Ce sera bientôt fini
My Martin
26 mai 1861. Napoléon III, Second Empire
Impulsion de l'État et d'acteurs privés ; modernisation économique, sociale, financière, de la France
Lyon (modernisation, importants travaux)
Pont de la Guillotière, le plus ancien des ponts sur le Rhône
A la sortie du local où les femmes viennent se louer comme servantes, un homme attend
Il aborde Marie Pichon (veuve, 27 ans). Il se présente. Il est jardinier, chargé par son maître (un châtelain, qui réside près de Montluel), de recruter une servante. Bonne place, bons gages
Marie n'a pas de travail
Elle rassemble ses maigres biens. Train jusqu'à Montluel (22 km de Lyon nord-est). Direction la Dombes, le pays aux mille étangs
L'homme charge sur ses épaules, la malle de Marie. Ils s'enfoncent dans la forêt
La nuit tombe. Marie s'inquiète. Questionne l'homme
Il s'arrête, pose la malle à terre. S'assied dessus
Il se relève, se jette sur Marie, une corde à la main
Marie se débat, s'enfuit
Le souffle de l'homme
Balan. 5 kilomètres au sud-est de Montluel. Au loin. De la lumière
Marie hurle. Frappe à la porte de la ferme. Hurle
La porte s'ouvre. Le visage meurtri, les habits en désordre, Marie est bouleversée. Elle parle
Claude Joly (63 ans) l'écoute, la réconforte. Il prévient Croix-Moine, le garde champêtre de Dagneux
Marie décrit son agresseur
Gros crâne en pointe
A la lèvre supérieure, une tumeur -angiome labial
Le garde champêtre connaît cet homme : un journalier de Dagneux. Raymond
Visite à son domicile. Le garde champêtre informe le juge d'instruction Genod, à Montluel
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2 juin 1861. Le juge Genod fait arrêter Martin (dit Raymond) Dumollard
Il proteste. Marie ment. Il est innocent
3 juin 1861. Première confrontation entre Marie Pichon et Martin Dumollard
Elle le reconnaît immédiatement
Dagneux, lieu-dit du Molard / rue du Mollard
La masure de Martin est perquisitionnée
Les gendarmes impériaux saisissent des centaines de vêtements -Une composante fétichiste ?
Jarretières, bas, jupons, mouchoirs, dentelles, châles, bonnets, robes, etc.
des objets,
appartenant à de nombreuses femmes différentes
Taches de sang
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Martin Dumollard et son épouse sont placés en détention à Trévoux (Ain. Limitrophe du département du Rhône)
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En dehors des villes, la police est assurée par des gardes champêtres et des gendarmes à cheval
Pas de fichiers criminels. Pas de portraits-robots, relevés d'empreintes digitales, prélèvements d'ADN
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La société judiciaire est exclusivement masculine
Le jury, douze hommes
Les magistrats, les avocats, les greffiers les experts auprès des tribunaux. Des hommes
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Des bonnes. Pauvres. Les femmes ne votent pas -21 avril 1944. Après plus de 150 ans de mobilisations civiques, droit de voter et de se présenter à une élection
Personne ne parle de féminicides ou de tueurs en série
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Une question paraît importante, la récidive. Catégorie juridique autonome. Dans le débat public, les questions qu'elle recouvre acquièrent une place centrale
Les experts, les spécialistes de la psychiatrie, cherchent à expliquer le passage à l'acte. Déceler la probabilité du passage à l'acte
Plusieurs théories
l'idée fixe
la dégénérescence. L'hérédité
le "criminel-né". Décelé par l'étude des reliefs du crâne. La phrénologie :les bosses du crâne d'un être humain refléteraient son caractère
races, atavisme. Classes inférieures, dangereuses
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Enquête. Témoignage de Marie-Anne Martinet, l'épouse de Martin Dumollard
A partir du 31 juillet 1861. Le juge Genod fait inspecter le bois des Communes, près de Pizay -Ain, nord-est de Lyon
1er août 1861. Marie-Anne Martinet et Martin Dumollard sont amenés séparément sur les lieux
Martin Dumollard. « Je connais l'endroit où est le cadavre. Je suis prêt à vous y conduire »
Un corps est exhumé. 26 février 1861. Après avoir été violée, la victime aurait été enterrée vivante
Marie Françoise et Jeanne Marie Bussod sont convoquées à Pizay. Elles identifient formellement le corps de leur sœur, Marie-Eulalie
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29 janvier au 1er février 1862 (trois jours). Bourg-en-Bresse. Palais de justice, dans le centre historique. Procès
La presse. Le Salut Public, le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, le Progrès, le Courrier de Lyon. Le Journal de Genève
Dès le matin, quatre à cinq mille personnes, pour assister aux débats
La cour d'assises est présidée par M. Marilhat ; assisté par M. de Varennes -vice-président
L'accusation est représentée par
Louis Gaulot -procureur général
M. de Prandière -substitut du procureur
Joachim Jeandet -procureur impérial
Trente-six jurés -tous originaires de communes de l'Ain
Deux avocats pour la défense. Marius Lardière (de Dagneux) et maître de Villeneuve
Soixante-et-onze témoins sont cités
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Martin Dumollard aurait perpétré ses crimes pendant dix ou quinze ans ?
Les autopsies sont imprécises. Les femmes auraient été mutilées, agressées sexuellement
Martin Dumollard frappe ses victimes à la tête -ne pas abîmer les vêtements
Il est accusé
de six meurtres
six tentatives
et dix viols
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Douze agressions (dont trois assassinats -février 1855 à juin 1861), sont retenus contre Martin Dumollard
Fin février 1855. Marie Baday (assassinat). Son corps est découvert par des chasseurs, en forêt de Montaverne, à Tramoyes
Novembre ou décembre 1855. L'inconnue du bois de Montmain, un lieu-dit de Dagneux (assassinat)
26 février 1861. Marie-Eulalie Bussod (assassinat)
4 mars 1855. Olympe Alubert. Agressée, elle survit
« Il a simplement la lèvre un peu difforme. […] Il m'inspirait confiance malgré sa lèvre boursouflée, avec son air bon enfant, […] parlant bien le français. Il paraissait avoir la cinquantaine »
22 septembre 1855. Josèphe Charléty (26 ans. Originaire de Haute-Savoie), domestique chez M. Serres, à Vernaison -métropole de Lyon
31 octobre 1855. Jeanne-Marie Bourgeois (22 ans)
Novembre 1855. Victorine Perrin (22 ans, originaire de Lons-le-Saunier, Jura)
18 janvier 1859. Julie Fargeat. Originaire de Thizy (Rhône), elle a perdu sa place de bonne, car elle est tombée enceinte. Elle est agressée par Martin Dumollard mais parvient à s'enfuir
11 décembre 1859. L'inconnue du moulin de Sainte-Croix. Un meunier de Sainte-Croix, Jean-Pierre Chrétien, est témoin indirect de l'agression
Février 1860. La fille de l'auberge Laborde, à la Guillotière (Lyon)
30 avril 1860. Louise Michel, domestique à Lyon
26 mai 1861. Marie Pichon (tentative d'assassinat)
Seuls quelques effets personnels retrouvés chez Martin Dumollard, sont liés à ces affaires
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1er février 1862. Seize heures. Le jury quitte la salle pour examiner les différentes questions. Retour, dix-huit heures quinze
Le président Marilhat interroge le porte-parole, Jean-Jacques Celsi, sur les différents verdicts apportés par le jury aux questions successives
La cour se retire pour délibérer. Retour, trente minutes plus tard
Le président Marilhat annonce les différentes sentences
Martin Dumollard est condamné à mort
Complice, sa femme est condamnée à vingt ans de travaux forcés. Elle meurt dans la prison d'Auberive (26 km de Langres sud-ouest), en Haute-Marne, où elle est incarcérée, en 1875
1862-1875, treize ans de prison
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27 février 1862. Le pourvoi en cassation de Martin Dumollard est rejeté
Les deux avocats commis d'office, Achille Morin et Gigot, n'ont pas jugé utile de déposer de mémoire
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Martin Dumollard est informé du mode d'exécution retenu. La guillotine
« J'aime mieux ça que d'être comme mon père, écartelé sur une roue, en étant tiré dans tous les sens par des chevaux »
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Martin reçoit la visite de Pierre-Henri Gérault de Langalerie (1810-1886), évêque de Belley. Sans succès, le prélat tente d'obtenir un repentir de la part du prisonnier. Néanmoins, il lui donne sa bénédiction et lui remet une image du saint curé d'Ars
Dardilly, près de Lyon, 1786 -Ars-sur-Formans (Ain), 1859. Jean-Marie Vianney, curé pendant 41 ans, à Ars-en-Dombes. Dons de confesseur et démêlés avec le démon ("le grappin")
8 mars 1862. L'aube. Martin Dumollard, dans sa cellule
L'abbé Béroud, vicaire et aumônier des prisons à Bourg-en-Bresse
« Courage. Vous allez dîner avec les anges au banquet éternel »
Martin Dumollard. « Passez donc devant, Monsieur le curé, vous ferez mettre le couvert »
Montluel. Place Bourgeat / place Carnot -belle fontaine, installée là depuis des siècles
Martin Dumollard s'avance, à pied
Cent-vingt soldats. Cinquante lanciers à cheval
Cinq mille badauds
Martin Dumollard, surpris
« Que peut-on voir ? Ce sera bientôt fini »
Martin Dumollard (51 ans) s'agenouille et embrasse le crucifix qui lui est présenté
Sept heures du matin. Le couperet tombe
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Le corps de Martin Dumollard est inhumé dans un lieu indéterminé ; à l'orée du cimetière jouxtant la chapelle Saint-Barthélémy, de Montluel ?
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Hongrie
Jean Pierre Dumollard (Demola ? né à Pest, en 1774. Le centre vivant de Budapest), le père de Martin, commet divers méfaits
Il quitte sa terre natale et s'installe à Salins (Jura), en France ; il y rencontre sa femme, Marie-Josephte Rey (née en 1778), originaire de la région
Le couple s'installe entre Dagneux et Tramoyes (Ain)
21 avril 1810. Naissance de Martin ; baptisé à Mionnay, car alors, Tramoyes ne constitue pas encore une paroisse
1813. Naissance de Raymond. Il décède en bas âge
1814. La France est envahie -Sixième Coalition contre l'Empire français. Les armées austro-hongroises bivouaquent dans l'Ain
Le père prend la fuite avec sa famille et rejoint Padoue, Vénétie, Italie nord
Il est reconnu par des soldats hongrois. Roué de coups. Âgé de 40 ans. Écartelé, sous les yeux de Marie-Josephte et de Martin (quatre ans)
Avec sa mère, Martin regagne l'Ain
1818. Huit ans. Martin Dumollard au travail -berger
Puis, chez plusieurs patrons successifs
Domestique au service de M. Guichard, propriétaire du château de Sure, à Saint-André-de-Corcy (Ain. La Dombes)
A Saint-André-de-Corcy, il rencontre Marie-Anne Martinet (née à Cordieux, dans l'Ain, en 1814). 29 juin 1840. Mariage ultérieur
15 avril 1842. Marie-Josephte Rey (64 ans) meurt à Dagneux, dans la pauvreté -sépulture dans le cimetière de la commune. Martin a commis des larcins et s'est réfugié à Lyon
Martin et Marie-Anne s'installent dans le village du Montellier -Ain. La Côtière, aux portes de la Dombes
Puis à Dagneux, à une vingtaine de kilomètres de Lyon
Martin est surnommé "Raymond" -le prénom de son petit frère, mort en bas âge
Masure isolée. Pas d'enfants
Le couple ne fréquente personne
Ils ne cultivent pas
Ils ne commercent pas
De temps en temps, sur les marchés des alentours, ils revendent des vêtements
***
(1862) COMPLAINTE
SUR
DUMOLLARD
DE DAGNEUX, DEPARTEMENT DE L'AIN,
L'Assassin des Servantes,
L'HOMME le plus CRIMINEL du 19e Siècle,
Condamné par les Assisses à la peine de Mort.
Air du Juif-Errant.
...
Vous, filles imprudentes,
Tremblez au sort affreux
De toutes ces servantes
Suivant cet homme odieux ;
Leur promettant un gain,
Qui les flattait soudain.
Vous, filles inconstantes,
Qui fuyez vos parents,
Pour devenir servantes,
Et gagner de l'argent ;
Évitez le danger,
Pour ne pas y tomber.
Nous devons, dans ce monde,
Savoir nous contenter ;
Qui parcourt terre et l'onde,
Ne peut rien ramasser.
Tant va la cruche à l'eau,
Qu'elle tombe en morceaux.
Se vend chez M. DUCHIER, rue St-Esprit, 26, à Clermont-Ferrand.
***
Autre version
...
MORALE
XVII
Servantes trop bonasses,
Ça doit vous avertir,
Si bonnes sont les places
Qu'on viendra vous offrir,
Prenez premièrement
De bons renseignements.