Chapitre 2 - Quatorze ans pour l'éternité
pindariste_
Chapitre 2
Mardi 07 septembre 2021
Lucie Lambert
Deuxième jour de cours. Diana ne m'a pas envoyé de messages hier. J'espère qu'elle va bien. Elle n'a pas dû penser à me donner des nouvelles comme elle était occupée. Et puis, je sais que c'est dur de rester en contact avec quelqu'un qu'on ne voit presque plus alors qu'on était habitué à être tous les jours avec.
Je m'assois au bord de mon lit et m'étire. C'est une nouvelle journée ! Peut-être que j'aurais l'occasion de voir Diana. Je prends mon portable et regarde mes messages non lus. Aucun de Diana, mais deux de Matéo.
Matéo | Helloooo, comment ça va en cette belle matinée de septembre ?
Matéo | On se retrouve où au collège ?
Lucie | Hey, ça va et toi ? On peut se retrouver dans le hall si tu veux
Matéo | Ça va ça va ! Je pète la forme !
Matéo | Ça me va pour le hall !
Matéo | Bon, je te laisse ou je vais être en retard
Matéo | À toute à l'heure !
Je me lève et ouvre mes volets. Je descends dans la cuisine et prends mon petit-déjeuner. Ensuite, c'est la routine. Avant d'aller dans l'entrée, je m'arrête devant le bureau de mon père. Il n'est pas là, ce n'est pas dans ses habitudes de dormir encore à cette heure-ci. En y repensant, c'est vrai qu'il a travaillé jusqu'à très tard dans la nuit.
* * *
Je descends du bus dans les derniers. L'air frais du matin me fait du bien et me réveille un peu. À vrai dire, j'ai failli m'endormir pendant le trajet. Je me dirige au milieu du hall. Matéo est déjà là. On va ensemble dans la cour, poser nos sacs sur notre rang. Je vois Diana et ses amies au loin et décide d'aller les voir. Mon nouvel ami me suit et je le présente. En y repensant, elle ne m'a jamais présenté ces deux filles, je ne sais même pas comment elles s'appellent.
– Salut Matéo, dit l'une d'entre elles, un grand sourire aux lèvres.
– On rigole, on rigole, mais c'est qui cette fille Diana ? demande l'autre.
– C'est une amie d'enfance, répond ma meilleure amie en passant une main sur sa nuque.
« Une amie d'enfance »
Certes, on se connaît depuis longtemps, mais pourquoi elle ne leur dit pas que je suis sa meilleure amie ? Je ne comprends pas. Mon sourire s'efface et mon regard se tourne vers Matéo. Il n'a pas dû remarquer la réponse de Diana comme il parle à la fille qui lui a dit bonjour. Je devine que Diana n'a pas envie qu'on parle de ça maintenant, donc je lui enverrai un message ce soir. J'aurais bien voulu partir, mais je ne peux pas abandonner Matéo ici. Instinctivement, mon corps se rapproche de lui, comme s'il était la seule personne que je connaissais. Je me retrouve à prier pour que la sonnerie retentisse au plus vite et que je sois sortie de cette affaire le plus rapidement possible.
Heureusement pour moi, l'autre fille doit aller aux toilettes et ses deux amies l'accompagnent. Je suis donc seule avec Matéo. J'essaie d'avoir le visage le plus neutre possible, pour ne pas qu'il se pose de questions. Je ne veux pas qu'il sache que je me sens rejetée par ces trois filles.
On s'assoit sur un banc et je sors mon cahier de brouillon. Comme le téléphone est interdit au sein de l'établissement, je dessine. Je ne suis pas si forte que ça, mais je me débrouille. Ça permet de me vider l'esprit et d'oublier ce qu'il se passe autour de moi.
Une main me tapote l'épaule, ce qui me fait sortir de mes pensées. Matéo me dit que la sonnerie a retenti et qu'on doit aller se ranger. Je ne l'ai même pas entendue.
– Wesh Mat, ça va ? dit un garçon brun aux yeux marrons en débarquant derrière mon ami.
C'est Dylan Fournier. Il était dans ma classe l'année dernière et c'est le cas pour cette année aussi.
– Tu traînes avec des filles maintenant ?! demande-t-il, un sourire au coin des lèvres.
– Arrête tes conneries mec, répond Matéo en lui mettant un coup dans l'épaule.
Dylan s'éloigne. Je me demande d'où ils peuvent bien se connaître. Le professeur vient nous chercher et ne me laisse pas le temps de lui poser la question. Dylan et Matéo s'assoient à côté au deuxième rang. Malheureusement, aucune place dans les alentours n'est disponible. Je pars donc m'asseoir au fond de la classe. Je n'aime pas cette classe, soit il fait trop froid, soit il fait chaud et ça sent la sueur. Les élèves qui se sont assis à côté des fenêtres les ouvrent directement, à croire que l'air n'a pas circulé depuis hier soir.
J'ouvre ma trousse et prends un stylo quatre couleurs. Le professeur commence son cours. Je dessine un peu dans la marge de mon cahier. Ce cours ne m'intéresse pas vraiment. De temps en temps, j'aperçois du coin de l'œil Candice se tourner vers mois en riant. J'essaie tant bien que mal de l'ignorer en me concentrant sur mon dessin. Je ne comprends pas pourquoi le professeur ne lui dit rien. Elle n'est pas vraiment discrète.
À la fin du cours, je range rapidement mes affaires et me dirige vers notre prochaine salle. Je m'adosse au mur et fixe le sol en attendant le professeur. Matéo vient faire de même à côté de moi.
– Ça va ? me demande-t-il.
– Oui, très bien, réponds-je sans le regarder.
Un jean en cuir noir et une veste jaune apparaissent soudain devant mes yeux. Je lève la tête, et une fille brune aux yeux clairs se tient debout devant moi. Elle me scanne de la tête aux pieds.
– Oui Candice ? demandé-je, un peu stressée.
– Rien, répond-elle en tournant les talons.
Qu'est-ce qu'elle voulait ?
Le professeur ouvre la salle et on entre. Je m'assois à une table au fond, mais malheureusement, Candice vient se mettre à côté de moi. Je cherche Matéo des yeux, mais ne le vois pas. Il a dû aller s'asseoir à côté de Dylan. Je parcours la classe du regard, à la recherche d'une place libre mais n'en trouve aucune. Je m'apprête à signer mon arrêt de mort et à rédiger mon testament. Je sais déjà qu'elle va me bombarder de critiques tout au long de l'heure.
« Tu les achète où tes vêtements ? »
« Pourquoi tu t'attaches pas les cheveux ? C'est moche détaché ! Arrête de te cacher avec !»
« Tu devrais te faire des ourlets ! »
« Change de chaussures, elles sont démodées celles-là ! »
Je ne lui réponds pas et j'essaie de l'ignorer. Je ne dois pas rentrer dans son jeu, ça lui ferait trop plaisir. Je fais mine d'être plongée dans le cour, comme si ma vie en dépendait, comme si c'était intéressant. Je prends des notes, j'illustre : je m'occupe. Je fais comme si elle n'était pas là. Ça marche car elle cesse ses moqueries jusqu'à la fin de l'heure. Elle se met à parler à son amie de l'autre table.
À la fin du cours, je range rapidement mes affaires pour aller dans la cour. Je pose mon sac sur le rang et vais m'asseoir sur un banc. Je balaye la cour des yeux et vois Diana avec un groupe de filles : ses deux amies et d'autres. Elles sont toutes à la pointe de la mode., contrairement à moi. On est très différentes. Je devine qu'elles ne m'accepteraient pas si j'essayais de faire partie de leur groupe.
Je tourne les yeux et vois Matéo arriver vers moi suivi d'un garçon blond. Il a l'air plus jeune que nous. Quand ils arrivent à ma hauteur, je remarque de suite le regard du petit. Il a des yeux noisette magnifiques et doux. Il doit être très gentil.
– Je te présente Gaetan, mon petit frère.
– Enchantée, dis-je en souriant.
– Bonjour, dit-il timidement, un petit sourire aux lèvres.
Ils s'assoient à côté de moi. On parle un peu, puis le groupe de Diana se dirige vers nous. Elles se postent debout devant moi formant un demi-cercle. Leurs regards balayent notre banc, allant de Gaetan à moi.
– Salut Lucie !
– Salut Diana, dis-je nonchalamment.
– Je te présente, Lisa, Ambre, Laura et Candice. Tu dois la connaître, elle est dans ta classe.
Lisa et Ambre sont donc ses deux amies de l'année dernière. Je n'ai jamais Laura, ça doit être une autre fille de sa classe. Je les regarde une à une. Toutes ont les cheveux lisses, des jeans moulants et les mêmes baskets à la mode. Aucune n'a l'air « simple », du moins, c'est l'aura qu'elles dégagent. Je sais qu'on ne va probablement pas s'entendre.
– Enchantée, dis-je du bout des lèvres.
Lisa et Candice regardent Matéo. Ça va créer pas mal de tensions si ça continue. Deux filles qui aiment le même garçon, ça ne finit pas toujours bien.
Après avoir vu que Matéo ne les remarque pas, le groupe de filles part en direction du hall. Elles rient et parlent fort : on les entend d'ici.
– Diana est amie avec Candice ? me demande Matéo.
– Apparemment. Elles doivent avoir des amis en commun, réponds-je.
La sonnerie retentit et on va se ranger. Je prends mon sac et me tiens debout, au milieu du rang, à côté de Matéo et de Dylan. Deux filles de ma classe, Elena et Sarah, viennent me voir.
« Pourquoi tu t'attaches pas les cheveux ? T'es moche comme ça »
« Faudrait que tu mettes d'autres vêtements ! »
« Tu t'habilles mal ! «
« Elle avait raison Candice ! »
Ce sont des amies de Candice. Pas étonnant. Toujours aussi désagréables et dans le jugement. Je commence sérieusement à me demander ce qu'elles ont contre moi.
La professeure arrive à notre rang et nous conduit en cours. Elle décide nous placer au hasard. La salle est composée uniquement de tables de cinq et je me retrouve à la table du fond avec Candice, Matéo et deux autres élèves. Avant même que le cours commence, Candice m'envoie des piques.
– Mlle. Ladia, taisez-vous ! l'interrompt la professeure.
– Mais c'est elle ! Elle me parle ! dit-elle en me pointant du doigt.
– Vos carnets ! crie la professeure en se dirigeant vers nous.
– Mais Madame, Lucie n'a rien fait ! ajoute Matéo.
– Ton carnet !
Elle prend nos trois carnets et les pose violemment sur son bureau. Elle continue son explication pendant que Candice croise les bras en faisant la moue. Elle a décidé d'arrêter de m'embêter pour le reste de l'heure, certainement par peur de se faire sanctionner.
À la fin du cours, on va voir la professeure pour qu'elle nous redonne nos carnets. Elle a écrit un mot à chacun, qu'on devra faire signer pour le prochain cours.
« Discute avec sa camarade de classe et perturbe le cours »
Candice ne dit rien et ne se plaint pas. Elle range son carnet et quitte la salle calmement. Matéo et moi faisons de même avant d'aller poser nos sacs dans les casiers. Il est l'heure d'aller manger. On retrouve Gaetan dans le rang et on entre dans la cantine. La surveillante marque nos noms sur une feuille puis, on va faire la queue.
Après avoir pris tous mes plats, je pars m'asseoir en face de Matéo. Gaetan revient avec la carafe, mais une personne le bouscule, et manque de lui faire renverser l'eau sur la table. Je tourne la tête et vois Candice. Elle s'installe à côté de Gaetan et pose son plateau en me regardant d'un œil noir.
– Qui t'as dit que tu pouvais venir ici ? grogne Matéo en mangeant son entrée.
– Personne, mais je fais ce que je veux ! On n'est pas chez toi ! dit-elle, la tête haute.
Matéo et Gaetan continuent de manger sans prêter lui attention. Cette technique a l'air de marcher car cette dernière quitte la table en soufflant. Elle part rejoindre ses amis.
– Quel pot de colle, s'exclame Matéo.
– Je ne comprends pas pourquoi elle voulait venir, ajouté-je.
Après avoir quitté le self, on marche un peu dans la cour, puis Gaetan va jouer au baby-foot avec ses amis. Matéo et moi allons nous asseoir par terre, adossés au grillage. On commence à parler de films quand le groupe de filles composé de Candice, Lisa, Ambre, Laura, Elena, Diana et Sarah vient nous entourer.
– Bon les amoureux, commence Candice, désolée de vous interrompre pendant votre discussion certainement très intéressante mais je dois parler à Lambert, dit-elle ironiquement.
Matéo s'apprête à dire quelque chose mais Elena et Laura me prennent par le bras et m'emmènent de force vers les toilettes. Je me débats mais en vain. J'ai si peu de force et je ne fais pas le poids contre deux personnes. Mon ami essaie de nous stopper mais les autres filles le retiennent. De toute façon, il est obligé de s'arrêter à l'entrée des toilettes des filles. Ambre commence à fermer la porte. J'aperçois Matéo partir en courant à travers le peu d'espace qu'il y a avant que la porte soit entièrement fermée.
– Sortez ! ordonne Candice aux filles qui sont encore dans les toilettes.
Ces dernières sortent en courant comme si elles avaient vu des fantômes. Candice fait vraiment peur aux autres. Elle me plaque contre le mur. Elle m'attrape le poignet et met son autre main autour de mon cou. Elle essaie de m'étrangler mais ne met pourtant qu'une faible pression.
– Alors tu vas bien m'écouter, commence-t-elle en lâchant mon poignet en en me pointant du doigt.
Voyant cette scène, Diana se cache dans une des toilettes. Je regarde les autres filles, cherchant de l'aide, mais en vain. Elles ont le dos tourné. Laura et Elena sortent se mettre devant la porte pour que personne ne rentre.
– Ça fait quatre ans que je connais Matéo, quatre ans de plus que toi. Donc, tu me le laisses, tu ne l'approches plus et tu restes dans ton coin, comme avant, me dit-elle avec une voix qui me glace le sang.
Elle resserre la pression de sa main. Je commence à avoir du mal à respirer. Je place mes mains sur son poignet. Tout ça car elle est jalouse ?
– Lâche-moi ! dis-je, étouffée.
J'essaie de me débattre, de lui donner des coups de pieds, mais ma force diminue de plus en plus chaque seconde. J'ai peur.
– T'as intérêt à le laisser tranquille ! crie-t-elle.
Matéo, j'espère que tu es allé chercher quelqu'un. Je ne sais pas si je vais réussir à m'en sortir toute seule.
Les secondes durent des heures. Candice a un peu desserré son emprise. Elle veut juste m'intimider, et elle le fait par la force. Mes jambes ne tiennent plus, j'ai l'impression de m'évanouir. Pourtant, je suis bien conscience et mes yeux ne vacillent pas. On n'entend aucun bruit, à part les gens qui parlent dans la cour. Diana est encore enfermée et Candice me fixe toujours. Je cherche une échappatoire, un moyen de la faire partir. Mais avant d'en avoir trouvé un, la sonnerie retentit.
Malgré l'alarme de fin de récréation, personne ne bouge. Candice décide de serrer avec le plus de force possible, ce qui fait que j'ai l'impression de tomber dans les pommes. Je commence à mal respirer et mes yeux se ferment. La dernière chose que je vois sont les filles courir hors des toilettes, me laissant seule ici. Mon corps glisse automatiquement contre le mur, jusqu'à rencontrer le sol.
* * *
J'ouvre difficilement les yeux. Je reconnais le plafond de l'infirmerie. Je suis allongée sur le lit, entourée par le CPE et l'infirmière. J'entends à peine ce qu'ils disent.
– Évanouie... temps ? demande une voix d'homme qui semble être celle du CPE.
– Je... deux heures.
– Vous ... grave ?
– Non... qu'elle... mal à respirer, dit une voix féminine semblable à celle de l'infirmière.
Quelqu'un me prend la main. Je tourne la tête et aperçois Matéo, les larmes aux yeux. Il a dû s'inquiéter de me voir dans cet état.
– Ça va ? me demande-t-il.
– Mlle. Lambert, vous allez mieux ? me demande l'infirmière.
– Vous vous rappelez de ce qu'il s'est passé ? demande le CPE.
– Non... soufflé-je en regardant le plafond.
Aucune image ne me vient en tête. Mon cerveau a dû tout me faire oublier tellement c'était stressant. Matéo s'assoit à côté de moi sur le lit.
– Quelqu'un a dû vous étrangler, j'ai remarqué des marques rouges dans votre cou, annonce l'infirmière.
– Je vais mieux, réponds-je.
– N'hésitez pas à revenir si ça ne va pas mieux, me précise-t-elle.
– D'accord merci, dis-je en me levant, appuyée sur mon ami.
On part de l'infirmerie, mais je n'ai aucune envie de retourner en cours. Je veux juste partir d'ici et rentrer chez moi.
– Je m'excuse pour tout à l'heure, je suis arrivé trop tard. Il y avait une queue pas possible à la vie scolaire et ils m'interdisaient de doubler.
– Ce n'est rien, mais va en cours sinon ils vont te noter absent, dis-je en m'arrêtant au milieu du hall.
– Tu ne veux pas venir ? me demande-t-il en penchant la tête vers la droite comme un petit enfant.
Il n'insiste pas plus. Il doit bien voir que je n'ai vraiment pas la force. Il me fait asseoir sur une marche et part en direction de la cour. Je regarde le hall, ça fait bizarre qu'il n'y ait personne.
Matéo revient, mon sac à la main. Il me le donne et s'assoit à côté de moi sans dire un moi. On reste tous les deux là, à contempler le sol jusqu'à ce qu'une surveillante nous voit.
– Vous n'êtes pas en cours ? demande-t-elle, un peu agressive.
Elle nous conduit en étude comme il est déjà trop tard pour qu'on rejoigne notre classe. Par chance, la salle de permanence est presque complète, ce qui fait que la surveillante est obligée de nous placer à côté. Je vais être tranquille pendant une heure. Je sors mes affaires et commence à dessiner. Matéo fait de même. On s'amuse à se donner un thème et à le dessiner, ensuite, on élit le meilleur dessin.
* * *
On se dirige dans la cour, et arrivé au rang, Dylan vient près de nous et commence à parler avec Matéo.
– Tu savais que Candice t'aimait depuis quatre ans ? chuchote-t-il.
– Non, comment tu sais ça ?
– J'ai entendu Diana et Elena parler de ça tout à l'heure.
C'est l'une des seules choses dont je me souviens. Je fais comme si je ne savais pas. Matéo marmonne des paroles que je n'arrive pas à comprendre. Il n'a pas l'air très content. Dylan reste avec nous jusqu'à l'arrivée du professeur.
* * *
Le cours s'est bien passé. Candice et les filles ne m'ont ni critiquée, ni insultée. Ça fait du bien de se reposer un peu, mais c'est un peu trop calme à mon goût. Je ne vais pas me plaindre, mais ça me fait un peu peur à vrai dire.
Je range mes affaires et sors de la salle accompagnée de Matéo et Dylan. On sort ensemble et on se dirige vers les bus. Mes amis marchent plus vite que moi et je me retrouve un peu derrière. Je tente d'accélérer mais une main m'attrape le poignet et m'attire dans le garage à vélos. Je n'ai ni le temps de crier à l'aide, ni le temps de reconnaître la personne qui m'a amenée ici. Cette dernière me plaque face au mur et bloque mon bras dans mon dos.
– Contente de ton tour chez l'infirmière ? ricane une voix que je connais trop bien.
Je croyais qu'elle avait décidé de me laisser tranquille mais je me suis trompée. J'essaie tant bien que mal de respirer, mais c'est difficile. Je ne sais pas si Diana est là, ou encore ses autres amies.
– Je te préviens, si tu parles encore une fois à Matéo, je t'étrangle et cette fois-ci, tu ne vas pas t'en sortir ! crie-t-elle.
Elle me fait une béquille avant de s'en aller. Je m'effondre par terre. Une larme coule, mais j'arrive à retenir les autres. Je lève la tête et remarque que deux autres de ses amies sont là. L'une sort son téléphone pendant que l'autre s'approche de moi. J'entends le bruit de l'appareil photo. Je me cache le visage avec les mains et enfouie ma tête dans mes genoux. Je veux disparaître, me faire le plus petit possible.
Laissez-moi ! Laissez-moi !
Un pied vient frapper mon tibia. Je ne fais rien, je n'ai pas la force de me défendre, ni la capacité de me relever. J'entends des rires. Un autre coup vient s'abattre sur mon autre jambe. Je suis incapable de me battre. Je n'ai jamais eu beaucoup de répartie, ni un fort caractère. Je suis plutôt du genre à pleurer après une insulte. Je me laisse souvent écraser par les événements. J'entends une dernière fois le bruit de l'appareil photo, puis des bruits de pas. Elles s'en vont en courant.
Une main se pose sur mon épaule. Je relève à peine la tête et vois Matéo, accompagné du CPE et de Dylan.
– Ça va ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? On t'a cherché partout, s'inquiète mon ami.
– On t'a aperçue toute seule ici, ajoute Dylan.
Ils ont dû arriver après que toutes les filles soient parties. J'essaie tant bien que mal de me lever mais finis par m'appuyer contre le mur. La béquille de Candice ne me fait presque plus mal mais mes tibias commencent à me piquer. J'évite de faire la grimace quand je relève la tête vers mes amis.
– Tout va bien, je me reposais juste un peu ici, réponds-je.
Cette excuse n'a absolument aucun sens, mais c'est la seule chose qui m'est venue à l'esprit. Matéo prend mon bras et le place autour de ses épaules. Il a dû remarquer que quelque chose ne va pas. Je m'appuie sur lui et on se dirige vers les bus. J'espère que mes jambes iront mieux quand je serai chez moi.
Matéo a décidé de m'accompagner jusqu'à chez moi, même s'il habite à l'opposé. Il m'aide à monter puis on part s'installer au fond. Je regarde par la fenêtre. Mon regard se pose sur le garage à vélos. Une larme coule sur ma joue lorsque je me remémore ce qu'il s'y ait passé. Je ne comprends pas pourquoi elles m'ont choisi comme souffre-douleur.
* * *
Arrivée à l'arrêt, ma jambe me fait un peu moins mal, mais je reste quand même appuyée sur l'épaule de Matéo. On marche vers chez moi en rigolant de tout et de rien. On observe un chat traverser la route pour rentrer chez lui, on croise des gens qui promènent leur chien, etc.
* * *
Arrivés devant mon portail, mon téléphone sonne. C'est un numéro masqué. Je décroche et approche le téléphone de mon oreille.
– Je t'avais prévenu ! Tu as parlé à Matéo ! Demain tu es morte !
Ce dernier mot résonne dans ma tête. Une larme coule le long de ma joue, puis une autre. Je m'effondre au sol. Mes jambes ne tiennent plus. Matéo s'accroupit à mes côtés et me prend dans ses bras.
– Qu'est-ce qui se passe ? C'était qui ? Ladia ?
Je ne lui réponds pas, je n'y arrive pas. Ma gorge est serrée, je respire mal. Il resserre ses bras et je lève la tête. Il n'a pas dû entendre que c'était Candice. Il arbore un sourire réconfortant jusqu'à ce qu'un bruit venant de mon portable se fait entendre. J'ai oublié de raccrocher donc Candice sait que je suis accompagnée de Matéo.
– Lambert ! T'as intérêt à sortir Matéo de ta vie illico presto sinon ça va mal se passer ! hurle-elle.
Matéo attrape mon téléphone et raccroche en vitesse. Il m'aide à me relever et m'accompagne à la porte.
– Tes parents sont chez toi ?
– Non pas encore, pourquoi ?
– Ils rentrent à quelle heure ?
– Pas avant vingt heures, dis-je en regardant la rue.
– Je peux rester ? Et on dit que je t'aide pour faire des devoirs.
On rentre dans la maison et je ferme la porte à clés derrière nous. Connaissant Candice, elle serait capable de venir ici. On monde dans ma chambre et on pose nos sacs. On sort nos cahiers et nos livres, histoire de faire semblant de travailler.
– Je te propose de reposer ta jambe, commence-t-il, ensuite, on peut regarder un film si tu veux. Mon ordinateur est dans mon cartable.
– Quel film ?
– Film d'horreur !
Il rigole en voyant ma tête. Je n'aime pas ce genre de films. Je préfère l'action, le combat et les enquêtes, pas les trucs qui font peur.
– Oh, t'as peur ? me dit-il en me donnant un coup de coude, un sourire en coin.
Je feins de le frapper mais m'arrête avant d'atteindre l'arrière de sa tête.
– Non j'ai pas peur ! affirmé-je.
Il me regarde et commence à rigoler. Je fais de même avant qu'on cherche un film sur son ordinateur. Il s'installe sur mon lit pendant que je vais chercher des couvertures dans le salon. J'en donne une à mon ami et il démarre le film. J'ai finalement cédé pour son film d'horreur. Je n'aime pas l'ambiance de ce genre de films, j'ai l'impression d'être oppressée.
Les premières scènes commencent déjà à me faire peur, donc je décide de fermer les yeux. Ce n'est pas l'une des meilleures idées car j'entends encore le son.
– Ça te plaît ? me demande Matéo.
– Oui oui, t'inquiète, réponds-je en ouvrant rapidement les yeux.
Je tourne ma tête dans sa direction, voyant qu'il ne me répond pas. Il me fixe avec un léger sourire en coin.
– Quoi ?! dis-je d'une voix aiguë.
– T'as peur, avoue-le ! s'exclame-t-il en me pointant du doigt.
– Non ! affirmé-je, levant les yeux au ciel.
Je lui donne une tape à l'arrière de la tête et me concentre sur le film. Le personnage principal s'est enfermé dans le sous-sol pour échapper à je ne sais quoi. Il est en panique, cherchant un objet pour se défendre.
Le film continue. J'arrive à ne pas sursauter aux quelques screamers qui apparaissent. Matéo et moi discutons de ce que nous aurions fait dans telle ou telle situation. Il me dit qu'il aurait combattu la chose et aurait gagné. De mon côté, je pense que j'aurais éclaté en sanglots, j'aurais été paralysée par la peur et je serais morte dans les premiers.
Alors qu'on est en plein dans le film, ma sonnerie de téléphone retentit. Je sursaute.
– Ah bah t'as peur ! Je disais quoi ? dit-il en rigolant.
– T'es pas drôle mec ! C'est encore un numéro masqué, m'exclamé-je en montrant mon portable.
Je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit d'autre que Matéo m'arrache le téléphone des mains, raccroche et le pose sur la table basse, écran contre le bois.
– Pas maintenant Candice. On l'a met sur pause pour la soirée.
– Qui te dit que c'était elle ?
– Qui veux-tu que ça soit d'autre ?
Il marque un point. Je me demande bien comment elle a eu mon numéro. Je présume qu'elle l'a eu grâce à Diana. J'essaie l'oublier en me plongeant dans le film. Ça marche. J'ai tellement peur que j'en oublie ce qui m'entoure. Je suis dans une bulle avec Matéo et les personnages.
* * *
Matéo part finalement avant que mes parents rentrent. Je le raccompagne jusqu'au portail.
– À demain ! On se retrouve au même endroit que ce matin ? me demande-t-il.
– Oui, à demain ! dis-je en tournant les talons pour rentrer chez moi.
Je vais dessiner dans mon bureau en attendant mes parents pour pouvoir manger. Maintenant, je sais que je pourrai compter sur mon nouvel ami si je n'arrive pas à m'intégrer dans le groupe de Diana. À vrai dire, ça m'arrangerait de pouvoir être en même temps avec ma meilleure amie et Matéo.
Je m'installe à table et me sers. Je n'ai pas très faim ce soir, mais je me force à manger. Ma gorge est nouée et c'est difficile pour moi d'avaler. C'est certainement dû au stress comme a dit l'infirmière.
– Les parents de Diana m'ont appelée, commence ma mère. Elle t'invite chez elle ce week-end pour une soirée pyjama.
– C'est une super idée ! ajoute mon père avec un grand sourire.
C'est vrai que ça peut être une bonne idée pour déjà, la voir et ensuite, apprendre à connaître ses amies.
– Elle t'a dit qui il y aura ? demandé-je.
– Non, elle m'a seulement dit que vous seriez huit.
– Tu peux lui dire que je viendrai.
J'espère que ça va aller. Je vais peut-être demander à Diana, avant d'y aller, de m'aider à choisir ma tenue et à me coiffer, histoire de faire bonne impression. Beaucoup de gens s'arrêtent souvent sur les premières impressions. Je n'ai pas envie que les autres croient que Diana est amie avec une « traînée ».
* * *
Lucie | Samedi après-midi, tu voudras bien venir chez moi pour m'aider à me préparer ?
Diana | Oui bien sûr, pas de soucis !