Canoë
My Martin
CNRS. Dominique Legoupil. Depuis plus de quarante ans, il travaille sur le peuplement maritime de la Patagonie australe et des archipels de l'île Terre de Feu, à l'extrémité de l'Amérique du Sud
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Musée de l'Homme, département d'Amérique. José Emperaire, ethnologue 1912-1958. 46 ans. Enseveli sous un éboulement de terrain, il décède accidentellement, alors qu'il fouille sur le site chilien de Ponsonby, en bordure de l'île Riesco
Annette Laming-Emperaire 1917-1977. Préhistorienne française, spécialiste de l'art pariétal et de la préhistoire de l'Amérique du Sud. L'épouse de José Emperaire. “ José Emperaire a laissé une oeuvre importante. Son témoignage sur la vie des derniers Alakaluf (Kawésqar) constitue un apport durable à l'ethnologie. Les multiples documents archéologiques accumulés sont le point de départ d'une nouvelle vision des terres australes américaines
Et cependant... cette œuvre, trop courte, valait-elle le sacrifice d'une vie intensément vécue ? ”
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Fin du XIX° siècle. Mission française du Cap Horn. Photographies
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Chili Sud. Patagonie Ouest
La côte pacifique de Patagonie est l'une des régions les plus pluvieuses du monde, avec les îles Aléoutiennes (Alaska Sud-Ouest, mer de Béring)
À la sortie du Détroit de Magellan (entre au nord, le continent sud-américain et au sud, l'île de la Terre de Feu), jusqu'à sept à huit mètres de précipitations par an
Alors que dans les steppes atlantiques, les pluies se limitent à deux cents millimètres par an
Sur cent kilomètres, les variations sont fortes. Importantes modifications de la végétation
Les écarts de températures sont marqués
Sur la côte, en été, 10° C, ; en hiver, 3 ou 4° C
Les températures négatives sont rares. La neige est occasionnelle
En revanche, au centre de la Terre de Feu, le thermomètre descend jusqu'à -15° C ; voire, plus bas
À l'ouest, la pluie
À l'est, la sécheresse
Partout, le vent
Énormes vagues, furieuses tempêtes
Parfois, lorsque l'on navigue à l'aplomb d'une montagne, descendent des vents rabattants. Craints par les navigateurs, les « williwaws » (nom d'origine amérindienne), imprévisibles
Dans les zones de resserrement des canaux, redoutables courants
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Sur la façade Pacifique, le relief s'abaisse. La forêt vierge laisse place à des plages, à la toundra
Dangereux, les archipels de Patagonie présentent un intérêt majeur pour les chasseurs-cueilleurs. La faune marine est riche
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Région de Magallanes
Les Kawésqar. Canoeros, l'un des peuples premiers
Les anciens nomades marins de l'extrême sud chilien
-6 000 ans. Venus du nord ? Les Kawésqar ("les hommes") auraient suivi les canaux qui commencent à Chiloé (Chili Centre, île)
avant de traverser l'isthme d'Ofqui (il relie la péninsule de Taitao au Chili continental)
Venus du sud ? Avec pour origine, les peuples de chasseurs de la Patagonie orientale, devenus des marins
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Les Kawésqar se déplacent en canoë, constitué d'écorce de coihue (Nothofagus dombeyi. Un arbre à feuilles pérennes)
Longueur, entre 8 et 9 mètres (parfois assemblé en catamaran ; voile de peau ; toit d'écorce)
L'embarcation transporte aisément une famille entière
À l'arrière, la femme pagaie
À l'avant, harpon en main, l'homme guette poissons et mammifères marins
Au milieu, sur un lit de terre et de gravier, un feu est allumé en permanence, sous la surveillance des enfants ; ils ont aussi la charge d'écoper l'eau, qui s'infiltre par les coutures des écorces
Le feu sert au chauffage et à la cuisson des aliments
À chaque accostage, le feu est réanimé dans la hutte circulaire (recouverte de peaux de phoques) que les Canoeros construisent, en bordure de mer. Les chiens jouent, aboient
Leur séjour sur une plage dépend des ressources disponibles
Il n'est jamais long, quelques jours, afin de ne pas épuiser les ressources (poissons, pinnipèdes -otaries, phoques, morses. Oiseaux, œufs)
En période de pénurie, les Canoeros recherchent une baie riche en mollusques (moules des Magallanes), une ressource alimentaire sûre
En appoint, la cueillette. La chasse -cerfs des Andes, guanacos
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En été, les Kawésqar vont, nus
Pour se protéger du froid, ils s'enduisent de graisse de phoque
Dormir dans la hutte, serrés les uns contre les autres, sous les peaux d'otarie
Adaptés aux conditions climatiques de la région, leurs vêtements sont confectionnés à partir des matériaux disponibles localement. Les peaux des animaux marins. Les fourrures et les peaux des animaux terrestres
Les capes se portent fourrure vers l'extérieur (à l'inverse de la pratique des chasseurs terrestres continentaux)
Le gras de la peau plus ou moins bien tannée, au contact de la peau du Kawésqar
En ornements,
des perles,
des pendeloques en os d'oiseaux, en coquilles, en dents de pinnipèdes, en plumes d'oiseaux -notamment d'albatros
Les os d'albatros d'Offing (île Dawson). Selon des techniques particulières, les oiseaux sont dépecés avec soin, pour exploiter les plumes et la peau. Confection de vêtements, des coiffes
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Les Kawésqar travaillent la pierre, le bois, les os, les coquillages
Flèches, arcs, harpons, couteaux
Des pointes de harpons en os décorés, typiques du canal Beagle (il sépare l'île de la Terre de Feu, des îles Hoste et Navarino, au sud)
Le harpon à pointe en os (une ou plusieurs barbelures) est l'arme principale des Canoeros
Dès 7 000 / 6 000 ans, ils travaillent l'os de cétacé et fabriquent de magnifiques harpons
Il s'agit de harpons, car l'embase présente un système d'attache pour une ligne
L'un de ceux trouvé à Offing mesure plus de 25 cm de long
Les pointes en os, qu'elles soient de harpons, de lances ou de sagaies, sont les armes les plus fréquentes dans les sites
Les Canoeros chassent ou rabattent vers la côte
des cétacés de taille limitée. Baleineaux, lions de mer, dauphins
des gros cétacés (baleine ou cachalot), morts ou mourants
-4 000 ans. Longues pointes lithiques (rhyolite, roche volcanique à structure microlitique ; lutite, roche sédimentaire détritique). Dentelées, type Ponsonby (au débouché du canal Fitz-Roy sur la mer du Skyring). Découvertes au milieu de restes de jeunes pinnipèdes
En été, occupation saisonnière
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Les kawésqar vivent occasionnellement dans la zone frontalière avec l'Argentine, entre le lac Fagnano et la cordillère des Andes fuégienne
Ils n'établissent pas de colonies permanentes sur ces terres
Ils entretiennent des échanges avec les Amérindiens
Shelknam / Onas
Tehuelche
Yagan / Yamana (canoës en écorce de lenga -Nothofagus pumilio. Hêtre blanc de la Terre de Feu)
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Les Kawésqar vénèrent un être suprême, fondamentalement bon. Le créateur, le gardien de l'Univers, le responsable de l'ordre cosmique
Ils croient en des esprits, liés aux éléments de la nature
L'esprit du bruit
de la nuit
du chaos
Les anciens et les chamans exercent une influence spirituelle sur la communauté
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Les Kawésqar décorent leur visage et leur corps, de motifs géométriques, de rayures
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Le matériel funéraire se réduit à quelques objets. Pointes d'armes, outils, objets décoratifs, perles en os
Parfois, une structure recouvre le corps ; des bâtons colorés placés en faisceaux, des écorces
Île Madre de Dios (pile principale d'un archipel). Grotte. 17 / 18e siècle. Sépulture multiple. Les restes d'une demi-douzaine de jeunes hommes
Deux cuvettes ocrées. Longtemps après leur déconnexion, les os, en deux tas. Perles en os, pendeloques en coquilles, bâtons colorés. Sur la paroi rocheuse, des traces de colorant
Dans le cône d'éboulis d'un abri sous roche, les restes de deux nouveaux-nés. Matériel funéraire. Bois peints, perles en coquille ocrée, plumes
Des sépultures en amas coquilliers. Au milieu des coquilles, les corps
Puis, les Canoeros abandonnent le lieu. Tabou
À la sortie du Détroit de Magellan. La sépulture d'une mère et de son enfant
Une sorte de fardo funéraire
L'enfant à son côté, la mère est allongée. Sur les corps, des morceaux de cuir et d'écorce. La tombe est ocrée. Un panier à couture
Terre de Feu. La sépulture d'un enfant
Entièrement ocrée, couverte de pierres -le rite chez les chasseurs terrestres des steppes
Près de l'enfant, évoquant la forme d'un bec, une cinquantaine de becs d'oiseaux, des dizaines d'objets en os de guanacos et de cétacés. Des galets incisés
Variété des rites funéraires. Quelques sépultures. Restes humains
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1535. Diego de Almagro, lieutenant de Francisco Pizarro, maître du Pérou, commence la conquête du Chili. Situés dans la partie du Sud de l'actuel Chili, les Indiens Mapuche sont les seuls à résister farouchement aux Espagnols. Ils mettent en déroute les troupes des conquistadors
1535 - 12 février 1818 (indépendance). Le Chili, trois siècles de domination espagnole
Des sauvages. Les Kawésqar sont victimes de violence infligée par les Occidentaux. Massacres
Décimés par les maladies introduites par les explorateurs, les missionnaires, les équipages des baleiniers
Syphilis, rougeole, rubéole, tuberculose. Leur propagation est démultipliée par les regroupements, notamment dans les missions religieuses à Ushuaïa, à Rio Grande, et sur l'île Dawson
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1881. Onze Kawésqar sont emmenés à Paris, pour être exhibés au Bois de Boulogne. 1877-1937. Au jardin d'acclimatation, "zoo humain"
et à Berlin, au Jardin zoologique
Seuls quatre d'entre eux survivent à ce voyage et reviennent au Chili
2010. Université de Zurich (Suisse). Les restes de cinq Kawésqar sont rapatriés au Chili
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À partir des années 1930. Les Kawésqar sont sédentarisés
Sur la rive occidentale du Paso del Indio, île Wellington. Créé en 1937 par l'armée chilienne. Puerto Eden. Ouverture d'un avant-poste pour hydravions (relier facilement Puerto Montt à Punta Arenas)
Les Kawésqar perdent leur mode de vie, leur langue (au profit de l'espagnol), leur culture
Sentiment de discrimination
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Dernier représentant de sa famille linguistique, le kawésqar appartient à la famille des langues alakalufanes / kawesqaranes
Oscar Aguilera, linguiste. Sa structure polysynthétique rend son usage difficile
Une seule forme, un seul élément linguistique correspond à plusieurs éléments conceptuels ; les rapports grammaticaux se marquent par des modifications internes
Trois groupes géographiques. Septentrional (nord), central et méridional
Seul le kawésqar septentrional est encore parlé (Alain Fabre, 2007)
L'autre langue de ce groupe est le kaukahua, méconnu, aujourd'hui éteint
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La plupart des locuteurs se trouvent sur l'île de Wellington, dans la ville de Puerto Eden
2 622 habitants se définissent « Kawésqar » (recensement, 2002) ; un faible nombre a une connaissance, même partielle, de la langue
Âgés, deux locuteurs natifs
Une douzaine de locuteurs partiels
Alain Fabre (2007) compte quarante-sept locuteurs adultes, avec des niveaux de compétences variables
Au cours des années 2010, la langue risque de s'éteindre