C'est la pluie ..

olivier-denis

Une nouvelle érotique & sentimentale

L'averse a surpris tout le monde. Depuis des heures pourtant, le ciel faisait grise mine. Une obscurité progressive couvrait la ville. La matinée avait gardé son pyjama, tardait à se lever, traînait avec frilosité, en toussotant comme une grippée.

Sans trace de vent, la pluie tombait serrée et droite. De grosses cordes d'eau formaient de vastes flaques, dévalaient des caniveaux. Un sauve-qui-peut général était l'unique mot d'ordre d'une population piétonnière en déroute. Le dos voûté, les sourcils froncés et la tête basse, je scrutais les proches environs à la recherche d'un providentiel abri.

Là, dans ce renfoncement du cinéma, je peux m'abriter. De grands containers à poubelle offrent un paravent appréciable aux projections d'eau de la circulation automobile. Je souffle un peu, appuyé sur les portes vitrées du Palace, fermé à cette heure. Je frissonne et resserre ma veste, les mains enfouies au fond des poches. Combien de temps va durer cette averse ? A la couleur du ciel, cette pluie peut durer toute la journée.


Je l'ai vu arriver de loin.

Face au cinéma, la grande place se vidait comme un lavabo. Les platanes se pissaient  dessus et les terrasses des bars, non couvertes sur cette place, s'enfonçaient dans des ruisseaux de flotte.

Elle marchait d'un pas rapide et slalomait entre les flaques. Son trench-coat beige était sombre de pluie aux épaules, ses cheveux mi-longs pendouillaient misérablement. C'est en pénétrant sous ce porche que ses yeux m'ont découvert. Des yeux bruns écarquillés, étonnés. Elle a murmuré un frêle bonjour à mon regard courtois et compatissant. L'étroitesse de l'abri ne lui permettait que peu d'espace pour être à l'abri des projections d'eau. Ce peu d'espace nous a presque collé l'un à l'autre. J'entendais sa respiration, sentais son parfum, écoutais ses bruits de pas, le frottement de son trench-coat dans ses mouvements. Elle fouillait son sac à main et en sorti un paquet de cigarettes. Je l'observais du coin de l'œil et la pluie reprenait de plus belle. Pas de briquet ? La fouille était minutieuse mais l'objet désiré avait été oublié quelque part. Je lui tendais le mien. Ses yeux se sont plantés dans les miens avec gratitude. Son sourire a accompagné un merci timide et doux. Quelques dizaines de centimètres nous séparaient. Je sentais la fumée de sa clope en regardant sa nuque, ses cheveux châtains et plaqués par l'averse. Une grosse limousine allemande aussi sombre que la chevelure blanche de son conducteur a copieusement inondé notre abri. Un pas en arrière l'a collé complètement à moi. Son col remonté me touchait la gorge. Par réflexe, j'ai sorti mes mains de mes poches comme pour l'enlacer, la protéger mais je me suis gardé de justesse de le faire. Elle s'est partiellement retournée vers moi et m'a murmuré de vagues excuses gênées « c'est la pluie ... ». Troublé, moi aussi et peu à mon aise, j'ai toussoté un « je sais... ». Elle n'a pas bougé. Elle est resté près de moi. D'autres voitures agacées et rapides menaçaient de la tremper à nouveau. Elle n'a pas bougé et je me sentais étourdi par sa présence. Depuis des mois je n'avais eu de contact aussi rapprochés avec une femme. Nous étions cachés, partiellement, par les containers et derrière nous, au delà des portes vitrées du cinéma, un hall vide, garni d'affiches de films, de distributeurs de sucreries et de boissons. Des murs sales en béton fermaient les côtés de notre espace. Combien de temps sommes nous restés ainsi ? Je ne sais pas. Dix minutes, peut être, le temps pour elle de fumer sa cigarette.

Je retenais presque ma respiration et ne bougeais pas d'un cheveu. Elle non plus, jusqu'à ce que la sonnerie de son téléphone brise ce moment d'intimité humide. En fouillant son sac, en décrochant l'appareil, elle n'a pu éviter de se frotter à moi. Elle a du constater ma gêne et le fard que je n'allais pas tarder à piquer...Elle eu un drôle de sourire à mon égard lorsqu'elle débutait sa conversation.

D'un mouvement de tête, elle envoyait ses cheveux pour se dégager l'oreille. Quelques gouttes d'eau vinrent rafraîchir mon visage et me faire sursauter. En répondant à son interlocuteur, elle me fit une drôle de grimace amusée. Je lui répondais d'un sourire bienveillant. Cette situation commençait à m'amuser et ...à me chatouiller le bas ventre. Je pris appui sur les vitres, de façon décontractée. La pluie s'abattait toujours avec rage et la place comme la rue étaient à présent désertées. Les voitures beaucoup plus rares nous isolaient un peu plus dans ce porche improvisé, derrière ce rempart de poubelles.


«  je me suis abrité, mon chéri...oui. Comment ? Oui, j'attends la fin de l'averse et j'arrive. Je patiente. Pardon ? Non ...je ne suis pas seule, pas tout à fait. Oui...une autre personne attend avec moi...oui, un homme »


Je devais être rouge de confusion. Je toussais, pour me donner une contenance, un aplomb mais je me sentais ridicule, un peu. Elle me jetait des coup d'œil en parlant dans ce fichu téléphone. Je faisais mine de ne pas prêter attention, de regarder ailleurs mais elle n'était pas dupe. Elle semblait s'en amuser.


« si il est mignon ? Oui ...il est pas mal du tout... Si je lui plais ? Je ne sais pas, je ne le connais pas, mon chéri »


Meeerde. Comment réagir là ? Je la regarde et lui lance un regard que je souhaite interrogateur. J'essaye de ne pas rougir ou sourire. Je ne sais pas trop comment la regarder, comment agir. Elle me bloque le passage pour m'extraire de cet abri et ...la pluie ne se calme pas du tout.


«  ...oui...tu crois ? Je sais pas … si, il me plaît mais ... »


Elle me regarde. Son regard exprime différentes choses qui passent à toute vitesse. Je peux y lire de la gêne, de la passion, de l'excitation. Elle se retourne vers la rue, vers la ville inondée et vide. Elle recule lentement, en me tournant le dos, elle est à quelques centimètres de moi. Je suis raide et ne respire plus.


«  je vais essayer, chéri...oui... »


Je tressaille en sentant sa main sur ma jambe. Maladroite puis immobile, cette main remonte mon jean's. Je ne bouge plus d'un poil, ne sais que faire, que dire. Elle est toujours de dos, son bras libre se tord pour me toucher et je vois que le téléphone tremble un peu dans son autre main. En passant sous ma veste, sa main atteint l'endroit de mon sexe. Celui ci est incontrôlable. Je le sens dur et à l'étroit dans mon caleçon. Cette bandaison surprise m'a placé la queue d'une manière un peu douloureuse et ...je ne peux me la replacer.


« je crois que je lui plais, chéri... je le sens »


Un a un, les verrous de ma boutonnière sautent dans ses doigts. Je ne porte pas de ceinture. Je sens la fraîcheur de sa main qui saisi mon sexe et l'étoffe de mon caleçon. La pression de ses doigts sur l'endroit de mon gland est délicieuse. Je souffle comme un bœuf mais j'ai les dents serrées, comme mes poings au fond de mes poches. Je suis tendu...c'est le moins que l'on puisse dire. Sa main est à l'intérieur de mon caleçon à présent et s'active à me branler, doucement mais avec poigne.


« Oui je lui plais, c'est sûr, maintenant. Sa queue est chaude, ça fait du bien, j'ai si froid, chéri... »


Elle s'appuie à présent sur moi. Ses cheveux mouillés se collent à mon visage. Ils sentent la pomme et un autre fruit, peut être, que je n'arrive pas à identifier. Dans sa position, sa main a des secousses maladroites et mon gland frotte parfois le coton de mon jean's. Pas agréable d'ordinaire, cette sensation m'excite néanmoins ce matin. Je bouge peu, excepté pour me positionner un peu mieux et lui simplifier la tâche. Quelques gouttes perlent de la manche de son trench-coat et viennent ruisseler sur mes couilles. En est elle consciente ? Sa main vient caresser mes bourses, fermement, comme pour les essuyer. Puis elle se retourne rapidement et me fait face. J'en suis surpris et gêné que nos regards se croisent à nouveau, alors que la situation n'a plus rien d'ordinaire.


« Il est patient mais je vais le faire jouir, chéri … oui, je sens bien sa queue...chaude..raide..elle commence à baver un peu ...hi hi hi »


Elle me souri sans me quitter des yeux. Un clin d'œil de sa part me rassure un peu. Pourquoi ? Je sais pas trop mais ce signe entre nous est ...à nous, justement.

Un jeu, c'est un jeu avec un amant. Un truc pour stimuler leur vie de couple, peut être. Ou peut être que le type ne peux plus bander que comme ça. Ça arrive. Elle semble jeune, la trentaine fraîche.

Sa main est beaucoup plus agile et précise maintenant libérée de la torsion initiale de son bras. Je le ressens bien. Elle accélère, presse ma colonne, butte sur mon gland à la limite de l'explosion. Elle ralenti, me branle du bout des doigts, masse de son pouce le bas de ma queue, doucement. Je mords ma lèvre inférieur. Je me tiens plus. Mes yeux se ferment. Sa poigne reprend de plus belle, dans un mouvement ample qui me cogne les couilles et brûle mon gland.  Je ne peux retenir un gémissement que j'espère discret et dissimulé par le tintamarre de la pluie sur l'asphalte. Un spasme incontrôlable accompagne chaque giclée de sperme. Celui ci se répand sous ma chemise, glisse vers l'aine, coule le long de ma cuisse. Chaud puis rapidement refroidi, je me dis que je n'aurai plus qu'à mettre tout ça au linge sale à mon retour. Mon retour ? J'ouvre les yeux et la vois. Elle me souri tendrement, timidement presque. Elle lâche lentement mon sexe, sans me quitter des yeux. Je ne peux détacher mon regard de son visage, comme si je voulais conserver le plus longtemps possible ses traits, m'en souvenir dans les moindres détails.


-  « j'arrive, chéri … J'arrive tout de suite »


Sans reculer d'un pouce, sans dévier d'un millimètre l'axe de son regard toujours sur moi, elle écarte le téléphone de son oreille et le range lentement dans son sac, en bandoulière. Elle enfonce les mains dans les poches du trench-coat et recule très lentement, sans me quitter des yeux, son sourire timide offert comme un au revoir.


-  « c'est la pluie ... » me dit elle.


Je n'ai rien dis et me suis rhabillé en la regardant s'éloigner comme elle était venu. Je me suis mis une cigarette à la bouche et constatais qu'elle avait gardé mon briquet. Tant mieux. Tant mieux …


Photo de couverture : http://michaelmagin.deviantart.com/art/Black-Curtain-92774605

Signaler ce texte