans les crédits, Serge reprend trois chants de l'album Drums Of Passion (1959) du percussionniste et activiste nigérian Babatunde Olatunji   1927-2003

Caractérisé par les polyrythmies des percussions. Serge change les paroles. 1986, il est condamné à rendre ses droits à Babatunde Olatunji

"Joanna"

est adapté de Kiyakiya ou Kay-Ya-Key-Ya (Why Do You Run Away?)

"New York USA"

est adapté de Akiwowo ou Ah-Key-Woh-Who (Chant to the Trainman)

"Marabout"

est adapté de Gin-go-lo-ba ou Jin-Go-Low-Bah (Drums of Passion)

"Pauvre Lola". En arrière-plan musical, le rire de France Gall (27 ans)

Serge reprend la chanson Umqokozo (A Children's Game Song About A New Red Dress) écrite et composée par la sud-africaine Miriam Makeba   1932-2008

Chanteuse d'ethno-jazz, militante politique sud-africaine, naturalisée guinéenne dans les années 1960, puis algérienne en 1972. « Mama Afrika »

The Many Voices of Miriam Makeba (1962)

Miriam Makeba n'a pas cherché à faire valoir ses droits