Bribes en vrac
Cécile Johanet
Est-ce que tu connais la lumière des pays froids ?
C’est pâle.
Les murs, le ciel, les gens s’accordent sur les mêmes tons… tons pastels qui tournent vers le gris bleu.
Surtout au matin.
Les passants passent dans cette immobilité. Parce que le froid paralyse à l’extérieur et à l’intérieur.
Même le cri du gamin reste en suspens comme si c’était une stalactite en apesanteur.
Sans odeur.
Tu connais la lumière des pays chauds.
Le soleil se lève en premier et attaque. Il fait vibrer les murs et les couleurs arrachent les yeux. La chaleur descend et enveloppe les corps, le sable, la terre.
L’asphalte bout.
Le cœur s’excite mais les passants flottent comme des ombres qui fuient.
L’odeur du carburant transperce le nez ou bien est-ce celui des plantes en décomposition ?
On peut voir l’air qui essaie de souffler.
●
Dis moi pourquoi un virtuose de la flûte traversière ne récolte-t-il que deux ou trois euros après avoir jouer un quart d’heure dans le wagon d’un métro ?
Simplement, discrètement, il rentre dans le wagon et doucement il jazzifie les indifférents sur des airs connus et inconnus et doucement, il crée un moment de grâce.
Mais les gens des pays du Nord ne savent peut-être plus ce qu’est la grâce.
Je veux dire la vraie grâce. Pas celle de Miss France. Celle de l’instant, dans un métro, dans la rue.
Le musicien qui mendie respire la grâce. Il est jeune et a le sourire simple.
Nous n’avons été que deux à lui donner une pièce.
Nous étions trente assis, debout.
●
A- Moi je ne suis pas compliqué, je cherche une femme simple, gentille, tendre et attentionnée.
C’est tout. Je ne demande pas plus. Ce n’est pas compliqué, quand même…
B- Finalement, peut-être que si. C’est compliqué.
A- Franchement, je ne suis pas très exigeant.
B- Parce qu’on a tous une histoire, on est tous compliqués. On a tous des cicatrices. Les gens simples, gentils, tendres, attentionnés, ça n’existe pas. Ce sont ces gens là qui sont les princes et les princesses des contes de fées.
A- Alors on se cherche entre gens compliqués ?
B- Oui, mais on ne le sait pas, on se croit toujours plus simples que ce qu’on est. Et on cherche des robots au cœur de poupée.
A- Et pour finir, les faibles iront avec les forts et les forts avec les faibles.
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Tu sais, le beau existe… Je sais que peut-être tu as oublié ou tu n’as pas connu, mais il existe. Raccroche toi à cette idée : le beau existe.
Ton but dans ce déluge d’horreurs et de violence gratuite sera de trouver le beau. Il doit forcément être quelque part.
Assieds-toi. Respire. Ecoute et sélectionne les petits bruits qui plaisent à ton oreille autour de toi. Peut-être approcheras-tu du beau.
Prends une douche, sens l’eau fraiche couler sur ton corps, détendre tes nerfs.
Fais l’amour. Et penses-y.
Fuis cette terreur, cette boucherie, cette tension permanente et réfugie toi dans ce qui te fait vivre. Réfugie toi dans le beau du quotidien.