BRULEZ-LE

Eclat De Nuire

Inès,

Il y a un temps, je n'en aurais rien fait. Qu'importe, au fond, le mépris qu'on porte. Qu'importe. Il y a un temps. Rien fait. C'est fini.

Inès, vous étiez dans un café. Je suis chez moi sur une table morte, à écrire comme un dément sur une feuille molle humide d'une encre qui tache. Dans le silence. Dans le silence crasseux poisseux dégueulasse de la solitude crasseuse poisseuse dégueulasse. J'entends des voix qui m'égrainent de petits mots de gens que je ne connais pas. J'entends des mots de vous, aussi, illuminant le vacarme.

Mais tout ça disparait. Fini. Terminé le poète calme et lyrique. Terminé l'immuable beauté des choses entre ses lignes. Terminé l'honneur du silence après chaque page, je veux un bruit de bombe après chacune de mes phrases. Fini l'orgueil du silence snob foireux qui d'un ton très mondain explique à ma place ce qu'est Oskar. Terminé cette fausse modestie qui me hurle tout fort son mépris. Je veux ressentir dans mon  nom toute la brutalité de ce k intrus que j'y ai introduit, à la place même d'un c pleutre et mou qui s'y était affalé. La pluie de nos deux masques qui s'étend lentement sur le sol de la ville. Peut-on vraiment espérer?


Il est un problème. Ce cas là n'est qu'un gros et niaiseux problème de fond. Là, ici. Entre les lignes figées et creuses des automatismes républicains, ressentir toute l'horreur de notre vie lugubre et vide. Rayée. Stupide. JE DÉBORDE.

Je déborde sur la table, je strie de noir encre le brun du bois vieux. Je grave. J'écris TROP LOIN sans doute, plus loin, TROP LOIN certainement. Je sonne le glas de la normalité. Terminé. On tourne la page. Je n'y écrirai que la vérité, amen, la stricte vérité de mes vices les plus profonds car je suis ainsi: un monstre fait d'une mécanique passagère et capricieuse, qui s'installe et change, puis rouille et se fige. Terminé. On tourne la page.

A l'aube de cette nouvelle vie que je m'apprête à écrire, je tremble un peu devant le dégoût que je vais inspirer - pas de vous, ma chère,  des autres - qu'importe. Avant, j'en aurais rien fait. Maintenant, JE SUBLIME. Qu'importe le narcissisme égotique dangereux et anti-moi du Dr Freud, de ses obsessions qui ne sont pas les miennes, JE SUBLIME. Passons aux choses d'intérêt.

J'ai rêvé d'un grand jour sombre où sur les murs de briques étaient étalées de grandes affiches sur lesquelles souriait le portrait d'un grand prêcheur de pape coiffé de sa tiare ridicule, et son rictus de puissance gravé sur son visage de vieillard. Comme la plaie aux lépreux. Pendant que j'achevai de coller la dernière, en lettre capitale, en dessous du visage sénile, je lu "BURN HIM!"

Notre pape qui êtes aux cieux, que votre nom soit oublié, que votre ombre s'efface, que votre corps pourrisse dans les cendres de votre bûcher, voyez maintenant pauvre prédicateur de quoi est fait le paradis: de charbon et de douleur.


Je m'y suis retrouvé, oui, nu dans cette église de Dieu, debout sur l'autel de sang à baiser comme un chien la haute figure du Christ, à laisser jouir dans mes mains ce corps de vin et d'hostie que d'autres avant moi ont violé sans lui donner la débauche et le plaisir. Oui, J'aime.

J'aime cette jouissance de sodomite négrophile prohibé par le grand seigneur père du monde. J'aime encore plus cette pornographie episcopale, ces prêtres hypocrites qui font goûter aux enfants les douceurs de l'enfer, à ces bambins mignons détruire plus que le corps, de l'innocence au plaisir, détruire.


J'aime ces corps subversifs et beaux qui s'entrechoquent avec violence et domination, ces corps qui se domptent, qui s'arrachent au sol pour aller plus loin dans la transgression de l'état humain, égaler Dieu, sinon plus : établir dans ma tête la généalogie d'une nouvelle religion. Je vénère l'absurde talent qu'ont ces acteurs à avoir plaisir à la débauche. Oui, j'aime la pornographie de ce que notre terrible pape appelle SODOMITE. J'aime la violence de leurs ébats. J'aime tout ce qui ne plait pas aux prières latines.

Inès, mon corps est de l'hostie, mon sang est du vin, je suis ce nouveaux christ seul, cet antéchrist perdu errant dans les esprits dérangé des cellules vaticanes. Je suis un appel à la débauche. L'appel à la transgression - vois, mon pape, comme ta parole est terminée - par le dépassement de leurs illusions morale, je suis l'ordre salace sans douceur qui fait perdre la tête. Je suis le possédant des esprits prieurs et droits. Je les aurai à coups de reins rageurs. Je les aurai à la jouissance. Je les aurai au crépuscule de leur Dieu crétin inexistant.


JE PRÉFÈRE L'ENFER ET SES GIGOLOS PLUTÔT QUE LE PARADIS ET SES ANGES PIEUX ET CHASTES.

Je les aurai à l'usure de leur mécanique.


Je n'aurais dérangé par ces mots que ces moralistes imbéciles qui hurlent pieusement leur indignation outrée pour mieux cacher la violence crasse de leurs envies pédophiles.

Ceci est mon crime


Ceci est ma voix


suivez, suivez,


Ceci est mon corps de prophète.


Ma croix n'est pas de bois, elle est faite de principes. Les clous dans mes membres pourris ne sont pas de fer ni de rouille, ce sont les crocs indignés des pieuses vipères de Dieu, vous savez, Inès, ces longues soutanes molles, ces longs chapelets de paroles et de sifflements manipulateurs, ces croix qui rient à leur cou décharné. Ces prêtres qui adorent en jouissant ce Dieu d'amour et de viol, qui préfèrent à l'hostie le goût pâle des enfants.

Mais ne croyez pas, Inès, que je reste indifférent à mon supplice: je souffre comme un bon martyr. Mais ne croyez pas non plus, Inès, que je pleure à cette souffrance, car si des larmes coulent, CE SONT DES LARMES DE RIRE.

Oui, moi, l'empire décadent des sens ouverts et violés, le démon outrageux de leur logique désespérée, moi le terroriste mort et mes ailes brûlées, moi le criminel dangereux monstre dément, moi l'antéchrist qui m'esclaffe en me tordant sous les crachats, pendu à ma croix de feu et de principes, je ris.


MAIS CE N'EST QU'UN PREMIER SALUT DE L'ARTISTE.

Inès, si tout se calme c'est que tout a déjà saigné. Je m'en vais poser mon arme sur mon corps endormi, et repartir dans l'attente d'une autre guerre à mener.

Je vivrai.

Je me couche devant la fatigue et la faim, qui sont les deux seules règles auxquelles je me permets de céder.

Bien à vous,

Oskar Cyrus.

PS: J'ai croisé dans l'éther Lady Eve Smith, qui vous embrasse et nous rejoint

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