C'est foutu
Alexandre Papazof
Trop tard, la feuille blanche ne l'est plus. La voilà qui se remplit petit à petit de lettres bien ordonnées qui grignotent l'espace inexorablement. Sans le vouloir, le premier mot, la première lettre, l'intention même du premier geste a ôté la virginité de cet univers immaculé.
C'est foutu, toutes les possibilités qu'offrait cette feuille blanche ont péri pour en laisser une seule remplir ce vide qui en promettait tant dautres.
Écrire cela plutôt qu'autre chose, c'est un choix qui élimine tous les autres, comme le spermatozoïde qui pénètre l'ovule et condamne ses frères.
Tant de mots étaient possibles, tant de phrases, pourquoi ceux-ci, pourquoi celles-là, étaient-ce les plus judicieux, les plus appropriées ?
Clairement oui.
Rien d'autre n'aurait pu apparaître à cet endroit, car l'univers entier depuis sa naissance n'a fait qu'évoluer pour me donner l'opportunité d'écrire ces lignes, toute la création n'a eu comme seul but depuis le début de proposer un contexte favorable pour que je puisse coucher sur ce papier virtuel une telle farandole de symboles, et je l'en remercie infiniment.