Cette Guerre qui nous a fait Vivre

sylvenn

Une scène de ma vie dont les sentiments ont débordé en un texte, que voici. Pour Estelle.

    Nous entrons. Juste avant que tu ne refermes la porte, l'intimité arrive à se glisser dans l'entrebâillement. C'est elle qui me glisse à l'oreille et aux sentiments : "N'hésite plus, Vis". Et je lui obéis, comme si elle avait pris soin au préalable de corrompre mes craintes pour acheter leur silence. Et le silence s'étale. Mes craintes se taisent et apaisent les tiennes. Je ne sais plus où nous sommes tant l'endroit reste muet. Si les murs avaient eu des oreilles, ils n'auraient entendu que le frottement de mes vêtements contre les tiens.


    En une fraction de seconde et d'esprit, la porte avait dû encaisser le choc de ton corps que je plaquai d'un amour violent contre elle. Comme un poison délicieux, tes baisers par rafales venaient se coller sur mes lèvres pour aller imprégner mon sang de cette chimie qui me désorientait.

    Dans cette Guerre amoureuse, nos membres devenaient soldats; nos mains repassaient aux ongles fins le terrain des désirs de l'autre, cet empire tant convoité par nos cœurs depuis des jours de cauchemars et des nuits de rêves. Chaque doigt étalait sur son passage et sur nos peaux, le poison d'Amour que nos lèvres déversaient à grands flots à travers chacun de nos pores.


    Bientôt, toi et moi perdions pied dans l'espace et dans le temps. La Guerre que nous menions l'un contre l'autre nous effondrait de plaisir, si bien qu'au final nous avions raison de nous-même. Dans un dernier élan de lucidité, je distingue un canapé et aussitôt j'essaye de t'y abattre. Mais l'Amour nous fait sombrer tous les deux dans notre ultime chute.


    Le temps n'est plus rien, les secondes s'entremêlent entre elles, nos baisers les dissolvent. L'espace se distord tout autant tout autour de nous, les deux combattants perdent pied dans ce tournis passionnel qui s'empare de leur esprit. Tout n'est plus que chaos autour de nous. Nos repères se déchirent plus vite encore que la carcasse de nos vêtements éparpillés sur le sol glacé. Ces derniers remparts entre nous sont eux aussi réduits au silence ; ils sombrent dans l'espace défiguré qui nous entoure.


   Vingt, trente baisers? Je ne sais plus. Combien de centimètres ces mains parcourent-elles sur ta peau? Aucune idée. J'ai plongé dans ton regard et m'y suis noyé. J'y ai perdu connaissance et mes malheurs, mes tracas sont morts avec mes pensées. Je ne suis plus qu'un sentiment, sans doute est-ce mon âme qui se libère de sa prison? Je ne suis plus que de l'Amour, sans rien autour.


    Des baisers, partout. Des caresses, partout. Deux âmes remplies d'Amour, refusant d'abandonner cette guerre qui n'a que pas assez duré. Toutes les armes sont à présent brisées, toutes les troupes sont décimées, mais leurs commandants n'ont pas dit leur dernier "Je t'Aime". Ces commandants en viennent à s'affronter au corps à corps dans un dernier combat, où plutôt au "âme à âme".


    Dans un dernier souffle, les deux âmes s'écroulent. Les pensées reviennent. Les corps reviennent. Le monde autour d'elles se reconstruit. Le temps reprend son cours. L'espace reprend ses mesures. Comme au réveil d'un rêve idyllique, comme de retour après un long coma, toi et moi rouvrons les yeux. Nous réalisons notre place, et toutes ces choses qui n'ont jamais cessé d'exister autour de nous.


    Dans un dernier souffle, nos deux âmes se sont écroulées sous le poids du bonheur le plus pur.

    Toi et moi n'avions jamais vécu, avant ce jour, de Guerre s'achevant avec deux vainqueurs.

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