Buddha Baise

Guillaume Vincent Simon

 

Bouddha baise

 

La réalité m'a quitté

 

 

 

 

 

Black out sur les réalités auxquelles j’étais habitué. Une sorte de raz de marée infernal s’est abattu brutalement sur mes repères. 

 

Je me retrouve à penser à baiser avec un inconnu, du cul pour de cul, une philosophie un peu masochiste, qui me va pourtant si bien, se sentir bien en ayant fait un truc qui ne sert à rien, une sorte de pulsion libidinale qui sert de monnaie d’échange avec les pulsions de mort. 

 

La pensée est mon pire ennemi, elle me vicie et me rend mauvais et détestable, elle n’a eut de cesse de m’enfermer et de me séquestrer dans cette cellule enfumée et obscène, mon cerveau. Perdre la réalité et du coup le seul petit pied sur terre que l’on avait eu tant de mal à avoir est horriblement douloureux. C’est une sorte de coup de couteau bâtard en plein dans le ventre. Un truc sordide et sans vraiment d’intérêt.

 

Mes fantasmes les plus fous se déchaînent et se refoulent les uns aux autres, ils sont comme ces bulles de champagne, insolentes et rebelles, indomptables sauf si on les supprime toutes. 

 

Il faisait beau ce matin là, quand la réalité a semblé me quitter. Les arbres dansaient sensuellement, et le soleil cherchait entre les nuages sa place. Parfois les pensées se succèdent, et provoquent en vous une tempête infâme, qui va vous ruiner. Ce matin là, où tout a commencé, ce matin-là où j’ai quitté la réalité, n’était qu’en fait que le début de ce que j’allais voir, la réalité m’a quitté, et j’ai quitté tout le reste. 

 

- 0 

 

Sa queue minuscule tapait sur mon épaule, la honte m’avait quitté, je ressentais du dégoût, de la répulsion pour lui et aussi pour moi. Le rapport a été inintéressant, stérile, le plaisir absent. Quand les mouvements lancinants et répugnant se sont rapprochés, j’ai espéré qu’il allait jouir, je ne pouvais même pas pleurer, mais j’en avais terriblement envie, alors j’ai fermé les yeux, et j’ai pensé à avant, avant que le réalité ne m’ait quitté. 

La graisse de son ventre flasque courrait du même mouvement que son bassin, je m’étais réduis à rendre le plaisir que chaque personne pouvait espérer avoir. La sueur perlait indifférente à mes regrets et mouillait l’atmosphère d’une odeur de musc âpre - tout comme les images qui défilaient dans mes yeux fermés - celles d’avant, d’un jeune homme souriant et brillant. La laideur a bien un goût. 

 

Les corps qui s’épanchent sans s’aimer, le sexe n’a pas de sentiments. Se détruire en s’enfonçant dans une spirale où l’on se cache loin, où l’on se cache souvent derrière sa propre image. 

Ses petites dents ridicules et jaunes se crispèrent alors, mes yeux baignaient dans la conjonctivite  et les larmes maquillées se refermèrent, son corps flasque et imposant se raidit autant qu’il puisse, je pensais à la mer, à mes amis et aux rires auxquels nous étions habitués, lointains souvenirs qui m’étaient encore chers. 

Il se releva, en me serrant très fort contre ses cuisses mouillées de sueur et de la graisse qui exultait de ses pores, en brandissant sa queue contre mon torse chétif, et lâcha tout ce que ses couilles pouvaient compter de sperme, je fermai les yeux et pensais à ces jours d’été si lointains…j’ai essayé de me retenir de pleurer, et son sourire en disait long - immonde, il était horrible, et je n’avais pas voulu le regarder avant ce rapport, quelque part ce n’était plus moi quand je me suis mis à genoux, et je suis partis le temps de faire ce pourquoi il était venu. Gros, quasiment plus de cheveux, des petits yeux teigneux et graveleux, ce mec puait le perversité et le cul. Oui et pourtant c’était moi, le même qu’il y a un an, le même que celui qui me hante parfois, mais que j’avais tant voulu quitter. Je ne sais même pas pourquoi je ne me suis pas sentis sale, avec tout le dégoût que j’avais pour ce type. Je n’ai plus voulu parler, ma gorge s’était nouée, et mes yeux semblaient ne plus vouloir voir ce moment.  

L’amour n’a pas de prix, le cul si.

 

Une vie dans un verre de lait.

 

Et le matin suivant, je me suis traîné, je ne savais plus vraiment qui j’étais, j’avais cet acquis certain, une brillance ternie par de nombreux doutes, et par d’énormes erreurs. J’étais celui qui n’était plus, une sorte de fantôme qui traînait dans un corps hanté. Je m’aimais, j’ai appris à m’aimer dans toutes les circonstances, même les plus honteuses. J’avais alors décidé de quitter toutes attaches, de laisser aller toutes mes amitiés, comme ces hommes qui pour leur foi quittent leur vie. Moi ce fut pour fuir une secte, un groupuscule à la fois connu, mais dont les mœurs sont inconnus, j’ai voulu éviter de crever, comme tant de gens qui se sont crus heureux et aimé et qui sont morts seuls, et oubliés. J’avais tout quitté, tous ceux à qui je tenais - table rase du passé - mes choses et mes souvenirs sont ce qui me reste. 

 

Ils étaient vieux, laids et terriblement pervers, je les avais rencontré au Carrousel du Louvre. Ce jour là, je devais rencontrer deux types chez eux, j’y suis allé, deux vieux complices gluants et quasiment incestueux, la vieillesse me débecte, celle-ci, j’avais 25 ans, ils devaient en avoir 65, ignobles, j’étais presque obligé, à genoux toujours, un serviteur du vice, à se faire baiser en fermant les yeux, en retenant ses larmes, en pensant à sa vie d’avant, à la misère d’aujourd’hui, à sucer en se retenant de vomir de dégoût et de honte, en doutant de soi encore. La beauté s’achète aujourd’hui, comme tout d’ailleurs. Leurs queues se raidirent, moi j’oubliai l’ignoble acte que j’accomplissais, je me devais d’assumer, comme un pêcheur sa flagellation, moi je me devais de me rabaisser autant, à souffrir de la plus pure abnégation et du plus pur oublis de soi-même, tout ça pour de l’argent, pour l’argent, dont je n’avais pas besoin. 

L’argent a été ma pire rencontre. 

On est au mois de novembre - la nature ne perd jamais ses repaires - et les arbres deviennent rouilles face aux faveurs de l’hiver qui leurs promet un si beau repos. Il fait gris, comme ce que je vois, 

Ma douche me pique la peau, infimes aiguilles, et je n’ai plus de but, mon sacerdoce m’avait eus, par dépit j’ai commencé à aimer ça. Je suis paumé, je n‘ai que faire de mon existence, alors j‘ai décidé d‘en finir. Comme un enfant je vais m’endormir, mais ma mère ne viendra jamais plus me réveiller.

 

 

0- La réalité m’a quitté.

 

Oui, je suis le maître, nous le sommes tous, ceux de demain, comme ça, vautré dans la penche de la facilité et du luxe.

Le ciel est bleu, il n’y a pas un nuage pour gâcher ce moment fabuleux, la sueur rebelle perle sensuellement sur mon torse étendu suavement sur la plage déserte. Oui, je suis le maître, j’ai l’impression d’avoir réussi à dominer le monde.

 

La mer, immensité bleue et bénit, coin de paradis sur terre, pas encore envahie par les autres.

 

On est là, entre nous entre semblable, tous beaux, riches, plein d’avenir, en train de cuver les excès que seule notre classe peut encore se permettre de faire. Aucun souci à l’horizon, je vais fermer les yeux et rêver, oui, rêvasser à d’autres choses encore plus merveilleuses.

 

Le soleil brûle les nuages. L’eau dissout les rancœurs, et nous sommes là, nous l’élite, à ne rien faire, j’aime cette putain de vie, comme ça, un monde scindé en plusieurs classes bien dociles, à qui on a réussit à faire croire que les choses sont telles qu’elles sont, et que le commun des mortels, que nous ne sommes pas, n’y peut rien. 

 

Des moutons écervelés que l’on gave à grand coup de show télé et de produits toujours plus inutiles, qu’ils ne peuvent s’acheter qu’en faisant supporter l’injuste dette à leurs enfants qui n’ont pourtant que 8 ans - Jonathan’ ne fera pas d’étude, car ils ont acheté le canapé en croûte de cuir qu’on a vu à la télé à 2600E. 

 

Une chatte qui frôle l’orgasme sableux. La moiteur de l’atmosphère est délicieuse, notre insouciance bourgeoise gerbante.

Mon esprit s’épanche d’idée que la mer recasse. Mes yeux sont vitreux, ma tête alcoolisée, je suis une vulgaire épave qui s’admire. J’ai envie de baiser, cette chaleur insoutenable, cette langueur interdite à d’autre que nous devons pourtant subir. Le monde ne sert à rien, à part à fournir des fantasmes communs à tous que nous interprétons tous de manières différentes selon notre richesse.

 

On est là, entre amis - on ne fait rien, on rêve - on a tous l’impression de vivre, mais nous n’en savons rien.

 

 

Pulsions.

 

 

La Porsche de Marianne roule trop vite sur la route, il fait nuit, et des gens s’embrassent sur la plage - on est ivre, et heureux.

L’air frappe mon visage, et gonfle ma chemise, les lumières des réverbères me font mal aux yeux - je mets mes Ray bans.

 

La vitesse est un centrifugeur qui agite mon sang et le comprime dans mes yeux, j’ai l’impression de voler au dessus de moi, la musique me comprime les tympans - trop forte - on va en boîte, Pierre jouit, trop rapidement, je fume, j’ouvre encore une bouteille de Vodka, Marianne freine un coup sec, les plouks gueulent car elle a faillit les butter - elle aurait dû - l’alcool me brûle la gorge, mais remplit mon corps en manque d’ébriété. Je rie bêtement.

 

Arriver en boite, la joyeuse bande arrive aux portes d’un domaine qu’ils savent maîtriser, qu’ils connaissent et dont ils ne peuvent plus se passer. 

 

Devant la porte du V.I.P de Saint Trop', le videur me regarde, je passe tout droit, j'entre, et je reluque la teneur de ce lieu qui n’est plus ce qu’il était, mes potes me suivent, et eux aussi sont surpris. La populasse est partout, sauf au carré. 

La musique de l’endroit est fine et me parle, elle veut m’embrasser,mais je la rejète, je vais vers elle, mon cœur lui parle, ils battent de concert, et ronronnent ensemble. Sur la piste, je côtoie les autres sans a priori, suis trop bourré pour ça. Mon corps semble soumis à la pulsation lancinante de la House. Je ris encore, on me regarde je viens de me cracher dessus.

La lumière dessine des faisceaux rouges et ambres, je me sens glauque. Je rêve que je dors et que je rêve - il fait moite ici. Vais au chiotte, tombe dans le trait tout blanc et je m’ouvre la lèvre, je ne sers plus qu'à ça, à côté, un mec gémit comme un phoque,  les chiottes ne servent plus qu’à ça… 

 

Ma chemise est maculée du sang qui est le mien, j'ai l’air con, rejoins mes amis qui disent des choses que je ne veux pas entendre, la connerie est une option très attractive quand on est brillant. Je me vautre dans les sièges en faux cuir, et pause les pieds sur la table où gisent déjà 3 cadavres de bouteilles, Pierre doit encore raconter qu’il a déjà eut une cystite à 14 ans parce qu’il se branlait de trop, et Marianne fume, son cigare, comme une gouine, j’aperçois Lucille entre les jambes de Pierre - on ne sert à rien, mais je les aime. Attrape la bouteille de Roderer - trouve pas de verre - les bulles virevoltent dans mon œsophage, s’éclatent dans mon intestin, et gagnent mon cerveau où elles dansent entre elles, mes yeux sont fous et flous. 

Je me lève et embrasse quelque chose, quelqu’un qui me regarde droit dans mes yeux vitreux- ne le connaît pas.

 

- T’ as pas l’air bien .

- si un peu trop bu, c’est tout

- Louis et toi?

- Maxence. Viens à notre table 

- Ok

 

 

L’oiseau brun du VIP marche droit vers le paradis de la débauche, petit cul moulé dans son Jitrois - le glauque de cette putain de soirée s’en va et laisse place à des charmes encore jamais vu ici.

 

La Porsche est trop petite pour cinq, appèle un taxi.

On arrive à la Villa de Ramatuelle, on discute, ça ne sert pas à grand choses car on est tous ivres sauf lui. J’ai l’impression de dormir soudain une chaleur effroyable me prend, je suffoque et respire bruyamment, me réveille, il est en moi, ma tête tourne et virevolte, les draps sont humides, je ne rêve pas, je jouis, lui aussi. 

 

 

 

 

Le jour se lève à travers les persiennes, la mer est bleu, le ciel est blanc. Mes yeux sont rouges mon cœur s’emballe, la vie est revenue irriguer mes veines pleines de vodka. Il est beau, Marianne et Lucille sont sur la terrasse et Pierre dans la piscine, le soleil tape déjà fort, chaude journée. Le café est trop chaud et la lumière m’éblouit, le tek de la table me brûle les bras, Il me caresse le dos. 

 

 

Dernier jours donc, ne sais pas trop quoi faire avec Louis, je suis un peu paumé, je suis censé rejoindre Amélie à Paris, finir mes études et vivre comme on m’a demandé de vivre.

Je suis un heureux garçon de 21 ans, qui vit en grande partie avec ses amis, dans le 8ème à Paris, tous en droit, tous fils de, on ne se pose pas beaucoup de question sur nous, on représente la future élite, du moins c’est ce que mes amis et moi croyons. On est  à Assas, on est amis depuis l’enfance, et on a surtout le fric en commun, et une futilité nécessaire à notre survie.

 

 

Réflexion.

 

 

Je lui demande s’il veut que l’on se revoit. Il accepte, les jours heureux arrivent.

 

 

La vie douce a continué ainsi, mon esprit s’en est allé un instant avant de retomber dans une réalité bien moins confortable que celle dans laquelle j’avais baignée. Oui, une sorte de retour de flamme très douloureux, sur mon esprit qui s’était oublié avant de se noyer dans les méandres duveteuses de la facilité. 

Je suis revenu à Paris peut être deux ou trois jours après notre dernière entrevue, il y flottait un air désagréable, je commençais à haïr cette ville, son atmosphère et ses gens dont je faisais partie.

 

Je ne me sentis plus vraiment bien avec Amélie. Je ne savais pas vraiment pourquoi je tenais encore tant à ma vie. La valse des jours heureux. Mes parents continuent à vivre indifféremment aux autres, comme des abeilles qui butinent,  leur appartement à Paris ressemble à tous ceux qui lisent Déco magazine. La vie continue, moi je pleure, je conçois ma vie comme un sacerdoce, je ne ressemble à plus aucun de mes amis, désormais je suis seul dans un monde qui m’a été imposé. Je suis leur bombe, je suis infiltré dans le monde que je rêve de détruire. 

 

- Ça va Amélie? T’es pas trop morte avec ton taf ?

- Non, ça va, Maxence, tu viens ce soir chez Hugo? Il fait une soirée dans le Paint house de ses Parents à Auteuil? 

- ouais je pense, y ‘ aura qui? 

- la clique comme d’habitude… 

 

Dans ce putain de café, les gens nous regardent comme des bêtes en cage, ou alors comme si on était deux pauvres en plein défilé Chanel.

 

J’ai terriblement chaud, le soleil à  travers de la vitre chauffe mon bras, le thé refroidit tandis que je regarde l’heure, déjà tard, ma Rolex a une rayure, sa gueule est déformée quand elle tire sur sa Marlboro light, elle a une sale gueule d’ailleurs. Je n’ai plus envie de la baiser. Mes parents vont êtres déçus. 

- bon on se voit tout à l’heure? Vers 22 h 00  chez Hugo? 

- ouais Amélie à tout’, fais attention à toi.

 

La fin Août à Paris, les rues ne sont pas vides, mais elles sont presque mortes, paris pue encore plus l’été. 

Je repense à ce con de Louis qui peut être partout. Ne suis pas PD  puisque que personne ne le sait. Je passe devant la boutique Dior, la madeleine est terne. 

Arrive chez moi rue du faubourg Saint Honoré, ma mère est hystérique la bonne lui a perdu son sac Cox, allez viens maman on va sauter dans la Seine, on pleurera moins comme ça, elle ne me prend même pas dans ses bras, elle pense trop à son sac, le temps ne la pas épargnée, mon père, insensible, placide même, dans son fauteuil, Kant devant les yeux. 

Les couloirs de l’appartement se succèdent, et j’arrive chez moi, mes parents me paient un appartement dans deux mois, je suis dans les cartons.

 Je ferme les yeux sur Heandel et rêve de revoir Louis ce soir à Auteuil, je ne saurais même pas quoi lui dire, car cette poufiasse bonne à enfanter sera là.

 

- Maxence, tu sors encore ce soir? Tu sais que cela fait beaucoup de sortie dans la semaine, tu reprends Assas dans deux semaines je te rappelle…

- oui maman, je le sais ne vous inquiétez pas, mais c’est une sorte de débriefing de nos vacances.

- bien, tu dors là? 

- non je coucherai bien avec le premier venu pour faire chier tout le monde - oui maman je dormirai ici…  

 

Les gens qui passent ont l’air cons, c’est vraiment dommage parce qu’il y en a qui sont très beau. J’ai retrouvé Pierre à 20h00, on va dîner ensemble, j’aime ce mec, il est vraiment fort, il a réussit à me faire oublier un instant la merde dans laquelle mes vacances m’ont mises. 

 

- putain tu l’as vu cette connasse d’Ambre, elle fait la poufiasse sur direct 8, à la météo, son cul cache toute la région PACA, ils ont du refaire un nouveau fond pour gros gabarit, heureusement que son père…

- non mais y ’ a pire, c’est qu’elle sait pas lire, t’imagine avec le prompteur?

- ouais, mais bon elle suce bien, un point en plus, et puis je pense que c’est un peu tout ce qu’ils lui demandent…

- t’es crade…

 

On monte dans sa mini Cooper, direction Auteuil, le moteur est allumé, et mon téléphone sonne, les phares xénons éclairent une poubelle derrière laquelle un clodo dort. On passe place de la Concorde, j’avais envie de butter une dizaine de touriste, je haie Paris en Août!  Justice en CD - because we are your friend you never be alone again - connerie. 

Les champs défilent, les lumières des restos aussi les gens sont flous car on va vite et que la coke m’a défoncée, une envie furieuse d’hurler par la vitre que les gens sont cons et que je suis le meilleur, Pierre me retient, j’ai la connerie, et je me mets à délirer 

 

- putain ils ont fermé les camping ou quoi?

- pourquoi?

- non t’as vu ces plouks, ils ont pas honte, ils devraient se cacher …

 

Une marche arrière sur le trottoir, j’adore comment il se gare, comme une merde, on arrive chez Hugo, on entend la musique de la rue, tout en haut on voit déjà les petites poufiasse en train de délirer et de regarder le monde de haut en se pensant brillante - suceuses - 

 

Putain y’a trop de monde, ça sent le rat crevé. La musique house tendance du moment est joué par un DJ qui a l’air d’être connu, lente et lancinante, les baffles font vibrer les verres. Les faisceaux m’ont toujours rendu plus beau, je regarde autour de moi, il y a Pierre avec deux minettes pas mal mais qui ont l’air très connes, il doit leur parler de sa fabuleuse vie sexuelle, peuplée de pas mal de fantasmes pour très peu de réalité, en fait ça reste un merdeux de 19 ans, je ne peux pas m’empêcher d’enchaîner les verres, tellement ce monde me saoule - l'alcool aussi, ces espèces de connasses de 18 ans qui se la pètent et qui tendent leur petits culs moulés dans leur Diesel taille basse au moindre paumé qui a une belle gueule et une bagniole à 30 000 euros.  

Je regarde autours de moi, j’ai perdu Pierre, je marche vers la terrasse où Ambre est en train de chauffer un mec, j’aperçois ma connasse de copine elle s’est fait belle et s’est coiffé pour une fois - ça va ma chérie, tu t’amuses, tu sais je pense que l’on devrait passer la soirée chacun de son coté, et puis tu viens me voir quand tu pars, ok? - mais Maxence, tu m’as dis que tu me présenterai à tous tes amis? - ouais bah justement ils sont pas là, désolé ( y a que Pierre et il ne parle qu’aux filles baisables, pas aux ovules à féconder sur pattes)

 

Je demande au boy derrière le bar en plexi un verre, un martini dry, j’ai envie de me bourrer la gueule, une fois mon verre à la main, je me balade dans le paint-house d’Hugo, qui encore une fois ressemble au numéro de Intérieur de juin ou "la mode du loft en ville", et là je recroise Pierre dans le jacuzzi avec deux pétasses, il me fait un signe de l’œil,  tout va bien pour lui à priori, j’ai chaud, j’ai le front qui colle. C’est désagréable. 

 

La musique est très forte, les gens ont l’air glauque, super jeunesse dorée, je m’amuse quand même, c’est drôle, je vais au second étage de l’appart, où 4 salopes se dandinent sur une autre musique - trop fashion pour qu’elle me parle, et je croise tous mes potes qui étaient en fait là depuis assez longtemps mais qui se la jouaient bande à part - Marianne   ça va connasse? - et toi Maxence ? - Je pense que ça irai mieux si tu avais mis un col roulé! (elle avait un putain de décolleté,  ses nibards ressemblaient à deux pis de vache écrasées derrière un top méga petit) - pauvre con t’as vu ta gueule? - ouais, bon à part ça tout est ok? Hugo est quelques part? - je pense qu’il est dans la chambre, à priori il va foutre pas mal de monde dehors, y’avait une partouze dans la piaule de ses parents - tu as vu ma sainte de copine? T’as vu elle s’est coiffé? - ouais, mais c’est con que tu deviennes PD (la pétasse, elle ose dire ça, alors qu’elle doit adorer la tarte au poil en secret) - redis pas ça s’il te plait, c’est pas très drôle…

 

L’ambiance était super tamisé, c’est normal que des gens baisaient un peu partout, je retourne au bar, 6ème martini dry, ça commence à tourner sec, je m’en fous, je n’ai que ça à faire, me bourrer la gueule, comme ça si je dois baiser Amélie, je ne m’en souviendrai pas, et puis, ça m’aide à pas tuer tout le monde. 

 

Je crois sentir une main qui se glisse dans la poche de mon Jitrois, c’est une des pétasses que j’avais croisé en train de branler Pierre dans le Jacuzzi tout à l’heure, si elle en reveux la chaudasse je  connais pas mal de mecs qu’en voudraient - t’es qui toi? - Armelle, ton pote Pierre m’a dit que t’étais très sympa et en plus t’es super canon - et tu veux quoi? - boire un verre et après on verra . Ça c’est de la drague, elle a pas froid aux yeux putain, ni ailleurs je pense - bah j’ai pas soif, et en plus y’a ma copine - bah c’est pas grave - non et puis plus tu m’as l’air un peu conne, et j’aime pas baiser les huîtres - et t’es pas cool là, faut calmer - casse toi et va dans les chiottes y’a déjà la queue…

Les gens dans cette soirée sont très cons, et en plus je ne vois plus très net.                      Elle se termine dans une effusion de gerbe et de sperme, j’ai dû confondre les fantasmes que j’avais avec la réalité. 

 

 

 

Le lendemain, ma tête n’avait certainement pas voulu garder des souvenirs de la soirée, les gens « chics » sont les pires. J’ai baisé avec un mec, je pense, il est dans mon lit, finalement je dois être PD. Ma tête virevolte dans un monde d’or, derrière lequel se cache de la merde. Mes yeux ont du mal à rester ouvert, c’est sûr, j’ai pas dormis. Mes cours de prépa reprennent demain. Avant c’était le seul moment de ma vie où je pouvais être naturel, la seule récréation possible. Je n’ai plus envie de voir ces gens qui ont été comme moi et qui aujourd’hui me forcent à être hypocrite. J’ai envie d’être naturel mais finalement je m'en empêche.

 

J'ai besoin d'air.

 

 

entropie.

 

 

Je n'arrive pas à m'assumer en tant que gay, je pense que la vie en règle générale, et surtout la mienne, mon milieu d'origine, mes fréquentations me rendent la tâche impossible.

On est au mois d'Août, et il fait très chaud, moi je grelotte, bêtement de peur de moi même. La routine reprend, mes cours de prépa, avec tous mes potes aussi.

 

On m'a fait comprendre que mon comportement lors de la soirée d'Hugo, à Auteuil avait choqué pas mal de merdeux, j'ai trouvé ça hallucinant, parce ce que niveau attitude je pense que la mienne se résout plus à celle d'une none asociale, qu'à celle  d'un jeune mec éhonté, qui ne respecte plus rien. 

Il est vrai que je ne respecte pas grand chose, mais j'assume totalement mon attitude, et puis merde, c'est quand même hallucinant cette faculté qu'ont ces types de toujours faire la morale, certainement un complexe affirmé d'infériorité, se convaincre soit même avant de convaincre les autres.

 

J'avais enfin déménagé, j'étais rue Saint André des Arts, à Paris, je pouvais enfin crée un univers me correspondant, ne plus voir mes parents, et essayer d'être heureux.

S'en est suivit une grande période où je me suis mis à réfléchir sur ma vie, et mon existence. Je ne comprenais plus réellement mes parents, monstre d'égoïsme pour qui l'affection est achetable comme un carré Hermès.

 

J'ai depuis mes dernières vacances à Saint Tropez revu Louis, c'est ma bouffée d'air, car il ne fréquente pas du tout le même milieu, et on a pas commencé nos rapports sur des liens de qui possède quoi, et la tune ne l'a pas encore pervertit.

 

J'ai tout simplement l'impression de n'avoir aucune contrainte avec lui, de ne vivre le moment que présent, sans se poser plus de question que de savoir où on dîne ce soir, un bonheur simple que je redécouvre, et qui m'a été impossible à Paris, avec de le rencontrer.

Je me suis construit une sorte de monde privé, de petit royaume de simplicité et de sincérité, le seul endroit, la seule personne avec qui je me sens naturel, et avec qui je suis tout simplement heureux, ce qui ne m'était que très rarement arrivé. 

 

Il est venu à Paris me voir, on a passé ensemble une semaine, presque seuls, on a vu que Pierre, mon meilleur pote, qui avait l'air choqué de notre relation, l'altruisme est donc un luxe. 

Ces moments avec Louis resteront longtemps dans ma tête, car avec lui je reprends goût à la vie parisienne, et à la vie en fait. 

 

Depuis cette semaine précise, je me suis vraiment mis à réfléchir sur ce que je voulais faire de moi, de ma vie, j'en ai rapidement parlé à Pierre, qui m'a fait comprendre que je changeais beaucoup trop, surtout à cause « du lyonnais ». c'est vrai que je ne me reconnaissais plus vraiment dans mes relations, ou même dans mes habitudes. Je ne concevais plus la vie comme avant, je n'avais plus les mêmes projets, ni les mêmes envies. Je m'étais certainement creusé un fossé énorme entre moi et les autres, un fossé de doute, ou la terre regorgeait de vieux souvenirs dont je souhaitais perdre la trace. 

Rien plus ne me raccordait physiquement à mes amis de Paris, j'avais en fait le besoin, l'envie d'être seul, pour mieux me retrouver.

 

Au mois d'octobre, j'ai décidé d'arrêter mes études, car je ne me voyais plus faire ça de ma vie, du coup, je me suis accordé un an pour réfléchir à mes projets. 

 

À partir de là, mes rapports avec mes parents, qui ne voyaient qu'en moi, un futur avocat, ou politicien, se sont vraiment dégradés, pour ne se résumer en fait qu'en un chèque par mois, et à l'envoi gracieux de leur domestique une fois par semaine à mon appartement, une sorte de révolution de velours, calmement, tout change, une sorte d'entropie latente et silencieuse, mais efficace, et certainement irréversible. 

 

Mes amis et moi étions en train de consumer nos derniers moments, en se prenant la tête sur des conneries, je ne les comprenais plus du tout, et j'éprouvais bien plus de plaisir à être seul qu'être avec des gens, dont la seule respiration me gênait. 

 

J'ai donc décidé presque naturellement de ne plus les voir, et de faire un break. Louis et moi, par contre c'était unique, je me sentais vraiment bien et je n'avais que lui en tête, toutes les minutes. 

On a passé comme ça presque 9 mois, de bonheur quasi-parfait, et au mois de Juin, j'ai décidé de quitter Paris, pour aller m'installer à Lyon, vers lui. Je voyais dans ce départ une seconde naissance, je ne savais toujours pas ce que j'allais faire dès Septembre.

Toutes les chances étaient de mon côté pour faire de ce déménagement une chance inouïe de vivre différemment, de profiter d'un amour  vrai, sincère sans limites sociales. 

 

J'avais vraiment envie de changer de monde, de vie, je ne me sentais plus bien dans la mienne. 

 

Un système isolé atteint l'équilibre lorsque son entropie devient maximale.

 

Le mois de juin, ses orages, son soleil délicieux, l'espoir d'un été fabuleux.

 

Cette année mes amis n'ont même pas daigné m'inviter avec eux à Saint Tropez, de toutes façons je n'y serai pas allé, je n'ai plus rien à faire avec eux, si ce n'est faire semblant de faire comme eux, me bourré la gueule au VIP, me trouver minable le lendemain, avoir honte de moi, et attiser la haine en montrant outrageusement qui sont les puissants, et qui sont les dindons de la farce. 

 

A Paris, l'été commence aussi comme un rituel, les parisiens partent, fuient la capitale et la laissent à des hordes d'appareils photos et de caméscopes bipèdes, qui l'emplissent comme le sable emplie le sablier jusqu'à satiété. 

 

Je suis presque sur le départ, mon appartement est un vaste champ de carton, et je me vois déjà ailleurs, j'ai trouvé un appartement sur les quais de Saône, à Lyon, dans lequel je dois aménager d'ici un moi. 

 

Je rêve alors de tous ces moments délicieux, presque utopiques, que je vais passer avec Louis, loin de tous ces emmerdements, à ce bonheur presque retrouvé, ou à découvrir, à cette vie dans laquelle enfin j'ai foi, et dans laquelle je veux m'investir, enfin. 

 

Un matin de juin, presque la veille de mon départ, ma sonnerie stridente me réveille, c'était Louis, il avait une voix très bizarre, "Maxence? Je te réveille? - Oui, qu'est-ce qu'il y a, tu n'as pas l'air bien? - En fait, je voulais te dire, ça fait un certain moment que j'y pense, mais je ne trouvais pas le temps, je pense que c'est pas une bonne idée que tu viennes à Lyon - Pourquoi? - On est trop différent, et puis tu sais, ta vie est à Paris, et je pense qu'on devrait aussi en rester là, tu m'envahis je trouve - " Peur panique débile, mon coeur s'emballe, "quoi? Tu veux dire qu'on arrête? Là comme-ça, sans autre raison? - Oui -" il raccroche. 

 

Désemparé, je reste las. Je ne sais plus quoi faire, durant un court instant, je ne savais même plus où j'étais. C'est une comme un brusque séisme, qui surprend tout le monde, et qui détruit tout, y compris des vies.

 

Mes projets, mes rêves, mes envies, tout se retrouvaient éventrés, violemment écrasés contre le mur de mes espoirs, à peine consolidé, pas encore sec, qui du coup est aussi tombé. 

 

Dépressurisation violente, mes yeux, mon cerveau, tout a éclaté. Je suis resté comme ça, muet, dans un comas traumatique profond toute la journée. 

 

J'avais perdu mon nord, mon sud, j'étais perdu au milieu des ruines du monde que j'avais consciencieusement détruis, pour le reconstruire avec Louis. J'étais seul, avec mes angoisses, mes doutes, seul, je m'étais coupé du monde qui était mien, pour mieux vivre le monde que nous construisions ensemble. Seul, sans attache, dans la vaste mer de ma détresse. 

 

Que faire maintenant. Je n'avais plus aucune envie. Je n'arrivai même pas à pleurer, tellement la douleur était profonde et mon malheur évident. 

 

Perdu, tel Orphée, condamné aux enfers, parce que j'avais regardé ce que j'étais avant, ce que je n'aurai jamais dû faire. 

 

Triste été. 

 

Consumation. 

 

Le mois de juillet me brûle, j'ai chaud, mes larmes coulent enfin.

Mon appartement est toujours jonché de carton, j'ai renvoyé la bonne de mes parents. Je ne veux voir plus personne, je hais le monde, ce qu'il représente, ce qu'il m'a fait, et comment il marche. 

 

Personne ne m'appelle, mon téléphone est muet, moi désespéré, je navigue dans ce monde au grès des vent, comme un sac en plastique, qui n'a plus de destiné. 

 

Je pleure encore et toujours, j'en veux à tout le monde de m'avoir trompé, je m'en veux de m'être détruis. 

 

Le mois de juillet passa, le temps coule toujours indifférent aux hommes, mais restent toujours gravées par les entraves du temps les marques de la détresse.

 

Je me hais. 

Le mois d'Août commence, je ressors un peu, je traverse la seine et me promène aux Tuileries, où j'observe en pleurant les enfants qui courent après les pigeons, les groupes de personnes tout sourire aux lèvres. Je me suis tué, mentalement, je me suis réduis à vivre les choses en les fantasmant. 

 

Ma réalité est putride. 

 

Puis un soir, je suis sortis, la première fois depuis que Louis m'a jeté. Je suis allé aux Tuileries, pour baiser. 

 

Je ne voulais même pas avoir de plaisir, je voulais me sentir exister. Me sentir physiquement en train de souffrir, pour me prouver que tout pouvait recommencer. 

 

La jouissance est stérile. Les pulsions physiques sont des pulsions de mort. Je voulais en finir mais je n'y arrivais pas, je n'étais pas prêt.

 

J'avais alors pour rêve que toute cette histoire ne soit jamais arrivé, et je me voyais avec mes anciens amis, comme avant, en train de faire les mêmes choses. Passer du temps à ne rien foutre chez Costes, à se bourrer la gueule au Champagne, et n'avoir comme soucis, que de savoir où on se retrouve ce soir, et que je vais acheter demain. Croire dans une utopie est la première étape du suicide. Moi j'ai fais plus que croire, je l'ai vécu et je vais en crever. 

 

Je retournais alors tous les soirs au Carrousel du Louvre. Pour tousser ma dépression en même temps que ma queue toussait ses glaires blanchâtres. Je me mortifiais, par des scarifications libidinales, à se pousser à grands coups de pied au bord de l'échine de ma mort. 

 

Petit à petit, ma vie se résumait en une éjaculation pourrie de toutes les MST que j'avais chopées, et je ne pensais qu'à baiser, pour oublier ma détresse psychologique. 

 

Être seul au milieu de tout le monde, seul au milieu des autres, sans pour autant savoir à qui parler pour demander son chemin. 

 

Un soir, deux vieux vinrent vers moi et me proposèrent de l'argent en échange de mon cul. Je ne sais pas pourquoi j'ai accepté, j'en suis sûr, pour plus me mépriser encore. Je ne voulais pas mourir, je voulais souffrir. 

 

J'étais comme Icare, conscient du danger, mais comme lui, le soleil m'a brûlé, et je suis tombé dans l'océan de la flagellation. 

 

L'été se termine toujours sous la pluie et le froid. 

 

Le mois de novembre, celui de mon anniversaire, je devais le jours même rencontré un type chez lui, pour qu'il me baise, mais ce matin là, perdu au milieu de mes peurs, de mes ratés, de mon incapacité à faire de moi quelques choses, je n'ai pas pu sortir de chez moi, je suis allé prendre une douche, l'eau se mélangé à mes larmes, puis à mon sang, et petit à petit, ma vie partait, je la libérai enfin, j'avais mal, très mal physiquement, je n'en pouvais plus, je rêvais de mourir, seul, au seuil de la folie.  

Ma douche me pique la peau, infimes aiguilles, et je n’ai plus de but , mon sacerdoce m’avait eus, par dépit j’ai commencé à aimer ça. Je suis paumé, je n‘ai que faire de mon existence, alors j‘ai décidé d‘en finir. Comme un enfant je vais m’endormir, mais ma mère ne viendra jamais plus me réveiller.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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