Ça vous vient comme ça

luxaeterna

Ça vous vient comme ça. Vous levez la tête, et vous la voyez. Ses gestes nerveux, sa façon qu'elle a d'avoir une petite mèche juste derrière son oreille droite, les claquements de langue, tout vous énerve déjà. Vous ne la regardez jamais en face, car vous n'aimez pas croiser le regard des gens. Vous vous esquivez. Ce n'est pas de l'amour, ce n'est pas de la haine, ce n'est rien. C'est une relation banale, assez réticente. Néanmoins, vous savez que le fait de se méfier de quelqu'un implique déjà un intérêt certain. Alors, vous vous écartez, vous regardez vos mains, vous tournez la tête. Mais ses regards se font parfois insistants, ou peut-être est-ce juste une impression. Le temps passe, et certains gestes, certains traits de visages commencent à vous intriguer, et vous commencez votre traque. Cela vous énerve de vous intéresser à elle, vous ne vouliez pas qu'elle ait de l'importance à vos yeux, car vous savez que l'attachement n'apporte jamais rien, surtout à sens-unique. Et puis, un jour, vous réalisez que, elle aussi, commence à vous regarder doucement. Quelques coups d'œil, une posture de tête, une inclinaison nouvelle. Chacun s'observe discrètement. L'insistance augmente, les yeux sont plus pesants, les paroles s'affirment, et vous vous perdez. Vous vous perdez dans ces lèvres qui bougent mais ne disent rien, ces pupilles qui remuent mais ne s'illuminent pas, ces pas vers vous qui ne se rapprochent jamais. Et vous réalisez que vous avez fait une belle connerie. Depuis le début. Car cette personne, inconnue dans la foule, vous l'avez refoulée, vous l'avez méprisée, un goût amer au fond de la gorge qui vous fait regretter son regard et sa mèche de cheveux. Vous avez tout fait contre, et tout s'est fait pour. Vous n'avez pas le choix. Elle est là, bien présente, juste derrière vous. Elle vous guette et, parfois, vous prend au creux de ses bras, parfois, vous boit une dernière goutte de vie.

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