Business Surprise
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NESS SUPRISE
«Excusez-moi! C'est mon tour !»
Lisa Schlasser du haut de son mètre soixante faisait face à un géant du double de sa taille… Ou disons juste qu’il était plus grand qu’elle. Mais sa journée avait été exécrable et elle avait le droit d’exagérer. Ses deux entretiens s’étaient horriblement déroulés et il ne lui restait que cette chance pour rentrer avec «un espoir» de travail en vue. Alors ce n’était pas cette caricature d’armoire à glace qui allait la faire arriver en retard. La jeune femme se dressa sur ses pieds pour paraître impressionnante et regrettait les cinq centimètres qui lui faisaient défaut.
En attendant, l’homme ne semblait pas se laisser impressionner avec si peu.
Devant le bureau d’accueil, Dan Albrecht ne pouvait s’empêcher de sourire. La première surprise passée, il se rendait compte que cette femme le défiait. Elle n’était pas à proprement parler belle. Petite, des cheveux blonds coiffés en chignon et un tailleur noir. Sûrement une de ces comptables qu’il avait aperçus au quatrième étage, hier. Il continua à sourire. Alors Mademoiselle voulait sortir de son cliché et jouer les guerrières? Mais il était hors de question qu’elle gâche son deuxième jour dans la compagnie!
«Qu’est-ce qui vous fait dire ça, mademoiselle?»
Elle tiqua sous la remarque et son regard se modifia. La lassitude et la fatigue remplacèrent la colère.
«Ecoutez, je suis en retard, stressée, j’ai passé une sale journée tout ce dont j’ai besoin c’est d’un renseignement et je vous laisse ma place.»
Sous le coup, cela le déstabilisa. En une seconde, la guerrière s’était transformée en peluche.
L’hôtesse d’accueil, qui n’avait rien perdue de la scène, s’interposa pour s’occuper, en premier, de la jeune femme.
Lisa essaya de convaincre « Mademoiselle Cassy », comme son badge l’indiquait, de la laisser passer.
«Je sais que j’ai du retard, mais j’avais rendez-vous à 16h et je viens de traverser toute la ville pour venir le voir, SVP….
-Je suis désolée, mais je ne peux pas vous aider. Monsieur Bondert n’est pas disponible. Vous êtes certaine qu’il s’agissait d’un entretien avec lui?»
Lisa secoua sa tête si fort, que son chignon commença à lâcher. Devant sa conviction et après avoir consulté ses fiches, Cassy consentit à lui prendre rendez-vous pour le lendemain matin 9h. Tout en reprenant son CV, elle lui assura qu’elle ferait son possible, malgré tout.
Quand elle se retourna pour partir, elle en avait oublié Armoire à glace. L’homme en question la regardait une lueur d’amusement dans les yeux sombres. Et rien que ce regard réussit à la piquer à vif.
«Quoi encore?»
Dan tiqua à nouveau. Décidément, mademoiselle ne manquait pas de toupet. Non seulement elle bloquait l’accueil, mais en plus elle s’en prenait à lui.. Il ne répondit rien et la laissa passer. Elle ne passa pas les portes, tout de suite. Elle le regarda une dernière fois et lui lança:
«Vous feriez mieux d’être poli si vous voulez réussir dans votre vie.»
Bouche bée, il la vit franchir la porte vitrée et disparaître dans la rue bondée. Il se retourna vers l’hôtesse et se rendit compte qu’elle riait doucement.
«Qu’est-ce qui vous fait rire Cassy?
-Rien Monsieur Albrecht. Veuillez m’excuser. Que puis-je pour vous?»
Lisa n’en revenait pas. C’était bien sa veine de devoir revenir. Folle de rage, elle arpentait les rues de la ville sans même savoir où aller. Finalement, elle saisit son téléphone et composa le numéro de la seule personne pouvant l’aider: Betty. Au bout de trois sonneries, son amie répondit. En résumant par trois mots: «horreur, fatiguée, réconfort», elle réussit à convaincre celle–ci de venir la rejoindre chez elle. Elle poussa un soupir et décida ensuite de rentrer, après tout, rien ne servait de s’apitoyer sur son sort.
Dan pénétra dans le bureau de Loïc, l’image de la jeune femme toujours en tête. Son ami, assit derrière son bureau noir, le fixa un instant et l’invita à s’asseoir. Cheveux blonds, yeux bleus, ils ne pouvaient pas être plus différents l’un de l’autre, même s’ils avaient la même carrure athlétique. Son directeur d’ami lui posa plusieurs dossiers sous le nez, mais malgré l’envie de se mettre au travail, il ne put s’empêcher de taquiner son ami:
«Alors Dan, on traine à l’accueil?»
Sorti de sa léthargie, Dan, leva les yeux vers Loïc et constata que celui-ci se moquait de lui.
«Eh! N’oublies pas que je suis revenu hier!
-Ne te cherches pas d’excuses, va! Loïc sourit à pleines dents. De toute façon, Cassy m’a déjà tout raconté.
-Mais de quoi tu parles?
- Allons ne fais pas l’innocent… On a voulu jouer le goujat dans l’entrée de mon entreprise?»
Dan n’en revenait pas. Cela faisait à peine une demi-heure et le patron était déjà au courant?
«Moi? Un goujat? Dis plutôt que je me suis fait agresser par une tigresse oui!»
C’est ainsi qu’il entreprit de tout raconter. Durant son monologue, Loïc ne cessa de sourire un instant. Quand il eut finit d’expliquer quelle créature l’avait attaquée, et combien il avait été dur de rester gentleman dans ces conditions, Loïc reprit la parole:
«Tu aurais dû l’inviter à dîner!
-Arrêtes! Ce n’est pas le moment de plaisanter. Et si on commençait à travailler?»
En deux heures, ils se mirent d’accord sur les tâches que Dan allait accomplir en tant que directeur adjoint de la Start and Co. Quand ils sortirent du bureau, ce ne fut que pour se retrouver dans un bar à siroter une bière. Dan connaissait Loïc depuis dix ans. Il venait d’une famille aisée et avait apporté un soutien inconditionnel à Dan qui venait d’un milieu plus modeste. Aujourd’hui à 34 ans, il s’en était bien sorti. En parallèle de son partenariat avec Loïc, il avait spéculé en bourse et réussi, malgré le chaos qui avait pu régner dans ce domaine. Financièrement à l’aise, il était parti faire le tour du monde, découvrir des horizons différents, une multitude de femmes… Pourtant lorsque Loïc l’avait appelé il avait tout de suite accepté de revenir. L’inactivité, même dans le luxe, ne lui plaisait pas.
Pourtant, le visage de sa guerrière lui revint en mémoire. Il se demandait ce qui pouvait la rendre si inquiète. Il revit ses yeux sombres, briller de colère. Il osait à peine se demander s’il allait la croiser à nouveau. Non qu’elle lui plaisait, mais il aimait avoir le dernier mot lors d’une confrontation et aujourd’hui, ça n’avait pas été le cas.
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Betty s’affala sur le sofa dès qu’elle pénétra dans l’appartement de Lisa.
« Ma chérie racontes moi tout ! »
Lisa aimait ce trait de caractère chez son amie : franche et directe, elle ne passait pas par quatre chemins pour vous signifier ce qu’elle voulait. Blonde, fine… son amie aurait facilement pu poser pour des magazines. Pourtant la jeune femme se contentait d’une vie de bohème, fortement avantagée par un héritage, qu’elle avait touché quelques années auparavant.
Elle s’assit à son tour sur un coussin, en face de sa table basse et poussa un long et profond soupir. Lisa se tourna vers Betty et lui raconta cette journée qu’elle considérait comme un cauchemar.
Premier entretien ? Raté ! Second entretien ? Le recruteur n’arrêtait pas d’essayer de lui faire des avances. Résultat, elle s’était levée en pleine conversation et avait traversé la ville pour le dernier rendez-vous de la journée.
Betty connaissait sa situation. Lisa cherchait du travail depuis plus de 5 mois et cela n’allait pas en s’arrangeant. Aînée d’une petite famille de trois personnes, dont le père avait cruellement manqué, elle essayait de s’en sortir. Acceptant petits contrats et stages rémunérés, sa situation n’avait rien de facile.
Arriva l’événement de la désormais connue armoire à glace. Quand elle termina cet épisode, Betty ne put s’empêcher de rire.
«Alors comme ça tu as agressé un inconnu? Chapeau!»
Lisa leva un sourcil. La jeune femme s’attendait à un commentaire du genre « c’est un signe du destin », digne de son amie. Et c’est ce qui se produisit:
« Et si ce n’était pas dû au hasard? Tu m’as bien dit que tu avais senti de l’alchimie, en passant à côté de lui?»
Lisa s’interrogea:
«La colère porte un nouveau nom?
- Ne te moque pas! Tu sais que tout est surprise dans la vie, et tu ne sais jamais de quoi sera fait ton lendemain.»
Vint ensuite le couplet sur le yin et yang qui se retrouvent toujours et tous les clichés sur le destin saupoudrés de la magie de l’amour. A la fin de la soirée et après une bouteille vide de vin blanc, les deux amies se séparèrent. Lisa s’affala dans son sofa et repensa à sa journée. Bien sûr, elle s’était moquée de lui, mais il est vrai qu’il était séduisant. Rien que ses yeux, sombres, perçants…Mais il valait mieux oublier tout cela
Chapitre 2
Dan se réveilla de bonne heure. Les traits tirés et la bouche pâteuse lui rappelaient que la nuit avait été courte. Après son début de soirée avec Loïc, il s’était rendu au « Salsa », l’un des bars les plus fréquenté de la ville. Il était rare qu’il terminait ses nuits, seul. D’ailleurs, la femme blonde qu’il avait abandonnée au milieu de la nuit, le prouvait. Bien que charmante, il n’avait pas prévu de la revoir. Cette manière de vivre lui permettait de se concentrer sur l’essentiel: sa vie professionnelle. Non qu’il soit accroché à l’argent, mais il voulait éviter de revivre des fins de mois difficile.
Ce matin, il allait endossé une nouvelle casquette: celle de recruteur. Loïc, spécialiste en la matière, lui avait prodigué des conseils avisés, cela ne l’empêchait pas d’être nerveux pour autant. Tout dépendait de sa capacité à faire un choix judicieux et objectif.
Il entra dans sa cuisine et prépara son café. Au début, il avait acheté cet appartement dans le but de le louer. Mais aujourd’hui il était bien obligé d’admettre, qu’il s’y sentait bien. A quelques pas à peine de l’entreprise Start, il était situé au premier étage d’un immeuble récent. Quant aux meubles, il ne les avait pas choisis. Il avait engagé une décoratrice…très agréable d’ailleurs. Dommage qu’elle n’était pas restée en France.
Il s’assit au bar avec son café et les 4 CV des postulants qu’il n’avait pas eu le temps de consulter le soir précédent. En principe, on recherchait un ou une assistante pour lui. Mais au fond, il savait que Loïc cherchait à assurer ses arrières en choisissant une personne de confiance, au cas où lui, ou même Loïc lui-même, voulait lever le pied. Généralement, l’évolution interne était privilégiée, mais dans le cas présent, avec son retour tonitruant, ils avaient jugé qu’un peu de sang neuf, n’était pas superflu.
Les CV ne comportaient aucune photo. Ainsi, aucune discrimination ne pouvait intervenir, Dan se concentra sur sa lecture. Le premier candidat ne lui plaisait pas. Pas d’expérience, pas de diplôme et comme motivation: «veut gagner de l’argent». Le deuxième était plus satisfaisant, le troisième également. Pourtant c’est en arrivant au quatrième dossier, qu’il crut avoir trouvé la perle rare. Même cursus que lui, plusieurs stages en entreprise et une motivation en béton. Malgré le manque d’expérience professionnel du candidat, en voilà un qu’il se réjouissait de rencontrer.
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Lisa ouvrit un œil, le second et découvrit que le soleil était déjà haut dans le ciel. Elle sortit néanmoins de la chaleur de son lit, pour rejoindre sa salle de bain. Ce matin, pas question de répéter les erreurs de la veille. Elle allait «cartonner» chez Start and Co. Elle avait les compétences, elle avait l’expérience, alors ils ne pouvaient même pas imaginer engager quelqu’un d’autre.
Revigorée par ses pensées positives, elle prépara ses affaires et partit de chez elle. Sa voiture l’attendait devant la porte. Bleue, vieille et cabossée, elle lui réservait souvent des surprises et elle ne préféra pas prendre le risque d’arriver en retard. Alors elle s’engagea dans une longue marche matinale.
Elle arriva devant l’immeuble avec un quart d’heure d’avance. Dans ces conditions, elle ne pouvait que réussir son entretien, non ? Elle allait montrer à ce Monsieur Bondert qu’elle était parfaite. Mais plus la porte s’approchait, plus elle sentait son entrain vaciller. Le doute la reprenait. Pourtant il était hors de question de faire demi-tour maintenant.
Dan arriva par la porte des employés. Il sortit la fiche où était inscrite la salle dans laquelle il devait se rendre et commença instinctivement à paniquer : salle24 B deuxième étage.
Déjà, il connaissait cet étage…. Mais n’avait aucune idée où pouvait se trouver cette salle. L’entreprise avait déménagé dans des locaux énormes et il en venait à regretter leur premier bureau de 20m2. Il poussa la porte du hall en soupirant et se dirigea vers Cassy.
Le hall était immense. Lisa, qui n’avait pas repéré les lieux le soir précédent, s’en rendit compte ce matin. Très haut de plafond, tout en verre, il était très moderne et fonctionnel. Un espace d’attente avec des canapés en cuir à sa droite, des téléviseurs projetant les films publicitaires à sa gauche et devant elle le bureau de la désormais connue Cassy. C’était vers elle qu’elle se dirigea d’un pas décidé lorsque « Boum »… elle cogna quelqu’un, ou plutôt quelqu’un la bouscula.
Sous le choc, elle chancela violemment et fut retenue de justesse, avant de tomber. Elle se raccrocha à un bras qui apparut comme par magie devant elle. Elle s’apprêtait déjà à s’excuser, lorsqu’elle découvrit l’origine du carambolage :
« Vous !
- Vous ! »
Dan n’en revenait pas ! Encore elle ! Décidément, ils avaient décidé de le mettre à l’épreuve ici. A moins d’un coup monté par Loïc ? En attendant, sa « comptable » était là, dans ses bras, et il devait avouer que ce n’était pas désagréable. Malheureusement pour lui, elle se dégagea très vite.
« Vous le faites exprès, c’est ça ???? »
A nouveau stable sur ses jambes, Lisa se sentit néanmoins trembler. Sans doute le choc, ou la surprise… Il n’allait tout de même pas lui gâcher sa journée, si ?
« Moi ? Vous plaisantez j’espère ? Vous avez foncé comme une furie ! »
Un sourire moqueur se dessina à nouveau sur les lèvres de son interlocuteur. Elle fit semblant de ne pas le remarquer et poursuivit :
« Quoiqu’il en soit, je suis pressée, pardon »
Elle essaya de le pousser de côté, mais autant déplacer une montagne. La jeune femme se contenta de le contourner et passa devant lui, au bureau de Cassy. Celle-ci, comme elle put le constater, trouvait la situation fort amusante.
Mais l’hôtesse d’accueil se reprit vite et lui annonça qu’elle devait se rendre salle 24 B au deuxième étage pour son entretien. Elle lui expliqua comment la trouver plus facilement et lui précisa qu’elle devait attendre Monsieur Albrecht. Soulagée, Lisa se dirigea vers les ascenseurs situés derrière l’accueil et ne jeta plus un seul regard à l’inconnu.
Dan n’en revenait pas. Deux fois en deux jours, ça commençait à bien faire. Il secoua la tête quand il vit les portes se refermer sur le tailleur gris et deux fesses. Ouh STOP ! Il était sur son lieu de travail ici et cette personne n’arrêtait pas de l’humilier en public, lui le directeur adjoint.
Il avança vers Cassy, toute sourire, et lui demanda où il devait se rendre. Bizarrement, Cassy ne put s’empêcher de rire. D’ailleurs quand elle eut fini, elle lui souhaita bonne chance. Très étrange. Il se dirigea vers les escaliers évitant ainsi tout risque de recroiser la jeune demoiselle.
Lisa découvrit une immense salle de réunion. Elle n’avait eu aucun mal à trouver, mais maintenant qu’elle voyait l’ampleur du style, elle commençait à se poser des questions. Une grande table rectangulaire trônait au milieu de la pièce. Une table en verre, entourée de chaises noires, tout comme le fauteuil au rez-de-chaussée. Des tableaux accrochés au mur donnaient à la pièce un faux air de salle d’exposition. Durant les derniers mois, Lisa avait vu énormément de pièces différentes, mais celle-ci était la plus somptueuse. Elle se demanda soudain si elle avait bien fait d’entrer, mais que devait-elle faire à présent ? S’asseoir ? Attendre debout ? Dans le couloir ? Finalement, elle prit place au centre de la pièce.
Dan arriva devant la salle tant recherchée. Agacé de ne pas s’en sortir entre les différents niveaux de la société et ne voyant personne attendre devant la porte, il décida d’entrer.
Il n’eut pas besoin de voir son visage pour comprendre de qui il s’agissait. « Comptable malpolie », le retour. Dire qu’il pensait tout miser sur ce candidat...
Lisa se leva et se retourna quand elle entendit la porte se refermer. Plongée dans son anxiété, elle ne l’avait pas entendue s’ouvrir. Elle avança une main engageante et un « Bonjour Monsieur Albrecht» s’apprêta à franchir ses lèvres. Expression qui mourut sur ses lèvres, quand elle découvrit le visage de son interlocuteur.
« Ce n’est pas possible… vous me suivez ?! »
Dan accusa la remarque de plein fouet. Elle ne savait pas qui il était, autant le lui annoncer tout de suite… Il se lança :
« Vous êtes Mlle Schlasser ? »
Lisa le regarda fixement et commença à comprendre. Sans plus de cérémonie, elle s’affala sur son siège et secoua la tête. Aucune chance ici alors ?
Dan n’en revint pas. Pas de salut, pas de main serrée ou d’excuses pour se rattraper. Bien qu’un peu cavalière, la démarche lui plut. Ainsi Mlle Schlasser n’était pas du genre à se laisser impressionner? Pourtant, il la vit ranger ses affaires et faire mine de s’en aller. Pendant ce temps, il s’était déjà dirigé vers la chaise en face de la sienne.
« Où comptez-vous aller? »
Sous la surprise, Lisa leva les yeux, pour la première fois, vers son ex-futur employeur. Sans sourciller, elle lui répondit :
« Ecoutez, je ne pense pas que nous resterons très impartiaux lors de cette discussion. Nous n’avons pas eu un bon départ et j’ai passé assez d’entretien pour savoir, que cela ne joue jamais en la faveur du candidat….»
Elle reprit son souffle et ne lui laissa pas le temps de rétorquer :
« Alors autant gagner du temps tous les deux. Je vous souhaite une agréable journée. »
Et elle se dirigea vers la porte.
Elle n’avait pas fini de le surprendre. Pourtant malgré la vivacité, mal placée, dont elle faisait preuve, il ne put qu’admirer son courage. Il la rappela.
« Mademoiselle Schlasser, je ne vous ai pas demandé de partir il me semble… Or je suis censé vous rencontrer et je dois rendre des comptes, alors, s’il vous plait, venez-vous asseoir….»
Elle se retourna d’un bloc, surprise et hésitante. Pesant un instant le pour et le contre, elle décida, finalement, de retourner à sa place.
Bien que confortablement installée, elle n’avait toujours pas dit un mot depuis deux bonnes minutes. Dan amorça alors :
« Si nous reprenions depuis le début… Je ne vous jugerai pas selon votre comportement avant cet entretien. Et même si vous pensez le contraire, je n’en ferais pas moins mon choix en fonction des aptitudes des candidats. »
Il avait une voix grave et profonde et, bien qu’elle savait devoir se méfier, elle ne put s’empêcher de le croire. C’est ainsi que débuta l’entretien le plus loufoque jamais vécu. Lisa, nerveuse, se tortillait les doigts sous la table, ce que remarqua Dan.
Il entama donc une présentation de la société avant de s’intéresser à elle et à son parcours. Il entama une discussion sur ses motivations, son but, son expérience….
Dan fut surpris de constater qu’il avait à faire à une jeune femme rigoureuse et d’apparence fiable. Il le sentait, elle ne déviait aucune question, répondait directement, ne cachait rien. Il aimait assez cela. D’ailleurs, elle posait elle-même des questions pertinentes sur le poste à pourvoir.
A terme, Dan en fut convaincu : elle était parfaite. Néanmoins subsistait son caractère atypique. Ce qui ne devait pas être négligé pour un poste de cette importance.
Lisa quitta la pièce époustouflée. Dan,… enfin Monsieur Albrecht, était perspicace, précis et bon négociateur. Même si elle restait persuadée qu’elle n’allait pas avoir le poste, la jeune femme était certaine d’avoir fait une forte impression. Cela représentait un point important pour sa confiance en elle et pour ses futurs entretiens.
Il était 18h lorsque le dernier candidat franchit la porte de la salle 24 B. Loïc attendait déjà dans le couloir, adossé à un mur pour entendre les conclusions de son bras droit. Dan épuisé, le vit entrer et prendre place face à lui.
« Alors… bilan?»
De guerre lasse, Dan se releva et appuya sa tête sur ses coudes.
« Alors nous avons le choix entre un type à la limite de la paranoïa, un timide qui se ronge sans cesse les ongles et une fille qui est juste là pour le fric…. Tu veux quoi?»
Loïc se mit à rire et s’appuya contre le dossier de sa chaise.
«Ce n’est pas facile les responsabilités… mais dis-moi ils ne devaient pas être quatre nos joyeux candidats?»
Dan se laissa aller contre le dossier de sa chaise. Comment parler de Mademoiselle Schlasser? Comment explique? Alors que lui-même ne savait pas pourquoi il ne voulait pas la choisir.
« Ecoute, la dernière candidate est caractérielle… Elle a tout ce qu’il faut pour m’énerver »
Loïc balaya cette réponse du dos de la main.
« Foutaise! Tu es mon adjoint, alors conduis-toi comme tel et donnes moi une raison valable pour la recaler… Et attention je veux une motivation professionnelle !»
Résigné, Dan se lança dans une explication qu’il espérait convaincante. Le rapprochement entre sa «comptable » et Mademoiselle Schlasser. Il lui donna les détails du début de l’entretien et l’informa qu’il était hors de question de travailler avec une personne aussi bornée.
« Dois-je te rappeler que c’est justement ce que tu es ?»
C’est ainsi que Loïc clôtura la conversation. Mademoiselle Schlasser était l’heureuse élue pour le poste d’assistante de Dan. Tous les arguments de son ami restèrent sans effet.
« Tu vas me faire le plaisir de l’appeler tout de suite !»
Loïc se leva et décréta qu’il était temps d’aller se préparer.
« Se préparer ? Mais de quoi parles-tu Loïc ?»
Loïc se retourna et secoua son épaisse chevelure :
« Tu oublierais de manger si ce n’était pas un besoin! Le mot agenda a-t-il un sens pour toi ? Repas de société, ce soir, avec tout le personnel, tu te souviens ? Tu as une cavalière au moins ?»
Dan s’empourpra ! Il avait complètement oublié. Pourtant des affiches avaient été placées dans l’immeuble depuis son arrivée. Ce soir, la Start fêtait ses dix ans en grande pompe dans une des plus prestigieuses salles de la ville. Pour une fois, il était seul ce soir, et qui pouvait-il inviter à cette heure ?
« Comment as-tu fait pour réussir avec une telle mémoire? Tu n’as qu’à demander à ta nouvelle assistante. Ce serait un bon moyen pour elle pour découvrir qui nous sommes et pour toi, d’enterrer la hache de guerre…»
Le clin d’œil que Loïc lui lança à ce moment ne lui plut pas du tout. Inviter Mademoiselle Schlasser ? Déjà qu’il allait la côtoyer tous les jours….
Pourtant, il ne pouvait pas se rendre seul là-bas. Toute l’entreprise l’attendait. Il s’agissait d’une de ses premières démarches officielles, depuis son retour. La plupart des anciens employés n’avaient pas vus son départ d’un bon œil, il y a cinq ans. Pouvait-il leur en vouloir d’ailleurs ? A 29 ans, il n’avait eu qu’une seule envie : faire et découvrir tout ce qu’il n’avait pas pu. Alors aujourd’hui son sérieux et son image étaient en jeu…
Chapitre 3
Lisa sautillait de joie. Elle avait décroché un travail ! Après toutes ces recherches et tentatives infructueuses. Que pouvait-elle espérer de mieux?
Elle décrocha son téléphone et appela la seule personne qui pouvait partager son euphorie:
«Betty! Tu ne vas jamais me croire !»
A l’autre bout du fil, elle entendit Betty soupirer avant de répondre:
« Ca y est tu as du travail!?
- Tout à fait Mademoiselle! rétorqua Lisa. Devines où? Chez Start and Co!»
Soudain très intéressée, son amie s’étonna:
«Chez Monsieur Malpoli alors?»
Lisa riait, heureuse. Elle expliqua les événements de la journée : de l’entretien jusqu’à cet appel inespéré de Cassy lui annonçant son recrutement ! Il était étrange d’ailleurs que les ressources humaines laissaient cette responsabilité à un agent d’accueil. Mais après tout, peut-être ne restait-il plus personne de disponible ?
« Attention, scoop : Je suis invitée à un dîner d’entreprise dès ce soir !
- Vraiment ? Expliques moi ça ! »
Lisa réfléchit, elle n’avait pas pensé à demander les détails à « Miss Cassy». Elle savait qu’on venait la chercher à son domicile d’ici une heure. Ce détail réveilla ses angoisses. Avait-elle bien fait d’accepter? Après tout, elle ne faisait pas encore vraiment partie de la société.
Elle termina sa conversation avec Betty. Celle-ci suggéra un instant que son chevalier servant pour la soirée pouvait être Dan en personne. Heureusement, la jeune femme n’y croyait pas trop. Ce genre d’hommes trouvait leurs cavalières en train de prendre un ticket devant chez eux. Son cavalier était certainement un monsieur de la comptabilité, sérieux et carré. Cette pensée la renfrogna un peu, tandis qu’elle choisissait sa tenue. Enfin, après tout, au moins ne risquait elle pas de se faire agresser.
Devant sa glace, elle essaya plusieurs tenues. Une robe noire, un tailleur, une jupe longue. Bref, en une demi-heure toute sa garde-robe y passa sans qu’elle puisse se décider. Elle savait qu’il s’agissait d’une soirée importante, il ne fallait donc pas manquer son effet. Parallèlement, elle voulait absolument éviter de donner une mauvaise image d’elle, dès son arrivée.
De plus, sans même en avoir vraiment conscience, elle voulait impressionner son nouveau chef. Pas question qu’il pense qu’elle était une de ces midinettes sans cervelle, juste bonne à taper son courrier. Elle avait un bagage intellectuel et elle allait lui montrer qu’une sauvage pouvait également être élégante. En femme avertie, elle enfila alors sa tenue de « base » son tailleur noir avec sa jupe fendue. Sérieux, féminin sans être trop vulgaire, un véritable uniforme. Elle se maquilla et renonça à coiffer ses longs cheveux bouclés.
Dan était arrivé à l’adresse indiquée sur le CV : une vieille bâtisse presqu’en ruine près du centre-ville. Cette fille avait vraiment besoin de ce travail, même si ce n’était que pour changer d’appartement. Il était passé rapidement se changer chez lui. Un costume classique et le tour était joué. Il ne savait pas pourquoi il avait accepté la « suggestion » de Loïc. Peut-être pour ne pas déplaire à son ami dès les premiers jours?
Pourtant, il se sentait un peu lâche. Si Loïc apprenait comment leur nouvelle collaboratrice avait été informée de son embauche, il allait certainement le virer. A 34 ans, il n’avait rien trouvé de mieux faire que de laisser Cassy passer l’appel. Pourtant, il était persuadé que s’il avait passé ce coup de fil, Lisa refusait. La situation devenait alors vraiment compliquée pour lui. Ce soir donc, et exceptionnellement, cette femme l’accompagnait. Il gara la voiture en double file et alla sonner à la porte principale.
L’interphone grésilla, elle lui cria :
« Ne bougez pas, je descends ! »
Décidément, elle était tout sauf conventionnelle. « Espérons qu’elle ne vienne pas en jean- basket ». Il en était là de ses réflexions quand il la vit à travers la porte et resta bouche-bée.
Il ne s’agissait que d’un simple tailleur, mais Dan ne put détacher ses yeux de la jeune femme. Sérieuse, toute en féminité. Aucune trace de la jeune fille coincée. Il avait devant lui une jeune femme pleine d’assurance. Après tout, peut-être que la soirée ne s’annonçait pas si mal.
Lisa s’immobilisa ! C’était bien lui ! Betty avait raison. « Armoire à glace » qui s’était mis sur son trente et un. La soirée promettait d’être très longue. La jeune femme avança vers la porte, de plus en plus mal à l’aise. Elle regretta son empressement et son enthousiasme. Il lui ouvrit la porte et elle passa près de lui avec son inimitable parfum.
« Bonsoir… » Réussit il, à bégayer. Après quelques secondes d’un long regard… Il se racla la gorge et déclara de but en blanc :
« Désolé, mais si vous tenez cette soirée, je vous offre une prime dès votre premier jour… »
A sa grande surprise, elle éclata de rire et ils se dirigeaient ensemble vers la voiture, sans plus un mot.
Une fois installés, le silence fit place à la tension.
Lisa réfléchissait. Ainsi Betty avait vu juste. Le destin lui jouait peut-être vraiment des tours. Cependant, si c’était le cas, il était loin d’être drôle. Certes, elle ne pouvait nier qu’il était beau, mais il était aussi arrogant et devenait son nouveau patron. Une combinaison des plus délicates à fréquenter.
Quelques minutes plus tard, ils avaient pris place dans une immense salle de bal dans une ancienne bibliothèque du centre-ville. Plusieurs tables rondes étaient installées, prêtes à accueillir des petits comités. Comme dans un conte de fée, des immenses lustres pendaient au-dessus des convives et leur amenaient une lumière douce et chaleureuse. Ancien bâtiment de la royauté française, les dorures et les boiseries avaient traversées les âges sans perdre de leur éclat. Un véritable mirage, un rêve pour une jeune femme comme Lisa, qui malgré son émerveillement sentait l’appréhension grimper de minutes en minutes.
On avait placé Lisa à côté de Michelle Bondert la femme de Loïc, le directeur général, avec qui, heureusement, elle sympathisa tout de suite. Ce qui parvint à la rassurer un peu. La salle était bondée. Pas une place de libre. Toute la société était présente, ce qui démontrait l’esprit d’équipe de l’entreprise et surtout son expansion fulgurante au cours de ces dix dernières années.
Sur une petite scène, un groupe jouait des classiques du blues et du jazz pendant tout le repas. Petit à petit, aussi bien Lisa que Dan se détendaient. Les discussions s’entremêlaient si bien qu’ils ne s’adressaient que très peu la parole. Ce qui les arrangeait tout deux.
Vint le moment du discours. Loïc, une fois n’était pas coutume, saisit sa femme sous son bras et l’entraîna avec lui sur la scène pour parler à ses employés. Magnifiquement vêtus, lui en costume noir et chemise blanche, elle dans une longue robe de soie couleur or, ils n’eurent pas besoin de demander le silence pour pouvoir prendre la parole.
« Mes chers amis ! Comme vous le savez tous, nous fêtons nos dix ans aujourd’hui. Dix années mémorables que nous avons passées tous ensembles, pour la plupart. Car c’est ce que nous sommes : une grande famille chaleureuse dans le monde hostile et froid du radiateur et du climatiseur… »
L’assemblée se mit à rire. Lisa sentit soudain son cavalier devenir de plus en plus nerveux. Bien qu’elle voulait se tenir le plus éloignée possible de lui, elle s’en inquiéta :
« Monsieur Albrecht, vous vous sentez bien ? »
Il lui sourit faiblement.
« Comme un poisson hors de son bocal…
Lisa haussa un sourcil d’incompréhension.
Sur scène, Loïc poursuivait déjà :
« Aussi suis-je toujours heureux quand notre famille s’agrandit ou retrouve un de ses membres. C’est pour cela qu’en plus de célébrer notre anniversaire, je souhaite que vous accordiez votre meilleur accueil, pour le retour de mon ami de grande date Dan Albrecht. Le co-fondateur de notre entreprise, qui reprend désormais son poste de directeur adjoint. »
Lise comprit enfin la raison de cette brusque nervosité de Dan. Cela lui apprit une chose : il n’en était pas à son premier coup d’essai dans cette société… Etrange. Pourquoi partir, si c’était pour revenir ? Il se leva sous les applaudissements de la salle et se rassit de suite.
« Ainsi que sa nouvelle assistante, Mademoiselle Lisa Schlasser… »
Lisa sentit le rouge lui monté aux joues devant les claps et le regard curieux des gens qui l’entouraient. Dan leva un regard désolé vers elle, comme pour s’excuser, comme s’il devinait sa gêne.
Heureusement l’incident prit vite fin, et les différents convives recommençaient à discuter. Loïc et Michelle étaient revenus à table. Lisa, les joues encore rosées ne put s’empêcher de remarquer :
« Vous réservez toujours un accueil aussi public pour l’arrivée de vos nouveaux employés ? »
Loïc l’observa un instant, malicieux et lui sourit à pleine dent :
« Toutes les raisons sont bonnes pour fêter, non ? »
La soirée se poursuivit ainsi, sur le ton de la gaieté. Michelle et Loïc appréciaient beaucoup Lisa et les conversations, ainsi que les verres se succédaient à une vitesse folle. Même si la jeune femme se sentait toujours aussi mal à l’aise, elle appréciait cet instant. Lisa savait l’importance des contacts que l’on pouvait avoir dans son réseau professionnel. Ainsi, savoir qu’en plus ses nouvelles connaissances étaient sympathiques, la soulageaient grandement. Si bien que vers 2h du matin, Lisa ne tenait plus sur ses jambes. La dernière chose dont elle se souvint, c’est de demander l’augmentation promise par nouveau patron et puis… le noir total.
Chapitre 4
La lumière du soleil vint lui caresser le visage. Lisa émergea doucement de son sommeil, prolongeant au maximum l’instant de pur délice qui accompagnait ses réveils solitaires. La jeune femme tenta de s’étirer, mais quelque chose l’en empêcha. Elle se sentait bloquée par… un bras? Elle souleva un œil, puis le second, de plus en plus consciente que ce qu’elle allait découvrir n’allait pas lui plaire.
Tout d’abord, elle vit le reste du bras, musclé et lourd, la retenant prisonnière de son étreinte. Elle remonta son regard vers l’épaule et le visage… et poussa un cri de panique.
Dan rêvait. Il était merveilleusement bien. Les draps sentaient bons, le soleil lui réchauffait la nuque… tout était parfait. Puis un cri horrible lui fit ouvrir les yeux.
Deux yeux noisettes le regardaient paniqués, terrorisés... et visiblement leur propriétaire était très en colère.
« Mais que faites-vous dans mon lit ? »
Dan la regarda sans comprendre. « Pourquoi cette question?» Etait-il possible qu’elle ne se souvenait pas de la nuit passée ? Il se redressa sur les oreillers et examina la pièce pour se donner de la contenance. Ce qu’il voyait dans son regard et son air renfrogné ne faisait que confirmer ses doutes.
Lisa pendant ce temps avait bondi du lit entraînant la couverture avec elle. Lorsqu’elle se retourna, elle comprit son erreur. Il était nu ! Entièrement et totalement nu ! « Oh non ! Mais qu’est-ce que j’ai encore fait ? » Se demanda-t-elle, anxieuse et surtout, malheureusement pour elle, à voix haute.
Dan n’était visiblement pas gêné par sa nudité, vu la situation, il n’était plus la peine de feindre la timidité ou la pudeur.
« Bon, vous m’expliquez ? »
Lisa le tira de ses pensées. Elle avait un mal fou à garder ses yeux levés au niveau de son visage. Ce corps était tout simplement sublime. Il était grand, musclé, et, il fallait bien l’avouer, très viril. Elle rougit à ses propres idées et se mit en colère, plus pour apaiser le tumulte de ses pensées que par véritable accès d’humeur.
« Vous comptez vous rhabiller un jour ? »
Il ne répondait toujours rien et souriait à pleines dents ! La situation lui semblait si amusante. L’abus d’alcool nuisait donc véritablement à la santé.
Lisa quant à elle s’impatientait :
« Vous allez me répondre à la fin? »
Il se leva et tenta de trouver ses vêtements de la veille.
« Lisa calmez-vous, je vous en prie. Tout va bien, il n’y a pas mort d’homme tout de même »
Mauvaise réponse :
« Pas mort d’homme ? Vous plaisantez, j’espère ? Je me retrouve, à mon réveil, nue, dans mon lit avec un homme que je connais à peine et tout ce dont je me souviens c’est de lui avoir demandé une augmentation ! »
La jeune femme s’affala sur le lit et se prit la tête entre les mains, tout en maugréant. Mais qu’avait elle fait ? Disons que pour l’essentiel, elle en avait bien une petite idée. Il ne fallait pas être idiot : ils étaient tous les deux nus dans le même lit et ne se souvenaient de rien. Stop ! A cet instant, elle eut une illumination. Certes, ELLE ne se souvenait de rien, mais pour lui, qu’en était-il ? Lisa se retourna brusquement vers lui. Il était en train de reboutonner sa chemise et ne semblait pas gêné outre mesure. Elle lui demande de but en blanc :
« De quoi vous rappelez vous ? »
Il leva ses yeux vers elle. Bon signe, il semblait aussi perdu qu’elle :
« Pas grand-chose, je me souviens vous avoir raccompagné, parce que vous étiez ivre…et c’est tout. »
Il mentait. Elle l’aurait pariée ! Le petit sourire en coin qu’il arborait depuis leur réveil cachait forcément quelque chose.
Elle se leva brusquement et déclara :
« Je vais aller dans ma salle de bain et m’habiller. Quand j’en sortirais vous aurez disparu et nous ferons comme si ce n’était qu’un mauvais rêve ! »
Lisa tourna les talons avant qu’une réponse risquait de la stopper. D’ailleurs bien lui en prit, car Dan n’était pas content, mais alors pas content du tout. « Comment ça un mauvais rêve ? » D’accord elle ne se souvenait de rien, du moins le prétendait elle, mais ils ne pouvaient ignorer le réveil ! Lui se souvenait très bien de ce qui c’était passé et commençait sérieusement à le regretter. Mais pourquoi l’avait-il suivi à l’intérieur ? Comment avait-il pu se laisser tenter ? Cela ne lui ressemblait pas de profiter ainsi de la situation, enfin lorsqu’il s’agissait de ses employées du moins.
Confus, perdu, il acheva de s’habiller et alla dans la cuisine de la jeune femme qu’il avait repérée la veille. Il se mit à ouvrir les placards et en sortit deux tasses. Ils avaient grand besoin d’un bon café accompagné d’une stratégie d’attaque.
Lisa assise sur le bord de sa baignoire n’en revenait pas. Alors là bravo ! Moins de 24h après avoir décroché un premier poste, depuis des mois, elle se saoulait devant son supérieur direct et couchait avec lui ! Pour sa défense, elle savait que si elle avait forcée sur la boisson, c’était uniquement parce qu’il la rendait nerveuse. Il était certes exaspérant et avait sans doute le pire des caractères, mais il était également extrêmement séduisant. Passée une soirée à ses côtés et faire tout son possible pour ne surtout pas le regarder, pour ne surtout pas lui parler avaient été une tâche difficile. L’alcool, bien qu’en temps normal ne l’attirait pas, lui avait paru la seule solution pour oublier leur proximité.
Bon, à présent il fallait reprendre ses esprits, ce qui était fait, était fait ! Lisa arrêta là sa réflexion, se brossa les dents et décida que la première chose à faire était de boire une bonne tasse de café afin de réfléchir posément à la suite. Il était hors de question de mettre aux ordures leur relation professionnelle, ou plutôt son début.
A sa surprise, le café était déjà prêt et sentait merveilleusement bon. Lorsqu’elle pénétra dans sa cuisine, elle trouva Dan attablé, deux tasses devant lui. Il leva vers elle un regard inquiet, comme s’il redoutait qu’elle ne lui somme à nouveau de disparaître, tel un cauchemar.
Et au fond d’elle-même, elle reconnut que sa réaction avait été largement exagérée. Ils étaient tous deux responsables de cette situation. Aussi lui offrit-elle son plus beau sourire gêné et alla s’installer face à lui.
« Et si nous rejouions la scène du réveil ? « Lui demanda-t-il gentiment.
Elle le fixa un instant et accepta d’un mouvement de tête.
Ouf ! Ils avaient franchi une première étape. Dan savait que Lisa devait être perdue et désorientée. Elle ne ressentait pas la situation de la même manière que lui. Premièrement, la jeune femme ne se souvenait de rien. Sur ce point, il lui faisait confiance, étant donné la réaction qu’elle avait eue quelques minutes auparavant. En second lieu, lui s’en souvenait et lui avait menti. Pourquoi ? Il ne le savait pas lui-même, mais au fond il se sentait déçu qu’elle ne se souvenait pas. Sûrement son orgueil masculin lui jouait il des tours. Cependant, celui-ci passait au second pour l’instant, pour l’heure, il fallait repartir à zéro sur des bases sûres et propres de tous quiproquos.
« Alors voilà où nous en sommes. Nous avons … passé la nuit ensemble, avança-t-il prudemment. Comme nous ne nous en souvenons pas, nous pouvons estimer, qu’il ne s’est peut-être rien passé et que nous nous sommes écroulés de fatigue ? »
Elle leva vers lui un regard sceptique.
« Vous plaisantez sans doute ? Vous imaginez que j’invite toujours les étrangers dans mon lit pour dormir sans aucun vêtement?
- Ecoutez, j’essaie de trouver une solution pour calmer notre malaise ! je vous signale que nous devons travailler en étroite collaboration dès lundi !
- Je ne suis donc pas licenciée ? osa t-elle »
Dan fut surpris par sa question. Lisa avait vraiment besoin de son travail, il le savait, bien sûr, mais sa réaction l’étonna. Elle ne le connaissait pas encore. En effet, cette question ne se posait même pas avec lui.
« Bien sûr que non ! Pourquoi je ferais cela ? Je vous l’ai pourtant dit : je jugerai selon vos compétences.»
Lisa s’empourpra légèrement mais ne put s’empêcher de pousser un soupir de soulagement. Après plusieurs mois de passage à vide, elle avait vraiment besoin d’un salaire stable. Au moins ne craignait elle pas de perdre son travail dans les prochaines minutes.
Dan enchaîna :
« Alors nous sommes d’accord ? Il ne s’est rien passé…
- Entièrement d’accord ! »
Et la tension si palpable quelques instants plus tôt disparut instantanément. Lisa lui sourit, franchement soulagée. Elle découvrait une première qualité chez son « chef ». Peut-être réussiraient –ils finalement à bien s’entendre ?
Dan décréta alors qu’il était temps que chacun profite un peu de son week-end.
Il se leva et alla poser sa tasse dans l’évier. Lisa en fit de même et fit mine de se diriger vers la porte pour lui ouvrir.
Dans s’efforçait de ne pas penser à ce que ce corps et cet esprit lui avaient fait la nuit précédente. Mais un léger sourire de satisfaction se peignit sur son visage, sans mais qu’il n’ait pu s’en rendre compte. Il ne remarqua pourtant pas que Lisa s’était retournée pour l’attendre et lorsqu’elle croisa son regard, elle ne fut pas longue à comprendre :
« Vous mentez vous vous souvenez de quelque chose, n’est-ce pas ? ! »
Le « volcan » Lisa était à nouveau réveillé. Dan s’approcha en deux enjambées et avant même qu’elle ne put lancer son chapelet de jurons et de reproches, l’attira à lui et l’embrassa.
D’abord violemment, il plaqua ses lèvres sur les siennes pour l’empêcher de parler. Lisa tentait tant bien que mal de se débattre mais ses pensées avaient perdues toute cohérence dès que cette bouche s’était posée sur la sienne. Le baiser se transforma, se fit plus doux.
Lorsqu’il prit fin, Lisa essaya tant bien que mal de retrouver Terre. Dan quant à lui semblait satisfait quoique un peu surpris. Et avant qu’elle ne puisse rétorquer ou le gifler, il sortit de l’appartement non sans lui avoir lancé :
« Considérez cela comme une conclusion à cet intermède… Bon week-end Lisa ! »
Chapitre 5
Lisa n’en revenait toujours pas. Qu’allait-elle devenir ? Sans doute allait-elle devoir mourir de honte ? Pouvait-on décemment travailler à côté d’un homme, avec qui l’on venait de passer une nuit entière, sans même réussir à s’en souvenir ? Certainement pas ! Comment faire ? Alors qu’il était devenu évident qu’il se souvenait de tout. Peut-être n’y accordait-il aucune importance, mais elle ne pouvait se défaire de cette sensation de malaise.
Non, il était hors de question d’aller aux bureaux de la Start lundi.
D’un autre côté… que faire d’autre ? La jeune femme ne pouvait se permettre de refuser ce travail. C’était une chance qu’elle attendait depuis de nombreux mois. Son compte en banque avait grand besoin d’être à nouveau rempli.
Alors que faire ? Voir Betty ! La seule solution envisageable à court terme.
Dan devait se défouler. Toute la matinée il avait tenté d’oublier cette maudite Mademoiselle Schlasser. Dire qu’ils allaient devoir collaborer. Devait-il se comporter comme si rien ne s’était passé entre eux ? En homme de parole, il lui avait dit qu’il ne la licenciait pas et il devait respecter sa promesse, même si l’homme rationnel qui sommeillait en lui, ne comprenait toujours pas comment ils avaient pu en arriver là.
Lisa ne lui plaisait pas pourtant ! Alors pourquoi avoir accepté ? Pourquoi l’avoir laissée faire lorsqu’elle avait commencée à l’embrasser ? Après tout, elle ne pouvait pas être une conquête.
La meilleure chose à faire était de se changer les idées. Direction son club de sport. Bien qu’il ne fût pas un réel adepte de ce genre d’établissement, il fallait admettre qu’ils offraient de bonnes alternatives quand il souhaitait se défouler. Loïc l’avait initié durant leurs études. Depuis, il s’y rendait dès que ses nerfs commençaient à lui jouer des tours. Autant dire que la journée s’y prêtait particulièrement bien.
« Tu as fait quoi ??? »
Betty avait réintégré sa place favorite sur le canapé de Lisa. Sa réaction fulgurante ne semblait pas teinte de reproches mais plutôt de curiosité.
Pourtant Lisa prit la mouche.
« Je n’aurais pas dû, ça je le sais. Ne commences pas à me faire la leçon. Ce n’est pas le but ! J’ai besoin de conseils.
Lisa sentit ses épaules s’effondrer sous le poids de sa « faute ». En fin de compte, avant que Betty ne fût arrivée, elle avait conclue qu’elle ne pouvait pas passer outre ce qui s’était passé. Persuadée que Betty se rangeait de son avis, elle fut totalement surprise lorsque celle-ci lui répondit tout le contraire.
« Quoiqu’il arrive tu dois te rendre à ton travail lundi matin !
-Pardon ? »
Elle se rapprocha du bord du canapé et secoua ses cheveux blonds avant de poursuivre et expliquer son raisonnement à Lisa.
« Tu es diplômée, tu es expérimentée et professionnelle. Dois-je te rappeler que la Start and Co est LA boîte de référence. Travailler chez eux t’apportera une expérience géniale ! »
Lisa fil la moue un instant. Betty le remarqua tout de suite et embraya :
« Dois-je te faire le compte des magazines qui parlent de Start en ce moment. Et je ne parle même pas des hebdomadaires féminins où tu verras ton cher patron en couverture avec de sublimes créatures…. »
Voyant son amie s’enfoncer de plus en plus loin dans son siège, Betty continua dans sa lancée :
« Sais-tu au moins qui est Dan Albrecht ? »
Lisa secoua négativement la tête. Dans sa hâte à trouver un travail rapidement, elle avait sauté l’étape, pourtant nécessaire, de se renseigner sur les protagonistes qu’elle allait rencontrer.
« Dan Albrecht est le « Golden Boy ». Il s’est lancé dans la Start très jeune, a placé une partie de son bénéfice et grâce à cela est devenu la coqueluche de la bourse. Lorsqu’il place tu peux être sûr qu’il y aura du profit…. Et je te le répète, je ne te parle pas des femmes qui se pavanent à ses pieds. »
La situation empirait de minute en minute. En plus, de s’être humiliée, elle l’avait fait en présence d’une « star » de la finance. Bien sûr, elle avait remarqué les photographes amassés devant la salle, le soir précédent. Mais jamais elle n’avait imaginé que c’était pour Dan Albrecht qu’ils étaient là.
Lisa était stupéfaite. Bien qu’originale, son amie était on ne peut plus informée. En fin de compte, travailler à la Start et passer la nuit avec le directeur adjoint n’était absolument pas lié, si?
Dan se retrouva devant la porte de Loïc à 22h. Trois heures de salle de sport et deux douches froides n’avaient pas réussis à calmer son anxiété et son trouble.
Il ne se sentait encore moins capable d’avoir Lisa comme collaboratrice qu’avant. Pourquoi diable avait il fait cela ? Il n’avait qu’à la virer… Elle n’avait pas d’importance. Mais il se raisonna bien vite. Il ne pouvait pas faire cela, il le savait. Seul son orgueil le poussait à penser de cette manière.
Etrange, il s’était pourtant persuadé que la nuit passée ne représentait rien. Alors pourquoi lui en voulait-elle d’avoir oublié ? Parce que ses souvenirs à lui étaient peut-être un peu trop précis ?
Loïc lui ouvrit en peignoir.
« Aïe je dérange ? »
Son ami, cheveux en bataille et peignoir en accessoire, l’observa un instant, l’œil hagard puis lui sourit:
« T’inquiètes pas pour ça ! Entres »
Il était 23h30 et Lisa ruminait devant la télévision. Elle cherchait à se distraire depuis le départ de Betty une heure plus tôt. Il était trop tard pour appeler sa mère et de toute façon elle devait la voir le lendemain.
Bizarrement, depuis qu’elle était seule, de drôles de sentiments apparaissaient. Lisa sentait comme un froid. Et inversement, lorsque la jeune femme essayait de se rappeler de la nuit précédente, une étrange chaleur la parcourait. Celle-ci lui prouvait à nouveau, qu’elle était sans doute aller trop loin. Si seulement, elle pouvait être plus « conventionnelle ».
Lisa se serra un peu plus dans ses couvertures. Elle avait toujours été un peu « folle ». Non ce n’était pas le mot juste. Elle était passionnée et décalée. Une idée lui venait ? Qu’importe la teneur, il fallait l’appliquer.
Soudain, elle pensa à sa famille.
Son jeune frère, de 10 ans son cadet, passait son bac cette année. Après il parait sans doute faire des études. En tant que grande sœur, Lisa s’était jurée de lui aider. Elle savait ce que cela représentait de devoir faire face, seule… et le sourire aux lèvres.
DING DONG
La sonnette la tira de ses pensées. Qui pouvait venir à cette heure ? Repérant l’écharpe de Betty sur une des chaises de la cuisine, Lisa poussa directement le bouton qui ouvrait la porte de l’immeuble et ouvrit celle de son appartement en grand avant de foncer droit sur le canapé.
Lorsqu’elle entendit les bruits de pas dans le couloir, elle lança :
« Ton écharpe est sur la chaise ma grande…
-MA GRANDE ???? »
Une voix courroucée et définitivement masculine lui répondit. Prise de panique, Lisa se retourna pour faire face à une toute autre personne que prévue.
« Monsieur Albrecht ??? Mais qu’est-ce que vous faites chez moi ? »
Le dit Monsieur Albrecht était dans une colère noire. Cette femme était inconsciente ! Ouvrir sans même demander qui est à l’extérieur ! Il lui répondit sèchement :
« Vous ne demandez jamais qui veut entrer chez vous ? Si j’avais été un cabrioleur ? Un psychopathe ? «
Sous le choc, Lisa ne répondit pas. Son regard passa de la perplexité à la colère en un temps record :
« De quoi vous mêlez vous ? J’attendais quelqu’un ! Je répète : que faites-vous ici? »
Du tac au tac, la colère de Dan augmenta d’un cran :
« Ne changez pas de sujet ! » Son regard tomba sur la nuisette que portait son interlocutrice et il dut déglutir avant de pouvoir répondre :
« Vous avez vu votre tenue ? Vous êtes réellement idiote ou simplement inconsciente ? »
Lisa cilla.
« Idiote ? Mais de quel droit ? Je suis chez moi ici ! Allez-vous enfin me répondre ? »
Décidément, ils n’arrivaient pas à discuter sans se disputer. Et en fin de compte la tension de Dan retomba. Il ne savait pas s’il était vraiment en colère ou s’il s’en prenait à elle, parce que son corps avait trop violemment réagi en la voyant en si petite tenue. Il marqua un temps mort.
« Je sais qu’il est tard, mais je devais vous voir pour discuter d’un sujet très important. »
Lisa se calma instantanément. Dan semblait préoccupé et elle préféra le laisser s’expliquer.
Dan s’assit sur le sofa et se passa les mains dans ses cheveux, anxieux. Loïc lui avait conseillé de lui en parler, de partir sur de bases saines. L’idée lui avait parue judicieuse de prime abord, mais en cet instant, sur le canapé de Lisa, force était de reconnaître que non seulement l’idée était ridicule. Il se sermonna et se répéta pour la millième fois, que le recrutement n’était vraiment pas son domaine…
« Lisa, SVP, faites-moi plaisir, asseyez-vous. »
Et elle obéit. Peut-être parce que la gravité dans la voix de Dan ne présageait rien de bon.
« Je me souviens de tout Lisa ! » Il la vit se rembrunir et prête à exploser, mais coupa court à toute entrave :
« J’aurais dû vous le dire, je le sais. Mais il faut avouer que je suis…. Vexé … que vous ne vous souveniez de rien. Surtout parce que c’est vous qui m’avez entraînée ici et que je n’ai pas gardé le contrôle de la situation. »
Mauvaise explication ! Il le comprit en voyant sa « guerrière » revenir à l’assaut :
« Vous vous fichez de moi c’est cela ? Vous êtes vexé ? J’étais ivre ! Vous pouviez vous doutez que je n’étais pas sérieuse ! »
Oui bien sûr, mais comment lui expliquer, que lorsqu’elle l’avait embrassée, lorsqu’il avait lu quel désir l’animait, quelle passion sommeillait en elle, il n’avait pu résister. Sans qu’il ne s’expliquait pourquoi, cette femme, alors qu’il la connaissait à peine, avait en un temps record réussit à le fasciner. C’est bien pour cela qu’il devait l’éloigner, malgré ce que Loïc lui avait conseillé. Pour toute excuse, il balbutia :
« Rappelez-vous : j’avais bu… tout comme vous ! »
Lisa s’effondra sur un coussin à côté de lui. Pourquoi ? Seigneur, pourquoi avait-elle gâché la seule chance qu’on lui ait donnée! Elle ne doutait pas de sa sincérité, non sans être allée aussi loin par le passé, elle savait que lorsqu’elle buvait, très peu de pudeur et d’inhibitions résistaient à l’ouragan Lisa.
« Que vais-je devenir ? » souffla t-elle désespérée.
Surpris, Dan se tourna vers elle. Fragile. Encore une facette qu’il venait de découvrir. Il ne pouvait décemment pas la laisser ainsi. Il devait la laisser travailler à la Start, même si ce n’était que durant un ou deux mois, le temps de trouver autre chose.
« Je suis virée ? C’est ce que vous êtes venu me dire, non ? »
Devant l’air étonné de Dan, Lisa décida soudain qu’il fallait qu’elle se batte pour cet emploi. Professionnel et privé sont à séparer. Déterminée, elle enchaîna :
« Il est hors de question que vous me licenciez avant même que je puisse faire mes preuves !
Puis prenant une grande inspiration :
« Voilà ce que je vous propose. Laisser moi bénéficier de la période d’essai. Je vous propose même de prolonger cette période à 3 mois. Si durant ce laps de temps, vous constatez que je ne conviens pas ou que vous ne pouvez-vous habituez à cette situation, vous pourrez me congédier ! »
Sous le coup, Dan ne répondit pas. Allait-elle arrêter de le surprendre ? Sa proposition était honnête. Elle lui laissait tout le loisir de la décision. Les paroles de Loïc lui revinrent en mémoire.
« Professionnel et sérieux ! Il est hors de question que tu la vires à moins qu’elle ne fasse des erreurs graves ou qu’elle ne convienne pas au poste ! Est-ce bien clair ? »
Alors sans trop savoir dans quoi il s’embarquait, il lui tendit la main :
« Marché conclu, Mlle Schlasser ! »
Avec un soupir soulagé, Lisa serra la main tendue. Mais elle comprit vite son erreur. Cette simple poignée de main, lui rappela le baiser qu’ils avaient échangé le matin même. Bizarre qu’elle put se sentir aussi troublée pour si peu de choses. Elle évita de croiser le regard de Dan et dégagea rapidement sa main.
Dan se leva et se dirigea vers la porte. Avant de sortir, il lui indiqua de la verrouiller cette fois-ci.
Lisa l’entendit à peine, elle avait la sensation étrange qu’en lançant cet accord, elle venait de pactiser avec le diable.
Chapitre 6
Un nouveau lundi matin s’entamait au siège de la Start. Une Lisa nerveuse et anxieuse passa la porte d’entrée. L’hôtesse d’accueil lui fit signe d’approcher, un grand sourire sur les lèvres. Sur le moment, Lisa hésita. Devait-elle vraiment se lancer dans des circonstances aussi hostiles qu’inhabituelles ? Ne fallait-il pas mieux s’en retourner et faire comme si elle n’avait jamais décroché ce maudit travail ? Mais aussitôt les paroles de sa mère lui revinrent en mémoire :
« . Montres lui simplement ce dont tu es capable et crois-moi cet « intermède » sera vite oublié. »
A moitié convaincue, Lisa avait pourtant décidé qu’en tant qu’adulte, il était grand temps de se comporter comme tel. Après tout, elle était qualifiée pour ce poste. Assistante du vice-directeur ! Très bien il était temps d’assumer ses responsabilités. Elle s’arma de son sourire le plus professionnel et avança enfin vers Cassy.
« Bonjour ! »
Visiblement satisfaite, celle-ci lui tendit la main :
« Mademoiselle Schlasser, je suis vraiment heureuse que vous ayez décroché ce poste. Je vais me charger de vous faire découvrir nos locaux et votre bureau. Ensuite Monsieur Albrecht prendra la relève pour vous expliquer les tâches qui vous incombent. »
Décidément, l’être humain jugeait mal se disait Lisa, en la suivant dans le hall. Elle avait pensé trouver Cassy en train de travailler son vernis à ongle. La jeune femme avait honte des préjugés qu’elle avait pu avoir. Comme pour faire écho à ses pensées Cassy enchaîna :
« La politique de recrutement de la Start est très stricte. Monsieur Bondert choisit ses collaborateurs en fonction du poste proposé et des qualités requises. Pour ma part, j’ai eu de la chance. J’ai une formation d’hôtesse d’accueil et je maîtrise plusieurs langues étrangères. C’est ce qui m’a permis d’entrer ici à l’ouverture de la société. … »
Lisa commençait à décrocher. Bien qu’elle ait déjà vu une partie des bâtiments la semaine précédente, elle n’avait pas eu loisirs d’admirer l’architecture, ni l’ambiance qui y régnait. Autour d’elle les bureaux communiquaient en un labyrinthe de verre. Elle ne pensait pas que la société s’en sortait aussi bien. Perplexe, elle s’informa auprès de Cassy :
« Je n’ai pas réussi à trouver les statistiques de la Start sur Internet, quelle est son chiffre d’affaire ? »
Cassy se retourna et lui offrit son plus beau sourire :
« Ah enfin une question ! Notre chiffre d’affaire de l’an passé atteignait les 26 millions d’euros. Nous devons en partie ce succès à notre « virage de concept ». Nous proposons désormais des solutions écologiques et économiques en partant de l’énergie solaire en passant par le bois. »
Vraiment très impressionnant.
Le tour du propriétaire dura pratiquement toute la matinée. Lisa rencontra quasiment tous les collaborateurs de la société. Elle en reconnut quelques-uns et fut heureuse d’établir des contacts professionnels utiles. Lorsqu’elle s’informa sur la visite de son bureau et l’explication de ses tâches pour la journée, Cassy la ramena à l’accueil.
« Voilà nous y sommes ! »
Prise de panique, Lisa l’observa un instant sans rien dire. Avait-elle bien compris ? Etait-ce une mauvaise plaisanterie de son patron ?
Dan tentait, depuis son arrivée au bureau, de se concentrer sur ses dossiers. Loïc lui avait confié la gestion des affaires hors France. Un travail qui lui convenait parfaitement. Mais ce matin, il avait du mal à s’y mettre. Mlle Schlasser était arrivée. En ce moment même, Cassy devait lui faire faire la visite des différents départements. Il savait qu’il était lâche. Il était son responsable, pourtant il n’avait pas trouvé le courage de le faire lui-même. Cette Lisa l’énervait au plus haut point, alors mieux valait retarder leur rencontre. Résultat : il l’emmenait déjeuner avec Loïc dans un restau du coin.
Midi arriva trop vite. Quand Loïc entra dans son bureau, Dan avait à peine avancé. Devant son air abattu, Loïc lui sourit :
« Mon vieux ! Il est l’heure de se réveiller !
-Facile à dire, maugréa Dan en guise de réponse. »
Les traits de Loïc se tendirent :
« Monsieur Albrecht! Ce que vous avez fait vendredi soir fait partie de votre vie privée. Alors vous allez me faire le plaisir de former votre assistante ! »
Dan leva les yeux vers son ami. Bien sûr, il avait raison ! Mais il ne comprenait toujours pas ce qui lui avait pris. Cela compliquait grandement la situation.
Lisa se tordait les mains en attendant sur le canapé en cuir de l’entrée. Cette Cassy lui avait fait une de ces peurs ! Tout ça pour lui expliquer que finalement elle déjeunait avec ces messieurs de la direction. Soudain elle entendit l’ascenseur arrivé. Son regard tomba sur les deux hommes qui en sortaient. Le premier habillé dans un élégant costume gris était certes séduisant mais son collègue en costume noir lui coupa le souffle. Était-elle définitivement perdue ? Lisa se leva brusquement et ne put s’empêcher de soupirer.
Loïc s’avança vers elle, souriant :
« Bonjour Lisa ! Comment allez-vous ?
-Bonjour ! Je vais bien, merci et vous-même ? »
Loïc lui serra la main avec ferveur et se rapprocha d’elle pour lui avouer complice :
« Très bien ! Ma femme vous a adoré ! Elle dit que vous êtes une très belle jeune femme ! »
Lisa rougit de manière instantanée ! Que faisait-elle ici ? Allons bon, voici que la femme du PDG la trouvait mignonne.
« Bonjour Lisa »
La voix rauque et la main chaude qu’il lui tendit poussèrent Lisa à respirer profondément avant de répondre. . « Au secours » semblait crier une petite voix tout au fond d’elle-même. Elle l’ignora, lui rendit sa poignée de main et attaqua sans préambule :
« Bonjour Monsieur Albrecht ! Je suis prête à écouter vos recommandations pour la journée. »
Loïc étouffa un rire. Dan haussa un sourcil… Qui avait-il en face de lui ? Lisa l’assistante ? Qui était-elle?
« Et si nous en discutions après déjeuner ? ».
Lisa prit enfin place dans son bureau. Finalement, le déjeuner s’était beaucoup mieux déroulé que prévu. Ils avaient discuté sur les objectifs à atteindre, les tâches qui lui seraient confiées,…
Le poste lui semblait de plus en plus intéressant.
Elle s’assit à son bureau et observa la pièce. Petite mais fonctionnelle. Un bureau en bois foncé, un siège en cuir, sans compter le matériel informatique. Pas de plante verte, remarqua t-elle en souriant. Qu’à cela ne tienne, elle n’était pas sûre de pouvoir rester.
Le bureau de Dan était tout le contraire. Grand, confortable, il avait même un canapé et un écran plat sur le mur. Peut-être qu’un jour son propre bureau allait il ressembler à cela ?
Comme Lisa l’avait appris, elle s’occupait uniquement des commandes étrangères. De la prise de la dite commande jusqu’à la livraison, elle était la liaison entre la Start et la clientèle. Par la suite, des tâches de gestion lui étaient affiliées. Si, bien sûr, elle restait plus de deux mois.
Le reste de l’après-midi se passa ainsi : lecture des dossiers clients et remise à jour de l’archivage. Une activité qui, elle le constata tout de suite, n’était pas du tout dans les habitudes de Monsieur Albrecht. Cela lui permit d’en apprendre plus sur la manière de procéder de la société. Les dossiers clients contenant tous les documents échangés : de la demande d’offre à la commande, la livraison et le service après-vente.
Bien que chaque service travaillait de façon indépendante, elle constata, avec surprise, en parcourant de nombreux exemples, qu’ils collaboraient parfaitement bien ensemble, comme une seule entité.
Il était 19h quand elle passa la tête dans le bureau de Dan, les traits tirés.
« Monsieur, je pense que je vais partir. »
Plongé dans un contrat allemand, Dan ne l’entendit pas arriver. Il leva les yeux vers elle et surpris ne put répondre. Petit tailleur noir, chemise blanche et des lunettes sur le nez. En cet instant, elle était… quel mot convenait ? ….Craquante !
« Où en êtes-vous avec l’archivage des dossiers clients ?
-Je l’ai terminé, il y a une heure. J’en ai profité pour établir une fiche détaillée sur les entreprises que vous visiterez la semaine prochaine. »
Etonné, Dan l’observa un instant. Bravo ! Premier point pour elle. Il éteignit son ordinateur rassembla ses affaires et se leva.
« Rentrons ! Je pense que cette première journée a été longue pour vous. »
Lisa lui adressa son premier vrai sourire de la journée, soulagée.
Ils se dirigeaient ensemble vers les ascenseurs, tout en discutant de différents clients. Lisa posait sans cesse des questions. Et Dan se fit un plaisir de lui répondre. Une fois dans l’ascenseur pourtant, la tension monta d’un cran.
Ils n’avaient pas été aussi proches depuis leur dernier baiser. Pas un mot ne franchit leurs lèvres. Lisa l’observa à la dérobée.
Dan savait qu’elle le regardait, il le sentait. Surtout ne pas tourner la tête. Désormais, il savait qu’une attirance, aussi étrange qu’incongrue, les animait. Alors il ne fallait rien faire pour attiser cela. Il devait à tout prix se maîtriser. Garder son calme et son sérieux…
Dans le hall, la tension ne baissa pas pour autant. Une fois sortis du bâtiment, Dan voulut prendre congé :
« Bonne soirée Lisa ! Euh je veux dire Mademoiselle Schlasser »
Lisa osa enfin lever les yeux vers lui :
« A vous aussi, à demain ».
Elle fit mine de s’éloigner vers le parking lorsqu’il l’attrapa par le bras et la tourna vers lui.
Lisa lut dans son regard qu’il ne comprenait pas, pourquoi il avait fait cela. Il suspendit son geste.
Une longue minute s’écoula. Ils se fixaient, surpris par ce qu’ils ressentaient.
Et soudain Dan la lâcha.
« Je suis désolé, Mademoiselle Schlasser ! Je n’aurais pas dû… je …
Lorsqu’il leva les yeux vers elle, la colère qu’il lut dans son regard le fit se taire instantanément.
« Restons en-là ! Sur ce, bonne soirée Monsieur ! »
Lisa était rouge de colère. Mais à quoi jouait-il à la fin. Il se moquait d’elle, voilà ce qu’il faisait. Il la déstabilisait pour la pousser à partir. Hors de question ! Elle grimpa dans sa voiture, claqua violemment la portière et démarra en trombe.
Chapitre 7
Au grand étonnement de Lisa, le reste de la semaine se déroula sans encombre. Avant tout, parce qu’elle n’avait eu à croiser son supérieur que lors de très rares occasions.
Le travail lui plaisait infiniment. Elle s’était même surprise à rester après 20h le soir.
Le cadre de son poste contribuait beaucoup à sa motivation. L’ambiance avec les autres collègues, avec qui elle avait fait connaissance, était excellente. Et peu à peu, des liens se nouaient avec Miss Cassy, la standardiste.
Lisa comptait profiter de la fin de semaine pour tout raconter à Betty.
Dan n’en revenait pas. Son jeu du chat et de la souris fonctionnait à merveille. Les compétences de son assistante n’étaient vraiment pas à mettre en doute. En une semaine, elle avait abattu un travail colossal. Malgré cela, il n’arrivait pas à la croiser sans laisser son esprit vagabonder.
Assis à son bureau ce vendredi soir, il essayait à nouveau de percer le mystère de son comportement face à la jeune femme.
«Toujours en plein travail à ce que je vois?»
Dan sursauta. En voyant Loïc dans l’embrasure de la porte, il se détendit.
«Ah c’est toi!»
Loïc leva les sourcils interrogateur.
«Tu attendais quelqu’un d’autre peut-être?»
Sans attendre la réponse de son ami, il vint s’asseoir en face de lui.
«Qu’importe… je suis venu pour notre bilan. Je suis désolé d’être en retard, mais certains clients ne comprennent pas le principe de «soirée»!»
Dan leva enfin les yeux vers lui. Comment avait-il pu oublier cette réunion? Devant le regard de son ami, Loïc commença à s’impatienter.
«Tu as oublié c’est cela?»
Il se releva de la chaise et fit quelques pas.
«Qu’est ce qui t’arrives Dan? Trop de responsabilités? Trop vite? Ou toujours cette Mademoiselle Schlasser?
- Qu’est-ce que tu vas t’imaginer? S’offusqua Dan. J’ai eu beaucoup à faire aujourd’hui et il est vrai que j’ai oublié notre rendez-vous. Mais je suis prêt, nous pouvons commencer.»
Peu convaincu, Loïc retourna s’asseoir, non sans lui faire une ultime remarque:
«Tu as de la chance que je te connaisse suffisamment pour connaître tes compétences. Golden Boy ou pas, je pourrai te virer!»
Quelques minutes plus tard, la tension se dissipa.
La discussion se tourna vers les déplacements de la semaine suivante. Dan devait aller démarcher une quinzaine d’entreprises. Des gros contrats, qui nécessitaient un déplacement en Allemagne et en Autriche.
«Je sais que tu n’es pas à l’aise avec la langue et la culture allemande, c’est pour cela que j’ai eu une idée.»
Dan observa son ami. Il espérait que son ami ne pensait pas engager un interprète. La dernière fois qu’il avait eu recours à un interprète, c’était un espion industriel…
«Tu ne comptes pas engager un traducteur j’espère?»
Loïc sourit un instant et se rapprocha de lui:
«Pourquoi aller dépenser de l’argent alors que nous avons sous la main, dans cette société, plusieurs personnes qui connaissent cette langue sur le bout des doigts?»
Dan ne comprenait pas.
«Où veux-tu en venir?»
Loïc se mit à rire franchement:
«Je pensais te faire accompagner par Cassy mais j’ai eu une meilleure idée. D’ailleurs, je croyais que tu avais lu attentivement le CV de ton assistante avant de lui proposer le poste!»
Tout doucement, l’idée saugrenue de son «patron» devint claire à Dan:
«Hors de question!
-Pourquoi? Rétorqua Loïc. Je trouve cette solution parfaite. Tu connais le produit et tu as les contacts. Elle a la langue et la culture.»
Dan se leva de son bureau. Il se sentait tout d’un coup pris dans un piège.
«Tu n’y penses pas! Elle vient de commencer! Lisa n’est pas qualifiée pour m’accompagner dans une négociation commerciale!»
Loïc commençait à s’impatienter:
«Ah oui? Tu es sans doute capable de tenir un discours en Allemand? Sois raisonnable! Tu sais très bien que parler la langue du client est un plus indiscutable.»
Dan se mit à réfléchir tout en observant le ciel sombre. Sans doute, Loïc avait raison.
«Bon je lui proposerais tout à l’heure…
-Ah non! Tu vas le faire de suite! Je veux être présent…»
Quelques instants plus tard, Lisa frappait à la porte du bureau de Monsieur Albrecht. Il avait l’air si sérieux quand il l’avait appelé. Et s’il était revenu sur sa décision?
«Entrez svp!»
Elle ouvrit la porte et découvrit son chef et le directeur de la société dans la pièce.
«Asseyez-vous!»
Il régnait une forte tension dans la pièce. Elle prit place dans le second siège et salua Loïc. Il prit de ses nouvelles, elle en fit de même, puis se tourna vers Dan:
«Que puis-je pour vous?»
Dan revint s’asseoir. Apparemment, il avait du mal à venir au but de cette convocation.
«Mlle Schlasser, en lisant votre Cv, j’ai pu constater que vous maîtriser plusieurs langues étrangères dont l’Allemand.»
En un hochement de tête, elle l’engagea à poursuivre.
«Votre niveau est-il vraiment aussi bon que vous le prétendez?»
Lisa se tourna vers Loïc qui venait de lui poser cette question.
«Ich denke dass ich gut genug Deutsch spreche, um in Deutschland zu leben, warum? … en clair je suis assez douée pour me débrouiller seule dans le pays. Puis je vous demander pourquoi?»
Vu l’absence d’accent, elle était bilingue. Dan regarda Loïc, désespéré. Celui-ci se tourna vers lui et lui sourit.
«Parfait Mlle!» Il semblait sur un nuage.
Lisa sentit l’impatience monter. N’y tenant plus:
«Puis-je savoir ce que vous me voulez, messieurs?
-Que faites-vous la semaine prochaine, Lisa?
-Je travaille monsieur, répondit elle hésitante»
Loïc éclata de rire. Quant à Dan, il s’enfonçait de plus en plus dans son siège. Loïc poursuivit:
«Est-ce qu’un voyage d’affaire vous intéresserait?»
La jeune femme ne répondit rien.
«Il s’agirait d’accompagner Dan en Allemagne et en Autriche. Je sais que cela dépasse les engagements de votre période d’essai. Néanmoins, vous connaissez le terrain et la langue. Et je ne vous apprends rien en disant, que cela nous fournira un avantage fabuleux. Qu’en pensez-vous?»
Lisa ne pouvait toujours pas répondre. Le soulagement passé, elle se rendit enfin compte de ce qu’on lui demandait.
«J’en pense que je serais ravie d’accompagner Monsieur Albrecht!»
Le sourire revint sur le visage de Loïc. Au bout d’une heure d’explications, il laissa Lisa et Dan seuls afin de régler les détails. Il se retourna vers son ami, qui n’avait pas desserré les lèvres, depuis un bon moment. «Intéressant» se dit-il avant de sortir.
Dan se retrouva seul avec Lisa. Elle avait accepté! Une semaine avec une femme exaspérante et imprévisible. Voilà la raison à avancer quad Loïc le lui avait demandé. Maintenant il était trop tard.
«Mlle, je pense que nous avons tous deux plusieurs points à régler avant de partir en week-end, alors je vous propose de terminer ce que nous avons à faire et de partir.»
Lisa acquiesça. Elle retourna dans son bureau, priant pour réussir à joindre toutes les personnes concernées en ce vendredi soir. Tout en laissant les messages sur les différents répondeurs ou aux différents employés, elle se mit à réfléchir à ce qu’elle venait d’accepter.
Une chance, certes mais qui pouvait avoir un sacré revers. Elle n’allait voir qu’un seul visage familier pendant une semaine. Pourtant, durant les quelques jours qui venaient de passer, elle avait pu constater que Dan Albrecht était quelqu’un de sérieux et d’appliqué dans son travail. Qu’est ce qui pouvait arriver durant un voyage d’affaire?
Chapitre 8
Lisa pensait partir en train, mais Monsieur Albrecht préférait l’avion. Parfait pour une phobique qui avait les avions en horreur. Elle pensait à un départ lundi? Il avait opté pour dimanche soir…
La jeune femme allait sans doute l’étriper durant son sommeil. Ce séjour allait être un désastre. Et même si elle admettait volontiers que son énervement venait principalement de sa peur, elle estimait qu’il aurait tout de même pu lui demander si l’avion lui convenait.
Assise à côté de Dan, leur vol n’était qu’à moitié réservé. Ils étaient relativement seuls. Deux heures depuis qu’ils avaient décollé et elle ne pouvait toujours pas oublier «l’incident» quand il était venu la chercher! Non seulement, ils s’étaient disputés sur tous les points possibles, mais en plus Monsieur ne s’était pas gêné pour jeter un coup d’œil à sa valise.
«Vous ne comptez tout de même pas porter cela lors de nos rencontres avec les différents partenaires?»
Et la bombe avait éclaté.
«Un peu de féminisme voyons! Cet univers est peuplé d’hommes. Autant les charmer!»
Autant le dire : la remarque ne lui avait pas convenu ! Le traitant de machisme, Lisa lui avait rappelée qu’elle était présente pour ses compétences et sa connaissance du terrain.
Finalement, elle ne se souvenait plus qui, de lui ou d’elle, avait cédé, cependant le trajet et l’embarquement s’étaient effectués de manière tendue.
Deux heures de long silence. Dan n’en revenait pas. Comment pouvait-elle être à ce point bornée? Pour un peu, il s’en inquiétait presque. Désireux de briser la glace, il tenta un «je suis désolé» qui ne trouva pas de réponse.
D’accord, il y était peut-être allé un peu fort. Dan ne comprenait pas comment elle arrivait systématiquement à le faire sortir de ses gonds. Bien évidemment, elle était compétente. Cependant, sa féminité pouvait vraiment être un atout. Il voulait simplement mettre toutes les chances de leur côté. C’était légitime, non?
«Ecoutez Lisa… je suis désolé je ne voulais pas vous blesser.»
Elle se tourna et il sentit son regard sur lui. L’orage n’était pas encore passé.
«Vous êtes désolé? Laissez-moi vous dire une chose Mr Albrecht. Je suis compétente. Mes diplômes le prouvent. Que je sois une femme dans un monde soi-disant masculin ne devrait pas être remarqué.»
C’était reparti. Ne pouvait-elle pas juste accepter ses excuses?
Brusquement, l’avion trembla. Pas violemment, mais assez pour que Lisa réagisse instantanément. Elle crispa ses mains sur l’accoudoir, les yeux fermés. Dan se tourna vers elle inquiet. Avait-elle peur de l’avion?
Dan n’eut pas le loisir de lui demander, déjà l’appareil recommençait son manège plus fortement cette fois. Dan dut à son tour s’accrocher, tout comme le peu de passagers qui partageaient le vol avec eux.
Une annonce passa enfin dans la cabine, couvrant le tumulte:
«Mesdames et Messieurs, ici le commandant de bord. Nous traversons une zone de turbulences, mais rassurez-vous, cela ne devrait pas durer. Je vous demanderai de vous attacher et de relever vos tablettes...»
Dan attacha sa ceinture et se tourna vers son assistante. Pourquoi ne s’attachait elle pas?
Lisa était bloquée. C’était donc la fin? La jeune femme ferma ses yeux et se crispa encore plus. La voix du commandant était inquiète, non?
Soudain, elle sentit une main chaude se poser sur la sienne.
Dan se rapprocha d’elle. Il ne s’était pas trompé. Elle avait peur de l’avion. Il attacha sa ceinture et entreprit de lui parler pour la calmer.
« Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer. Il ne s’agit que de petites turbulences, comme lorsque vous roulez dans un trou sur la route. Nous atterrirons sains et saufs… Je vous le promets…»
Lisa entendait cette voix percée sa panique. Elle la repoussa d’abord, puis la laissa la pénétrer. Il la rassurait. Ils n’allaient pas mourir. Elle connaissait ses phobies, il fallait absolument se concentrer sur autre chose. Alors elle le fixa et ne détacha plus son regard de lui.
Dan se sentit troublé. Pourquoi ne pas lui avoir demandé? Tellement absorbé par des faits ridicules, il en avait oublié un point essentiel. Les réactions impulsives sont souvent dictées par la peur.
Quelques instants plus tard, le vol reprit son cours calmement. Plus aucune turbulence ne vint troubler leur fin de voyage. Vingt minutes plus tard, l’avion atterrissait et tous les passagers, y compris Lisa applaudirent leur pilote.
Dan ne savait pas comment s’y prendre pour s’excuser auprès de son assistante. Ils avançaient côte à côte pour récupérer leur voiture de location. Des petits soupirs le sortirent de ses réflexions.
«Quelque chose ne va pas, Mlle Schlasser?»
Lisa leva les yeux vers lui. Il se moquait d’elle sans doute? Elle avait passé un horrible vol. Elle était fatiguée et avait faim.
«Parce que vous trouvez que la situation est parfaite?
- Vous n’allez pas recommencer, si?»
Provocation, la furie fit son retour.
«Recommencer? Alors que tout est de votre fait!»
S’en suivit une longue tirade sur les conditions de voyage. Dan comprenait qu’il s’agissait du contrecoup du vol, mais il commençait à s’agacer
«Ça suffit !»
Sous le choc, Lisa ne bougea plus. Elle ne savait pas Dan capable d’une telle réaction. Ses bagages tombèrent de part et d’autre de son corps. Son directeur reprit, toujours véhément:
«Je suis désolé pour l’avion, j’aurais dû vous demander avant. Mais maintenant, l’intermède est fini! Nous sommes en voyage d’affaire pas en vacances!»
Comme elle ne répondait pas, trop stupéfaite, il continua:
«J’en ai assez que chacune de nos discussions finissent en éclat! Alors vous vous calmez! J’en ferai de même et nous recommençons sur de nouvelles bases! Me suis-je bien fait comprendre?»
Il se rapprocha d’elle, mais la jeune femme ne bougea pas d’un centimètre. La seule pensée qu’il lui venait fut «ouah». Rouge de confusion, de colère et de honte, elle recula enfin.
Le fixant droit dans les yeux, elle lui tendit sa main droite:
«Marché conclu»
Dan n’en croyait pas ses oreilles. Un instant surpris, il se détendit enfin et serra sa main.
Ce qui fut une erreur fatale. Il faisait frais, mais soudain leurs deux mains réunies semblaient brûler. Incapable de détacher son regard d’elle, Dan attira cette main et ce corps à lui et l’embrassa. Sans pouvoir s’en empêcher. Il la sentit tout d’abord se raidir, mais soudain, dans un gémissement, elle répondit à son baiser. Et cela lui fit l’effet d’une douche froide. Il la lâcha instantanément.
Lisa n’était pas encore redescendue de son nuage. Ils venaient de conclure un pacte et deux secondes après elle se laissait impunément embrasser. Et quel baiser! Elle le fixa et à nouveau Dan le professionnel fit son apparition.
«Je suis dé…
-Ah non ça suffit! Plus d’excuses! Vous allez finir par me vexer pour de bon!»
Lisa vit l’incompréhension dans son regard. Il était clair que ni l’un ni l’autre ne comprenait ce qui se passait entre eux.
«Disons que c’était une manière inhabituelle de sceller notre second accord!»
Ceci étant dit, elle reprit ses valises et se remit en quête de leur voiture.
«Alors vous venez? Nous avons de la route.»
Dan l’avait suivi des yeux. Cette femme était stupéfiante! Et aussi bizarre que cela pouvait paraître, il commençait sérieusement à aimer cela.
Chapitre 9
Deux jours s’étaient écoulés depuis leur intermède à la sortie de l’aéroport. Fort heureusement, tous les séparait désormais depuis lors.
Lisa se reposait dans sa chambre d’hôtel, épuisée. Les deux derniers jours s’étaient partagés entre les allers retours et les rendez-vous en entreprise. Un marathon de rencontres qu’ils entreprenaient à un rythme effréné.
Elle se leva et gagna la salle de bain. Le jet d’eau chaude lui permit de laisser voyager ses pensées.
Lisa avait appréhendé la suite des évènements, lorsqu’ils étaient arrivés dimanche soir. Une fois arrivée devant leur hôtel, un simple «bonne nuit, demain départ à 9h» avait franchi ses lèvres.
Pourtant, dès les premiers rendez-vous du lundi matin, la situation s’était déliée. Dan et elle travaillaient bien ensemble.
Elle le pressentait déjà, maintenant Lisa en était persuadée: à ses côtés, elle pouvait apprendre énormément. Stoppant le jet d’eau, ses idées déviaient sur un autre sujet d’apprentissage, dans lequel il devait être tout aussi doué.
Un hoquet de surprise la prit. La jeune femme se sermonna et se sécha.
Lisa s’habilla et ne cessait de se demander ce qui avait pu se passer durant leur nuit. Se connaissant, pas grand-chose sans doute. D’accord, elle savait que l’alcool libérait ses … pulsions, mais coucher avec un quasi inconnu était tout de même extrême.
Il fallait se changer les idées. Nerveuse et l’estomac vide, Lisa sortit de sa chambre, direction le restaurant de l’hôtel.
Dan boutonna sa chemise. Jusqu’à présent tout se passait à merveille. Il avait parié le contraire pourtant.
Compétente, la jeune femme avait fait preuve d’enthousiasme, de ténacité et surtout d’adaptation. Travailler avec elle durant ces deux derniers jours avait été un réel plaisir.
Du coup, la situation se compliquait. Tout homme pouvait la trouver séduisante. Une semaine plus tôt, il se contentait de fille avec une plastique «intéressante» et un contenu peu existant. Ainsi, Dan ne provoquait que peu de complications lors de ruptures rapides. Mais il émanait de Lisa tout autre chose… Il avait couché avec elle et désormais il appréciait son travail, bientôt le monde allait le croire amoureux. Choqué par la tournure de ses pensées, Dan se fixa un instant médusé dans la glace.
A quoi tout cela rimait-il? Il ne la connaissait que depuis une semaine, c’était ridicule. Se sermonnant, il décida d’aller manger.
Lisa n’en croyait pas ses yeux : Jonathan! Son «ex». En chair et en os, devant elle dans ce restaurant. Malheureusement déjà repérée, elle ne pouvait plus fuir.
«Lisa? Quelle surprise!»
La jeune femme s’avança vers lui, étudiant, sans le vouloir, la plastique de l’homme qui s’était levé. Pour un professeur d’anglais, il avait su se maintenir en forme.
«Que fais-tu ici?»
Le dit John, lui sourit:
«Moi aussi tu m’as manqué.»
Il agrémenta cette remarque d’un petit clin d’œil suggestif. Lisa fut scotchée de stupeur.
Sinistre. Dire qu’elle avait pensé trouver en lui l’homme idéal. John était un dragueur, un joueur, un manipulateur, mais on ne pouvait nier qu’il savait charmer. Elle était jeune, il était expérimenté. Une belle histoire au début…
«Alors que fais-tu à Berlin?»
Lisa lui sourit, notant malgré elle la pointe de surprise dans sa voix:
«Le travail!»
Il lui jeta un regard équivoque:
«Tu plaisantes? Une jeune femme comme toi ferait mieux de se trouver un mari riche!»
Il ponctua sa phrase par un rire. La plaisanterie ne plut pas à Lisa:
«Mes projets sont toujours les mêmes! Mes diplômes ne servent pas à décorer mes murs.»
Il s’apprêtait à répondre lorsque le serveur arriva pour leur ramener les cartes du menu. Ils en profitèrent pour commander des boissons.
Aussitôt seul, John reprit la parole:
«Toujours décidée à refuser ma demande?»
Lisa n’en croyait pas ses oreilles! John devait plaisanter.
Sur le point de lui rendre la pareille, elle ne remarqua la présence de Dan, que lorsque celui répondit à sa place:
«Tiens et quel demande était-ce?»
Dan ne savait pas ce qu’il lui avait pris. Il était descendu pour manger et se détendre. Pas pour jouer les chevaliers servants. Qui était ce type? Sans savoir comment, il s’était retrouvé à s’introduire dans leur conversation.
Lisa remarqua la surprise de Jonathan et ne put qu’en sourire. A contrecœur, elle fit les présentations, tout en cherchant une solution de repli.
«John, permets moi de te présenter Mr Dan Albrecht, mon supérieur. Mr Albrecht, je vous présente Jonathan Loyd, professeur d’anglais à l’université de Berlin.»
Les deux hommes se serrèrent la main, mais sans aucune trace de chaleur. Le duel était amorcé
«Prenez place avec nous, Mr Albrèque.»
Dan tiqua, mais ne se départit pas de son sourire. Au premier regard, cet homme ne lui avait pas plu.
«C’est Albrecht et je vous remercie, je meurs de faim.»
Il prit place sur une chaise et la rapprocha de celle de Lisa.
«Avez-vous déjà commandé?» s’enquit Dan.
La jeune femme secoua négativement la tête, tout en le fixant de manière insistante. Dans son regard, elle tentait de faire passer le message : «allez-vous en!». Faisait il semblant de ne pas comprendre?
Les minutes suivantes passèrent dans un silence tendu. Dan s’empressa de partager le menu avec Lisa, comme s’il s’agissait de la chose la plus naturelle du monde. Elle se sentait mal à l’aise. Heureuse de ce contact, alors qu’elle devait le repousser.
Lorsque le serveur revint pour prendre leur commande, la tension se dégagea un instant. Mais la trêve fut de courte durée.
«C’est donc vous qui faites travailler si durement ma Lisa?»
John but une gorgée de vin attendant la réponse de son «adversaire», satisfait de son effet.
Dan n’était pas dupe. Il était hors de question d’abandonner Lisa seule avec lui, rien de bon n’aller en découler. Pourtant à son étonnement, il prit la main de la jeune femme et spontanément, déposa un rapide baiser avant de répondre:
«Lisa est notre meilleur élément. J’ai énormément de chance de l’avoir à mes côtés!»
Lisa troublée, l’avait regardé faire sans comprendre. Elle qui était partie pour un dîner tranquille et une longue nuit de sommeil. Pas de chance.
Chapitre 10
La jeune femme n’avait pas encore décidé qui de son ex ou de son supérieur l’énervait le plus. Le premier usait de surnoms qu’ils utilisaient autrefois, histoire de faire comprendre à son rival, qu’il était le chef. Le second faisait sous-entendre que leur relation était plus que professionnelle. Elle ne tenait plus.
Lorsque le serveur revint leur proposer un café et un dessert, elle lui signifia clairement de ramener l’addition le plus vite possible. L’assistance masculine la regarda pour la première fois de la soirée.
Le statuquo dérapa à l’instant où le serveur disparut. Jonathan démarra à nouveau les hostilités:
«Et quelle est la nature exacte de vos relations?»
Elle n’en revenait pas.
«Je suis l’assistante directe de Mr Albrecht.
- Et comme je vous l’ai dit, un élément irremplaçable!»
Dan l’avait coupé… Encore un peu et ils allaient s’affronter en duel. Mais pourquoi mentir? Il Etait-ce là, ce que l’on appelait l’orgueil masculin?
«Depuis combien de temps travaillez-vous ensemble?»
Voilà le piège refermé. Lisa souriait. Avec cette question, Dan ne pouvait plus jouer la comédie. La période d’essai n’était pas une période suffisante pour définir les qualités d’un employé. John n’était pas idiot.
A sa grande surprise, Dan répondit:
«Deux semaines.»
Jonathan parut surpris, mais ne se laissa pas démonter:
«Deux semaines? Voyons Mr Albrecht, comment pouvez-vous affirmer que Lisa correspond «parfaitement» au poste en si peu de temps?»
Lisa en avait assez. Ils parlaient d’elle comme si elle était absente et sa patience avait atteint ses limites. Brusquement elle se leva, posa sa serviette, malmenée toute la soirée, et s’adressa à Jonathan:
«Où veux-tu en venir John? Ma vie ne te regarde plus. Tu as perdu ce droit il y a quatre ans, lorsque tu t’es payé du bon temps avec ton étudiante. Sur ce je te remercie pour le repas.»
Jonathan ouvrait et fermait la bouche sans qu’aucun son n’en sortait. Avançant entre les tables du restaurant, Lisa se retourna et croisa le regard de Dan. Elle crut y déceler de l’admiration. Mais à cet instant, une seule chose comptait: quitter au plus vite ce lieu.
Elle se dirigea vers l’ascenseur. La soirée avait été un véritable cauchemar et elle se sentait très seule
En entrant dans la cabine, elle vit Dan venir vers elle. Elle ne fit aucun geste pour empêcher la porte de se refermer.
Durant tout le repas, elle n’avait cessé, de comparer les deux hommes… Dan, lui, avait multiplié les manœuvres de possession. Une main sur son bras, sans compter le baiser sur sa paume. Alors qu’elle tentait de garder leur relation professionnelle, il franchissait la limite et jetait le trouble sur la situation.
Elle ne pouvait nier qu’il était séduisant et qu’il l’attirait. La sensualité que dégageait cet homme lui faisait un effet sidérant. Cette histoire allait la mener droit dans un mur.
Lorsqu’elle arriva à son étage, elle retourna à sa chambre épuisée.
Dan avait vu son regard. Bien sûr, il était surpris. Il savait qu’elle avait de la répartie. Désormais, il savait qu’elle était forte
Lorsqu’elle avait disparu, il s’était levé à son tour. Il avait jeté quelques billets sur la table, pour assurer l’addition. Jonathan l’avait alors attrapé par le bras:
«Elle n’en vaut pas la peine.»
Dan n’en avait pas cru ses oreilles. Il se dégagea brutalement et fixa son interlocuteur :
«Ne l’approchez plus jamais… où vous aurez affaire à moi!»
Et il s’en était allé. Oui il estimait son assistante. Alors Dan ne supportait pas qu’on puisse lui montrer de l’irrespect.
Il voulait la suivre, mais les portes de l’ascenseur s’étaient refermées sur elle. Dan ne voulait pas la laisser seule.
Lisa venait de sortir de la salle de bain, lorsqu’on frappa. Elle savait qu’il s’agissait de Dan avant même qu’il ne s’annonçait…
Elle s’était réfugiée dans sa chambre, Dan en avait conscience. Il frappa alors plus fort et cria à travers la porte:
«Lisa si vous n’ouvrez pas je vous vire!»
Un sourire détendit ses traits. Elle se leva et ouvrit à contre cœur.
Le spectacle qu’il vit à cet instant, le cloua sur place. Le visage fermé, les traits tirés, elle semblait fatiguée, fragile, et pourtant si belle.
«Je peux entrer?» Devant sa réticence il rajouta:
«Si je deviens encombrant, jetez-moi dehors !»
Il tenta un sourire et cela fonctionna. Lisa s’effaça pour aller s’installer sur l’un des deux fauteuils qui meublaient la pièce.
La chambre ressemblait à la sienne. Il prit place en face d’elle.
Lisa attrapa un coussin et se mit à le malmener. La colère et la tristesse se mêlaient en elle et la jeune femme avait vraiment besoin de la laisser s’exprimer.
«Vous êtes venu me faire la morale? Autant vous dire que je ne suis pas d’humeur»
Comme il l’observa sans répondre, elle amorça la discussion.
«Monsieur Albrecht, je sais ce que vous tentez de faire. Mais là j’aimerai être seule….
- Et moi je préfère ne pas vous laisser seule.»
Il l’avait interrompu sans réfléchir. La réaction de son assistante ne fut pas longue à venir.
«De quel droit? Vous ne pensez pas que vous en avez assez fait ce soir?»
Lisa laissa tomber son coussin et le fixa hostilement. Dan savait que la partie n’était pas gagnée.
«Je suis désolé Lisa.»
Elle se leva, folle de rage.
«Désolé! Vous n’avez que ce mot à la bouche! Pourquoi vous êtes-vous immiscé dans mon dîner?»
Elle fit les cent pas dans la chambre tout en continuant à extérioriser ses pensées. Pour l’instant la meilleure chose à faire était de la laisser parler. Elle avait été muselée toute la soirée. Elle devait se défouler avant de se calmer. Elle avait besoin d’être entourée, pas d’être sermonnée.
Chapitre 11
«Et s’il s’agissait de mon petit ami?»
Sa voix s’était brisée à la fin de sa phrase. Dan n’avait pas pensé à cela ce soir. Il s’était persuadé dès le départ, qu’il s’agissait de quelqu’un de nuisible pour elle.
«Que John ne soit plus mon petit ami ne change rien!» continua Lisa. Vous vous rendez compte que vous avez dépassé les frontières d’un lien entre un patron et son assistante?»
Dan se leva à son tour, il fallait stopper ce flot de paroles.
«Calmez-vous Lisa…Je ne sais pas ce qui m’a pris… Peu importe ce que je pensais! L’important c’est que vous vous calmiez.»
Lisa se retourna vers lui, étonnée :
«Me calmer? Après ce dîner? Je ne suis que votre employée et il serait tant pour vous d’intégrer ce fait.»
Les mains sur les hanches, elle semblait plus en colère que jamais. Elle reprit:
«Je n’ai jamais été aussi humiliée!»
Elle s’arrêta un instant et le fixa. Il la regardait sérieux. Lisa se calma instantanément. Il émanait de Dan un charisme qui avait le don de calmer ses accès. Mais qui n’excusait pas son comportement.
Elle se rassit et prit sa tête entre ses mains. Jonathan avait vraiment mal choisi son moment pour réapparaître!
Dan se rassit. Il devait la faire parler. Cet homme avait dû lui faire plus de mal qu’elle ne le laissait paraître. L’ouragan Lisa ne se laissait pas démonter facilement. Lisa sortit de ses réflexions et le regarda:
«Je vous en prie Mr Albrecht, partez!»
Dan la regarda stupéfait. Partir? Il cherchait à se faire pardonner et à reprendre avec elle une relation détendue. Plusieurs secondes s’écoulaient, avant qu’il ne se décida à lui obéir. Après tout, Lisa avait raison: il n’avait rien à faire là!
Il se dirigea lentement vers la porte avec le sentiment d’avoir perdue quelque chose d’important. Se retournant une dernière fois et piqué par une curiosité qu’il n’arrivait pas à expliquer, Dan lui demanda:
«Dites-moi simplement une chose et je partirai.»
Lisa leva ses yeux vers lui, très lasse.
«Vous l’aimez ce Jonathan?»
La question était tombée. L’aimait-elle encore? Elle se sentait soudain plus abattue que jamais. Alors elle opta pour ce qu’elle savait faire: couper court.
«Partez!»
La porte claqua sur la tension qui animait Lisa et Dan.
Ce dernier retourna dans sa chambre. Il avait froid et il se sentait soudain d’une humeur massacrante. En quoi les amours de sa nouvelle assistante pouvaient bien lui importer? Maintenant, il devait absolument oublier ses instincts protecteurs absurdes.
Pourtant, il eut beau faire ou dire, il n’arrivait pas à se calmer. Il se retourna brusquement vers la porte de sa chambre. Dan devait se changer les idées à tout prix. Après tout, le bar de l’hôtel devait encore être ouvert à cette heure-là.
Lisa avait passé une nuit horrible. Le sommeil ne l’avait surpris que tard dans la nuit de manière hachée.
Il faisait jour et d’autres perspectives l’attendaient. En premier lieu, la jeune femme avait décidé de tirer un trait sur son altercation avec Mr Albrecht.
Durant sa longue insomnie, elle avait cherché à comprendre ce qui se passait en elle. Pourquoi lorsqu’elle s’était retrouvée confrontée à John, tout s’était mélangé? Désormais elle savait que rien ne restait de leur passé commun.
Forte de sa décision, elle franchit la porte de sa chambre en direction de celle de son supérieur. Il était temps de reprendre sa vie professionnelle.
Dans les brumes de son sommeil, Dan entendait frapper à la porte. Il bougea son corps sous les couvertures. En premier lieu, pour constater les dégâts infligés par l’alcool. Sa tête lui faisait mal et en s’étirant, il se rendit compte que le reste fonctionnait passablement au ralenti.
Il tenta doucement de se secouer, lorsque les coups à la porte recommencèrent de plus belle. Lisa! Il regarda son réveil: 8h30. Il posa un pied sur le sol mais n’eut pas le temps de poser le second, qu’une créature blonde aux jambes bronzées sortit de la salle de bain, à peine vêtue d’une de ses chemises. Avant même de pouvoir prononcer un mot, elle lui sourit et se dirigea vers la porte pour l’ouvrir.
«Non! Attendez!»
Trop tard. Déjà Mademoiselle aux longues jambes se retrouva face à Lisa. Gueule de bois et quiproquos, merveilleuse manière de commencer la journée!
Lisa resta bouche bée. Déprogrammée. Elle n’esquissa pas un geste et aucun son ne franchit d’abord ses lèvres. Que pouvait-elle dire d’ailleurs? Devant elle, se dressait une jeune femme blonde, belle, de longues jambes portant une chemise d’homme. Assurément, il ne s’agissait pas de Dan.
Sans trop savoir pourquoi, elle ressentit comme un étrange coup au cœur, qui lui rappela de mauvais souvenirs. Elle tenta de les chasser et lança un:
«Bonjour.»
La créature lui sourit. La situation semblait l’amuser. Déjà Dan apparut dans l’embrasure de la porte, torse nu vêtu de son pantalon de la veille. Le coup se transforma en colère irraisonnée. Monsieur se payait du bon temps et lui reprochait un dîner avec un ancien petit ami. Elle déclara, aussi froide qu’un glacier:
«Bonjour Mr Albrecht. Je vous attendrai dans le hall pour le départ à 9h.»
Et elle s’en fut dans le couloir. Elle entendit Dan l’appeler, mais la colère lui brouillait l’esprit. A nouveau, elle se retrouva dans l’ascenseur avec une envie folle de frapper quelqu’un ou quelque chose.
Dan se retrouvait devant une situation des plus étranges. Il avait essayé de la rattraper, mais son seul vêtement était son pantalon.
Pour le moment, malgré Lisa, un autre problème, d’une autre dimension se posait à lui. Qui était cette femme avec lui?
Il se souvenait d’avoir commandé de nombreux verres au bar hier soir. Il se rappelait avoir invité plusieurs femmes à le suivre et cela se terminait par un gros trou noir.
Quant à la jeune femme, sitôt la porte fermée, elle se rapprocha langoureusement de lui:
«Si je comprends bien il nous reste toute une demi-heure?»
Lisa fulminait. Elle avalait sa deuxième tasse de café en un quart d’heure, pourtant sa colère ne faisait qu’enfler. D’ailleurs, elle ne savait pas pourquoi elle ressentait cela. Dan était un homme sans attaches après tout.
Tout de même cela la dérangeait. Elle s’était imaginée son directeur se tournant et se retournant dans son lit, bourré de remords. Un peu comme elle l’avait été. En guise de regrets, il s’était trouvé une «compagnie». Elle se leva en direction du buffet. Il lui fallait un autre café.
Au moment de remplir sa tasse, elle la vit. Plus ou moins dans le même état qu’elle-même et cette fois-ci habillée, la jeune «amie» de Mr Albrecht se dirigeait vers la sortie. Elle semblait énervée et ne tarda pas à s’en aller.
Lisa haussa les épaules. Après tout, la pauvre était tombée dans un piège qu’elle commençait à connaître : celui de Dan Albrecht.
Elle retourna s’asseoir et tomba nez à nez avec le Monsieur en question.
Quelle attitude adoptée? Détendue? Coupable? Il n’en savait rien.
La jeune femme, Helena, comme il l’avait appris, était partie de manière... brutale. Elle lui avait avouée qu’elle avait passé la nuit à l’écouter se plaindre. Qu’il n’avait cessé de parler de son «assistante» sans jamais vouloir la toucher. Pourtant, Helena s’était dit qu’au matin, en la voyant, il allait arrêter de parler et passer à l’action. Comment avait-il pu réagit ainsi? Son genre était de séduire et de manger. Pas de se plaindre! Soudain l’ironie de la situation lui était apparue. Alors il l’avait laissé enragée et criante.
Il s’en voulait. Depuis quelques années, cela ne lui arrivait plus. Enfin, disons que d’habitude, il ne se contentait pas de parler et se souvenait de leur prénom. Et soudain il s’était senti plus proche de Lisa.
Helena partie, il savait qu’il lui restait à affronter une furie, autrement plus féroce: Mlle Schlasser.
Celle-ci se tenait devant lui et le sondait du regard. Il put lire par quelle méandre d’émotions elle passait et se demandait impatient, pour laquelle elle allait opter?
Lisa le regardait depuis un bon moment, se demandant ce qu’elle pouvait bien faire. Résignée, elle posa sa tasse sur la table et lui demanda monocorde:
«Vous voulez un café?»
Chapitre 12
«Serais tu jalouse par hasard?»
Le ton malicieux de Betty finit d’agacer Lisa. On était vendredi soir et depuis leur retour, une semaine plus tôt, tout était revenu à la normale. Durant les rendez-vous, tout s’était passé à merveille. Loïc, de son côté n’en était pas revenu. Aux dires de Dan, leur voyage accroissait considérablement le chiffre d’affaire prévisionnel.
Pourtant Lisa se sentait mal, frustrée même. Inconsciemment, elle s’était persuadée que Dan n’était qu’un tombeur. Alors que cela ne devait l’affecter en rien, son aventure la perturbait. Pourtant, elle ne s’était jamais bercée d’illusions.
Ce qui l’énervait vraiment, c’était leur relation de travail. Ils n’échangeaient que peu en face à face. Dan avait repris son manège de téléphone et de messagerie Internet dès leur retour.
Elle avait imaginé qu’après leur séjour, leur collaboration pouvait être meilleure. Lisa avait espéré ajouter cette petite touche humaine et sociale dans leur relation, suite à leur succès. Peine perdue. Tous comme les illusions de se faire embaucher au bout de sa période d’essai.
Alors ce soir, lorsqu’il lui avait souhaité une bonne soirée, elle avait craqué.
Elle se replongea dans la conversation téléphonique avec son amie:
«Disons que je suis tombée sur une ancienne connaissance…. Que Dan s’est invité à notre dîner…. Qui s’est, bien sûr, mal passé. Et finalement j’ai retrouvé Mr Albrecht en charmante compagnie le lendemain matin!»
Le silence qui suivit cette déclaration, un peu mélangée, était éloquent. Soit Betty ne comprenait pas, soit elle n’avait pas entendu.
«Récapitulons: tu rencontres un type que tu connais. Tu vas manger avec lui. Dan arrive. Où est le problème?»
La clarté n’était pas son fort ces temps-ci. Elle hésita un instant à se confier.
«Déjà qui est ce type? Apparemment cette rencontre t’as marqué donc ce n’est pas n’importe quel homme, je me trompe?»
Devant tant de logique, Lisa resta un instant bouche bée. La jeune femme se résigna à expliquer toute l’histoire à Betty. Celle-ci ne souffla mot durant toute l’histoire.
«Tout a commencé il y à 5 ans, mon stage en Allemagne. J’étais sur le point de terminer mon second cursus. Je devais faire ce stage dans une société de transport.
Mais il fallait que je trouve un endroit où loger. Une femme, dans la banlieue, louait des chambres, pour les étudiants et professeurs de passage…L’endroit était magnifique et la propriétaire adorable. Bref: j’étais à Berlin depuis deux semaines quand John est arrivé…»
Lisa se remémora leur rencontre. Il était beau, plus âgé, fascinant. Et elle s’était laissée embobiner. Au début, tout allait pour le mieux. Naïve, elle avait même pensé qu’il était peut-être l’homme de sa vie.
Ils sortaient ensemble depuis six mois lorsque son stage était arrivé à terme. Lisa n’avait pas voulu partir. John avait été nommé professeur d’anglais et comptait s’installer. Lorsqu’il lui avait proposé de rester, elle avait accepté.
Tout le monde pensait qu’elle faisait cela pour le travail, Lisa n’avait pas voulu les détromper. Jonathan était son secret.
«Tout se passait à merveille. Je m’absentais de temps en temps, mais jamais plus d’une semaine. Un jour, il m’a demandé en mariage. Sur le coup, je n’ai pas répondu. Puis ma mère a eu des ennuis et je suis rentrée pendant quelques temps…»
Lisa se tut un instant. La colère avait depuis remplacé la douleur.
«J’ai voulu lui faire une surprise et je suis rentrée en week-end à Berlin. Je l’ai trouvé, dans sa chambre, avec une de ses étudiantes. Je n’ai pas été longue à comprendre et je suis partie. L’histoire aurait pu se finir ainsi, si Jonathan n’avait pas essayé de me reconquérir. Son étudiante ne l’a pas appréciée et est allée raconter des horreurs à mon patron de l’époque. Mes absences aidant, je me suis retrouvée sans travail, sans toit, sans petit ami.»
Elle s’arrêta un instant. Ne sachant trop comment continuer. Betty s’en chargea:
«Ce qui explique ton retour précipité. Oh Lisa! Pourquoi ne m’en as-tu jamais parlé?»
Elle n’en savait rien elle-même. Elle s’était sentie ridicule de s’être laissée piégée ainsi. Betty continua:
«Je comprends ton aversion pour cette «aventure» avec Mr Albrecht.»
Lisa hocha la tête. Elle était consciente que ses réactions envers Dan étaient dictées par son passé avec Jonathan. Mais cela ne changeait en rien la situation.
«Que tu ais des aventures passes encore, mais que tu étales cela devant ton assistante!»
Dan bouillonnait. Au départ, il voulait simplement faire le bilan de la semaine à Loïc. Dire qu’il avait pensé que Lisa changeait de comportement… Qu’elle se montrait plus amicale… Il s’était fourvoyé! Même conscience professionnelle, même caractère buté, même froideur calculée!
Il ne savait plus où donner de la tête. Tour à tour, il passait d’une envie folle de la secouer, à celle subtile de l’embrasser. Donc le voilà au téléphone avec Loïc. Celui-ci lui avait demandé des nouvelles de Lisa. Aussitôt les derniers évènements lui étaient revenus. Une journée froide, professionnelle, suivi d’un «bonne soirée» brut de décoffrage.
«Ohé! Tu es encore là?»
Dan revint à la réalité. Il avait tout raconté à Loïc et ce dernier ne prenait pas l’histoire à la légère.
«Oui Loïc, je suis encore là et toujours énervé je te signale!»
Son ami riait doucement:
«Je ne vois pas pourquoi. Ce n’est pas ma faute si ton plan n’a pas fonctionné. En même temps tu aurais pu t’en douter: rendre cette femme jalouse, c’est une très mauvaise idée!»
Dan se renfrogna. Il connaissait cette technique: prêcher le faux pour avoir le vrai.
«Tu sais très bien que je ne voulais pas faire cela!
- Oui bien sûr! reprit Loïc sardoniquement. Ecoutes Dan, cette fille te plaît, non?»
Bonne question:
«Les jours pairs oui, les impairs non, ironisa Dan»
Cette situation était désespérée.
«Voilà les faits. Vous formez une bonne équipe. Nous la garderons donc après sa période d’essai.»
Dan ne répondit pas tout de suite, ce que Loïc du mal interpréter car il le sermonna:
«Ta vie privée ne jouera pas dans cette décision Dan! Et il lui reste un peu plus d’un mois pour continuer à faire ses preuves.»
Donc il devait travailler avec Lisa. Il tenta d’expliquer pourquoi cela était une mauvaise idée à Loïc. Mais c’était sans connaître ce dernier.
«Soit professionnel!»
C’était le reste qui n’allait pas être facile à vivre. Loïc se remit à rire et Dan commençait à douter de son aide.
«Dan laisses moi te donner un conseil. D’après ce que je vois, tu es amoureux de cette fille.
-Mais…
-Ou du moins elle t’attire, le coupa-t-il. Ce que tu fais en dehors des heures de bureau ne me regarde pas. Tout ce que je vous demande, à toi et à Mlle Schlasser, c’est de continuer à être actif durant les heures de bureau.»
Ce fut à Dan de laisser un rire fuser, Ironique il rétorqua:
«C’est fou ce que tu m’aides!»
Un silence se fit. Au bout de quelques secondes la conclusion de la discussion arriva, nette et tranchante:
«Alors tentes le coup avec elle! Qu’as-tu à perdre?»
«Est-ce que tu te sens bien?»
Lisa avait crié. Son amie devait avoir un accès de folie.
«Mr Albrecht n’est pas du tout mon type!»
Betty pouffa:
« Oui bien sûr, c’est pour cela que tu as passé la nuit avec lui, que tu te laisses embrasser et que tu es jalouse!
- Rien à voir, je ne suis pas jalouse. se défendit Lisa. Disons que nous pouvons être de bons collègues de travail. Ça c’est un compromis!»
Ce semblant de relation amicale calmait leurs esprits et permettait une meilleure ambiance de travail. Evidemment Betty ne le voyait pas de cet œil:
«Au risque de te contredire, tu n’y arriveras jamais. Quand comprendras-tu que tu as devant toi ton «Yang»?»
Et puis quoi encore? Elle n’était pas amoureuse!
Sa décision était prise. Il n’y avait que du travail entre Dan et elle. Elle détourna donc la conversation sur le week-end suivant durant lequel elle avait l’intention de voir son amie. D’autant plus que celui-ci s’annonçait de bonne augure : une brocante était prévue chez sa mère!
Famille, voisins, amis. Le cocktail idéal pour lui changer les idées.
Dan avait coupé net l’idée de Loïc. Il n’était pas question d’une tentative d’approche amoureuse. En plus de son caractère explosif, de son efficacité, Lisa était quelqu’un de bien. Une collègue? Oui. Une amie? Peut-être.
Il changea le sujet de conversation.
«Au fait, tu n’avais pas une fête ce week-end?»
Loïc semblait n’avoir rien remarqué et continua.
«Ne m’en parles pas, Michelle est surexcitée. On vient d’emménager alors elle veut faire bonne figure!»
Dan sourit en l’entendant exposer la liste des préparatifs. Les préoccupations familiales de son ami avaient toujours eu le don de le faire sourire. Cinq ans auparavant, il n’avait jamais imaginé Loïc à genoux devant une femme. Mais Michelle n’était pas n’importe quelle femme. Et il était clair que le couple était plus heureux que jamais. Soudain, il entendit:
«… une certaine Christine! Apparemment c’est une femme charmante. Au moins nous connaîtrons quelqu’un. Tiens et toi alors? Tu veux venir?»
Une fête de quartier? Après tout pourquoi pas? Un peu de détente ne lui faisait pas de mal.
Chapitre 14
«Il ne reviendra plus?»
Lisa maltraitait ses céréales depuis une bonne vingtaine de minutes. Betty était arrivée ce matin.
Mais Lisa n’avait aucune envie de discuter. Depuis le soir d’avant, elle se sentait vidée. Alors qu’elle s’apprêtait à se coucher, un invité surprise s’était présenté à sa porte…
La confrontation avec Jonathan avait été éprouvante mais lui avait montrée une chose: elle n’était pas faite pour l’amour
Oh il avait été courtois, séducteur…, pourtant cela n’avait servi à rien. La décision était venue d’elle-même, comme une évidence: il devait disparaître de sa vie. Elle se rappela pour la énième fois la scène.
Sans même se faire prier, John s’était permis un tour du propriétaire.
«Charmant» avait-il conclu.
Lisa leur servit deux verres de vin et s’assit sur le canapé. John, aussitôt, s’était installé à ses côtés. Et cette proximité l’avait mise mal à l’aise. Elle ne l’aimait plus. Elle le savait depuis longtemps mais la vérité ne lui avait sauté aux yeux que récemment. Ce qui rendait sans doute la discussion plus simple.
Alors elle se leva et prit place dans le fauteuil.
«Tu ne m’as pas répondu John, que fais-tu ici?»
Il plongea ses yeux dans les siens. Il était inquiet et surpris. Sans doute, s’était-il attendu à des retrouvailles comme dans une comédie hollywoodienne où le happy end était toujours assuré. Mais nous étions dans la vie réelle. Les fins heureuses n’arrivaient jamais de cette façon.
«Je t’aime Lisa! Je suis venu pour toi!»
Lisa le fixa un instant de plus et prit une profonde inspiration:
«A quoi joues-tu Jonathan? Entre nous tout est fini.»
Son regard avait changé immédiatement. Il crispait ses doigts sur le verre.
«Si ton «patron» n’était pas intervenu durant notre dîner, nous serions à nouveau ensemble!
-Non.»
Lisa lui avait répondu calmement.
«John, il n’y a plus rien entre nous! C’est fini. Je ne t’aime plus! Il va falloir que tu le comprennes.»
Il secoua la tête sans comprendre.
«Comment peux-tu dire ça? Nous avons vécu des choses merveilleuses ensemble.»
Suivi une liste des «moments» qui avaient rythmés leur relation. Lisa ne s’en laissait pas perturber. Une nouvelle vie l’attendait. Jonathan n’en faisait pas parti.
Elle avait beau lui expliquer, il n’admettait pas. Si bien qu’au bout de quelques temps, Lisa en était arrivée à la conclusion, qu’il ne s’agissait que d’un problème d’ego.
Quand il balança son verre sur la table, elle crut qu’elle en avait enfin finie. Jonathan s’était dirigé vers la porte. Elle s’était levée pour l’accompagner. Au moment où elle l’avait atteint, il la saisit et tenta de l’embrasser de force. Lisa eut à peine le temps de détourner le visage. Le baiser avait fini sur sa joue, et la main de la jeune femme gifla Jonathan.
Un flot, peu amène, de jurons et d’insultes avait fusé de la bouche de celui-ci. Lisa, elle, avait ouvert la porte et poussé son entreprenant ex-petit ami sur le pas de la porte, avant de lui claquer la porte au nez.
Et la voilà devant son bol de céréales, chez sa mère. Pathétique. Elle avait finalement précipité son départ, de peur de le voir réapparaître. Ce qui ne lui avait pas rendu le sommeil plus facile. Elle n’était pas faite pour l’amour, voilà tout. Elle reprit le fil de la conversation de Betty et s’apprêtait à répondre, lorsque sa mère fit son apparition.
«Bonjour les filles!»
Lisa et Betty se retournèrent aussitôt. Christine Schlasser avait beau dépassé la cinquantaine, elle restait pleine de charme. Un peu plus grande que sa fille, les cheveux châtain, elle avait gardé une carrure athlétique. Avec son magnifique sourire et un sens de l’humour aiguisé, elle était une personne incroyable. Lisa se leva pour embrasser sa mère. La jeune femme savait qu’elle lui ressemblait beaucoup. Même yeux, mêmes traits du visage, même taille.
«Alors, vous parliez de quoi?»
Betty jeta un regard vers son amie et sourit.
«Des hommes Christine ! Encore et toujours!»
Christine rit tout en se servant du café. Elle se tourna vers le deux jeunes femmes et entreprit de lancer un sujet tout aussi controversé.
«En parlant de cela…J’ai fait les connaissances de mes nouveaux voisins. Des gens charmants. Le mari travaille dans l’industrie, je croie, et la femme est adorable!»
Lisa leva les yeux au ciel… Encore une conversation «un ami d’un ami aimerait te rencontrer». En d’autres circonstances, l’application de Christine pour lui trouver un petit ami la faisait sourire. Mais ce matin l’humeur n’y était pas.
«Viens en au fait maman!»
Betty se mit à rire. Elle adressa un clin d’œil à Christine et l’informa:
«Elle est un peu grincheuse ce matin.
-J’avais remarqué, soutint-elle. Quoi qu’il en soit. Ils ont un ami de longue date. Un jeune homme charmant…Et célibataire.»
Le couperet était tombé. Lisa et Betty se regardèrent un instant. Apparemment sur la même longueur d’onde.
«Encore un désespéré!» Lancèrent elles en chœur avant de se mettre à rire.
Christine les regarda tour à tour. Puis elle reprit:
«Pas de conclusions hâtives Mesdemoiselles! De toute façon vous le verrez aujourd’hui. Il vient aider Michelle pour la brocante!»
Et elle s’en fut s’habiller, non sans recommander à sa fille de faire la même chose. Après tout, ce week-end n’était pas fait pour s’amuser.
Dan s’affala sur un siège dans le garage de Loïc. Il avait passé les deux dernières heures à installer des tables, sortir des cartons,.. tout cela sous les ordres d’un général en jupon! Il jeta un coup d’œil à Loïc, installé juste à côté de lui… Apparemment tout aussi fatigué.
«Tu m’as tendu un piège!»
Loïc partit d’un rire et se leva.
«Avoues que le plan était parfait. Je vais nous chercher du café!»
Dan sourit. Au moins la matinée était passée très vite. On ne pouvait pas en dire autant de la nuit. Il avait eu le malheur de passer, par hasard bien sûr, devant l’immeuble de son assistante. Se décidant encore s’il devait sonner ou non, il l’avait aperçu « lui ». Ce Jonathan ! Sous le coup de ce cocktail, Dan avait fait demi-tour. Depuis, l’homme n’arrêtait pas de se poser des questions. Si Lisa se remettait avec lui? S’ils avaient dormis ensemble? Il n’avait pas trouvé la paix.
Le réveil lui avait pourtant apporté la certitude, qu’il allait passer deux jours loin de cette ville. Loin de Lisa. Cette constatation lui avait redonnée le sourire. Loïc et Michelle n’habitaient qu’à 35 minutes de route, pourtant ce matin, cette distance lui semblait être un havre de paix situé à l’autre bout de la Terre.
Sauf qu’il n’avait pas compté sur les ordres de Michelle! La jeune femme lui avait laissé le temps de poser son sac, de boire un café, avant de lui donner des « missions» de première urgence. Au fond cela lui faisait du bien. Il se changeait les idées et profitait de la proximité de ses amis pour se ressourcer. Plus de Lisa pour l’empêcher de dormir.
«Excusez-moi?»
Il ne s’était pas rendu compte qu’il avait fermé les yeux. Ni même que la porte du garage était restée grande ouverte. Aussi fut-il surpris par cette voix.
Dan ouvrit doucement un œil puis le suivant. S’attendant à trouver une vieille femme en quête d’une bonne affaire, il eut le souffle coupé, lorsqu’il découvrit son interlocuteur. Ou plutôt interlocutrice. LISA?
Il se redressa instantanément sur son siège et se reprit. Non ce n’était pas Lisa. Il s’agissait d’une femme d’un certain âge qui ressemblait beaucoup à la jeune femme. Là s’arrêtait toute comparaison. La fatigue conduisait à de bien étrange réaction. L’inconnue se racla la gorge.
«Euh oui?»
Pas très clair. Il semblait malgré tout que cela suffisait à la femme pour lui esquisser un sourire et reprendre la parole.
«Bonjour, je suis la voisine: Christine…Je viens voir Michelle.»
Dan se souvenait vaguement de ce nom. Il se leva et alla à sa rencontre. Il n’avait pas été très poli pour le moment. Or Loïc et Michelle venaient d’arriver dans le quartier. Il n’était pas question de faire mauvaise impression. Il lui tendit la main et sourit.
«Oui veuillez m’excuser! Mon nom est Dan. Je suis un ami de Michelle et de Loïc. Ils sont à l’intérieur, mais je pense qu’ils vont descendre dans un instant.»
La réaction de la dénommée changea aussitôt. Son sourire s’élargit. Elle lui prit la main et l’étudia. Dan se sentit gêné sous ce regard. Elle n’avait tout de même pas l’intention de le draguer?
Mais elle démentit aussitôt ses pensées:
«Oui Michelle m’a parlé de vous. Vous savez, jeune homme, je connais quelques jeunes femmes qui pourraient vraiment vous intéresser.»
Dan éclata de rire. Au moins, elle était directe. Comme Lisa. Il chassa cette idée saugrenue. Décidément, la nuit se prolongeait durant le matin. Il la regarda et vit qu’elle sourit aussi. Il lui répondit le plus sincèrement possible:
«Désolé Madame, mais je crois que je ne vous connais pas assez pour que vous soyez mon entremetteuse.»
Elle lui fit un clin d’œil et lui murmura:
«Ne vous inquiétez pas, je sais être patiente!»
Il sourit à nouveau, cette femme avait l’air d’être un sacré numéro. Il se rapprocha et murmura à son tour, dans la confidence:
«Dès que je recrute pour le poste, je vous passe un coup de fil.»
Elle se mit à rire franchement et il en fit de même. Michelle arriva alors et accapara la femme. Dan se mit en retrait et se rassit sur son siège. Loïc ne tarda pas à les rejoindre, les tasses de café en renfort. Ils se mirent à discuter, tous les cinq.
Au bout d’une demi-heure, Christine se leva et prit congé. Michelle voulut la retenir mais elle prétexta que son fils devait être arrivé et que sa fille l’attendait. Avant de franchir le seuil, elle se retourna vers Dan:
«Jeune homme, si vous avez besoin d’une pause, venez me voir à côté. Je vous présenterai ma fille!
-Nous verrons Madame. Lui répondit-il.»
Elle lui sourit à nouveau:
«Je vous attends! Ne tardez pas trop!»
Chapitre 15
Lisa et Betty s’affairaient à l’étalage devant la maison. Elles avaient pris la place de la mère de Lisa sur le stand, au grand soulagement de celle-ci. Maintenant, assises sur des chaises de jardin, les deux jeunes femmes profitaient du soleil.
La jeune femme avait envie de se détendre. La matinée avait été exquise, malgré le travail de «déménagement» que demandait la fête de quartier. Elle se rendait compte à quel point sa famille pouvait lui manquer. Sa mère et ses stratagèmes d’entremetteuse, sa bonne humeur,…. Son frère qui, lui, ne cessait de se transformer en adulte.
Elle se souvenait de lui enfant. Lorsqu’elle occupait encore son rôle de «protectrice». Il était si fragile. Lisa, elle, était plus forte et voulait le rester. Quoiqu’il en soit, elles avaient craint que l’absence de père pouvait nuire à Stéphane. Dire que désormais, c’était lui qui pouvait se charger de sa sécurité. Deux fois sa taille, trois fois sa largeur. Elle sourit doucement. Intelligent, pour sûr, il l’était.
17 ans et il avait tout planifié. Il voulait être avocat. Tant mieux! Et elle allait faire en sorte de mettre toutes les chances de son côté. Grâce à son travail avec Dan.
Elle se redressa dans son siège. A quoi venait-elle de penser? Grâce à Dan? Un rictus ironique lui barra le visage. Apparemment passer deux heures sans penser à cet homme devenaient difficile. Mieux valait entamer la conversation avec Betty.
«Au fait, je t’ai dit que j’ai prévu de proposer un projet de développement pour la société?»
C’était au tour de Betty de se redresser d’un coup. Elle savait ce que cela signifiait : Lisa allait s’impliquer et se battre pour son poste. Elle jeta un coup d’œil à Lisa:
«C’est vrai? Bonne idée! Si tu as besoin d’aide…»
Elle lui sourit et se leva pour la prendre dans ses bras. Le soutien sincère que Lisa vit dans le regard de son amie lui fit chaud au cœur. Elle savait que Betty était sincère. Mais bien vite, elle retourna s’asseoir.
«Je n’ai pas encore dit à ma mère, ni à Stéphane, reprit Lisa.
-Dit quoi? S’étonna Betty.»
Lisa se racla la gorge.
«Je ne leur ai pas dit qu’il s’agit peut-être d’un poste à long terme. Je leur ai dit qu’il s’agissait d’une mission intérimaire.»
Son amie secoua la tête, ne comprenait pas. Betty sembla réfléchir et se retourna à nouveau vers elle. Une lueur malicieuse, que Lisa ne connaissait que trop bien, venait d’apparaître.
«Tu sais. Après tout ce que tu m’as raconté sur ton armoire à glace, je suis étonnée. Serait-ce par peur de leur parler de lui que tu leur as caché cette opportunité?»
Lisa reçut la question comme une gifle. Elle s’offusqua aussitôt:
«Je ne voulais pas faire naître de faux espoirs, c’est tout!»
Betty rit et n’ajouta rien. Elle décida d’aider la jeune femme et changea de sujet, lui demandant comment s’étaient déroulé sa dernière semaine de travail.
S’en suivit un récit des derniers jours. Lisa lui raconta tout. Se soulager auprès de Betty lui permettait de se sentir plus légère. Elle savait d’avance qu’aujourd’hui n’était pas une exception.
Pourtant à son grand étonnement et lorsqu’elle évoqua le nom de Dan, Betty se mit à rire.
«Ma grande… quand tu rendras tu enfin compte qu’il y a de l’amour entre ce Dan et toi?»
Lisa se tourna vers elle, stupéfaite. De l’amour? Bien sûr! Bientôt elle allait voir passer un éléphant rose accompagné d’un magnifique lapin géant bleu! Pourtant elle devait bien admettre que les doutes et les soupçons l’assaillaient depuis sa rencontre avec Jonathan. Durant toute l’entrevue, elle n’avait trouvé rien de mieux que de le comparer à Dan. Sans rien remarquer, Betty poursuivait:
«Prends de l’attirance physique, rajoutes des points communs, une passion qui vous pousse à vous déchirer et saupoudres avec une excellente entente professionnelle et tu obtiens? Une magnifique histoire d’amour.»
Devant l’optimiste de son amie, Lisa éclata de rire. Le romantisme collait à Betty comme une seconde peau. Elle préféra couper court.
«Je vais aller nous chercher nos sandwichs avant que tu ne repartes dans une crise de délire hypoglycémique.»
Et avant qu’elle n’ait pu répondre, Lisa s’enfuit dans la maison.
Ce devait être la fille. Très jolie! Même si elle ne ressemblait en rien à sa mère. Crinière blonde cendrée et grands yeux clairs qui le fixaient, ne lui rappelaient en rien la femme qu’il avait vu ce matin.
Dan ne savait plus pourquoi il avait accepté l’invitation de la visiteuse. Peut-être parce que Michelle l’avait poussée dans ces derniers retranchements. Il avait besoin de prendre l’air, de faire un tour et il avait pensé à «Christine».
En attendant les yeux verts n’avaient pas arrêté de le fixer d’un air curieux.
«Puis je vous aider?»
Il lui sourit et se rapprocha du stand, pendant que la jeune femme se levait. Pour une raison qu’il ignorait, il la trouvait sympathique. D’habitude le mot «femme» était synonyme de séduction, or depuis quelques temps, Dan repoussait les limites du ridicule en face des «femmes» justement. Un doute soudain l’assaillit: et s’il s’était trompé de maison?
«Bonjour, excusez-moi…il s’agit bien de la maison de «Christine»?»
Elle hocha positivement la tête. Au moins, ne risquait-il pas de pousser plus loin l’absurdité de son comportement. Il poursuivit:
«Vous devez être sa fille? Je suis Dan Albrecht, j’ai rencontré votre mère ce matin et elle m’a proposé de venir la voir.»
Le regard se transforma instantanément. Les yeux passèrent de la perplexité à la surprise et finir sur la malice. Ce qui ne rassura pas du tout Dan. Que se passait-il ici?
«Dan Albrecht dites-vous?»
Comme il opinait, elle éclata de rire. Légèrement vexé, Dan la relança:
«Puis-je savoir ce qu’il y a de drôle?»
Betty s’était calmée. Elle l’observa et comprit pourquoi son amie avait «craqué» pour cet homme. Même si en cet instant, il avait surtout l’air d’un animal qu’on vient de blesser. Elle déclara:
«Je suis désolée… je ne me moquais pas de vous. Je me présente: je suis Betty, une amie de la famille.»
Elle lui tendit une main qu’il serra. Au bout de quelques minutes, elle l’invita à prendre place. Il accepta avec gratitude. La matinée avait été rude. Bizarrement, il sentait qu’il devait rester ici. Que là était sa place. Dan en était persuadé, il était en train de devenir dingue.
Quelques instants plus tard, un jeune homme descendit les rejoindre. Ils se présentèrent l’un à l’autre et entamèrent une discussion. Stéphane, le fils de Christine, lui semblait intelligent et cultivé malgré sa gêne évidente devant les remarques taquines de son amie. Il était tant plongé dans la conversation qu’il n’entendit personne approcher, jusqu’à ce qu’il entendit la voix enjouée de Christine:
«Vous avez finalement décidé de m’embaucher?»
Il se retourna vers la femme, lorsqu’il se figea. Christine le regardait curieusement. Mais ce n’était pas cela qui resta imprimé dans sa rétine.
Le destin lui faisait décidément un pied de nez vraiment déplacé. Devant son silence, Christine prit la parole:
«Dan permettez-moi de vous présenter ma fille, Lisa»
Dès l’instant où elle confirma ses doutes, Dan plongea ses yeux dans ceux de Lisa. Soudain la vérité sauta à ses yeux. Ce dont il avait besoin c’était de la séduire! Il n’était pas amoureux, simplement conquérant. Rassuré par ses pensées positives, un large sourire se dessina sur ses lèvres, lorsqu’il la salua:
«Bonjour Lisa!»
Chapitre 16
Lisa s’affala sur une chaise dans la salle à manger. Elle devait nager en plein cauchemar. Car il n’était pas possible de rencontrer Dan Albrecht ici. Sa mère était d’ailleurs tombée sous le charme. Si bien qu’elle l’avait invité au dîner.
L’après-midi de brocante en compagnie de sa famille, de Betty et de Dan, s’était bien déroulée, cela elle ne le niait pas. A vrai dire, Christine n’avait pas invité uniquement Dan, mais Mr et Mme Bondert, ses voisins. Cette histoire devenait ambigüe. Notons la remarque de Betty, dans la cuisine:
«Je ne comprends pas pourquoi tu résistes! Il est craquant!»
Voilà tout le drame de son existence. Elle cherchait un travail durant des mois et quand enfin elle en trouvait, elle était en train de tomber amoureuse de son patron! Le problème se durcissait encore.
Malgré son jean usé et son polo, il dépassait de loin le stade de «séduisant». Pourtant c’était son regard qui l’avait marqué. Dan la sondait, lisait en elle. Elle haïssait cette sensation, l’impression de se transformer en guimauve que le soleil faisait fondre.
Après les explications qu’elle avait fournies à sa mère et à son frère, la discussion avait repris comme si de rien n’était. Personne ne semblait gêné qu’il pouvait être son «patron», un homme qu’elle qualifiait, il y a peu de temps encore, comme un goujat.
Lisa devait décider des limites. Les sentiments, qu’elle éprouvait, n’étaient pas réciproques alors autant fixer de nouvelles règles. Car l’amour changeait considérablement la donne.
Finalement, assise à la table qu’elle venait de dresser pour les convives de ce soir, Lisa prit la résolution de mettre le plus de distance possible avec Dan.
Il était de retour. Durant la petite heure qu’il avait passé loin de cette maison, il avait cru étouffé. Heureusement pour lui, Loïc et Michelle avaient accepté l’invitation de Christine.
Dan était ravi. Aujourd’hui il avait découvert une autre Lisa. Celle qui regroupait toutes les autres versions de son caractère s’était trouvée là, à quelques centimètres de lui et il n’avait pas eu le courage de l’approcher plus. Dan venait de plonger tout entier dans l’univers Lisa et c’était tout simplement chaleureux.
C’est ainsi qu’au fil des discussions, il en avait appris plus sur elle, que durant n’importe quelle échange avec elle.
Lisa était protectrice envers son frère. Ce qui était assez ironique puisque Stéphane faisait le double de sa taille. Elle adorait sa mère et cherchait sans cesse à l’aider et à la faire sourire. Quant à Betty… il savait pourquoi il l’avait trouvé sympathique. Cette femme était un réservoir de bonne humeur. Alors qu’il pensait être au sommet de la surprise, il s’était rendu compte que Lisa n’était pas uniquement une femme qu’il devait séduire.
Il ne s’agissait pas d’une femme au hasard que l’on appréciait plus que l’on «aimait». Il avait senti en sa présence quelque chose d’exceptionnel : il s’était senti heureux. Ce qui compliquait légèrement le mode de fonctionnement de ce séducteur. Dan n’avait jamais été romantique. Le mot «amoureux» ne figurait pas dans son vocabulaire. Alors autant mettre les choses au clair entre son esprit et son cœur. Attirance, séduction et travail. Point final! Et s’il se mentait à lui-même, au moins n’entrainait il personne dans sa chute.
«… et elle a fini en sous-vêtements sur la scène, devant toute sa classe!»
L’assistance partit d’un fou rire, pendant que Lisa cherchait à se cacher. Quelque part entre le plat principal et le fromage, Loïc s’était mis en tête de raconter quelques anecdotes de sa jeunesse. Ses parents étaient de grands agriculteurs et il avait vécu toute son enfance dans une immense ferme. D’ailleurs, au départ la discussion lui plaisait bien. Jusqu’à ce que sa mère s’était mise à raconter quelques petits moments de l’existence de sa «petite Lisa». Tous autour de la table riaient à gorge déployée, y compris Betty, qui pourtant les connaissait par cœur.
En fait, elle savait que ce qui la dérangeait n’était pas tant que sa mère leur racontait tout cela, mais surtout que Dan les entendait. Pour couper court aux flots ininterrompus de fou rire et de commentaires, elle se leva et se mit à desservir pour amener le dessert.
Dan se leva et fit mine de l’aider.
«Laissez, je vais m’en charger, après tout vous êtes nos invités.»
Lisa avait conscience qu’elle avait prononcé ces paroles de manière abrupte. Mais elle s’en fichait. Elle en avait assez. Il se comportait comme le gentleman qu’il n’était pas!
Pourtant Dan n’obéit pas. Voyant Christine se lever, suivie de Betty, il intervint:
«Mesdames je vous en prie! Laissez-moi faire offrande pour ce dîner et aider Lisa.»
Il accompagna sa tirade d’une courbette qui fit sourire les convives. Quel meilleur moyen de détendre l’atmosphère? En plus de ne pas lui adresser la parole de la soirée, elle le regardait désormais d’un air furibond. Il prit les derniers couverts et suivit Lisa dans la cuisine pendant que la conversation à table changeait.
Quand il entra dans la pièce, la jeune femme était accoudée au lavabo. La pièce était petite. Même le strict minimum en électroménager la faisait paraître étouffante.
Lisa le laissa poser les couverts et attendit qu’il reculait pour lui faire face. Il fallait qu’il parte. Tout cela sonnait faux. Alors elle chargea:
«A quel jeu êtes-vous en train de jouer?»
L’interrogation qu’elle avait voulue sûre était teintée de colère. Dan s’en aperçut et le perçut comme une attaque. Pourtant il n’avait pas l’intention de rentrer dans son piège.
«Qu’est-ce qui vous fait dire que je joue?»
Lisa tiqua, mais ne se démonta pas.
«Après tout ce qui s’est passé les dernières semaines… je m’attendais à un peu plus de retenue de votre part.
-Pardon?»
Dan avait haussé le ton sans le vouloir. Elle l’accusait de jouer la comédie. Pourtant il ne pouvait s’empêcher de penser qu’aujourd’hui tout avait été différent. Une journée bien loin de ses amusements mondains et de ses conquêtes. Un jour avec le simple plaisir d’apprendre à se connaître. Une femme à séduire, Lisa Schlasser ? L’association ne collait pas. Il repoussa cette pensée. Elle se trouvait en face de lui et résistait comme un fort en temps de guerre. Il allait devoir percer les lignes.
Lisa fixa ses poings sur les hanches et avança d’un pas. Cet homme avait le don de la faire sortir de ses gonds. Un instant, elle voulait l’embrasser, la seconde d’après, elle ne pensait qu’à l’étrangler! Mais pour l’heure elle devait l’éloigner d’elle.
«Vous vous introduisez chez moi. Vous séduisez ma mère, ma meilleure amie. Alors maintenant que vous avez prouvé qui vous étiez. Partez !
-Hors de question! répondit-il au tac au tac.» Puis il poursuivit plus doucement:
«Lisa je ne comprends pas. Nos relations semblaient s’améliorer non? Alors qu’est-ce qui vous arrive?»
Elle ne répondit pas et retourna se caler contre le lavabo. Pourquoi n’obéissait-il pas tout simplement?
«Nous travaillons ensembles et le hasard a voulu que je rencontre votre famille. Alors n’en faites pas toute une histoire!»
Toute une histoire? Mais comprenait-il qu’il nuisait à sa santé mentale?
«Vous êtes l’homme le plus énervant que je connaisse!
- J’en ai autant à votre sujet Mlle Schlasser!»
Elle le regarda surprise.
«Alors nous sommes d’accord! Partez!
-NON! Je passe un très bon moment et je ne partirai que lorsque votre mère me jettera dehors!»
Dan s’avança vers elle. Il la vit hésiter sur la conduite à tenir. Elle ne pouvait pas lui échapper dans cet espace restreint. Il était maintenant à quelques centimètres d’elle. Il plaça ses mains de chaque côté du corps de jeune femme et s’appuya sur le lavabo.
«Qu’est-ce qui vous fait peur Lisa?»
Il avait murmuré cette question si près, que Lisa avait pu sentir son souffle chaud se mêler au sien. Son cœur s’emballait, ses mains devenaient moites. Encore un peu, elle s’évanouissait devant lui. Elle devait le repousser.
Alors, elle soutint son regard, butée.
«Je n’ai pas peur… c’est votre présence qui me dérange!»
Dan se rapprocha encore. Ils étaient quasiment collés l’un à l’autre et il adorait cette sensation qui naissait dans tout son corps. En sondant son regard, il y découvrit le reflet exact du sien.
«Je vous dérange?» il approcha sa bouche encore plus près de la sienne, au point de la frôler. «Vous en êtes sûre?»
Lisa était perdue! Elle voulait qu’il l’embrasse. Et impulsivement, elle franchit les quelques millimètres qui les séparaient et s’empara de sa bouche.
Aussitôt leur deux corps se reconnurent. Le baiser était passionné. Lisa gémit sous ses lèvres. Elle passa les mains autour de son cou et se colla à son partenaire. Elle détestait se l’avouer, mais elle avait attendue cela toute la journée.
Dan laissa le lavabo pour s’accrocher à Lisa. Il lui caressa le dos d’une main, agrippa sa nuque de l’autre. Un véritable besoin. Cette constatation l’horrifia et le sublima en même temps.
Le baiser se fit de plus en plus intense. Coupés du monde, ils avaient oubliés où ils se trouvaient. Ce fut un raclement de gorge qui mit fin à cet interlude.
«hum hum»
Dan se détacha de Lisa immédiatement. Mais ne quitta pas son regard. La jeune femme semblait désemparée et perdue. Il se retourna vers la personne qui venait d’entrer et s’éloigna de la jeune femme.
Betty, un énorme sourire sur le visage, les interpella:
« Dites … on l’attend toujours le dessert.»
Rouge de confusion, Lisa l’observa interdite. Le dessert? Il semblait que quelques neurones venaient de mourir. Son premier réflexe était de fuir cette cuisine. Tout pour ne surtout pas croiser le regard de Dan qui n’avait pas bougé. Ni celui de Betty d’ailleurs.
Celle-ci s’en retourna dans le salon non sans leur lancer une dernière remarque:
«Dépêchez-vous, tout le monde n’assouvit pas sa faim de la même manière!»
Lisa rougit encore plus et son regard tomba sur Dan. Il ne bougea pas, la fixant intensément. Il sortit de la pièce lui murmura à l’oreille:
«Moi en tout cas, j’ai adoré le dessert.»
Et il disparut dans la salle à manger. Laissant Lisa, son esprit chaotique, son cœur emballé et sa tarte dans la cuisine.
Chapitre 17
Lisa se sentait l’âme d’une guerrière ce lundi matin. Pas question de céder un pouce de terrain à Dan. Le baiser échangé ne signifiait rien.
La scène dite «de la cuisine», tournait en boucle dans sa tête. Il lui semblait, ce matin, que son cerveau avait enclenché le mode répétition et coincé le bouton stop.
Après le dessert, les convives étaient partis. La journée avait été longue et, pour certain, pleine d’émotions. Lisa avait pris congé de Michelle et Loïc Bondert et avait grimpé les escaliers quatre à quatre pour ne pas se retrouver face à face avec Dan. La fuite était devenue sa seule solution de survie.
Ce qui ne l’avait pas empêché de passer une nuit sans sommeil. Vers 1h du matin, en désespoir de cause, elle avait rejoint la cuisine. Son frère s’y trouvait déjà. Au fil de la discussion, celle-ci prit une drôle de tournure.
«Lisa qu’est ce qui ne va pas?»
Elle avait levé le nez de son verre de lait pour le regarder surprise. Si son frère commençait à vouloir la protéger, le monde tournait à l’envers. Il avait continué:
«J’ai bien vu qu’entre toi et Dan il se passait quelque chose!»
Sa surprise avait augmenté d’un cran:
«Qu’est-ce que tu essaies de me dire frangin?»
Il lui avait souri.
«Ton petit frère s’inquiète pour toi. Il serait peut-être temps de profiter un peu de la vie, non?»
Comme elle faisait mine de répondre, il la coupa:
«Je t’aime, Maman aussi! Ce Dan a l’air d’un type bien, ne le laisses pas filer sous prétexte que tu as peur de t’engager.»
Lisa n’en était pas revenue. Peur de l’engagement?
«Que Papa ne soit pas resté avec nous, ne signifie pas que tous les hommes soient identiques.»
Elle l’avait fixée un instant et lui avait sourie:
«Pas besoin de t’inquiéter Steph! Tout va bien et je t’assure que mon patron ne m’intéresse absolument pas!»
Stéphane avait éclaté de rire et s’était levé. Avant de sortir, il s’était retourné une dernière fois:
«Menteuse!»
Résultat, Lisa s’était endormie vers 4h du matin et ne s’était réveillée qu’après 11h.
Le reste de la journée s’était déroulée calmement. Bien que de façade, elle semblait enjouée et détendue, à l’intérieur bouillait un feu impressionnant. Outre le baiser, les paroles de son frère résonnaient à ses oreilles. Avait-il raison? Etait-ce pour cela qu’elle avait refusé la demande de Jonathan? Non, Jonathan n’était pas l’homme de sa vie. Il lui fallait plutôt quelqu’un de différent, de fort, de sensible, de drôle, d’attentif, séduisant, présent… Bref, si elle cherchait vraiment… elle cherchait l’homme parfait. Comme Dan. Enfin presque comme lui. Puisqu’il ne pouvait pas s’agir de lui.
Malgré tous ses efforts, ce matin, devant la porte du bureau de Dan, elle ne pouvait s’empêcher d’être anxieuse. Les jambes tremblantes, elle s’apprêtait à frapper à sa porte.
Un week-end merveilleux. Dan se sentait euphorique. Il avait marqué une sacrée avancée. Qui l’eut cru ? Pourtant Lisa avait succombée de manière inattendue. Lui qui se plaignait de ne pas savoir comment la toucher…
Mais alors que cette pensée faisait son chemin dans son esprit, il ne pouvait s’empêcher de ressentir un pincement dans sa poitrine. Il avait conscience de se mentir. Depuis que Lisa était entrée dans sa vie, un mois plus tôt… sa vie avait changé. Elle occupait ses pensées à chaque instant de la journée. Il avait inventé des stratagèmes pour ne pas la croiser, avant de se décider à la séduire. Depuis quand agissait-il ainsi?
Malgré tout, Dan était persuadé que Lisa était attirée par lui. Le baiser en avait, encore une fois, été la preuve.
Loïc lui avait bien suggéré quelque chose d’encore beaucoup plus dément:
«Kidnappes là en prétextant un rendez-vous d’affaire et passes le week-end avec elle dans un hôtel perdu au milieu de nulle part. Au bout de deux jours, tu seras fixé: soit tu es amoureux, soit tu t’enfuis!»
Dan avait éclaté de rire.
«Michelle a craqué avec cette méthode?»
Loïc avait fait la moue.
«Pas vraiment. Elle m’a envoyée promener et a réussi à trouver un taxi pour rentrer!»
Les deux hommes s’étaient observés avant d’éclater d’un rire franc. Pourtant l’enjeu était important. Lisa était quelqu’un de bien, que Loïc, lui-même commençait à apprécier. Sa seule peur était que toute cette histoire puisse nuire à son entreprise. Il avait d’ailleurs précisé à Dan d’être extrêmement prudent. Mais il savait qu’une fois amoureux, Dan allait perdre la tête.
Dan était bien conscient de tout cela. Pour toute autre femme, il avait fait la cour, offrait des cadeaux, l’emmenait dîner et la suite du programme était simple. Mais leurs rapports étaient bien trop passionnés pour être bridés par leur travail. Il devait trouver un subterfuge radical. Passer à l’action et analyser les résultats ensuite.
Il jeta un œil sur sa montre. Bientôt 9h. Dans un instant, elle allait frapper et il aller devoir faire comme si de rien n’était.
Lisa entra dans la pièce. Son supérieur ne leva pas son regard du dossier qu’il était en train de parcourir. Elle s’approcha du bureau et lança un «Bonjour Monsieur» déterminé et froid.
«Bonjour Lisa, asseyez-vous SVP.»
Dan n’avait toujours pas levé les yeux. Lorsqu’il avait entendu frapper, il avait oublié tous les stratagèmes échafaudés. Par surprise, il se rendit compte qu’elle lui avait manqué. Il la regarda enfin. Lisa semblait parfaitement sérieuse et le fixait attentive. A l’attaque!
« Pour cette semaine, plusieurs points sont à revoir. Mais je voudrais que vous vous occupiez des dossiers de facturation étrangère en instance.»
Lisa notait sur son carnet les missions qui se suivaient. Parfait : du travail et encore du travail.
La fin de l’entretien arriva enfin. Lisa fit mine de se lever, mais Dan la stoppa d’un geste.
«Attendez nous devons parler.»
Parler? Ils étaient sur leur lieu de travail, pas dans le salon d’un appartement. Dan était-il devenu fou?
«Monsieur, je ne pense pas que ce soit le lieu ni le moment pour….»
Il la coupa encore une fois, tout sourire:
«Il va bien falloir détendre toute cette situation non?»
A cet instant précis, Lisa devait ressembler à une tomate mûre. Elle se ressaisit, tant bien que mal, et rencontra le regard de Dan. Monsieur semblait bien s’amuser.
Dan n’en revenait pas. Mlle Schlasser l’assistante s’était laissée piéger. Elle n’était pas insensible à lui. Autant exploiter cette faille tout de suite.
«Lisa j’aimerais que vous dîniez avec moi ce soir.
-Pardon?»
Elle avait bégayé. Encore un jeu? Elle ne comprenait pas sa question. Dan réussissait, encore une fois, à la prendre de court.
Dan n’en croyait pas ses oreilles. Premièrement, ce soir il était déjà pris pour un dîner de gala. Deuxièmement, son intention était de rendre la situation plus facile. Or ce qu’il proposait là, était tout le contraire.
«Je dois participer à un gala ce soir. Il s’agit d’une rencontre importante et Loïc m’a demandé de représenter notre société. Bien sûr, je vous prends de court, mais vous comprendrez que je ne peux pas m’y rendre seul n’est-ce pas?»
Mensonge sur mensonge, il avait débité sa tirade d’un seul trait, de peur qu’elle ne réalisait qu’il s’agissait d’une mise en scène. Mais comme avait précisé Loïc, en amour comme en guerre, tous les coups étaient permis. C’était le seul moyen de passer du temps seule avec elle, en dehors du travail.
Lisa pesa le pour et le contre. Evidemment elle n’avait rien prévue pour la soirée. Même si elle refusait de se l’avouer, passer du temps avec Dan, l’attirait.
«Etant donné le travail que je vous ai donné ces derniers temps, et les heures supplémentaires effectués, vous pouvez disposer de votre après-midi pour vous préparer. Je viendrais vous chercher à 19h30.»
Si elle était surprise, Lisa n’en laissa rien paraître. Dan avait tablé sur son sérieux et son application dans son travail. Il se dépêcha de prendre congé et de la faire sortir de son bureau, avant de craquer. Cette femme le rendait dingue. Ce qui avait le don à la fois de l’étonner, de l’énerver et de l’émerveiller.
Il attrapa son téléphone et composa le numéro de sa décoratrice d’intérieur. Il allait devoir la décommander pour ce soir, il venait de réserver sa soirée à quelqu’un de bien différent.
Lisa sortit du bureau de Dan, plus légère. Malgré cela, un pressentiment la tenaillait depuis cette invitation. Se retrouver seule avec Dan la rendait nerveuse. Si elle avait accepté s’était uniquement par professionnalisme.
Chapitre 18
Betty était venue en renfort. Les deux jeunes femmes n’avaient pas été trop pour faire face à une telle situation. Selon Betty:
«Il te faut une tenue sérieuse mais sexy. Une robe qui dirait: je suis de la Start et j’assure. Et qui ajouterait que tu es célibataire.»
Lisa l’avait fusillée du regard. Betty connaissait le but de cette recherche frénétique. Ce gala servait à représenter les différentes sociétés en expansion sur le marché industriel et financier. Bien qu’elle espérait faire des rencontres intéressantes, elle devait avant tout penser à la Start.
Au fil des heures et des rayons, la discussion avec Betty se fit sérieuse. Car quoi de plus relaxant qu’une séance de shopping? D’ailleurs, c’est Betty qui avait amorcée les hostilités:
«Dis donc ça se précise avec Dan, non?»
Lisa n’en avait pas cru ses oreilles!
«Tu l’appelles Dan?»
Le sourire de Betty s’était encore élargi.
«Bravo! Tu es directement passée à la case 2: jalousie maladive!»
Lisa se faufila dans le rayon «robe de soirée». Jalousie?
«Betty, sérieusement, pourquoi serai-je jalouse? Si Mr Albrecht te plaît, je n’y vois rien à redire.»
Encore un peu et bientôt elle entrait au couvent! La question se posait: devenait elle masochiste ou n’arrivait elle plus à raisonner correctement depuis sa rencontre avec Dan ?
Son amie lui attrapa le bras, sourire jusque derrières les oreilles.
«Lisa, franchement, quand arrêteras tu de jouer la comédie?»
Lisa la fixa un moment et soupira. Betty avait toujours été douée pour lire en elle comme dans un livre ouvert. A quoi bon jouer, elle avait besoin de se confier à quelqu’un. Rectification : elle «devait» se confier avant d’exploser.
«Admettons, que j’éprouve, quelque chose pour Dan. Qu’est-ce que cela me rapporterait, dis-moi? Je ne suis que son assistante en période d’essai qui plus est!»
Betty secoua la tête et la relâcha pour mieux la suivre. La discussion repartit de plus belle.
«Je ne te comprends pas. Ce Dan a l’air de s’intéresser à toi et toi tu essaies à tout prix de le fuir. Alors une question se pose: pourquoi?»
Lisa sourit doucement. A croire que tout le monde s’était donné le mot. Son frère et maintenant Betty.
«Crois-moi, je n’ai rien à attendre de cette situation, si ce n’est un emploi stable.»
Betty continua d’argumenter sur le nécessaire de sauver son amour, sur le romanesque de leur situation et du bonheur qui pouvait en découler. Mais Lisa restait sourde. Cette histoire était désespérée. De plus, elle devait travailler au côté d’un homme qu’elle aimait haïr et qu’elle détestait aimer.
Devant ce dialogue de sourdes, elles décidèrent de se pencher sur la recherche de la «robe» pour la soirée. Après tout, n’étaient-elles pas là pour cela?
Au détour d’un étalage, entre une tenue de soirée hors de prix et un ensemble tailleur hors de goût, elles la trouvèrent enfin… La robe qui clôturait leur sortie.
Il était 19h35 et Dan hésitait. Devait-il sonner à nouveau ou attendre la jeune femme? L’homme impatient tapotait son volant. Dan était anxieux. Comme un jeune adolescent à son premier rendez-vous. Bon sang! Il ne s’agissait pas d’un rendez-vous galant mais d’une opportunité professionnelle.
Il repensa à sa conversation avec son «ex-cavalière». Elle n’avait pas apprécié son désistement. Mais elle le connaissait assez pour savoir que Dan Albrecht n’était pas homme à se laisser contrarier.
Sauf dans le cas de Lisa. Ce qui n’apaisait en rien son appréhension. Quel pouvoir étrange avait la jeune femme pour le mettre dans de tels états?
Dan en était toujours là dans ses réflexions lorsqu’il entendit toquer à la porte du passager. Il reconnut Lisa et se pencha pour lui ouvrir la portière:
«Bonsoir»
Elle lui sourit pour toute réponse et s’installa dans la voiture. Il démarra aussitôt sans ajouter un mot. Lisa était nerveuse. Elle tourna la tête vers la vitre et observa la ville qui défilait sous ses yeux. La jeune femme avait peur de cette soirée. Un peu plus tôt, lorsqu’elle se préparait, elle avait imaginé les pires scénarios. Allant de la gaffe verbale jusqu’au verre de vin étalé sur le costume d’un dirigeant.
Dan approcha sa voiture de l’entrée et scruta les alentours. Pas de journalistes curieux. Bien qu’il ne fut pas une star, il avait l’habitude, les dernières années, de faire l’objet d’articles plus ou moins élogieux dans la presse économique et dans la presse féminine. C’était devenu un jeu. Aussi bien Loïc que lui-même savaient que c’était là un personnage primordial dans l’image que véhiculait la société.
Il sortit de la voiture, alors que le voiturier ouvrit la portière de Lisa. Durant tout le trajet, il n’avait pu s’empêcher de s’en vouloir. La jeune femme était nerveuse par sa faute. Dan la poussait dans la fosse aux lions alors qu’il la savait dangereuse.
Lisa dut respirer un instant. On venait de lui tenir la porte pour l’aider à sortir. Elle posa ses deux pieds au sol et observa la bâtisse qui se dressait devant elle. Grande, elle était éclairée par un spot placé dans la rue et dirigé vers le bâtiment. Austère. Voilà le mot qui qualifiait le mieux l’endroit. Un grand escalier menait à un portier qui cachait une entrée en chêne.
Lisa se sentit plus mal à l’aise que jamais. Mais Dan la prit par le bras, doucement et après avoir jeté les clefs au jeune homme en tenue rouge, la dirigea vers l’escalier.
«N’ayez pas peur, je reste près de vous!» lui glissa-t-il avant de saluer le portier et d’entrer dans un immense hall. Sol marbré, mur doré et petites appliques luminaires, donnaient à Lisa l’impression de faire un voyage dans le temps.
Une alcôve sur la gauche servait de vestiaire. Ils s’y dirigèrent et lorsque Dan aida Lisa à ôter sa veste elle lui demanda:
«Où sommes-nous au juste?»
La tête levée vers le plafond, elle ne remarqua pas le regard fixé de son compagnon.
La jeune femme devant lui était sublime. Elle se tourna et il se surprit à retenir son souffle. Ses cheveux relevés, en une coiffure complexe, soulignaient sa nuque et son visage.. Elle portait une robe noire, simple mais élégante.
Quant à ses jambes! La robe les couvrait jusqu’au mollet, mais une entaille remontait au-dessus du genou et faisait apparaître tour à tour l’une ou l’autre jambe. Ce n’est que lorsque Lisa l’appela qu’il réagit:
«Monsieur Albrecht? Vous allez bien?»
Il la regarda, le cœur cognant dans la poitrine. Il s’approcha d’elle et la dirigea vers la salle.
«Venez je vais vous expliquer.»
Cela faisait plusieurs heures qu’ils étaient là. Ils avaient mangé, salué un grand nombre de personnes, discuté chauffage et affaires et Lisa en avait assez.
Au prime abord, la somptueuse salle l’avait émerveillée. Pourtant l’enchantement passé, il fallait admettre que la plupart des convives, tous des entrepreneurs, avaient attrapé la grosse tête et cela l’énervait au plus haut point.
«Mon yacht par ci, ma villa par-là.» Tout cela était ridicule. Alors qu’elle feignait l’intérêt, elle avait observé Dan. Dans la foulée, elle avait appris qu’il avait deux maisons qu’ils louaient une partie de l’année et un appartement. Deux choses lui avaient sauté aux yeux : ils n’étaient pas du même milieu et pourquoi cet homme continuait-il à travailler?
Il était plus de 23h et Lisa se tenait dans un coin reculé de la pièce. Les tables placées en cercle autour d’une piste de danse lui semblaient hostiles, alors elle s’était isolée entre une plante verte et un mur, un verre de champagne dans la main.
Elle observait Dan, en conversation avec deux femmes brunes élégantes et belles. Pourtant Lisa ne pouvait s’empêcher de les comparer à deux hyènes, prêtes à bondir. Dan, lui, semblait à l’aise. Un verre de vin à la main, il était assis entre elle et riait de bon cœur. Du moins c’est ce qui lui semblait, car soudain son regard se leva vers elle et ne la quitta plus. Son visage devint sérieux et Lisa ne put s’en détacher.
Il se leva et se dirigea vers elle, mais avant qu’il ne l’ait atteint un homme l’accosta.
«Bonsoir Mademoiselle.»
Lisa se retourna vers l’inconnu qui venait de l’aborder. Elle reconnut tout de suite Julien Dastagne, président d’une société de trading informatique et se détendit. Grand homme, proche de la soixantaine, c’était une image sûre du monde des affaires. Lisa l’avait salué un peu plus tôt et le contact était bien passé. Du coin de l’œil, elle vit Dan retourner s’asseoir, l’air renfrogné.
«Mademoiselle, j’espère que je ne vous importune pas?»
Lisa sourit à son interlocuteur:
«Non absolument pas.
- Je sais que mes manières vont vous sembler cavalières, mais j’aimerais vous parlez un instant seul à seul»
Lisa l’observa un instant, méfiante. Julien Dastagne la rassura:
«Rassurez-vous, il s’agit d’un entretien professionnel.»
Quelque peu rassuré par ses paroles, Lisa enchaîna:
« J’ai bien peur de ne pas pouvoir vous être d’une grande aide.»
Le directeur sourit et Lisa crut déceler dans son regard un air de nostalgie. Il lui demanda finalement:
«Puis je vous inviter à ma table un instant?»
Chapitre 19
Lisa trouva enfin les toilettes des dames. Il devait être près de minuit et la fatigue qu’elle avait tant appréhendée n’était, par chance, pas encore arrivée. Mieux, l’excitation était à son comble! Elle venait de sortir d’une conversation avec un homme admirable. Julien Dastagne.
Lisa pensait s’engager dans une énième discussion de courtoisie portant sur la soirée, le repas, les convives et avait déjà planifiée son retrait vers le mur et la plante. Tout cela était tombé à l’eau dans les dix minutes qui suivirent.
Elle serra la carte de visite de son interlocuteur. Elle avait du mal à y croire. Julien Dastagne, l’homme qui avait su suivre l’avancée technologique malgré son âge et malgré ses détracteurs, avait entendu parler d’elle.
Ce qui l’avait premièrement étonné, d’où connaissait-il son nom et surtout comment avait-il pu la reconnaître?
La réponse était venue d’elle-même. Julien Dastagne était un ami de Loïc Bondert et celui-ci avait vanté ses mérites lors d’une conversation téléphonique. Tant et si bien, qu’il l’avait convaincu qu’elle était un atout pour l’avenir de l’entreprise. Seulement voilà, Mr Dastagne était avant tout un chasseur de tête, sans cesse à la recherche de profil avantageux.
Lisa avait retenu son attention. Il s’était renseigné sur son parcours et il s’avérait qu’elle convenait à un poste qui venait de se libérer au siège social de son entreprise : celui de son assistante directe! Lisa n’en avait pas crue ses oreilles et n’y croyait toujours pas en cet instant.
Elle franchit les derniers mètres jusqu’à la porte de la salle et se secoua la tête. Avait-elle rêvé? Ou lui avait-il vraiment proposé un poste? Alors qu’elle n’avait pas encore fait ses preuves pour la Start? C’était du délire!
La jeune femme avait dû se rafraîchir. Lorsqu’elle pensait faire des rencontres, elle ne s’était certes pas imaginée recevoir une proposition de cet ordre. Elle devait y réfléchir… C’est ce qu’elle lui avait dit. Elle allait pousser la porte lorsqu’elle sentit la présence d’un homme dans son dos:
«Mr Dastagne semble vous avoir fait de l’effet!»
Dan enrageait. Il l’avait vu avec ce Dastagne. En temps normal il l’appréciait, ils avaient d’ailleurs joués au golf ensemble. Mais ce soir, quand il l’avait vu parler à Lisa, il avait eu envie de venir lui mettre son poing dans la figure. Il savait, il devinait ce qu’il avait en tête. Julien était un chasseur de tête réputé.
Lisa se retourna et le fixa un instant. Voilà. La vraie raison de son hésitation se tenait devant elle. Dan Albrecht.
«Je dirais plutôt qu’il m’a interpellé, répondit elle sur le même ton»
Lisa le sentait, il n’était pas content. Il s’approcha d’elle.
Dan enfouit ses mains dans les poches de son costume et lui demanda:
«Que vous a-t-il proposé?»
Lisa inspira profondément, pas même étonnée. Elle commençait à comprendre comment Dan fonctionnait. Alors autant lui dire tout de suite:
«Le poste d’assistante.»
Dan secoua la tête. Julien Dastagne n’avait pas perdu sa ténacité. Entre son CV et son comportement au travail, on pouvait deviner, sans même la rencontrer, que Lisa était parfaite pour ce poste.
«Vous allez accepter?»
Lisa réfléchit un instant. D’un côté Dan était son employeur et elle devait tout de même le tenir informer de sa décision. De l’autre, il s’agissait avant tout de l’homme qu’elle aimait et qui en cet instant la rendait nerveuse. Alors elle lui donna la vérité:
«Je ne sais pas»
Dan accusa le choc. Ce n’était pas un oui, ce n’était pas un non. Il n’arrivait plus à réfléchir. Il grogna et l’agrippa:
«Venez je vous raccompagne!»
Le retour se fit dans un silence tendu. Dan ne savait pas comment réagir. Et c’était bien la première fois que cela lui arrivait.
Il en voulait à ce Dastagne. Il en voulait à Lisa. Surtout il s’en voulait à lui.
Bien sûr, la Start n’avait rien à envier à Dastagne. Seulement, ils jouissaient d’une renommée remontant à de nombreuses décennies. Ils avaient su imposer une image de qualité et de pérennité. La Start, bien qu’elle comptait parmi les grands noms de l’industrie, n’affichait qu’une dizaine d’années d’ancienneté et luttait pour placer son image.
Refuser une proposition d’une telle société était pure folie. Pourtant, il semblait que la jeune femme hésitait. Pourquoi? Il se surprit à rêver qu’il fut la cause de son hésitation mais revint rapidement à la réalité. Elle était professionnelle. Voilà pourquoi il lui en voulait. Elle était si professionnelle, si douée dans son travail que déjà quelqu’un voulait la lui voler!
La lui voler? Il avait senti comme un violent coup à l’estomac lorsque son regard avait croisé le sien quelques heures plus tôt. Tout d’un coup son cœur et sa tête s’étaient mis d’accord. Des mots, des pensées avaient jaillis et l’avaient submergés pour la toute première fois.
Il se tourna vers la jeune femme et remarqua qu’elle s’était endormie dans le siège passager. Cette femme était incroyable. La situation était ridicule entre eux et pourtant elle s’endormait dans sa voiture. Qu’allait-il devenir?
Une seule chose était sûre. Il était hors de question de la laisser partir. Il ne savait pas pourquoi, ni comment exactement mais il allait la convaincre, il devait réussir coûte que coûte.
Ils arrivèrent devant chez la jeune femme. Dan se gara et se tourna vers elle. Elle semblait si paisible, malgré l’inconfort de sa position. Si fragile et si vulnérable. Alors qu’il l’avait vu si combative et véhémente.
Il hésita à la secouer doucement pour la réveiller, mais ne put empêcher sa main de venir chasser une mèche de cheveux. Au passage, elle s’attarda et caressa la joue de la jeune femme, douce à souhait. Ses doigts s’approchèrent de ses lèvres, pleines et douces, elles aussi.
Dan ne put s’empêcher de s’approcher plus encore. Il arrêta son visage à quelques centimètres du sien et s’apprêtait à lui déposer un baiser sur la joue, lorsque la belle ouvrit les yeux.
Ils se retrouvèrent face à face, les yeux dans les yeux. L’habitacle abritait une tension palpable. Aucun des deux ne prononça un mot. Puis Dan recula.
«Nous sommes arrivés.»
Désormais le lien était rompu.
Elle lui souhaita une bonne nuit et posa la main sur la portière.
«Attendez»
Dan lui saisit le bras sans réfléchir. Il ne pouvait la laisser partir ainsi. Trop de tension accumulée et une soudaine peur de la perdre l’en empêchaient. Elle se retourna vers lui et le fixa instantanément.
«Ne partez pas!»
Lisa secoua la tête, sans comprendre.
«Je ne parle pas de la voiture Lisa! N’acceptez pas!»
Lisa perplexe ne sut quoi répondre. Son regard tomba sur la main de son supérieur toujours posée sur son bras et soupira à nouveau. Une habitude qu’elle avait prise depuis quelques temps.
Dan l’observait. Une rage de vaincre le prenait et le submergeait. Il se battait pour son assistante. Il devait la garder près de lui.
Sa main lâcha le bras de la jeune femme pour se rapprocher et trouver sa joue. Il accrocha son regard et murmura:
«Je n’aime pas perdre. Alors si vous voulez partir, préparez-vous à lutter!»
Il lui sourit, de cette manière qu’il savait irrésistible:
«Bonne nuit Lisa! A demain!»
Lisa sortit perdue. Le geste de Dan, mais avant tout ses paroles l’avait perturbés. En plein désarroi, elle remonta chez elle. Cependant ce ne fut que pour mieux ressasser les souvenirs de cette étrange soirée. Le sommeil ne vint pas et elle sut d’emblée que les jours qui allaient suivre, allaient être très pénibles.
Chapitre 20
Quelle stratégie adoptée? Depuis ce fameux dîner, Dan n’avait pas revu la jeune femme. Chose facile vu l’organisation et la frénésie qui régnaient dans les bureaux, depuis quelques jours. Des nouveaux marchés et voilà les affaires de la Start qui roulaient. Pourquoi fallait-il toujours que dans ces cas-là, ses affaires à lui ne roulaient pas?
Dans quelques instants, il allait voir Loïc, l’instant était grave. Ensemble ils décideraient de l’avenir de Lisa au sein de leur société. Ce qui signifiait, également, qu’ils allaient jouer l’avenir de Dan, même si le terme semblait exagéré.
Loïc frappa enfin à sa porte, entra et s’affala sur un des sièges en face de Dan.
«Ton bureau est plus confortable que le mien. C’est injuste non?»
Dan fixa son ami perplexe. Se moquait-il de lui? Il voulait savoir! Il voulait avoir les détails. Tous les détails.
«Arrêtes! Dis-moi ce que tu as trouvé?»
Loïc se mit à rire franchement.
«Ce que j’ai trouvé? Dan, franchement, ce n’était pas une enquête tout même?»
Peut-être avait-il exagéré, mais le moment était crucial et il ne comprenait pas que son meilleur ami se jouait de la situation. Il soupira et Loïc embraya:
«Très bien, j’ai compris.»
Il s’approcha de Dan, le regard toujours pétillant de malice.
«Voilà mon rapport, «chef» : Dastagne a proposé un poste adapté aux compétences de Lisa. Compétences qu’il a pu identifier lors d’un échange de CV avec une autre entreprise. Après, il s’est renseigné sur son poste ici et il lui a proposé un salaire de 10% supérieur à ce qu’on lui propose.»
Cela s’annonçait mal. Il laissa néanmoins son ami continuer:
«Le meilleur arrive: l’offre comporte un emploi préférentiel dans l’entreprise pour laquelle il recrute depuis des mois.»
Loïc se rapprocha encore:
«La rumeur dit qu’il est prêt à lui donner un appartement de fonction avec loyer réduit, en contrepartie de… »
Dan bouillonnait!
«Contreparties? En contrepartie de quoi dis-moi? On parle de Lisa tout de même!»
Loïc se renfrogna:
«Et si tu me laissais finir?»
Il secoua la tête en signe de lassitude:
«Il le lui donne en échange de ses heures supplémentaires. Il a entendu dire que Lisa en faisait pas mal ici, depuis son arrivée et que celles-ci n’étaient pas rémunérées à leur juste valeur.»
Dan restait sombre. Comment Dastagne avait-il pu obtenir ce genre d’informations? Lisa s’était-elle plainte auprès de ses collègues? Il se ressaisit, non ce n’était pas son genre. Il formula sa question à voix haute :
«Comment a-t-il pu avoir ses infos?»
Loïc haussa les épaules:
«A vrai dire je n’en sais rien. Il semble assez fier de lui… mais refuse de révéler ses sources.»
Loïc se recula et s’appuya au dossier du siège:
«Il m’a posé un question très intéressante.
-Laquelle? Se méfia Dan.»
Il savait Dastagne intelligent, alors que mijotait-il encore?
«Pourquoi lutter pour une assistante que l’on trouve partout?»
Dan crut qu’il allait exploser! Subitement, son cœur s’était mis à battre plus fort. Il serra les poings, se leva brutalement de son siège et pointa Loïc:
«Une simple assistante?»
Loïc le laissa faire sans rien dire. Impatient d’entendre la suite.
«Lisa n’est pas une simple assistante ! Elle est irremplaçable. Lisa est intègre, sérieuse, compétente… Elle sait y faire avec les clients et s’est adaptée de manière impressionnante!»
Et le discours continua. Loïc Bondert souriait. Il hocha la tête en signe d’approbation à chacune des phrases de son directeur adjoint. Au fond, il n’était pas fier de son stratagème. Mais que pouvait-il envisager d’autre? Il se concentra à nouveau sur ce que Dan disait et ne fut pas mécontent:
«Lisa est parfaite pour moi!»
Un blanc, un sourire, Loïc le fixa:
«Tu veux dire qu’elle est parfaite pour le poste?»
Dan s’était interrompu. D’où lui était venue cette idée? Par quels méandres son esprit avait-il voyagé pour lui donner un lapsus aussi énorme?
Soudain épuisé, il s’affala sur son siège et regarda Loïc. De l’air le plus convaincant possible, il riposta:
«Oui bien sûr: pour le poste…»
Loïc secoua la tête. Son idée avait été bonne, mais apparemment il en fallait plus à Dan pour admettre ce qu’il ressentait. Il se leva. Il n’avait pas le choix : il fallait poursuivre dans cette voie.
«En attendant : que faisons-nous?»
Que pouvaient-ils faire? Ils ne pouvaient garantir un tel salaire, ni de tels avantages. Dan se sentait abattu. Comment allait-il faire pour la garder près de lui avec de si piètres arguments?
Loïc reprit la parole fermement:
«Je vois que cela te perturbe plus que de raison.»
Dan le regarda un instant. Il voulut répondre mais Loïc ne l’entendait pas de cette oreille :
«Voilà ce que nous allons faire : tu vas la recevoir et lui dire qu’elle est gardée. Tu vas te comporter tout à fait normalement. Après tout, ce n’est pas à nous de faire le choix de son avenir!»
Il s’en fut sans un mot de plus. Il regrettait que Dan ne se fût pas laissé aller. Mais après tout, cette histoire n’était pas terminée. Il ferma la porte et attrapa son portable. Au bout de trois sonneries son interlocuteur répondit :
«Appelles Julien. Dis-lui de continuer, qu’il resserre la pression. L’un ou l’autre craquera, je te le garantie»
Il referma le clapet de son téléphone et s’en retourna dans son bureau.
«Non Betty je ne lui sauterais pas au coup en lui criant mon amour!»
Lisa fulminait. Elle s’était réveillée en retard après une nuit de sommeil agitée. Elle avait renversé son café du matin sur son chemisier, ce qui la mettait encore plus en retard. Suite logique, elle avait tenté de prendre la voiture pour aller au bureau. Mais comme de juste, celle-ci avait catégoriquement refusé de démarrer.
C’est en rageant qu’elle avait rattrapée le seul bus qui menait à bon port, de justesse bien sûr.
Heureusement après vingt minutes de trafic et de bousculades, la voilà devant l’entrée. L’oreille vissée au téléphone, elle cherchait un mouchoir pour essuyer son front, en vain. Pendant ce temps, Betty, dont la matinée semblait beaucoup plus calme, continua son argumentation:
«Lisa, je t’adore… Tu le sais que je t’adore? Mais parfois tu peux vraiment être plus butée qu’un rhinocéros.»
La jeune femme sourit à l’allusion. Elle avait l’habitude de passer par tous les animaux. En passant devant Cassy, elle lui sourit en signe de bonjour et se dirigea vers l’ascenseur, bondé, évidemment.
«Betty, il faut que je coupe.Je suis au travail.
-Ah non tu ne t’échapperas pas comme ça jeune fille!!! Pourquoi tu ne veux pas m’écouter? Dis-lui ce que tu ressens et tu pourras prendre le poste que tu veux ensuite, non?»
Un long soupir franchit les lèvres de Lisa, qui fit se retourner les personnes coincées avec elle. Elle n’avait pas envie de discuter de cela maintenant. La nuit avait été horrible, le réveil cauchemardesque et la journée s’annonçait rude. Tout ce dont elle rêvait s’était de rentrer et de se cacher sous la couette.
La jeune femme n’était pas idiote. Elle savait très bien pourquoi elle vivait cet «enfer». Julien Dastagne l’avait rappelé hier soir. Bien sûr, il ne lui mettait aucune pression, mais elle comprenait tout à fait qu’il ne pouvait attendre plus longtemps. En revanche, ce qui était tout à fait incompréhensible, c’était justement cette patience.
A l’instar, elle avait été convoquée ce matin. Saugrenue et impossible, voilà ce que cela lui inspirait. Elle arriva enfin à son étage, passa en trombe le couloir et poussa la porte de son bureau. Celle de Dan était fermée, ce qui signifiait qu’il était là et la pression monta encore d’un cran. Elle voulait être fixée de suite.
Dan avait mal dormi. Cette histoire l’affectait. Il avait séparé le professionnel du privé pendant de nombreuses années. Et même s’il avait lâché du lest les dernières années en courant à travers le monde, il restait le même. Alors, aujourd’hui devant son attirance pour Lisa, il restait perplexe.
Depuis quand un patron devenait il dépendant de son employée? Il tenta de se concentrer sur le dossier qu’il devait solutionner aujourd’hui mais n’y parvint pas. Il se leva de son siège et se tourna vers la baie vitrée. En quoi la décision de Lisa le regardait? Elle était certes brillante, mais elle n’était pas unique au monde.
Il retourna à son bureau. Fini les enfantillages. Fini les stratagèmes pour la garder. C’était à Lisa de décider.
Toc Toc.
Le moment était arrivé. Il savait que c’était elle. Il lui indiqua d’entrer et crut un instant que ses résolutions allaient flancher. Mais il se reprit et l’invita à s’asseoir. Désormais, leur avenir était entre ses mains
Chapitre 21
La jeune femme n’était pas ravie de son action. Lisa sortit de l’immeuble et se retourna une dernière fois vers l’imposante bâtisse. Situé en centre-ville, le siège social de l’entreprise Dastagne brillait. De structure métallique, flanqué de larges fenêtres, il paraissait impressionnant.
Elle avança lentement le long du trottoir. Il lui restait peu de temps avant de donner sa réponse. Il n’allait certainement pas être heureux de ce qu’il allait entendre. Ce qu’elle venait d’apprendre l’avait sidérée! Elle savait que Dan n’était pas responsable, pourtant elle ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir.
A vrai dire, dire depuis cet «intermède» elle ne cessait de s’interroger sur sa conduite. Il l’avait prise au dépourvu, sans lui laisser aucune défense.
Dan s’était joué d’elle. Il avait profité de ce qu’il avait soupçonné pour user d’un instant de faiblesse et atteindre son but. Mais quel but poursuivait-il? Alors ce soir-là, Lisa était sortie de la Start, avait saisi son portable. Elle avait appelé Julien Dastagne.
La jeune femme savait qu’elle avait agi par dépit. Mais le comportement de Dan l’avait conforté dans cette action. Dire qu’elle s’était présentée ce matin-là, la peur au ventre à l’idée de le revoir. Si seulement elle était restée chez elle ce matin-là… et tous les suivants également d’ailleurs.
Elle avait voulu se montrer froide et distante. Cette résolution avait tenue quelques secondes… le temps de le voir appuyé au dossier de son siège. Il l’avait salué, souriant, détendu.
Après les platitudes d’usage, Lisa s’était sentie plus à l’aise. Un instant, elle crut qu’elle pouvait opérer de manière sereine. C’était mal connaître son supérieur. Lorsque tous les points de leur journée avaient été fixés, Dan s’était levé et avait pris la chaise à côté de la sienne:
«Le dernier point vous concerne personnellement Lisa.»
Son cœur manqua un battement. Néanmoins, elle avait tenté de l’ignorer et avait semblé poursuivre la conversation. Ca y est, on y était!
«Nous voulons vous garder. Vous avez fait vos preuves, vous vous êtes adaptée… Bref, le poste d’assistante est à vous si vous le souhaitez.»
Lisa avait encaissé sans broncher. Trop abasourdie pour répondre. Elle avait le poste ? Se méprenant sur son silence, Dan poursuivit plus froidement:
«Les conditions seront celles évoquées lors de notre premier entretien. Je sais que vous avez eu une proposition plus intéressante. C’est à vous de voir.»
Elle sursauta au souvenir de cette remarque. Qu’avait-elle attendu? Une déclaration d’amour peut-être? Elle l’avait regardée et avait fait ce qui était le plus sage:
«Je vous remercie et je m’avoue heureuse d’avoir pu commencer dans votre société.»
Un instant Dan pensa qu’il avait gagné. Pourtant il y avait toujours un «mais»:
«Mais puis je vous demander quelques jours de réflexions?»
Un uppercut. Le même effet. Un délai de réflexion? La Start ne l’intéressait donc pas autant que Dan l’avait cru.
«Je sais que c’est beaucoup demandé. Mais j’attends une entrevue.
-Vous plaisantez j’espère? Gronda t-il. Je vous laisse les deux jours qui viennent. Après vous restez ou vous partez, mais aucun délai supplémentaire.»
Il s’était levé brusquement. Déçu, énervé, inquiet, les trois sentiments se mêlaient à cette seconde en lui. Il retourna à son bureau et entama une série de dictée de courrier à rédiger. L’incident était clos.
Lisa en éprouva de la colère et de la déception. Dan ne voulait que Lisa l’assistante et elle savait qu’elle était remplaçable. Alors qu’attendait-elle? A la fin de l’entretien, elle voulut quitter le bureau. Pourtant au moment de franchir le seuil, il la rappela:
«Une dernière chose Lisa»
Elle se retourna et attendit les directives prêtes à noter.
« Et si je vous demandais de rester?»
Sur le coup, le stylo en était tombé. Lisa se baissa pour le ramasser la main tremblante. La jeune femme n’osa pas lever le regard. Elle l’entendit se lever et sentit qu’il s’approchait, sans pouvoir amorcer un geste de fuite ou de défense.
Il était prêt, trop prêt. Il glissa une main sous son menton et leva son visage vers lui. Leurs regards se croisèrent. Lisa perdue, tentait de lutter contre la chaleur qu’elle ressentait. Il s’approcha encore.
Lisa devait le repousser mais déjà il effleura ses lèvres d’un baiser très léger. Elle retint son souffle, attendant la suite…..Qui ne vint pas.
Elle le fixa à nouveau, sans comprendre. Une seconde, la jeune femme crut déceler de la surprise dans son regard, aussitôt remplacer par de l’amusement. Il jouait avec elle! Le geste était alors parti sans aucun contrôle…. Lisa gifla Dan. Sans demander son reste, elle s’enfuit aussitôt après.
D’où son appel à Julien Dastagne et son rendez-vous.
Lisa soupira. Elle n’en revenait pas. Le culot de Dan la laissait sans voix. Betty, informée de l’incident avait encore rit. Elle trouvait cette situation de plus en plus amusante!
Dan avait joué avec elle. A certains moments, Lisa se faisait l’effet d’un véritable paria des temps modernes. Ce qui la fit sourire. Ce sourire s’accentua encore lorsqu’elle le vit.
Cette semaine avait apporté un sacré lot de surprise. Elle cherchait un travail, on lui en proposait deux pour le prix d’un. Sauf qu’on ne s’intéressait pas vraiment à ses compétences et que l’un des protagonistes se trouvait être l’homme qu’elle aimait. Homme qui actuellement la regardait avec un grand sourire, totalement ignorant de ce qui se tramait dans leur dos…. Et ce fut plus fort qu’elle.
Que Lisa était en colère, on pouvait le comprendre. Que Lisa était stupéfaite, également. Qu’elle criait, qu’elle hurlait ou qu’elle se mettait à lui taper dessus sans égard, tout à fait légitime… sauf qu’en cet instant, la seule réaction de la jeune femme fut un énorme fou rire !
Du coup, c’était au tour de Dan d’être stupéfait.
Il s’attendait à un effet dévastateur en venant la chercher directement chez l’ennemi. Une sorte de choc salutaire qui allait lui faire comprendre, qu’elle ne POUVAIT pas travailler pour Dastagne.
Or actuellement, la réaction physique qui émanait de son interlocutrice était surtout un fort et franc rire, accompagné d’un soupçon de moquerie, agrémenté par quelques larmes de ci de là.
En clair, elle avait encore une fois retournée la situation à son avantage. Etrangement, il n’était pas étonné.
Lisa n’en pouvait plus. Elle savait que c’était impoli et on ne peut plus déplacer de se moquer ainsi, mais en cette seconde, elle s’en fichait pas mal.
A vrai dire, il s’agissait d’un relâchement brutal de la pression accumulée entre le travail, encore instable il y a peu et sa vie amoureuse compliquée.
Alors oui, quand elle l’avait vu, adossé contre son arbre, un grand sourire sur les lèvres, tout s’était bousculé dans sa tête.
Bien sûr, elle pouvait, elle devait, même, lui faire une scène. Dan n’était pas son amant, il n’avait pas le droit de l’espionner ainsi. Néanmoins, après la discussion qu’elle avait eue avec Dastagne, plus rien ne lui faisait peur et plus rien, sans doute, ne la surprenait.
La jeune femme se calma et leva des yeux désolés sur Dan. Qui avait fait tout ce chemin uniquement pour la voir. Quelque part au fond d’elle, une émotion toute particulière tentait d’émerger… qu’elle empêcha bien vite de sortir.
Toutefois, un fait était désormais prouvé : tous deux avaient besoin de discuter.
Dan Albrecht, vice-président sûr de lui, quasi invincible, se tenait en cet instant comme un enfant à qui on venait de voler la vedette. Devant ce spectacle si inoffensif, si naïf, Lisa ne put s’empêcher de penser aux autres facettes que cet homme dissimulait.
«Et si je vous offrais un café ?»
La solution idéale, pour calmer tous les esprits, était de se trouver dans un endroit neutre. Du moins, l’espérait-elle.
Dan la fixa un instant. «Du coq à l’âne !» l’expression convenait à merveille à ce qu’ils vivaient tous deux. Ils passaient inéluctablement du coq à l’âne sans jamais trouver un point d’ancrage.
Alors peut-être un café était-il une bonne chaîne pour tenir une future ancre?
«Pourquoi pas!» s’entendit il répondre.
Quelques minutes plus tard, ils étaient attablés sur une terrasse d’un des bistrots de la ville.
Ni l’un, ni l’autre ne savait où et comment commencer.
Dan avait suivi les conseils de Loïc. Celui-ci avait réussi à savoir que Lisa avait un entretien chez Dastagne l’après-midi même.
Sans plus réfléchir, il avait décidé de l’attendre. Dan ne pouvait pas la laisser partir ainsi. Il avait besoin de lui faire comprendre, à défaut de lui dire, qu’actuellement il était bien incapable de fonctionner sans elle.
Ce fut Lisa qui amorça les hostilités:
«Ils m’ont proposés un emploi à durée déterminée d’un an»
Dan ne tiqua pas. Dastagne savait qu’en un an il avait le temps de la former au poste, la rendre autonome et qu’inversement, il pouvait juger ses compétences.
Lisa ne se démonta pas. Elle allait glaner chacune des informations de manière calme et claire.
«Ils m’offrent un salaire plus élevé»
Il n’était un secret pour personne que l’argent achetait le monde.
«Il s’agit d’un poste plus élevé et plus évolutif»
Un plan de carrière en somme, il s’en était douté.
«Et j’aurais droit à un logement à loyer réduit selon mes heures supplémentaires»
Ce qui n’était vraiment pas commun. Pourquoi Dastagne offrait un poste dont des centaines de ses collaborateurs rêvaient? Quelque chose dans ce récit sonnait faux. Une sorte d’instinct dictait à Dan qu’une ruse se cachait sous cette proposition.
Lisa attendait la réaction de Dan…qui ne vint pas. Apparemment, il avalait les informations et les analysait. Sa décision, quant à elle, avait été prise dans le bureau de Dastagne quelques minutes plus tôt.
Tout cela lui semblait trop beau pour être vrai. Comme il y a toujours anguille sous roche, elle avait insisté pour en savoir plus.
Ce n’est qu’au bout d’une heure qu’elle avait compris. Elle avait été piégée! Aussi, quand le fin mot de l’histoire lui était apparue, elle avait tranché net et radical:
«Je ne vais pas accepter!»
Dan faillit s’étouffer avec son capuccino! Elle refusait le poste? La perplexité mêlée à un espoir diffus pointèrent, ensemble, et son rythme cardiaque s’accéléra. Il voulut dire quelque chose, mais Lisa le devança:
«Mais je refuse votre proposition également!»
Chapitre 22
La stupeur gagna Dan. Qu’elle refusait la proposition de Dastagne, lui avait semblé une excellente nouvelle, mais la révélation suivante l’avait glacé. Comment pouvait-elle? Abasourdi, Dan ne put que secouer la tête.
Lisa savait que la nouvelle ne le réjouissait pas. Elle se doutait que l’effet qu’elle voulait provoquer était, sans doute, à double tranchant. Pourtant elle ne voyait pas quoi faire d’autre. Malgré cela, Lisa ne pouvait se résoudre à choisir entre l’amour sans espoir et l’avenir professionnel avec un point de départ douteux.
Car c’était bien cela qui l’avait conduite à ce raisonnement. L’offre que Dastagne lui avait faite au départ n’était pas due à ses qualités, mais à une supercherie. La jeune femme se sentait trompée, trahie. Pire que tout, elle plaignait Dan. Si aujourd’hui, ils en étaient à ce point de non-retour c’était parce que des gens l’appréciaient et cherchaient à le rendre heureux.
La jeune femme ne cherchait pourtant qu’à se faire une place dans le monde du travail. Elle se sentait responsable de ces rebondissements. Si elle n’avait pas accepté cette période d’essai chez Start, si seulement la situation n’était pas telle qu’elle la voyait en cet instant.
Lisa essaya un instant de s’imaginer un monde parallèle, dans lequel elle pouvait gagner sur tous les tableaux, sans effort. Mais à quoi cela servait-il?
Bref, l’avenir lui paraissait morose, mais elle n’avait pas le choix. Lisa avait sa fierté et avait la conviction qu’elle pouvait y arriver sans tous ces stratagèmes.
Elle devait maintenant révéler à son futur ex supérieur, que s’il avait ce regain de possessivité envers elle, c’était uniquement par le biais d’une tentative malheureuse d’embrouille de la part de ses amis les plus proches.
Elle le voyait secoué sa tête dans l’incompréhension la plus totale. Il voulait des réponses? Il allait en avoir, mais pas celles qu’il attendait.
«Dan, je comprends que tout ceci peut vous surprendre.»
Il ne lui laissa pas le temps de persévérer. Il était déçu, il n’allait pas encore lui faciliter la tâche.
«Surprendre? C’est le mot! Comment pouvez-vous refuser deux propositions alléchantes? Etes-vous complètement inconsciente?»
Tiens Lisa l’avait déjà entendu celle-là, mais dans un autre contexte. Elle allait le laisser hurler un peu:
«Que voulez-vous de plus? Que l’on rampe à vos pieds pour que vous acceptiez? Ne croyez pas que cela arrivera un jour Mademoiselle Schlasser! Des femmes comme vous, des centaines, rêveraient d’avoir le même poste voilà que Madame se met à jouer les difficiles!»
Il avait le droit d’être en colère, pourtant l’agresser comme il était en train de le faire n’arrangeait rien leur situation et était disproportionné. De quel droit la jugeait-il sans savoir? L’esprit sur la défensive, Lisa Schlasser sentit monter l’exaspération.
«STOP! hurla t-elle» ce qui instantanément le calma.
«Primo, je ne suis pas une idiote. Je connais bien le marché du travail pour savoir qu’il est hostile pour quelqu’un comme moi. Secundo, si j’ai pris cette décision, je ne l’ai pas fait sur un coup de tête comme vous semblez le penser. Tertio, et là je pense que cela vous calmera… si je ne reste pas dans votre société c’est pour une raison que votre ami Loïc et beaucoup mieux placé que moi pour vous expliquer…sur ce bonne journée!»
Sa tirade terminée, Lisa se leva et sortit du café sans même prendre la peine de se retourner. Son éclat lui avait fait du bien, pourtant elle savait que d’ici peu l’effet allait passer et qu’elle allait sans doute regretter cet accès.
Dan resta assis là, sans pouvoir bouger, ni parler. Il la voyait s’en aller et commença à peine à intégrer les paroles qu’elle lui avait assénées. Demander à Loïc? Que venait-il faire là-dedans?
Comment avait-on l’audace de refuser un emploi bien rémunéré, avec des avantages en nature et des possibilités d’évolution? Et même si cette offre ne lui convenait pas, pourquoi n’a-t-elle pas accepté la sienne? Devinait elle qu’au fond il ne savait pas lui-même ce qu’il désirait ?
Machinalement, il paya la serveuse et sortit du café. La nuit commençait à tomber. Ce ne fut qu’après quelques minutes qu’il se rendit compte qu’il était venu sans voiture. Un des hommes d’affaire les plus adroits que l’on ait connus devait se balader seul, dans la nuit et tout ça à cause d’une femme! Il en rit tout seul et une idée lui vint.
Bien qu’il savait la jeune assistante encline à l’énervement, il savait qu’elle était réfléchie. Dan attrapa son téléphone et appela la personne qui pouvait certainement lui apporter les informations complémentaires.
Lisa venait de rentrer lorsque son téléphone sonna. Avant de décrocher, elle vérifia d’un coup d’œil le numéro de l’appelant. Hors de question de se retrouver dans une confrontation avec Dan. Betty ! Merveilleux timing !
« Alors?»
Directe comme elle l’aimait.
«Je me suis faite avoir.»
Dan s’installa sur le siège passager de la voiture de Loïc. Son ami était venu le chercher sans poser de question, sans essayer de le juger. Il aimait cela chez lui. Pourtant, en cet instant, assis près de lui, il sentait ce petit malaise qui prouvait qu’il lui cachait quelque chose.
Et Dan n’avait plus de temps à perdre. S’il voulait comprendre, analyser et trouver une solution, il lui fallait toutes les informations. Alors autant aller droit au but.
«Que me caches-tu Loïc?»
Chapitre 23
Loïc n’avait même pas cherché à nier. Pensif, il l’avait invité à boire un verre. Dan avait accepté sans broncher. Il savait que son ami nécessitait quelques minutes pour rassembler ses idées. Il savait que ce n’était pas qu’une simple information qui lui manquait, mais tout une partie de l’histoire. Tout un morceau que Lisa avait découvert et qui l’avait fait fuir.
Loïc l’amena dans un bar. Dan reconnut l’endroit. Combien de fois étaient-ils venus ici pour discuter de leur projet d’avenir ? Et cette fois où Loïc lui avait annoncé qu’il voulait demander la main de Michèle? L’endroit était symbolique. Ils s’assirent à une table près du bar. Un lieu familier pour une situation peu banale. Les deux hommes commandèrent des bières, le moment était venu.
Lorsque la serveuse revint avec les boissons, Loïc amorça son récit:
«Je crois que j’ai commis une erreur, Dan»
Cela commençait plus mal que prévu. Il le laissa poursuivre.
« Comme tu le sais, Dastagne est un de mes amis. »
Moment de silence, Dan hocha positivement la tête: où voulait-il en venir?
«C’est moi qui lui ai envoyé le CV de Lisa.»
Paf ! Si Dan se demandait un jour comment on se sentait après s’être pris un camion, c’était chose faite et il ne faisait que commencer.
«C’est moi qui lui ai suggéré le poste qu’il lui a proposé.»
9 – 10 - KO ! Dan Albrecht au tapis!
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«Pardon?»
Betty semblait tout aussi perdue qu’elle, ce qui rassura quelque peu Lisa. On avait joué avec sa vie et son avenir. Mais elle n’était pas prête à prendre le rôle du pion.
« Je te dis que tout ça c’est du bidon, du chiqué, de la triche, du faux !»
Elle sentit que Betty réfléchissait intensément. Sa meilleure amie se sentait obligée de trouver une explication logique là où il n’y en avait pas.
«Répètes moi cette histoire rocambolesque depuis le début stp.»
Lisa s’exécuta.
« Ma rencontre avec Dastagne n’a pas été fortuite, ni son offre d’ailleurs. Tout cela est une mise en scène.
-Attends, tu veux me faire croire que tout était calculé par avance?»
Lisa soupira à nouveau. Comment avait-elle put se laisser embobiner?
«Dastagne est une connaissance de Loïc Bondert, le patron de la Start. Pour je ne sais quelle raison, Loïc est persuadé que je suis la femme de la vie de Dan. Alors, étant donné que Dastagne lui devait un service, ils ont imaginé un stratagème pour que Dan essaie de me retenir.»
Lisa s’arrêta un instant. Cruelle ironie: c’était elle qui était amoureuse de Dan et pas le contraire. Néanmoins, elle poursuivit:
«Seulement quand Dastagne a vu mon CV, il a voulu «vraiment» m’embaucher. C’est là que l’histoire dérape. Loïc pensait toujours être dans son plan d’attaque et il pensait que Dan cèderait facilement. Or entre temps, Dastagne a envoyé balader la Start et ses histoires et m’a proposé le poste.»
Betty soupira à son tour. Que cette histoire pouvait être grotesque! Son amie rétorqua enfin:
«Donc, si j’ai bien compris, tu refuses les deux postes parce que tu as été manipulée, c’est bien cela?
-Bien évidemment!» Betty enchaîna:
«Parce que tu penses que l’on t’a trompée, trahie, mentie,….
-Exactement !» Jusque-là tout était clair dans l’esprit de Lisa. Mais:
«Et Dan alors? Qu’en dit-il?»
Pas une seconde, Lisa n’avait réfléchit à ce que Dan avait pu ressentir. Après tout, il avait été trompé par son meilleur ami! Quelle égoïste faisait-elle? Elle l’avait abandonnée sans aucune explication, le laissant payer le café!
«A mon avis, ton Dan doit être salement amoché à l’heure qu’il est!»
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«Mais bon sang! POURQUOI?»
Dan n’en revenait pas. Etait-ce la journée «stupéfaction et surprise»? Il n’en croyait pas ses oreilles. Loïc s’était joué de lui… La seule personne en qui il avait entièrement confiance, avait abusé de sa confiance.
Loïc but une gorgée de sa bière et tenta d’expliquer son geste et les raisons qui l’y ont poussées :
«Tu me demandes pourquoi?»
Il observa Dan un instant et comprit que son geste n’était pas manipulateur. Il avait voulu aider son ami à ouvrir les yeux. Mais le tout était maintenant de lui faire savoir qu’il était temps de trancher dans ses sentiments, s’il ne voulait pas perdre la femme de sa vie.
Alors il commença par le début de cette histoire rocambolesque:
«Te souviens-tu de l’époque où je suis tombé amoureux de Michelle?»
Dan hocha la tête. Même s’il ne comprenait pas du tout où voulait en venir Loïc il le laissa finir.
«A l’époque j’étais si aveugle que j’ai failli ne pas voir qu’elle était la femme de ma vie, à cause de mon orgueil.»
Dan s’en souvenait. C’était l’époque « je drague et je jette » qu’ils avaient débutée ensemble, mais que son ami avait rapidement abandonné au profit d’une relation stable et enrichissante. Malgré la séparation que cela avait impliquée, Dan avait été heureux pour son ami et l’avait soutenu.
«Tu m’as poussé à la demander en mariage, tu m’a convaincu qu’elle était la femme de ma vie et tu avais entièrement raison! Jamais je ne te remercierai assez pour cela!»
L’homme d’affaire froid et indémontable fut soudain gêné. Que se tramait-il dans l’esprit de Loïc Bondert?
«Alors quand j’ai vu arriver Lisa et quand j’ai vu ta façon de la regarder, la façon dont tu parles d’elle, je me suis reconnu, moi, de nombreuses années en arrière…. Et j’ai voulu t’aider.»
Ils se fixèrent un instant. Dan ne semblait pas comprendre:
« De quoi parles-tu enfin? Comment cela « reconnu » en moi?»
Loïc éclata d’un rire franc. Apparemment l’ironie de la situation était plus forte que la colère de son ami. Etait-il possible qu’il n’avait pas encore réalisé ce qui sautait aux yeux de tous?
«Enfin Dan! Cela saute aux yeux : tu es amoureux de cette fille!»
Se tourner l’idée mille fois en tête, sans jamais lui donner réellement un nom était une chose. Se l’entendre dire par son meilleur ami en était une autre. Dan assimila lentement comme si quelque chose venait de craquer autour de son cœur. Il était donc amoureux?
Avant même d’emmagasiner cette information, son cerveau lui dicta pourtant d’aller plus loin dans ces explications.
«Mais je ne comprends toujours pas le rôle de Dastagne? Pourquoi tout ce plan? Tu aurais peut-être pu m’en parler, non?»
Loïc à nouveau le fixa, un sourcil interrogateur se leva sur son front:
«Et tu m’aurais écouté bien sûr?»
Il marquait un point. Dan était amoureux, pourtant jusqu’à présent, il n’avait eu de cesse de le nier. Vivre, prendre et jeter, telle avait été sa devise, durant toutes ces années. Alors quand Lisa lui était rentrée dedans, cela avait été comme un véritable coup de foudre. Et il avait eu peur. Bref, il avait été un idiot.
Les deux hommes continuèrent à discuter. Loïc ne voulait que le bonheur de Dan et Dan se refusait obstinément à ce bonheur.
C’était le fait de la perdre. Cette angoisse de ne pas être à la hauteur dans un domaine que l’on ne pouvait ni étudier, ni maîtriser, qui l’avait poussé à se le cacher. Alors oui, il aimait Lisa et oui, il avait été idiot de croire que tout cela n’était qu’une attirance physique.
Pourtant même si cette révélation lui ôtait un poids énorme, elle n’en était pas moins arrivée un peu tardivement. Au vue de la réaction de la jeune femme, il était clair que tout espoir était perdu.
Dan replongea son nez dans sa bière. Que pouvait-il faire? Baisser les bras? Se battre?
Il repensa un instant à ce qu’ils avaient vécu ensemble en si peu de temps. Les premiers jours, sa rencontre avec son ex-prétendant, leur nuit…. Leur unique nuit. Etait-ce là que tout avait basculé? L’homme, si sûr de lui, secoua la tête. Il n’était pas prêt à se laisser manipuler. Il fallait gagner, coûte que coûte:
« Et sinon….Comment fait-on pour conquérir le cœur d’une femme?»
Chapitre 23
Lisa avait beau réfléchir, elle ne savait pas comment aborder cette situation inédite. La curiosité la poussait à se rendre à son travail, simplement pour observer le comportement de son supérieur, mais également pour confronter le responsable de toute cette comédie.
Inversement, la jeune femme pressentait que cette idée n’était sans doute pas la meilleure
Au fond, elle n’en voulait pas réellement à Monsieur Bondert, à Loïc. Seulement, elle regrettait d’avoir été prise au milieu de son stratagème.
La raison dictait qu’il était temps de couper définitivement court à cette histoire, aussi mal que cela pouvait lui faire. Lisa faisait face à un casse-tête assez peu commun : la raison contre la passion.
Alors ce lundi matin, la jeune femme s’était bien rendue sur son, encore actuel, lieu de travail. Sans pour autant prendre le chemin habituel du bureau du vice-président. Elle avait bien l’intention de confronter l’homme qui avait détruit ses espoirs professionnels dans la Start.
Dan Albrecht faisait face à Loïc Bondert dans un bureau désordonné.
Ce matin, de nombreux points avaient été étudiés et ils savaient tous deux que leur collaboration professionnelle était bien plus importante que leurs histoires personnelles.
Pourtant, une fois l’ordre du jour dessiné, les voilà l’un face à l’autre, sourire aux lèvres, se demandant comment procéder..
Si l’enjeu n’avait été qu’un emploi, la décision eut été vite prise. Cependant, ici, entre ces quatre murs, une histoire bien plus complexe prenait forme. L’avenir, non d’une société, mais de deux personnes était mis à plat.
Dan connaissait ses faiblesses. Il savait n’avoir aucune expérience dans le monde des relations durables. Pourtant, à cette minute, il n’aspirait qu’à une chose : passer le reste de son existence aux côtés de son assistante.
L’idée de mentir à nouveau à Lisa lui déplaisait, mais il ne voyait pas comment procéder autrement pour la garder près de lui.
Lisa n’avait cure d’arriver sans rendez-vous. Sans même se laisser perturber par l’assistante, elle toqua à la porte et entra sans plus de cérémonie.
Furibonde, elle s’attendait à tout, sauf à se retrouver devant Dan et Loïc, tranquillement assis l’un en face de l’autre. La surprise qui se lisait à cet instant sur leurs deux visages montrait qu’ils étaient de connivence tous deux, et la colère de Lisa monta d’un cran.
Elle fixait silencieusement Dan. Lui, ne prononça pas un mot, se concentrant exclusivement sur ses réactions. Ce fut Loïc qui prit la parole, non sans s’être raclé la gorge plusieurs fois :
«Lisa, bonjour! Vous avez fait vite, je viens à peine de demander à mon assistante de vous appeler!»
Lisa décrocha enfin son regard de son supérieur et fixa Loïc. A quel jeu jouait-on ici?
Loïc fit le tour de son bureau et se rapprocha de la jeune femme. Toute leur tension était concentrée dans quelques mètres carrés. Les deux hommes le sentaient, mais il était impératif de mener cette opération jusqu’à son terme.
«Lisa, venez-vous asseoir svp. Je sais que ces derniers jours n’ont pas été faciles pour vous.»
Elle n’en croyait pas ses oreilles. On croyait assister à un simple réunion. Elle prit place, droite, les mains croisées sur sa jupe, si serrées, que Dan put apercevoir les jointures de ses doigts. Le directeur de la Start lui, retourna à sa place, sans rien remarquer.
Loïc entama alors un monologue d’excuses, d’explications… il tentait de décrire, par des mots, ce qu’il avait ressenti entre Lisa et Dan depuis leur rencontre. Il s’enflammait, devenait tour à tour romanesque, poète. Sans se rendre compte, que ni son ami, ni la jeune femme n’écoutaient sa tirade.
Lisa savait qu’il la regardait intensément. Chaque parcelle, chaque fibre de son corps sentait son regard. Et la jeune femme sentait son cœur cogner dans sa poitrine comme jamais auparavant. Ses mains devenaient moites, il lui semblait qu’elle tremblait. Qu’allait-elle devenir?
Dan devait agir. Il sentait Lisa lui échapper sans pouvoir agir. Il savait qu’il devait laisser Loïc aller jusqu’au bout. Mais plus les minutes avançaient plus la peur de la perdre devenait insupportable. Comment Lisa avait-elle pu ainsi devenir le centre de sa vie en si peu de temps Et si elle le rejetait?
«Ainsi, encore une fois, je vous prie de m’excuser. Sachez que j’accepte votre départ, mais vous demande de terminer cette dernière semaine dans nos locaux.»
La jeune femme fut secouée d’un sursaut. Si tout le reste du discours lui avait échappé, les dernières paroles de Loïc la frappèrent.
«Pardon?»
Elle ne comprenait pas ce qui se passait. Elle était venue ici, dans le but de s’expliquer, de décharger sa frustration et voilà qu’on lui demandait de rester la semaine?
«Au risque de paraître ingrate, Monsieur Bondert, ne pensez-vous pas que cette histoire est allée trop loin?»
Un point pour elle. Dan sourit un instant. C’était evident que Lisa ne comptait pas tomber dans leur piège aussi facilement.
Loïc reprit :
«Lisa je vous comprends et vous assure que mon intention n’était pas de vous blesser. Vous êtes une jeune femme intelligente. Je me suis fourvoyé en voulant jouer les entremetteurs, et vous présente à nouveau toutes mes excuses.
- Sans vouloir vous vexer, vos excuses ne vont pas m’aider à retrouver un travail!»
Lisa fulminait. C’était la comédie la plus incroyable de toute sa vie.
Dan et Loïc échangèrent un regard. Ils avaient réussi à la mener, exactement là où ils la voulaient.
Dan rapprocha son siège de celui de son assistante. Plus pour sentir sa présence, que pour se faire comprendre.
«Justement, voilà ce que nous vous proposons : prenez le début de semaine pour préparer les dossiers pourvotre remplaçant. Nous vous laisserons partir avec une très bonne lettre de recommandation et nous vous proposons une liste de contacts chez nos clients et fournisseurs.»
Pourquoi la jeune femme avait-elle soudain l’impression qu’un élément lui échappait? Si au moins Dan s’éloignait un peu d’elle…
«Tout cela en gage de nos excuses pour cette comédie à laquelle vous avez dû participer, enchaina Loïc. Cependant, nous vous demandons une dernière présence lors d’un rendez-vous jeudi soir. »
Lisa tourna enfin la tête vers Dan. Tout cela n’était pas sérieux. Etaient-ils vraiment adultes?
Dan, posa sa main sur celles de la jeune femme. Ce simple contact les électrisait tous deux. Il savait qu’il ne devait pas, mais il n’arrivait plus à se passer de sa chaleur.
«Lisa… Je vous en prie, nous avons besoin de vous. Il s’agit d’un client important.. Actuellement, vous êtes la seule à pouvoir m’accompagner. Je vous promets qu’ensuite, si vous le souhaitez toujours, vous n’entendrez plus jamais parler de nous.»
La voix de Dan était rauque, suppliante et bien qu’elle tenta, par tous les moyens de s’en défendre, elle franchit les barrières de son cœur. S’en même comprendre ce qu’elle était en train d’accepter, elle le fit.
Loïc leva un sourcil étonné. La jeune femme avait cédé plus vite qu’il n’avait espéré. Lisa devait sincèrement aimer Dan. Et tout d’un coup, tout le poids de la culpabilité s’envola. Il avait bien fait. Cette histoire allait forcément bien se terminer.
Dan réprima un énorme soupir de soulagement. Lisa avait dit oui! C’était étonnant de la part de cette jeune femme si encline au conflit.
Celle-ci tourna enfin la tête vers lui. Leurs regards s’accrochèrent à nouveau et ce que Dan y vit lui fit presque exploser le cœur. Il y voyait la peur, l’espoir, les sentiments…. Il y voyait l’exact reflet du sien. Il devait agir, ne pas la laisser partir. Soudain, toutes les supercheries, les mensonges lui semblaient secondaires. Il le savait et désormais il en était persuadé : tout, il était capable d’absolument tout pour cette femme! Leur histoire devait impérativement bien se finir.
Chapitre 24
A peine partis et déjà Dan s’en voulait. Mais avait-il vraiment le choix? Il connaissait assez la jeune assistante, pour savoir qu’elle n’allait pas apprécier. Pire, que cette tentative pouvait se terminer en véritable désastre. Pourquoi ne pouvait-il pas faire les choses comme toujours ? L’emmener dîner, lui amener des chocolats et finir le tout chez lui?
La réponse était pourtant simple. Avec Lisa, il avait tout fait à l’envers. Et désormais n’était plus seulement de l’emmener dans son lit, mais de la faire rester dans sa vie! Autant dire que pour la première fois, il se sentait sur un terrain complètement inconnu!
Alors il se concentrait sur la route. Impatiemment, les mains moites à l’idée de la perdre ou de louper son coup. Un élément restait une variable inconnue : la réaction de la femme qu’il aimait
Une voiture, une route et un homme. Lisa était submergée par un sentiment profond de déjà-vu. Au moins, auparavant, avait-elle eu l’impression de controller un peu la situation. Aujourd’hui c’était différent. Dan ne lui avait toujours pas donné de détails sur leur entretien de ce soir.
C’était pourtant évident : elle l’aimait. Elle voulait passer ces derniers instants avec lui. Agacée par ses propres pensées, la jeune femme se tourna vers lui. Quand allait-elle comprendre qu’il ne fallait pas espérer pour rien?
Bon sang, elle savait pourtant que Dan la menait en bateau. Elle ne tint plus.
«Est-ce que vous allez me dire où nous allons?»
Son ton impatient toucha Dan. Peut-être que cette idée d’escapade n’était pas le meilleur moyen d’amadouer la belle. Lorsqu’il l’avait vu dans ce bureau, en début de semaine, tout lui avait semblé limpide. Dan devait la faire sortir de leur univers professionnel, pour lui montrer qu’ils pouvaient s’aimer. Des milliers de fois durant les derniers jours, il avait songé à lui avouer la vérité. Pourtant, à chaque fois, il s’était retenu.
Sitôt sortit de son appartement, il avait pressenti qu’il allait passer un très mauvais moment lorsqu’elle allait découvrir la vérité.
Pour le moment, malgré tout son scénario élaboré, il lui devait des explications.
«Lisa j’ai un aveu à vous faire…»
Elle ne lui laissa pas le temps de commencer son explication.
«Je le savais! Vous m’avez piégé, n’est-ce pas ?»
La colère qu’il ressentait dans ses paroles le vexa quelque peu. Dan décida tout de même de continuer.
«Lisa, comprenez-moi.... Je ne savais pas comment faire autrement!»
Elle tourna son regard perçant vers lui et lança, glaciale:
«Pour faire quoi exactement ?»
Il réfléchit un instant. La jeune femme se mit à crier des paroles plus incohérentes les unes que les autres. Dans les bribes de son énervement, il put déchiffrer les mots : « psychopathe, kidnappeur, menteur, ….»
Il choisit pourtant de la laisser continuer. Il savait qu’elle allait comprendre par elle-même que toutes ses hypothèses étaient aussi infondées que blessantes.
Et le temps lui donna raison. Brusquement, elle se tue non sans avoir lancé un:
«Laissez-moi sortir!»
Dan n’en tint pas compte et se mit même à sourire. Il s’était imaginé qu’elle allait le menacer. Mais elle continuait à se braquer, la peur l’empêchait elle de voir l’évidence? Il se sentait aussi maladroit qu’un adolescent, lorsqu’il demanda :
«Vous croyez vraiment que je vais vous faire du mal?» lui demanda t-il le plus sérieusement du monde.
Lisa réfléchit un instant. D’accord, elle était allée un peu fort en le traitant ainsi. Elle savait parfaitement qu’il n’allait pas lui faire de mal. Malgré cela, elle avait peur. Peur de ce que cette situation représentait. Elle lui répondit d’une voix très basse, à peine audible :
«Non»
Premier point pour Dan. Au moins lui faisait-elle confiance sur ce point. Pour le reste, autant continuer ainsi.
« Nous allons travailler dans un endroit un peu particulier.”
En quelques instants, Lisa était redescendue sur Terre. La seconde d’avant, elle s’imaginait chevauchant telle une princesse enlevée par son prince, et voilà qu’il lui disait qu’ils allaient travailler ! Etait-ce là ce qu’on appelait une douche froide?
«Qu’appelez-vous particulier?»
Dan respira mieux:
«Je vous emmène dans un endroit spécialement adapté à notre mission de ce soir.»
De plus en plus perplexe, Lisa le fixa. Curieusement, elle avait l’impression qu’il s’amusait de la situation.
«Voilà le plan. Etant donné notre situation, nous nous devons de mettre les choses à plat dans un endroit neutre.»
N’y comprenant rien et trouvant cette histoire de plus en plus burlesque, Lisa ne relança pas.
«Prenez ça comme notre dernière carte à abattre!»
Toujours pas de réponse. Elle semblait réfléchir. Ce qui n’était ni bon ni mauvais en somme, mais cela tendait considérablement l’ambiance dans la voiture.
«D’accord pour le principe…. Pas d’accord pour la manière!»
Un blanc ponctua cette phrase. Après quelques instants, elle enchaîna:
«Vous ne m’avez toujours pas dit où nous allons.»
Dan sourit, soudain moins stressé. La première manche était pour lui. Encore fallait-il continuer sa progression. Il lui expliqua enfin:
«Comme vous l’avez vu toute à l’heure, nous sommes en banlieue. Pour le reste, patientez quelques minutes et vous allez le découvrir.»
Réponse énigmatique qui suffit à rendre Lisa électrique. Dan restait vague et cela ne la rassura pas. Au fond, Stéphane avait raison. Elle avait sans doute peur de s’engager. Mais ce n’était pas le seul problème de cette non relation. Dan ne voulait que s’amuser avec elle. Il ne l’aimait pas. Alors avant de se briser en morceau, son cœur devait se blinder contre cet home.
Alors qu’elle réfléchissait, elle n’avait pas remarqué, qu’ils s’étaient engagés dans une route secondaire. Soudain, elle vit apparaître une somptueuse demeure éclairée par bon nombre de lampadaires. L’espace d’un instant, elle resta bouche bée.
Lisa se crut transporter en Nouvelle Orléans. Devant eux, se dressait une magnifique et maison blanche. L’entrée, entourée de grands pylônes et considérablement lumineuse, était également bordée d’une terrasse. Terrasse qui courait tout le long de la maison. Un véritable rêve!
«Somptueuse !»
Dan ressentit une fierté qu’il jugea, un instant, déplacé. Aussi étrange que cela pouvait paraître, cette maison était la sienne. Même s’il n’y résidait jamais. C’était son havre de paix lorsque tout s’emballait dans sa vie, comme en ce moment.
Il stoppa la voiture devant la porte de la demeure et se tourna vers Lisa.
«Ravi qu’elle vous plaise… nous allons y rester ce soir.»
Lisa était sous le charme. Elle avait toujours adoré ce type de maison. Jamais, au grand jamais, elle n’avait espéré pouvoir y pénétrer. Soudain, elle ne regretta plus d’être venue. Tout sourire, elle affirma:
«Cette maison est un bijou!»
Dan se mit à rire.
«Vous n’avez même pas vu l’intérieur.
- J’ai toujours rêvé d’avoir ce genre de maison!»
Curieuse affirmation qu’elle faisait là. Qu’est ce qui lui prenait de lui dire ça?
Dan sortit de la voiture sans répondre. Voir Lisa si enthousiaste, lui fit infiniment plaisir. Il vint lui ouvrir la portière. Au moins devait-il lui avouer un point. Il avait vu du coin de l’œil «Jo» sur le pas de la porte, il devait donc mettre fin à la seconde mascarade.
Lisa sortit de la voiture. Bien qu’elle essayait de se raisonner, elle était aux anges et avait hâte de visiter la bâtisse. Elle vit une femme guetter leur arrivée sur le pas de la porte. Elle entendit Dan claquer la portière, mais c’était avant tout le bras qu’il posa sur le sien qui la fit tressaillir. Il se rapprocha:
«J’ai un deuxième aveu à vous faire.»
Elle se retourna vers lui, anxieuse. Il se rapprocha plus d’elle, tout sourire. D’un geste tendre, il retourna la jeune femme face à la maison, se colla à son dos et lui murmura:
«Bienvenue chez moi!»
Chapitre 25
Lisa se sentait transportée en plein rêve. Son cerveau, qui depuis leur départ, avait beaucoup de mal à comprendre la situation, semblait définitivement perdu.
«Jo» les avait attendus à l’entrée. Une petite femme, d’une soixantaine d’année, les cheveux gris, avec un regard pétillant de malice. Lisa, surprise, l’avait vue serrer Dan dans ses bras au point de l’étouffer. Et de manière aussi rapide, leur étreinte pris fin. En effet, Jo s’était reculée et lui donnait une tape.
« Mon garçon! La prochaine fois préviens-moi avant! Je n’ai pas pu aller faire des courses, vous allez devoir vous contenter des restes. Est-ce que tu vas te décider à me présenter cette charmante personne?»
Lisa n’avait pu retenir un sourire. Sans même être présentée, elle trouvait cette femme sympathique. La manière dont elle rabrouait son patron était adorable.
Dan sourit également. Jo avait une façon spéciale de vous montrer qu’elle vous aimait. Mais elle ne trompait personne, surtout pas lui. Il se tourna vers Lisa et constata avec approbation qu’elle souriait.
«Lisa je vous présente Mme Josette Galu. Jo, voici Lisa Schlasser, mon assistante.»
Lisa amorça deux pas en avant, une main tendue. Jo semblait la scruter un moment. Puis sans plus de cérémonie, elle s’avança, ignora la main de la jeune femme, et la serra dans ses bras.
«Bonjour mon enfant! Bienvenue!”
Elle se sépara de Lisa. Celle-ci peu habituée à ce genre de familiarités en restant un moment sans voix. Jo s’enfuyait déjà dans la maison, leur ordonnant de les suivre.
Dan recula et fit un geste vers Lisa pour l’encourager. Un court instant, lorsqu’il gravissait les marches de la bâtisse, il avait douté de ce plan. Aucune de ses conquêtes n’avaient été amenée ici, Jo ne permettait pas ce genre de jeux amoureux superficiels. Mais il était persuadé que Lisa allait comprendre, qu’elle allait succomber dans cette atmosphere.
Lisa restait éberluée. L’énorme couloir dans lequel elle s’engageait ressemblait à ceux que l’on décrivait dans les romans d’histoire. Elle fut guidée dans un grand salon, extrêmement lumineux. Une immense baie vitrée donnait sur un splendide jardin. D’un côté de la pièce se trouvait une grande bibliothèque. En face, deux énormes canapés de cuir trônaient et invitaient au confort.
D’ailleurs, lorsque Jo la pria de s’asseoir Lisa n’hésita pas une seule seconde. En s’installant dans celui qui donnait vers la baie et le jardin, elle soupira d’aise. Le trajet et surtout sa « conversation » avec Dan l’avaient épuisée. Et bien qu’elle était encore très inquiète sur leur présence ici, elle décida que pour le moment, une trêve s’imposait.
Dan prit place face à elle, tandis que Jo décrétait qu’il était temps de faire la cuisine. Elle disparut, les laissant seuls tous les deux. Aussitôt le malaise de Lisa réapparut. Ne devaient-ils pas discuter immédiatement ? Bien évidemment, immédiatement elle s’en voulut. La trêve qu’elle venait de déclarer ne pouvait pas flancher au bout de trois minutes. Ou était-elle devenue une de ses instables sentimentales, qui ne pouvait entretenir de relation autre qu’amoureuse avec un homme ? Alors elle inspira profondément et se rendit compte soudain, que durant toute sa réflexion elle avait fixé le jardin de manière hypnotique. Zut!
Dan l’observait à la dérobée. Elle était là, dans cette maison et tout d’un coup, il brûlait d’impatience de la lui faire découvrir, de lui expliquer … Jamais auparavant, il n’avait eu ce genre de comportement avec une femme. Jamais il n’avait ramené quelqu’un dans cette maison. Jamais il n’avait été amoureux.
Lisa se tourna enfin vers lui et croisa son regard. Pourtant elle fit semblant de ne rien voir et entama la conversation sur un sujet anodin, mais qui piquait sa curiosité depuis qu’elle était arrive.
«Alors expliquez-moi…pourquoi sommes-nous ici?
Dan sourit. Expliquer? Bien qu’au final il allait devoir se décider à tout lui avouer, il ne voulait pas brusquer la jeune femme.
«Vous êtes sûre de vouloir commencer par cela?»
Lisa l’observa et comprit le sens de la question. Entre eux deux, il y avait désormais tant de choses à expliquer, qu’il valait mieux préciser sa pensée.
« Non vous avez raison! Expliquez moi tout ça! La maison! Jo! Je veux dire: Comment? Quand?»
L’homme fut ravi de la curiosité de Lisa et du changement de sujet. Il répondit le plus naturellement du monde:
«En fait, Jo m’a vu nu en train de danser dans le jardin et je lui ai racheté la maison parce qu’elle menaçait de tout raconter à un journal local!»
Lisa le fixa une seconde, puis éclata de rire. Décidément, lorsqu’il le voulait, il pouvait vraiment être sympathique. Etrange, mais sympathique. Elle enchaîna pourtant:
«Bien sûr, et moi-même je vis une vie cachée de strip-teaseuse!»
La remarque un peu osée lui était sortie naturellement, comme lorsqu’elle se trouvait devant Betty. Lisa voulut se terrer dans un trou de souris. Mais à son grand soulagement, Dan éclata de rire à son tour.
L’ambiance se détendit peu à peu. Dan se lança enfin dans les explications demandées.
«Cela remonte à sept ans. A l’époque je devais trouver un moyen de lancer la Start. En parcourant les annonces, je suis tombé sur toute autre chose. J’ai remarqué que les voitures étrangères étaient très demandées mais avant tout très onéreuses. Loïc, était amusé par le défi. Je vous passe les détails mais nous avons rapidement conclu des affaires très juteuses.»
Il s’arrêta un instant et se leva pour aller vers la vitre. Grâce à cette réussite, il se trouvait aujourd’hui dans ce salon… son salon. Il se retourna vers la jeune femme.
Dan observa Lisa, s’approcha d’elle et lui tendit la main:
«Il est temps que je vous fasse visiter mon royaume, jeune dame!»
Lisa accepta sa main sans réfléchir. Elle essaya d’ignorer le picotement dans la main serrée et la chaleur transmise. Lorsqu’ils passèrent la porte du couloir, elle objecta tout de même:
«Vous n’aviez pas fini votre histoire!»
Dan se retourna vers elle, agréablement surpris. Alors elle s’intéressait à lui?
«Très bien! Vous avez choisi la visite guidée avec l’histoire ennuyeuse du propriétaire!»
Lisa se mit à rire et le suivit dans le majestueux escalier.
La demi-heure qui suivit ressemblait à un enchantement. La maison était un ravissement. Quatre grandes chambres occupaient l’étage. En second lieu, elle apprit l’histoire de l’acquisition de cette maison et des deux propriétaires.
Dan importait des voitures. Il avait passé un arrangement avec un contact et régulièrement, il passait à proximité de la maison pour récupérer de nouveau modèle. Son interlocuteur ne parlait ni français, ni anglais. Il détestait toute autre langue que celle de son pays. Loïc avait donc engagé un traductrice. Au début tout se passait bien.
Jusqu’à ce qu’ils découvrirent qu’il s’agissait d’une employée d’une société de négoce allemande. L’interprète faisait en sorte de court-circuiter leurs affaires en fournissant des informations sur les prévisions de Dan et Loïc en France.
Lisa ne voyait toujours pas le rapport avec Jo et la maison. Aussi fut elle surprise d’apprendre, qu’un jour la traductrice l’avait laissée tomber sur la route menant ici. Perdu sur les petites routes, il s’apprêtait à entamer une longue marche et…
Le ciel lui avait envoyé Jo. Elle l’avait pris sous son aile.
Lisa avait écouté tout du long, se faisant violence pour ne pas l’interrompre.
«C’est passionnant, dit-elle enfin. Vous avez eu de la chance monsieur!»
Il se retourna et lui fit face, très proche soudain. Il la fixa, sa main toujours dans la sienne.
«Je vous l’ai dit,mon prénom est Dan!»
Il l’avait murmuré si proche, qu’il lui suffisait de tendre les lèvres pour l’embrasser.
Aussitôt les sens en alerte, elle recula de quelques pas pour remettre de la distance entre eux. Malheureusement, Dan ne l’entendait pas ainsi. Il s’approcha à nouveau d’elle. Un ballet qui se poursuivit jusqu’à ce qu’elle se retrouva coincée contre le mur.
Dangereusement proche d’elle, il lâcha sa main pour poser les siennes sur le mur de chaque côté d’elle.
«Pourquoi avez-vous si peur?»
Lisa en oublia leur proximité et s’enflamma. Elle pointa son index sur son torse et répliqua :
«Je n’ai pas peur de vous! Je tiens à garder mes distances, vous n’êtes pas quelqu’un de fréquentable Monsieur Albrecht. D’ailleurs, toute notre collaboration le prouve, non?»
A se grande surprise, il ne recula pas et se mit à rire.
« Décidément, ma petite Lisa, vous n’êtes jamais là où je vous attend….. »
Comme la meilleure défense était l’attaque, Lisa prépara une réponse cinglante… qu’elle n’eut pas le temps de prononcer. Jo choisit ce moment pour leur crier un :
«A table!» du bas de l’escalier.
Dan s’éloigna de Lisa. Il se retourna vers elle et lui déposa un rapide baiser sur les lèvres de la jeune femme, avant de dévaler les escaliers:
«Je meurs de faim, pas vous?»
Chapitre 26
Pourtant elle savait que cette histoire devait mal tourner. Elle avait vu le piège venir, mais toute dans ses nouvelles resolutions, elle s’était imaginée, que ce rendez-vous restait anodin. La situation étant telle qu’elle était, Lisa se tenait en haut de l’escalier sans savoir si elle devait descendre ou partir sans demander son reste.
Car Dan, lui, ne s’était pas privé de disparaître. Soit il commençait à la connaître et redoutait sa réaction, soit au contraire, il se moquait d’elle.
Dan était descendu rejoindre Jo. L’étape 1 de son plan avait été enclenchée. Maintenant qu’elle savait, ses petites méninges devaient s’interroger sur la raison de tout ce manège. Il savait, même s’il était novice dans le domaine des sentiments, que partir sur un mensonge pour attirer des faveurs était tout, sauf judicieux. Mais la connaissant, il n’avait pas eu le choix.
A l’instant précis, il se doutait que différentes issues étaient possibles. Soit elle descendait et exigeait qu’il la raccompagnait. Soit elle descendait et lui réservait un accès de colère. Soit, enfin, elle s’enfuyait…
Sauf qu’elle n’avait pas de moyen de transport! Devant ce constant, l’option n°3 fondait comme neige au soleil. Lisa ne savait même pas si un bus passait dans les environs. De plus, attendre dehors dans le noir, dans un quartier qu’elle ne connaissait pas, semblait d’une stupidité évidente.
Oui, il l’avait dupé. Ne l’avait-elle pas un peu cherché? Avec tout ce qui s’était passé, pouvait-elle vraiment lui en vouloir?
Revoyons Option 1 et 2. Hurler comme une furie, le résultat n’était que peu probant. Il fallait montrer du sang-froid. La jeune femme allait faire en sorte que ce soir, il allait la ramener chez elle. Mais Lisa Schlasser voulait aussi des explications et elle comptait bien en avoir!
Déterminée, elle franchit le seuil de la cuisine. Quand ils l’aperçurent, il y eu quelques secondes de silenc. Jo choisit cet instant pour s’éclipser. Passant près de Lisa, elle lui glissa dans un murmure:
«Soyez indulgente, c’est nouveau pour lui.»
Qu’est ce qui est nouveau? La jeune femme voulut éclairer cette phrase énigmatique, mais Jo avait déjà disparu dans le couloir. Au fond d’elle résidait comme une sensation d’appréhension. Il lui semblait, qu’à cette seconde, elle jouait plus qu’une simple explication.
«Pourquoi?»
Un simple mot. La quatrième solution.La curiosité! Il l’observait. Toujours sur le pas de la porte, il ne savait pas si elle voulait s’enfuir ou rester pour l’écouter. Tout était clair, son cœur et sa raison s’étaient mis d’accord, c’est Lisa qu’ils voulaient. L’heure de vérité était-elle arrivée?
«Si vous veniez vous asseoir?»
Comme sur immense échiquier, chacun avançait doucement ses pions.
Lisa céda la première manche et alla prendre un siège autour de l’immense plan de travail. Ce que la vie pouvait être compliquée quelque fois. Dans un monde imaginaire, Dan éprouvait quelque chose pour elle. Cependant, dans leur monde réel, que pouvait-elle espérer, sinon la déception? Elle chassa vite ses pensées. Le moment était mal choisi pour rêver.
«Et si je vous disais que vous ne m’avez pas laissé le choix?
-Pardon?»
Parfait, Dan avait attiré son attention, à lui de développer sa stratégie.
«Tout à fait! Entre vos hésitations, votre manque de loyauté envers nous, vos humeurs inégales … comment voulez-vous que je puisse aborder une discussion posée avec vous?»
Bouche bée, Lisa le regardait sans comprendre. Son cerveau entendait mais ne comprenait pas. Il lui faisait des reproches? Trop hébétée pour répondre, elle le laissa enchaîner.
«Lisa, nous avons beaucoup de points à éclaircir, vous êtes d’accord ?»
Hochement hésitant mais positif de la tête de Lisa, réponse automatique du cerveau qui avait du mal à suivre.
«Alors oui je vous ai menti… à moitié.»
Dan amorçait prudemment. Il ne savait pas s’il s’agissait du bon moment pour mettre carte sur table, mais avait-il d’autres choix? Dans quelques minutes, elle allait sortir de sa vie et il refusait de la voir partir.
«Considérons ce repas comme une entrevue, une rencontre d’affaire entre vous et moi. Etes-vous d’accord?»
Manger? Eclaircir? Apparemment quelques bribes étaient parvenues aux neurones et tentaient de la faire réagir. Il était temps pour Lisa de donner la réplique à son supérieur. Pourtant, sa raison lui dictait de prendre ses jambes à son cou et de ne pas se laisser entraîner dans le rythme qu’il lui proposait.
« Je meurs de faim ».
Complètement hors de propos et désespérant!
Sourire aux lèvres, Dan était satisfait et commençait à se détendre. Il jouait son avenir ce soir. A court, moyen et peut-être même à long terme. Alors, gagner les deux premières manches, était un bon présage.
Quelques instants plus tard, ils étaient attablés. Toujours face à face autour du plan de travail, il dégustait des lasagnes faites maison.
A leur grande surprise, la tension avait disparut. Ils parlaient de leur goût en matière de musique, de livre, de film,… comme s’ils étaient des amis échangeant quelques opinions.
Ils leurs semblaient que tout le reste avait disparu. Il n’y avait que ce début de complicité qui avait commencé à naître au fil des semaines et qui se développait à cet instant précis, alors que justement il devait mourir.
Ni l’un ni l’autre ne voulait briser ce moment. Tous deux conscients qu’ils vivaient quelque chose d’exceptionnel. Mais les assiettes se vidaient et il était évident qu’il fallait qu’ils parlent.
Au fil de la conversation, la jeune femme prenait conscience d’un fait nouveau : non seulement elle éprouvait des sentiments à son égard, mais en plus, tout était de sa faute. Dans sa fougue, elle en avait oublié la base essentielle de toute relation professionnelle : la modération. En se laissant entraîner dans des situations les plus étranges, elle avait finalement laissé tomber sa seule chance de rester aux côté de l’homme qu’elle aimait, au profit d’un amateurisme puéril. Devant ce constat amer, elle devait s’incliner.
Dan lui proposa un café que Lisa refusa. Ils ne pouvaient plus reculer, la confrontation devait commencer.
Dan ne savait pas comment débuter. Nerveux, il avait beaucoup de mal à réfléchir. Il décida enfin à se lancer, après tout, qui pouvait dire qu’il était prêt pour ce genre de déclarations?
«Lisa, il est temps pour moi….
- De me ramener chez moi !»
Lisa l’avait coupée en plein élan. Elle savait tout ce qu’il allait lui dire. Il allait se montrer gentil et ensuite il allait lui expliquer qu’il avait adoré la rencontrer mais qu’une suite n’était pas envisageable. Dan, en homme de parole, allait lui remettre une belle lettre de recommendation. Cette soirée n’était rien d’autre qu’un pot de départ.
Sans plus de cérémonie, elle se leva et pris la direction du couloir. Tout d’un coup, elle manquait d’air. La perspective de ne plus jamais le revoir la faisait trembler toute entière. Elle luttait contre la déception et tentait de garder la main sur leur échange.
Trop abasourdi pour réagir, Dan l’avait vu se lever sans rien dire. Allait-elle toujours être ainsi? Il secoua la tête en signe d’impuissance. Quand allait-il pouvoir lui expliquer? Il était question de délivrance ce soir et non de quiproquos. Cette fois, c’était lui qui décidait de la suite des événements et certainement pas la demoiselle qui lui tournait le dos.
Car il l’avait vu dans son regard. Les jours précédents et ce soir, il pressentait, que ce qu’elle éprouvait, allait bien au-delà de l’attirance. Il fallait simplement arriver à s’exprimer.
Fort de sa décision, il se lança à sa suite dans le couloir.
Chapitre 27
«Qui vous a permis de partir?»
La voix était énergique, légèrement emprunte de colère, agacée et exigeait de s’arrêter. Et c’est ce que Lisa fit. Elle était arrivée à la porte d’entrée et l’avait ouverte. La nuit était tombée, un vent frais lui caressa le visage. A deux doigts de réussir et pourtant il ne s’était pas laisser enjôler.
«Je vous ramènerais quand j’en aurais fini avec vous. On ne vous a jamais dit qu’il était impoli de couper la parole? Tournez-vous Lisa!»
Etait-elle allée trop loin? Peut-être avait-elle poussé l’avantage au-delà de la limite autorisée? Instantanément la jeune femme se retourna, telle une enfant prise en faute.
«Cette fois-ci vous ne m’échapperez pas.»
Devant cette menace, Lisa déglutit. Il avait donc deviné? Comment? A quel moment avait-elle baissé la garde et montré ce qu’elle ressentait? Mais il avait raison, plus d’échappatoire, il fallait faire front.
«Ce soir vous allez m’écouter! Car croyez moi j’en ai des choses à vous dire!»
Cela s’annonçait mal. Lisa cherchait un moyen de court-circuiter ce qui allait suivre. Il ne devait pas le demander à haute voix, ne pas rendre la situation gênante.
«Je vous propose un nouveau contrat!»
Le cerveau de Lisa mit quelques secondes à interpréter les paroles de Dan. Un contrat? La situation devenait ridicule. S’il continuait à parler par demi-phrase, elle allait vraiment devenir dingue!
Dan jubilait. Il voyait passer toutes les émotions possibles sur le visage de la jeune femme et cela le ravissait. Il avait finalement réussit à surprendre Lisa Schlasser. Il goûta, quelques secondes, cette petite victoire et décida néanmoins, qu’il fallait crever l’abcès.
«Il s’agit d’un contrat à durée indéterminée. Je pense que vous avez toutes les qualités recherchées pour le poste. Par ailleurs, le but est d’atteindre l’objectif qui sera fixé lorsque vous accepterez. Je sais ça peut paraître surprenant mais….»
Lisa ne comprenait plus rien, la tête lui tournait.
«Mais…. Je pense que nous nous en sortirons très bien, qu’en pensez-vous?»
Comme sortie de sa torpeur et réveillée brusquement, Lisa éclata de rire.
«Je ne comprends absolument rien. Vous vous moquez de moi, c’est cela? Quel est votre but Monsieur Albrecht?»
Dan hésita une demi-seconde, cela lui fut fatal. La tornade Lisa s’était réveillée.
« Qu’attendez-vous de moi? Que je me prosterne devant vous? Figurez-vous que j’ai besoin d’un travail pour vivre, et non pour m’amuser. Je suis venue parce que vous m’avez menti. Je suis restée parce que… bref! Une chose est sûre: il est hors de question que je revienne travailler pour vous, Monsieur Albrecht!
-Ah oui et pourquoi? pourquoi ne pourriez-vous pas rester?»
Dan s’approcha d’elle, ils y arrivaient enfin. La conclusion était proche. On jouait désormais à quitte ou double.
«Après tout, vos compétences n’ont jamais été remises en cause. Où est le problème? Toute cette histoire avec Dastagne n’est qu’un subterfuge. On vous a manipulé, et moi avec, par la même occasion. Mais ce n’est pas tout, n’est-ce pas Lisa? Alors je vous le demande une dernière fois… »
Il s’approcha plus près encore, à quelques centimètres de la jeune femme. Il voyait sa respiration rapide, il avait vu juste depuis le début. Jamais, Dan n’avait eu besoin d’avoir peur. En cet instant, il en avait la conviction.
“ … de quoi avez-vous peur ?»
Lisa respirait difficilement. Que répondre? Elle ne pouvait pas lui avouer. Car cela était stupide et très proche d’un retour à l’adolescence. Que cherchait-il à la fin? Perdue, perturbée, aucun son ne parvenait à franchir la barrière de ses lèvres.
«Je vais vous dire, de quoi vous avez peur, Lisa. Je vais même vous le montrer»
Avant qu’elle ne put répondre, il se colla à elle, passa ses bras autour de sa taille et l’embrassa, comme jamais il n’avait embrassé. Dan tentait de faire passer tout son amour, ses craintes, ses espoirs dans ce baiser. Aussi, ce baiser pouvait bien être leur dernier, alors Dan goûtait cet instant magique. Son premier baiser d’homme amoureux et conscient de l’être.
Sa bouche était chaude, douce, passionnée. Terriblement agréable. Fermant les yeux, Lisa se laissa aller. Après tout, il s’agissait peut-être de leur ultime moment avant qu’il ne se décidait à la jeter dehors. Pourtant… pourtant, quelque chose de particulier se produisait. Comme s’il essayait de lui faire passer un message. Magique, doux, c’était comme s’il l’ai…Non stop! Cela n’était pas concevable.
Lorsqu’il relâcha son étreinte, il la fixa intensément pendant que Lisa tentait lentement de rouvrir les yeux. Elle tomba sur son regard et son cœur manqua un battement. Etait-ce possible?
«Je vous aime»
Qui l’avait dit? Lisa? Dan? Aucun des deux ne le savait. Ils se regardèrent surpris que ces mots d’une telle importance pouvaient s’exprimer aussi simplement.
Dan répéta, doucement, comme pour la convaincre:
«Je t’aime Lisa»
Lisa sonda son regard. Il ne plaisantait pas, ne jouait pas avec elle. Elle s’était complètement fourvoyée et son baiser le lui avait démontré. Elle avait du mal à y croire. Dan l’aimait?
«Je dois rêver.Ce n’est tout simplement pas possible!»
La jeune femme avait perdu tous ses moyens. Tous les souvenirs des dernières semaines se télescopaient dans sa tête. Avait-elle été omnibulée par le fait de cacher ses sentiments, qu’elle avait loupé le plus important?
Dan l’observait. Encore une fois, Lisa n’était pas là où il l’attendait. Allait-il s’y habituer un jour? Elle cogitait encore. Il devait l’en empêcher. Surtout ne plus réfléchir, mais se laisser aller. Alors il l’embrassa à nouveau. Lisa répondit à ce baiser comme si sa vie en dépendait. Elle réalisa peu à peu ce qui était en train de se passer. Dan l’aimait! Son cœur bondit dans sa poitrine. Tout son corps faisait une révolution interne. Le bonheur, simple comme un baiser sur le pas d’une porte?
«Et ce contrat alors?» lui demanda t-elle une fois que leurs bouches se décollaient l’une de l’autre.
Dan hésitait. Elle ne lui avait pas dit ce qu’elle ressentait et il se sentait vulnérable, pour la première fois depuis longtemps. Il inspira:
«Il consiste à vivre avec moi, à mes côtés, à me supporter, à faire un bout de chemin ensemble. Il s’agit de s’aimer, tout simplement. Mais…»
Un instant, il crut voir une lueur espiègle passée dans les yeux de la jeune femme et il comprit. Il avait raison depuis le début.
«Mais cela implique que nous devons nous aimer. Alors la question est simple : m’aimes-tu ?»
Lisa le fixa et sourit, heureuse. C’était comme si elle se réveillait après un long sommeil. Elle se sentait merveilleusement bien. Pourtant, elle ne perdait pas son esprit de réflexion pour autant. Croyait-il qu’elle allait céder aussi facilement ? Pourtant il savait à qui il avait affaire!
« A ton avis ? »
Dan éclata de rire et la serra dans ses bras. La fin de cette histoire pouvait-elle être plus heureuse que cela ?