C'était aujourd'hui
mots-d-ailes
Nous voilà partis depuis déjà quatre heures. Et c'est chaque fois pareil. On monte dans l'avion et je ne sais jamais ce que je vais ressentir.
Elle est là, cette turbulence sévère. Celle qui fait regarder ses enfants en se demandant ce qu'il va nous arriver.
Pas seulement la turbulence due au phénomène de météo.
Mais à ce moment précis, je le revois dans cet hôpital. Et cette radio aussi, celle qui accompagne les mots : "on n'a rien pu faire". Puis j'ai vu la lumière blanche sur le film noir. Celle qui me nargue en m'envoyant en pleine face que non, il n'ont rien essayé de faire, c'était déjà trop tard.
Ce voyage, ce rêve américain, on était parti pour le réaliser. Mais le rêve de qui ? Pas le mien, c'est certain. Je l'ai su au moment de monter dans l'avion.
C'était le sien. Celui qui le faisait vivre, celui qui l'a accompagné jusque dans la tombe ; qui accueillait aussi le drapeau et tout ce qui le raccrochait à ce pays.
Il ne l'a jamais visité, il n'en gardait que cette part de rêve qu'il était sûr de vivre un jour.
Le reste du voyage est compliqué. Un livre dans les mains. De ceux qui font que le temps passe plus vite, que l'on n'a pas besoin de réfléchir. On ne cherche même pas d'histoire construite ni de découverte littéraire.
Non, pas un livre, mais deux plutôt. Cette turbulence m'a gardé éveillée.
Le second livre est touchant. Je pleure. Beaucoup, au point de ne pas contrôler mes larmes.
Mais est-ce vraiment le livre ?...
Tout à l'heure nous serons arrivés. Et je n'y penserai plus. Je ne sais pas pourquoi ni comment. Il se sera effacé pour le reste du voyage et de notre présence là-bas.
Il est parti.