"Ça va", ment.
Ana Elle (Cendrillon Des Routes)
Quand elle tourna la tête et que ses yeux se posèrent sur lui sans qu'il ne la vît, elle frissonna. Elle s'attarda un instant sur le bleu qui criblait la peau brune et la barbe de quelques jours, mais très vite elle détourna le visage. Elle avait mal au cou, aux côtes, au dos, et partout dans le ventre. Sa gorge s'était serrée. Ses poignets et ses mains étaient près à craquer. Elle ne sentait plus ses pieds maintenant, quant à ses jambes, elles se dérobèrent instantanément. Elle avait mal encore ailleurs, partout, mais elle ne se savait plus où… Le mélange de papillons, de nostalgie, et de brisures d'étoiles lui faisait bien trop mal. Comment le bonheur, celui de le voir, pouvait-il être aussi effrayant ?
-Ça va ? murmura t-il dans un sourire, d'une voix très calme et très douce, une fois devant elle.
La main ferme et rassurante d'homme s'était posé sur son bras. Ce contact la noya. Elle en oubliait de vivre, aussi bien que de mourir. Tout était allait très vite et très fort, il faillait bien le dire. Son souffle, se coupa. Elle aurait voulu parler mais ne pouvait pas. La main se détacha d'elle et l'abandonna. Un peu comme ce dernier baiser, ce matin là. Brutalement, le silence se mit à hurler très fort.
« Ça va ? Ça va …. ? Mais quoi ça va ? Non ! Non ! Mais NON ! Bien sûr que non ça ne va pas ! Ça ne va pas du tout même ! Y'a vraiment rien qui va ! Et toi d'abord, qu'est-ce que tu fous là ? Hein ? Qu'est-ce que tu fous devant moi, là, avec ta p'tite gueule gamin ? Putain… Mais grade le ! Garde le ce p'tit sourire de merde et garde la ta question à la con ! Ton sourire qui ne sait qu'emmêler les gens ! Et ta question, là, dont t'as rien à foutre ! Garde tout ça… va. De toute façon ça te fais quoi de savoir comment je vais, hein ? Si tu t'y intéressais vraiment, ça ferait bien longtemps que t'aurais réagis, que t'aurais fait les choses autrement ! C'est fini. Fini t'entends. J'y arrive plus. Plus maintenant. Tu vas finir tout seul ! Parce que tu crois que tu le mérites et c'est d'ailleurs ce que tu fais croire aux autres... Et puis ça sera bien fait pour ta gueule en fait ! Bon ok tu frustreras quelques minettes et quoi ? Elles iront baiser ailleurs… parce que pour la plupart, elles ne comprennent rien de qui tu es à l'intérieur ! Moi je suis fatiguée. Je t'aime mais je suis fatiguée. La petite chatte abandonnée et perdue hurlant après un fantôme ça va un peu mais faut pas pousser.
Tu crois que t'es le plus grand, le plus intelligent de nous deux ? Tu crois qu'avoir des sentiments pour quelqu'un et ressentir des émotions c'est être faible ? Tu crois que je suis faible en fait, non, je me trompe ? Tu crois que toutes les fois où j'ai été là, où j'ai montré que je t'aimais, toutes les fois où je me suis senti comme de la merde face à tes gonzesses, c'était une faiblesse ? Tu crois que parce que je suis sensible ; je suis fragile ? C'est ça que tu crois ? Tu crois que je ne tiens pas la route, que je suis qu'une petite conne qui rêve de dragon, de princes, de magie et de donjon ? C'est ce que tu crois, en fait ! Mais t'as rien pigé ! A quoi ça sert d'avoir des émotions si tu les gardes pour toi tout seul ? A quoi ça sert de faire croire que t'es sans sentiments, que t'es fait uniquement pour t'envoyer en l'air avec les gens ? Tu crois qu'en faisant ça, t'es le plus malin, et que t'as gagné ? Bah non.
Je te trouve triste. Je croyais que c'était moi qui étais vulnérable, pas nette, paumée, mais finalement je ne m'en suis pas prise à la bonne personne. Je me suis demandée ce qui clochait chez moi, parce que je me suis cru trop sensible et bien conne de croire en toi. Mais en fait, ça n'avait rien avoir avec moi. Bon ok, j'ai un tas de défauts, je suis trop émotive et fleur bleue, et pour ça tu crois que t'es pas l'homme qu'il me faut. Mais je te le dis, dans les yeux, et si moi : je suis la femme qui te fallait ? Tu réponds quoi à ça ? Y'a que toi qui te met entre nous deux, que toi. Tu ne peux pas, tu ne peux pas accuser le destin, le timing, la vie ! Parce que ce qui empêche les gens d'être ensemble, c'est leur connerie c'est tout !
La peur, la vie, c'est des excuses à la con ! C'est bidon ! Tu crois que t'es le seul à avoir eu mal ? A avoir morflé, à t'être fait démonter le bide et trainer dans la boue, la gueule amorphe et le cœur crevé ? Tu crois que t'es le seul à être effrayé et fatigué ? Non mais c'est fou ça ! Bah non, tu vois ! Non. Y 'a pas que toi ! Y'a pas que toi, qu'a eu envie de gerber, de cracher tes tripes, qu'a eu envie de mourir tellement la douleur et l'humiliation t'as tout prit, t'as rendu aigris ! Mais tu n'es pas le seul. Pas le seul à avoir perdue ta confiance, à faire des conneries en espérant une délivrance. Parce que la rancœur, les merdes, le malheur ; ça existe. Ça excite bien. C'est réel. On est dans une putain de société pourrie qui gangrène de jour en jour. Mais ce n'est pas pour autant qu'on doit tout foutre à la poubelle. Qu'on doit arrêter de croire en l'amour. Ce n'est pas une raison, bordel ! Non mais c'est quoi cette excuse de merde… « Je veux plus souffrir.», mais tout le monde souffre ! Putain, je… tu vois, je crois que je suis beaucoup forte que toi. Parce qu'après toute la merde que j'ai pu connaitre, tout le doute qui me ronge, bah finalement, j'y crois encore. J'attends et j'espère un truc fou, un truc puissant, un truc fort. Qui me démonte le ventre, le cœur et le corps. Un truc qui vaudra vraiment le coup, qui voudra dire toutes les fois où je me suis fais baiser, briser, et déchirer, c'était pour qu'un jour, un jour j'arrive vraiment à aimer et être aimer ! Alors non ça va pas, non… y'a rien qui va. Parce que : tu n'es pas là ! Et que tu m'as manqué. Tu t'es barré sans donner de nouvelles. Tu m'as manqué. Tu me manques tout le temps. Tous les jours. Depuis ce matin là. Quand t'es partie de chez moi. Tu m'manques. Et tu sais… je vais te dire une chose ; il faut savoir prendre soins et être correct en vers les personnes qui t'aime, parce qu'en grandissant, en avançant dans la vie, tu risques de ne plus en croiser beaucoup. Tu me prends sans doute pour une folle, une petite conne trop naïve qui croit encore que les crapauds se transforment en prince, et alors ? C'est un tort ? Moi au moins, quand je te vois, j'ai le cœur qui bat très fort. Et ça, ça, ça, ça montre que je suis vivante ! Et je suis sûre d'une chose : je suis beaucoup plus forte que toi. Parce que moi au moins, j'ai la foi. »
-Oui. Ça va.