Brandon Poll (extrait)
lucphilogyne
Ce texte est la propriété de Jean-Marc Lamothe dit Luc Philogyne.
Ce mardi-là, Estelle voulut s’emparer de son portable avant de récupérer son pass de transport. Ce qu’elle fit. Puis dévalant l’escalier avant d’affronter la fraîcheur automnale puis d’attendre patiemment que le bus daigne se pointer à la station de l’église de Franconville. Le ciel était bien dégagé, l’air semblait plus que frais pour une avant-veille de novembre. La voiture de son père, une berline française de couleur noire métallisée qui suscitait l’admiration des voisins – ou la jalousie, va comprendre - stationnée, l’ado de petite taille aux cheveux châtain dont les lunettes rondes conféraient une attitude d’intello de la bande, justifiée car Estelle était excellente élève, jugeait alors qu’il n’était pas l’heure de chercher celui-ci dans le coin. Estelle et Nadia se connaissaient depuis très longtemps, depuis la fois où elles s’étaient croisées plus d’une fois dans les couloirs de leur collège. Les filles ne s’étaient jamais adressé la parole jusqu’à que Pallas, amie d’Estelle depuis l’enfance puisse faire la connaissance de Nadia lors d’un séjour linguistique à Londres. Elles avaient débuté les présentations sur un fou rire quand un camarade de classe s’était mis en tête de déguster un dessert typique du pays puis dont l’estomac n’avait pas encore toléré les subtilités. Estelle, Nadia et Pallas s’étaient découvert pas mal de points communs outre la mode, la musique, les garçons et … Brandon Poll. Quoique Brandon Poll n’occupait pas tant la vie de la ravissante Pallas. Seize ans, née de parents Equatoriens, dont la maman semblait être bien née, tant elle et son compagnon avaient déjà bien vécu un peu partout dans le monde occidental et civilisé, selon ses dires, avant de poser définitivement, peut-être, leurs valises. Car la mère de Pallas avait un penchant pour la France.
- Non mais, t’as vu l’heure ??? hurla la mère d’Estelle lorsqu’elle ouvrit sa fenêtre
- Quoi encore ? j’attends Nadia, là… calme-toi, s’il te plaît, maman…
- Et ton père, il est où celui-ci
- Qu’est-ce que ça peut te foutre murmura t-elle sans qu’elle eut besoin de parler plus fort
- Où est ton père ?
- Je ne sais pas, maman…
- Je ne pourrais pas dire ça à ma mère, même en catimini, même si elle devait me prendre la tête, pensa Nadia, en dévisageant son amie
- Bon, je n’ai pas le temps, j’y vais puis arrête de hurler… arrête de hur-ler !
- Mais où est-il, cet abruti ?
- J’ai mes clefs, je ne rentre pas avant six heures, d’accord ??
-
Aucune réponse, la fenêtre se referma.
- C’est ça, pétasse, referme ta fenêtre, je me demande comment le daron peut encore te supporter, sale pute… Après toutes les bonnes notes que je te rapporte après toutes ces années, crevarde…
Nadia étouffa un rire mais eut un peu de peine à soutenir la réaction d’Estelle. Au bout du fil, ce n’est pas évident puis Nadia appréciait son amie malgré cette différence d’éducation. Bruno et Nassera ne l’auraient admis, de toute manière.
- Allô Estelle, t’es encore là ?? Estelle ? Allô ?
- Ouais, j’t’entends, Nadia, attends, un détail à régler avec la daronne… je vais te rappeler…
- Non, laisse je te vois de toute façon, je me rapproche de l’église, ne bouge pas, je viens…
Avant qu’Estelle ne raccroche, Nadia eut un mal fou à réprimer un fou rire.
- Nan ! Toi aussi, tu t’y mets ?
- Mais non, mais c’est nerveux, arrête. Eh mais, comment tu parles à ta daronne, c’est abusé…
- Ouais, ouais… Elle m’ prend la tête, t’imagines pas. Bon, tu le ramènes quand, ton cul ?! Eh ma vieille…
- Mais pourquoi tu parles comme ça à ta daronne, sérieux ?
- Cette conasse trompe mon père. T’as compris ? Ma mère cocufie mon père. Elle croit qu’avec ses manigances, elle croit tromper tout le monde. Trop con, cette meuf.
- Tu n'y es pour rien et ton père non plus.
- Je ne m' monte pas le bourrichon pour cette histoire mais c'est son attitude de celle qui n'a pas grand' chose à se reprocher. Ca, ça a le don de me faire chier.
- Ah…
- Tu l'accepterais, toi que ton père trompe ta mère, devant vous comme ça ?
- Non, mais, c'est pas pareil, Estelle. Enfin, je crois. Les miens ne sont pas mariés et ils ne devaient pas vivre ensemble… mon père refait toujours sa vie, non stop… D'ailleurs, Il ne réussit pas à garder une femme avec lui…
- Didi, les hommes, les femmes, c'est le bordel. Les hommes sont tous pareils, pas un pour rattraper les autres. Les femmes, c'est la même. Quand un gars bien tombe sur un cas comme celui de ma da-ronne… Toujours le même schéma, le gars paie les pots cassés. Parfois, je ne sais pas à quoi pense mon père, Didi. Moi, de mon côté, je fais semblant comme lui, pour lui.
Un léger trémolo dans la voix se fit sentir.
- J'ai quinze ans. Toute ma vie, je n'ai jamais vu mon père lever la main sur cette garce. Souvent des engueulades, quoi de plus de normal. Mais le jour, fit-elle, un rictus qui contrastait avec son visage de première de la classe, où il l'apprend – tôt ou tard – s'il se fâche pour de bon. Elle la méritera, sa putain de correction. Jusqu'à présent, il fermait souvent sa gueule mais un jour, c'est elle qui la fermera pour ne plus l'ouvrir devant lui. Crois-moi.
Un ange passa puis Estelle bouscula sa meilleure amie :
- Alors, petite fille, tu veux que je t'attrape par le short ou quoi ? On fait quoi ? Je te cherche un gars. Allez ! Un gars de vingt-cinq ans, c'est bien ça, un majeur, fini les gamins !
- T'es folle…