C'était le 17 mai, jour des élections

la-belette

Papa était bleu, le petit était rouge. Papa aimait beaucoup le petit et ils s’embrassaient si fort qu’ils se mélangèrent, se mélangèrent pour devenir violet.

Utopie de scrutateur.

Bureau 22, table 2.

Fallait que j’aille bien mal pour me laisser embrigader dans cette histoire de couleurs un dimanche soir. J’avais dit oui, ils m’ont pris ma carte d’électeur, faut bien que je vienne la rechercher. Je ne peux pas la laisser là, abandonné dans cette grande école qui demain retrouvera sa fonction première. Imaginez ma carte d’électeur servant de fausse carte de cantine pour un enfant qui aime la contrefaçon. Retourner à l’école pour faire des petits bâtons à mon age, j’sais écrire. Mais voilà l’esprit civique et la curiosité.

4 tables de 4 personnes, mixte ou pas, jeune un peu, vieux pas mal, quarantenaire un peu, femmes, hommes. Les gens se connaissent, se reconnaissent, confrérie politique.

Faut signer, faut compter. L’équipe et sa présidente s’affairent. Une première enveloppe de 100 arrive. Allo papa tango Charlie, recomptons pour être sûre des 100.

C’est bon, organisation : une personne ouvre les enveloppes, l’autre clame le nom, les 2 autres pointent et comparent leur résultat. Moi je tiens le crayon, j’aime bien ça le bic.

Un dimanche soir à l’école, un peu d’avance sur le lundi matin. Le temps s’allonge.

Petits bâtons s’amassent.

Lepetit et Paparemborde, nos 2 protagonistes dont nous citerons le nom un millier de fois, candidate numéro 4 et 10 sur l’échiquier politique. Le petit prend le bon départ, suivie de la casaque bleu mais vite distancée, la casaque rouge toque rouge prend de l’avance et fait course en tête tout le temps.

Parmi les scrutateurs, les minutes passent, seulement émaillées par les abstentionnistes et ma voisine qui finit par s’endormir. Les bâtons c’est comme les moutons quand il y en a trop on ronronne. On se prend à rêver à de beaux enclos pour tous nos moutons.

Un drôle d’abstentionniste on trouvera parmi ces petits tas, un grec avec la faucille et le marteau. Un mec qui a pris le temps chez lui de préparer sa petite fiche qui ne sera vu que par 4 personnes plus une en mairie, yes, ça c’est le kiff sur le riff.

Les matons passent et signent à tour de rôle ces enveloppes vides ou à plusieurs candidats. Ils ont tous un numéro, soit 3 cas 17 et 2 cas 16 pour nous. Le malade de la 18 ne donne plus signe de vie, vite un référendum.

C’est marrant ces votes blancs, dans les journaux, ils sont à peine mentionnés et ils ont tant d’importance dans le dépouillement. On les bichonne, on les compte, on les signe, on les vérifie comme si se déplacer et ne pas jouer le jeu, serait tellement bizarre pour ces gens.

Comme si le cheval piaffait devant l’obstacle sans le sauter. Touché coulé.

La présidente de la salle passe de temps en temps. Je remarque son haleine fétide, je comprends quand elle me dit qu’ils sont restés là depuis 8h du mat, 12 heures à voir les gens passer, A VOTER, mon petit chéri. Un petit monde qui se retrouve à chaque élection. En partant, pas de gâteaux secs mais une dame qui a déposé des fruits, melons et ananas pour reprendre des forces. C’est comme repartir chez soit après une prise de sang. Trop de rouge a coulé. Drapeau blanc.

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