Bloodhound : A Naomi Wyatt Adventure Chapitre 3
jeffzewanderer
La maison se trouvait bien à l’endroit que le barman avait indiqué. Avisant la fenêtre entrouverte à l’étage, les bandits en conclurent que leur proie était bien là. Ils traversèrent la rue en échangeant sourires entendus et plaisanteries salaces. De tous, Randy parlait le plus fort, décrivant avec force détails les supplices qu’il allait infliger à la jeune serveuse « pour se faire la main ». Il était en pleine description d’une torture apache lorsqu’une détonation l’interrompit net. Il s’effondra comme une masse, un trou bien net entre les deux yeux et l’arrière du crâne réduit en miettes.
Le reste de la bande se figea un instant, perplexe, contemplant le spectacle morbide du cadavre de « Rabid » Randy Bolton, sans bien réaliser ce qui venait de se passer. La voix de Naomi les tira de leur stupeur.
- Il y en a autant pour le premier qui essaie de toucher à son flingue ! leur lança-t-elle depuis la fenêtre de la maison de Rose, une winchester en main.
Les sept survivants dirigèrent leur regard sur elle.
- Espèce de… commença « Bloodhound ».
Naomi tira encore une fois, ce coup-ci à ses pieds.
- Surveille ton langage devant les dames, Trent !
Profitant de cet échange, Jarett Winston, qui était resté à l’arrière du groupe, essaya de dégainer discrètement. Naomi l’abattit d’une balle en plein cœur avant qu’il ait fini de sortir son revolver.
- Si vous êtes suicidaires, c’est votre problème ! reprit la chasseuse de prime. Mais j’en ai rien à faire de vous. Celui que je veux, c’est Marvin. Les autres peuvent partir s’ils veulent. Enlevez juste vos ceinturons !
- Et Randy ! Il pouvait partir, lui aussi !? s’exclama Hank Gray, un autre des bandits.
- Parce que tu veux me faire croire qu’il se serait rendu ? répliqua Naomi, ironique.
- Putain ! J’y crois pas ! explosa Marvin. Arrêtez de discutailler et dégainez tous ensemble ! Elle pourra pas tous nous descendre !
- Ouais, mais elle en aura au moins un, intervint Barney Hart. T’es volontaire, Marv ?
- Barney, sale lâche !
- J’suis peut-être un lâche, mais j’suis pas un idiot. Tu vaux pas qu’on meure pour toi, « Bloodhound », alors, va te faire foutre !
Sur ces mots, le bandit déboucla son ceinturon et le laissa tomber à terre, avant de s’éloigner d’un pas résolu. Une nouveau coup de feu retentit et il s’effondra après quelques mètres, abattu dans le dos par Marvin.
- Voilà pour les traîtres ! cracha celui-ci, son revolver encore fumant à la main.
- Salopard ! hurla Will Price en dégainant à son tour, imité par son cousin, John Conway.
La fusillade commença dans un chaos indescriptible, chaque camp essayant de se mettre à couvert tout en voulant abattre ses adversaires. Marvin, Scott Breeland et Hank Gray, se réfugièrent dans l’atelier du forgeron, à côté de chez Rose. Will et John se cachèrent tant bien que mal derrière un abreuvoir de l’autre côté de la rue.
Depuis la fenêtre, Naomi contemplait la scène, l’air mi-figue, mi-raisin. Elle avait sous-estimé la bêtise de Trent, et surtout n’avait pas prévu qu’il réagirait de façon aussi irrationnelle. Du coup son plan ne se déroulait pas exactement comme elle l’avait prévu. Tant pis, il faudrait bien que ça fasse affaire.
Les deux camps échangeaient les balles et les insultes avec un enthousiasme qui n’avait d’égal que leur inefficacité. Naomi aurait volontiers donné un coup de main aux deux défecteurs derrière leur abreuvoir, mais, depuis sa position, elle ne pouvait pas atteindre Marv et ses fidèles. Et cet idiot l’avait complètement oubliée. Elle désespérait de trouver une solution quand l’occasion qu’elle guettait se présenta enfin.
Marvin, furieux, tenta une sortie, couvert par ses complices. Prenant soin de ne pas le toucher, Naomi tira plusieurs coups rapides juste devant lui. Surpris, le bandit s’arrêta en catastrophe, évitant la chute de peu. Il regagna son abri, moitié courant, moitié trébuchant, poursuivi par les balles de John et Will. Ecumant de rage, il vida son revolver dans la direction approximative de la position de Naomi.
- Et alors Trent ? Tu ne sais pas danser ? lui lança la jeune femme depuis la maison.
- Pétasse ! hurla-t-il en réponse. Je vais te crever ! T’entends ! Te crever !
- Putain, Marv! s’écria Hank à son tour, tu crois pas qu’y a plus urgent, là ?
- Ta gueule ! Couvrez-moi ! J’vais me la faire !
Sans plus attendre, il s’élança, rasant la façade de l’établissement du forgeron puis de la maison pour ne pas laisser d’angle de tir à la chasseuse de prime. Arrivé à la porte, il entra précipitamment, se laissant presque tomber à l’intérieur. Il inspecta aussitôt la pièce où il se trouvait. Un salon. Tout ce qu’il y avait de plus classique, un couloir, menant probablement à la cuisine, et surtout un escalier.
Il le monta à grandes enjambées. A l’étage, il y avait encore un couloir le long duquel se trouvaient plusieurs portes. Il n’eut aucune difficulté à deviner laquelle donnait sur la pièce où la chasseuse de prime devait se trouver. Il s’y dirigea à pas de loup et s’apprêtait la défoncer d’un coup de pied quand les paroles de Randy lui revinrent à l’esprit. « Elle attaque par derrière ». Et dire qu’il avait failli tomber dans le même panneau. Se forçant à se calmer un peu, il rechargea son arme (une autre bourde évitée de justesse) et se positionna bien en face de la porte. Alors il tira rapidement trois coups à travers le bois, à hauteur d’homme, puis la défonça d’un coup de pied mais se garda bien d’entrer.
Il resta immobile, le colt fumant, juste le temps de constater qu’il n’y avait personne de visible, puis se mit à l’abri dans le couloir, plaqué contre le mur à côté de la porte, un peu en retrait.
Couchée sur le dos, le long du mur, sa winchester pointée vers l’entrée, Naomi essayait de se calmer. Elle s’était jetée au sol après le premier coup de feu. Heureusement que « Bloodhound » n’avait tiré que dans la porte et pas à travers le mur. Sinon, cachée comme elle était, juste à côté de l’entrée, elle y serait passée. Et maintenant elle était coincée. Séparée de Trent uniquement par un mur trop fin pour arrêter les balles. Au pire elle pourrait toujours s’en sortir comme ça, ayant à priori plus de munitions que son adversaire. Mais elle ne s’était pas donnée tout ce mal pour en arriver là. Il lui fallait « Bloodhound » Trent vivant. Sinon elle l’aurait juste abattu dans la rue un peu plus tôt, à la place de « Rabid » Randy.
- Alors, pétasse ? lança Marvin à cet instant, tu fais moins la maline maintenant ! C’est plus dur quand on ne peut pas frapper par derrière, hein ?
- Amène ta sale gueule, tu verras que j’ai pas besoin que t’aies le dos tourné ! répliqua-t-elle.
- J’crois pas. J’suis bien, là. Dans pas longtemps mes gars auront buté les deux autres traîtres. Alors ils me rejoindront. Avec de la dynamite. Ça te plairait, ça, pétasse ? A moins que tu te rendes. Là, on serait plus gentils. Qu’est-ce que t’en dis ?
« Que tu me prends vraiment pour une conne » pensa la jeune femme. Mais ça ne résolvait pas le problème. Pourtant il devait bien y avoir une solution. En bas la fusillade faisait toujours rage. Sauter par la fenêtre était donc inenvisageable. C’est alors que, parcourant la pièce où elle se trouvait du regard, elle avisa une cruche en terre cuite dans une bassine en fer posée sur la commode, probablement destinée à la toilette. Une idée germa dans son esprit. C’était risqué, mais elle n’avait pas d’autre choix. Aussi silencieusement que possible, elle alla chercher la cruche avant de regagner son abri.
- Trent ! appela-t-elle.
- Ouais ?
- T’as gagné. Je me rends. Ne tire pas, je sors.
- C’est ça, prends-moi pour un con ! Balance d’abord ton arme dans le couloir. »
- OK.
Elle s’y était attendue. De toutes façons, la winchester lui aurait été inutile, et ça endormirait un peu la méfiance de son adversaire. Elle fit donc glisser son arme sur le sol.
- Voilà, dit-elle.
- Ton revolver maintenant. Et me dis pas que t’en as pas !
- Ok, ça vient.
Naomi prit la cruche dans la main droite et dégaina son revolver. Puis elle s’accroupit, prête à bondir à travers la porte. Enfin elle lança la poterie et, juste au moment où celle-ci disparut dans le couloir, elle tira. La poterie éclata en mille morceaux. En même temps, Naomi plongea en avant. Elle atterrit dans le couloir en glissant sur l’épaule.
Marvin était désorienté, un bras levé devant les yeux par réflexe et son arme pointée vers l’endroit où avait dû se trouver la cruche avant d’éclater. Naomi tira à nouveau. La première balle manqua sa cible. La seconde toucha Marvin en plein dans l’épaule droite. Le choc le fit tituber et il lâcha son arme avec un cri de douleur. Naomi se releva prestement tout en gardant le bandit en joue.
- C’est fini, Trent. T’as perdu.
Mais « Bloodhound » Trent ne l’entendait pas ainsi. Son cri de douleur se mua en hurlement de rage et il se jeta sur la jeune femme, trop vite pour qu’elle puisse réagir. Il la renversa et le choc lui fit lâcher son arme. Utilisant son poids pour la plaquer au sol, il la saisit à la gorge de sa main valide et serra. L’étreinte était trop forte. Même à deux mains, Naomi n’arrivait pas à la desserrer. Elle avait du mal à respirer. Dans un geste désespéré, elle frappa de toutes ses forces l’épaule blessée de Marvin. Celui-ci eut un mouvement de recul et relâcha sa prise avec un nouveau cri. Se démenant tant qu’elle pouvait, Naomi pivota sur le côté, tentant de se dégager. Elle aperçut alors la winchester juste à sa droite. Sans hésiter, elle la saisit par le canon et frappa à l’aveugle. La crosse alla s’écraser contre la tempe de Marvin. Il s’effondra comme une masse.
Naomi resta quelques instants allongée, écrasée par la masse du bandit, soulagée.
Puis, ayant repris ses esprits, elle se libéra et le ligota avec la corde qu’elle avait prise avec elle. Dehors, la fusillade touchait à sa fin. Un dernier coup de feu retentit, suivi par le bruit d’une fuite effrénée, en enfin un silence total. La chasseuse de prime jeta un coup d’œil prudent par la fenêtre et put ainsi constater que trois nouveaux cadavres jonchaient la rue, en plus de ceux de « Rabid » Randy et Barney Hart. Elle ne savait pas à quel camp appartenait le dernier survivant, et pour être honnête elle s’en fichait. Elle avait obtenu ce qu’elle voulait. Ainsi, alors que les habitants terrorisés commençaient à re-pointer le nez à la fenêtre et que le sheriff arrivait enfin, Naomi sortit de la maison, traînant son gibier toujours inconscient derrière elle. Elle se dirigea vers la prison.
* * *
La chasseuse de prime passa le reste de la journée à régler les derniers détails de cette affaire, remplissant avec le sheriff la paperasse qu’entraînait inéluctablement un tel bain de sang. Le soir vint plus tôt qu’elle ne l’aurait cru, et la jeune femme reprit donc une chambre au « Cat’s Paw », que le malheureux Joe essaya en vain de lui faire payer double, en compensation de ses déboires. Mais le barman trouva finalement une autre source de réconfort. En effet, cette nuit là le saloon se révéla bondé. La nouvelle de la fin du règne de « Bloodhound » Trent s’était répandue comme une traînée de poudre et tout le monde voulait voir celle qui avait réussi cet exploit. Naomi fut traitée comme une reine et se vit offrir tournée après tournée. Les rires et les vivas résonnèrent jusqu’au petit matin.
Le lendemain en fin de matinée, elle passa à la prison récupérer son prisonnier. « Bloodhound », solidement enchaîné, écumait. Stan Dudley, par contre, semblait bien joyeux. Comme si un poids avait été levé de ses épaules. Il avait même préparé un cheval qui servirait à transporter le bandit. Naomi le remercia une dernière fois et s’en fut.
Elle et Marvin avaient quitté Golden City depuis près d’une heure, lorsque ce dernier parla enfin :
- Pourquoi j’suis encore là ? demanda-t-il.
La jeune femme lui adressa un regard interrogateur.
- Vivant, j’veux dire, continua-t-il. Pourquoi tu m’as pas descendu dans la rue, alors que t’avais une occasion en or.
- Tu vaux plus cher vivant. 500 dollars, c’est 500 dollars.
- Te fous pas de ma gueule. Personne risque sa peau comme tu l’as fait pour 500 malheureux dollars.
- Alors disons que c’est parce que tu es réclamé à Houston et que je n’avais pas envie de trimballer une charogne puante pendant trois jours.
Marvin se contenta de grogner.
- Et puis, comme ça, on peut causer, reprit Naomi après une pause.
- Ah ouais ? Et de quoi pétasse ?
- Je ne sais pas moi… De la « esperanza del desperado » par exemple…
To be continued…