Chapitre 4: Le Manoir Cooper.

sarahlambert2030

Après notre arrêt devant le manoir, nous avions mangé une glace à l'Italienne avant d'aller à la bibliothèque. 

Je cherchais des archives, des photos, tout ce qui parlait de cette malheureuse famille Cooper. Grand-père avait accepté de m'aider dans mes recherches. Nous n'avions rien trouvé en deux heures quand la bibliothéquaire vint nous voir pour nous dire que c'était l'heure de fermeture et qu'elle serait ouverte dès lundi, huit heures.
- Tu voudras venir avant d'allez chez Rosemary ?
- Je ne veux pas t'embêter avec ça, Grand-père.
- Mais non ça ne m'embête pas. Ça me fait plaisir.
- Alors d'accord !

Le weekend passa relativement vite et lundi matin arriva. Je me préparais en m'habillant sobrement, un t-shirt et un jean feront l'affaire, le tout avec des bottes à talons et un gilet vert. Côté maquillage, je mettais un simple trait d'eyeliner et de mascara, et j'appliquais un rouge à lèvre rouge framboise avant de m'attaquer à mes cheveux. Je finis par faire un chignon fouillis, mais assez sophistiqué. Je me regardais dans le miroir, et je conclus que le résultat était pas trop mal réussi pour une fois. Contente de moi, je descendis prendre un petit-déjeuner avant de partir avec Grand-père à la bibliothèque. Maman, Papa et Grand-mère, avaient du mal à se réveiller et étaient encore en pyjama et mal coiffés.
- Georges ! Cria Grand-mère, tu es tout le temps avec Sophia, j'aimerai bien passer un peu de temps avec ma petite-fille !
- Promis, tu pourras passer du temps avec elle prochainement, mais elle a besoin d'un chauffeur.
- Mm, répondit-elle en pinçant les lèvres.
Je la serra dans les bras.
- Promis ce weekend, je suis là, Grand-mère.
- Ne vas pas croire que je me plains. Georges trépignait d'impatience de te revoir. Comme un enfant attend impatiemment Noël.
- Ah, les hommes, disais-je en soupirant et en souriant.
De retour à la bibliothèque. Je n'eus pas le temps de trouver quoi que ce soit qu'il fallait déjà aller travailler ! Grand-mère m'encouragea avant de me laisser me débrouiller toute seule.
- Appelles-moi si tu finis avant midi pour que je vienne te chercher.
- Pas de soucis. À tout à l'heure !
Je franchissais la porte de Rosemary's antiquities et saluais Rosemary.
- Bonjour, Sophia ! Elle me fit la bise. Alors pour cette première journée, je vais te montrer comment tenir la caisse. Je vais t'expliquer comment ça fonctionne. Demain, tu devras aller chercher des objets dans le Manoir Cooper. Monsieur le Maire, Phil Patterson, sera là. Il a insisté.
- Le Manoir... Cooper ? demandais-je.
- Oui... Oh tu as déjà entendu tout ce qu'on en dit ?
- Grand-père m'a expliqué en effet.
- Tu crois à tout ça ?
- J'ai l'esprit ouvert, mais ça ne me dérange pas d'y aller ! Au contraire, je suis curieuse.
- Bon, si tu es sûre de toi. Je te donnerai les papiers certifiant que tu as le droit d'y rentrer. Le Maire sera là pour s'assurer que tout se passe bien. Après tout tu es mineure et il n'a pas confiance en cet endroit. Il croit tout ce qui est dit sur ce Manoir. Il connaît bien ton grand-père.
- Comment s'appelle-t-il ?
- Phil Patterson. Tu le connais ?
- Ça ne me dit rien. J'étais jeune la dernière fois que je suis venue ici.
- Il es très gentil tu verras. C'est aussi un très bon maire. Bon cette caisse, viens voir je te montre...
Le reste de la journée passa en un éclair.
J'appelais Grand-père pour lui dire que j'avais fini.
- J'arrive dans dix minutes ! Attends-moi devant la boutique.
- À tout de suite.
Je raccrochais et rangeais mon téléphone dans mon sac quand un corbeau se posa sur le muret de fleurs à côté de moi et me regardais sans ciller,ce qui commencait à m'embarrasser. Je trouvais ces oiseaux fascinants mais jamais je n'en avais vu de mes propres yeux. Il s'approcha de moi et frotta sa tête sur le dos de ma main. Je m'acroupissais et le regardais dans les yeux. Il avait un regard aussi noir que son plumage mais ils semblaient pleins de gentillesse. Je levais la main pour lui caresser la tête. Il se laissa faire pendant un long moment jusqu'à ce que Grand-père me signala sa présence, qui me fit sursauter.
- Un corbeau qui aime qu'on le papouille ? Ça y est, j'ai tout vu !
- Tu m'as fait peur !
- Désolé. je n'ai jamais vu ces oiseaux réagir comme ça. Tu dois vraiment avoir un bon fond.
- Il est super gentil...
- Non, on adopte pas les corbeaux.
- Je n'allais pas te demander ça. Par contre, j'aimerais beaucoup avoir une chouette tout blanche...
- Mmm Il y a une fauconerie à environ cinq ou six kilomètres d'ici. On ira faire un tour par là-bas si tu veux.
- Oui !
- Adjugé, vendu !
Dans la voiture depuis cinq bonnes minutes, je songeais à ma mission de demain. Je décidais d'en parler à Grans-père:
- Demain, je dois aller chercher des babioles dans....
- Le Manoir Cooper, je sais, disait-il.
- Le Maire t'en a parlé ?
- Oui, il m'a dit qu'il viendrait aussi pour s'assurer que tout se passe bien.
- Vous vous connaissez depuis combien de temps ?
- Depuis l'école.
- Vous y êtes allés ensemble, dans cette maison, hein ?
- On ne peut rien te cacher. Oui, c'est vrai et dès qu'il a reçu la demande de Rosemary, il a accepté mais m'a d'abord appelé.
- Mais il veut quand même venir, malgré ce qui s'est passé dedans quand vous aviez mon âge ? Il est courageux.
- Oui,très. Le danger, il connaît. Il a été pompier volontaire avant de se reconvertir dans la politique.
- Mais au fait, disais-je en me souvenir d'un point. Tu m'as dit de ne pas m'en approcher, et là tu ne dis rien ?
- Oui mais de une, je t'ai conseillée, et de deux, vous les jeunes, vous n'écoutez jamais rien quand on vous dit quelque chose. Vous faites toujours le contraire. J'ai été jeune moi aussi, me rappelait-il d'une voix nostalgique.
- Tu es toujours jeune.
Il rit.
- Oh, qu'est-ce que j'aimerais ça, mais bon on vieillit, c'est normal.
- Ouais, donc tu penses que je n'aurais pas obéit.
- C'en aurait été étonnant, en plus tu es têtue comme une mule donc...
Il haussa les épaules comme pour dire que c'était un combat perdu d'avance entre nos deux générations.
- Mais je suis gentille et sage, disais-je en feignant de bouder comme une petite fille.
- C'est ce qu'on dit tous à cette période !
Je soupirais. Il n'avait pas tord, ceci dit, j'étais beaucoup moins dure que certains de mon âge qui donnent du fil à retordre leurs parents !
Nous ne parlions plus de demain mais quand on passa devant le manoir, je fus choquée de voir au deuxième étage à l'une des fenêtres donnant sur la route un vieil homme nous regarder passer !
" Non, le soleil te joue des tours ! " Je regardais le ciel, et avec horreur je m'apercus que le ciel était gris foncé.
- Euh... Je viens de voir un vieil homme nous regarder passer depuis une fenêtre du deuxième étage, disais-je d'une voix plus aïgue qu'à l'ordinaire.
- Tu es la première personne qui me dit ça, répondait-il.
- Je suppose que tu ne me crois pas ?
- Oh que si, je te crois... Je l'ai déjà vu. Peu de temps avant que tu n'arrives mais depuis, j'ai tenté de ne plus y accorder d'attention. Je me suis dit que les arbres ou le soleil m'avaient joué des tours.
- C'est ce que je me suis dit aussitôt. C'est un fantôme ?
- J'en suis persuadé. Je ne vois pas ce que ça peut être d'autre.
Je tentais de respirer profondément pour me calmer. "Il avait l'air bien vivant" pensais-je.
Cet après-midi là, j'étais sur l'ordinateur et faisais des recherches sur ce manoir et finis par trouver le site de la bibliothèque. Si j'avais su, je n'aurais pas perdu mon temps . Dans la barre de recherche de la page d'acceuil du site, je tapais "Manoir Cooper" et trouvais plus résultats. J'ouvrais le premier line qui était en fait un article de journal de la ville paru en 1880 et relatant la tragique fin des époux Cooper. Le tout était accompagné d'une photo de la famille. J'observais longuement chacun des visages, comme si j'avais peur de les oublier.
Le mari, Grant Sénior avait un air autoritaire et se tenait droit et fier avec un léger sourire en coin qui sonnait faux, il ne devait pas avoir l'habitude de sourire. Son épouse, Helen, était brune et très belle, ses cheveux étaient relevés en un chignon tout en laissant quelques mèches de cheveux pour encadrer son visage. Elle était photogénique et son sourire différait de celui de son mari. Il était doux et franc, et ne sonnait pas faux.
Quant au fils Grant Junior, il se tenait entre ses parents. Il était grand et fin pour un enfant de dix ans. Il semblait aussi beau et photogénique que sa mère qu'il était droit et fier comme son père. En revanche, il souriait d'un beau sourire. Il était très charismatique et débordait de confiance en soi. C'est si triste tout ça, pauvre enfant. Perdre Amanda a été et est toujours une torture dont jamais je ne me remettrai complètement, je peux imaginer ce que c'est que de perdre ses parents. Mon regard s'attardait sur le visage de Grant Junior. Il me semblait familier, ce qui était impossible. Mon esprit divagua et je revu le vieil homme qui se tenait à la fenêtre. Il y avait cette même familarité, ce pourrait-il que... ? Non, bien sûr que non, je me ressaisis, regardais de nouveau la photo, puis décidais d'imprimer l'article.
Je pris une feuille calque que je placais sur la photo et saisissais un crayon à papier pour dessiner sur le visage de l'enfant, des marques de vieillesse, rides, tâches et quand j'eus terminé, je contemplais le résultat incrédule.
- Grand-père ! hurlais-je à travers la maison.
Il arrive, affolé.
- Où ? Où ?
- Quoi ?
- L'araignée !
- Non, il n'y a pas d'araignée. Enfin, j'espère. Non, regarde et dis-moi ce que tu en penses.
Il prit les feuilles et les observa une à une avant de placer le calque sur la photo. Un air d'incompréhension apparut alors.
- C'est le même homme que j'ai vu. Et toi ?
- Idem. Il me semblait bien vivant, Grand-père.
- M'enfin, il aurait quel âge ?
- Cent soixante et des poussières. Je pense qu'il a fini par revenir au manoir pour y finir sa vie. Donc ce serait son fantôme.
- Tu as cherché son avis de décès ?
- Je vais chercher ça.
- Viens me vois dans le salon quand tu l'auras.
Il redescendit en se grattant le menton.
Je me replacais devant l'ordinateur. Au bout d'un long moment, je trouvais ce que je cherchais, l'avis de décès de Grant Junior:
" Grant Junior Cooper, né le dix Février mille huit cent soixante neuf,
( Parents: Grant Sénior Cooper et Helen Cooper. Décédés le quinze Novembre mille huit cent quatre vingt à leur domicile.)
décédé le six Juin mille huit cent quatre vingt seize."
Il serait donc mort à 27 ans, mais l'endroit n'est pas indiqué, ni comment. Il était parti et personne ne l'avais jamais revu depuis. C'est étrange que ce vieil homme lui ressemblait tant. Aurait-il eu des enfants avant de mourir ? J'imprimais l'avis avant de rejoindre Grand-père dans le salon et lui tendais le papier.
- Personne d'autre n'a vécu là ?demandais-je à voix basse.
- Personne. Toute la ville, aussi grande soit-elle, savait ce qui s'y était produit. Rapidement, le manoir a été mit en vente, mais les acheteurs potentiels repartaient dès qu'ils faisaient trois pas à l'intérieur lors des visites. De plus, les voisins leur expliquaient l'histoire, ce qui n'arrangeait pas la situation. Tous sauf un jeune homme seul qui aurait fait le tour complet de toutes les pièces et enn serait resorti blanc comme un linge.
- Comment tu sais ça ?
- Je tiens ça de mes grands-parents. À dire vrai, je retenais mieux les histoires qu'on me racontait plutôt que mes tables de multiplications. Il regarda la feuille. C'est dit qu'il est décédé jeune mais c'est tout. Pour moi, ce n'est pas un vrai avis de décès. La raison du décès, l'endroit devraient être notés. S'il avait été marié, eu des enfants, ça aussi, et les parents pareil, on ne connait le nom de jeune fille d'Helen, et leur nom complet non plus, ce qui normalement devrait être écrit. Alors soit, il est revenu vivre seul au manoir et y est décédé, donc aujourd'hui on y voit son fantôme, soit c'est quelqu'un qui lui ressemble. Seul hic, le manoir n'est plus en vente depuis des décennies, donc que ferait cet homme ici ?
- Pourquoi serait-il faux ? demandais-je en montrant le papier.
- Ça, je me le demande... Je viendrais avec toi demain, je suis trop curieux et je veux connaître le fin mot de tout ça. Toute ma vie, cet endroit m'a obsédé, mais je n'y suis jamais retourné. Au passage je lui demanderai si il a le dossier de cette famille dans ses archives à la mairie.

Ce soir là, je m'étais couchée plus tôt que prévu, étant trop nerveuse pour demain, je ne parvenais même pas à lire. Je sombrais dans un sommeil perturbé par l'habituel cauchemar, qui avait pourtant cessé depuis quelques nuits auparavant. Mais cette fois-ci, le cauchemar était un peu différent. Je me tenais dans le grenier, je regardais Amanda et sentais une présence à côté de moi, en tournant les yeux je vis un petit garçon appeuré me tenir le bras. Il levait ses yeux larmoyants vers moi et reconnus Grant Junior, puis il grandit jusqu'à devenir un jeune homme et enfin en vieil homme, le même que j'avais vu plusieurs heures plus tôt en voiture. Il me regardait et disait " On va bientôt se rencontrer, Sophia" en se transformant en corbeaux avant de se poser sur mon épaule gauche pour frotter sa tête contre ma joue. Une main attrapa alors mon cou avec fermeté et alors que je tournais la tête, je vis l'habituelle créature hideuse qui serrait mon cou tandis qu'Amanda se tenait derrière lui et me regardait sans rien dire jusqu'à ce que je tombe à terre. Au moment d'heurter le sol, je me réveillais en sursaut, trempée de sueur.
Je pris le réveil et lu l'heure: cinq heures. Grognant, je savais que je ne parviendrais pas à me rendormir alors je me levais et allais prendre une douche avant de m'habiller et d'aller prendre un café et des pancakes et décidais d'aller prendre l'air dehors. Je vis de la lumière dans la grange et me dirigeais pour y jeter un oeil. Je savais qu'une jument était sur le point de mettre bas. En effet, elle semblait agitée. Grand-père était avec elle aussi, et il avait peu dormi.
- Elle est comme ça depuis hier soir, je pensais que le poulain allait arriver cette nuit. J'ai du dormir deux heures, j'en peux plus, je vais appeler le vétérinaire, me disait-il en s'éloignant de nous.
Je m'approchais de la jument. Elle m'observais avec souffrance.
- Ma belle, ça va aller...
Je lui caressais le museau et lui faisais un bisous pour l'encourager quand j'entendis un bruissement d'ailes. Me tournant pour chercher l'origine du son, je fus surprise lorsque je vis un corbeau s'envoler vers moi et se poser sur mon épaule droite et frotta sa tête contre ma joue, comme dans mon cauchemar.
- Encore un corbeau ? s'écriait Grand-père.
- Je crois que c'est le même, lui répondais-je.
- Il a vraiment l'air de boen t'aimer, c'est curieux. Tu as déjà vu ça, Bernard ?
- Non, jamais, répondait l'homme qui devait être le véténaire. Il me serra la main avant de se tourner vers la jument. C'est pour aujourd'hui, Georges, sans doute même ce matin.
Je souriais, trop heureuse qu'un poulain rejoigne notre famille.
- Ce sera le tien, si tu le veux me disait Grand-père.
- Vraiment ? lui demandais-je, ivre de joie avant de le serrer dans mes bras. Merci, t'es le meilleur !
- Bah de rien, mais tu en sera responsable, d'accord ?
- Oui, oui pas de problème. Tu sais bien que je pourrais très bien dormir dans le foin rien que pour lui.
- Oui je le sais, c'est bien pour ça que je t'ai proposé qu'il soit à toi. Bon ce n'est pas un chien, mais un poulain, c'est bien ?
- C'est génial !
Les deux hommes rirent avant de regarder l'heure. Déjà huit heures vingt ?
- Tu veux aller à la bibliothèque ?
- Non j'ai tout trouvé sur internet.
- Bon je t'emmène directement au manoir. Rosemary est au courant que je t'y dépose et que je resterais avec toi. Elle a soupiré.
- Elle n'y croit pas trop.
- Non, en effet. Ça va aller, Bernard ?
- Aucun problème, je t'appelles quand le petit est là.
- Super, à tout à l'heure.
Nous arrivions au manoir en moins de cinq minutes. Je mentirais si je disais que l'endroit me mettait à l'aise, même tout ce qui nous entourait était beau et coloré.
Je suivis Grand-père qui s'en allait à la rencontre d'un homme grand et fort, aux yeux verts et rieurs. Entre deux pas, je regardais au deuxième étage, mais personne ne se montra.
- Phil, je te présente, Sophia, qui travaille pour Rosemary.
- Et c'est aussi ta petite-fille !
- On ne peut rien te cacher.
- Tu m'en a tellement parlé, comment aurais-je pu oublier ? Mademoiselle Darkest.
Patterson me tendit la main que je serrais en le saluant.
- Monsieur le maire.
- Appelez-moi Phil, Sophia, comme tout le monde ici.
- Prête à entrer ? Je ne veux pas vous brusquer, mais je dois avouer que j'ai hâte de finir la visite, me disait-il, en paraissant tout à coup nerveux.
- Venez-vous avec moi ?
- Oui, d'ailleurs Georges est là pour s'en assurer.
- J'aimerais y entrer aussi, nous disait l'intéressé.
- Ah bon ? demandait Phil. Pourquoi ?
- Sophia a fait son enquête, regarde...
Il lui montrait la photo et son calque, ainsi que le soit disant avis de décès, et lui expliquaut tout ce qu'il y a savoir à ce sujet.
- Je pense que c'est un faux.
- Oui, je le pense aussi. Je regarderais personnellement dans mes dossiers en rentrant. Maintenant, on peut entrer ?
- Oui, répondais-je en même temps que Grand-père.
- Allons-y, mais Georges, reste en bas.
- Bien, chef.
-Les dames d'abord, me disait Phil en m'ouvrant la porte d'entrée et me donna la liste des choses à récupérer. Je découvrais un salon très spacieux où tout avait été recouvert de draps blancs, aujourd'hui gris par le temps. Il y avait aussi une importante couche de poussière. Mais aucune trace de pas montrant la présence récente de quelqu'un. L'homme vu à la fenêtre ne pouvait être vivant. Cette pensée me fis frissonner. Je jetais un oeil à la liste:
- Un grand vase en cristal.
- Un porte-plume et encrier.
- Bijoux, accessoires vestimentaires.
- Verres, tasses, fourchettes, couteaux, cuillères, assietes...
- Comment Rosemary sait ce qu'il y a ici ? Et pourquoi veut-elle récuperé ces objets en particulier et pas le reste ? Tout ici doit avoir de la valeur demandais-je à Phil.
- Je pense démollir pour reconstruire ici. Donc j'en ai parlé à Rosemary et lui ai fait une liste de tout ce qui s'y trouvait.
- Vous savez, monsieur Patterson, détruire ce manoir d'ailleurs vraiment magnifique, ne fera pas partir les esprits qui s'y trouvent. Pire, ils pourraient s'en prendre à celui qui souhaite détruire leur maison, ce serait vraiment dommage que notre maire soit blessé en faisant cela. Il faudrait d'abord aider les esprits à passer de l'autre côté et ensuite rénover. Un tel charme d'époque ne devrait jamais être détruit. Bien sûr, ce n'est que mon avis...
- Georges m'a dit la même chose, répondait-il, sèchement. Les jeunes vont et viennent ici uniquement parce qu'ils ont entendus les rumeurs à propos de ce manoir. Ils entrent et sortent en courant et en affirmant que l'endroit est inhabitable et cela fait fuir les gens ainsi que les voyageurs. Déjà qu'ils ne sont pas nombreux...
- Vous voulez dire des jeunes comme vous et mon grand-père qui entrent par effraction ?
- Nous en n'avons jamais parlé en public, nous, répondait-il mal à l'aise.
- Non, bien sûr, mais vous y êtes quand même entré. Et par effraction. Critiquer les jeunes qui font pareil que vous n'est peut-être pas intelligent. Surtout si vous en parlez publiquement, ces jeunes là ne voteront pas pour vous, ce serait dommage, non ?
Patterson avait un quelque chose de désagréable, je ne l'aimais pas, et désormais, je devais avoir baissé dans son estime. Je ne m'exprimais jamais ainsi, mais il ne m'inspirait pas confiance et j'avais hâte de partir pour ne plus le revoir. Mais peu importe, après tout on ne peut pas plaire à tout le monde, n'est-ce pas ?
- Il faut savoir que les esprits ne sont pas tous dangereux, il suffit simplement de les respecter et de respecter leur environnement, surtout que la plupart du temps les esprits retournent là où ils ont vécus, donc détruire le manoir ne serait pas du tout respectueux. De même qu'entrer par effraction lorsqu'on a seize ans.
- Vous avez seize ans ? me demandait-il en plissant les yeux, d'un coup moins rieurs.
- En effet, monsieur Patterson, répondais-je innocemment.Ah, un vase en cristal. Tu es lourd dis donc.
- Messieurs, prenez ceci, disait Patterson aux hommes qui l'accompagnait. Mademoiselle Darkest, vous devriez manger plus de soupe.
- La nature a du se dire "tant pis pour la soupe" et a décidé d'arrêter ma croissance depuis mes treize ans. Les joies de la féminité, que voulez-vous !
Il semblait mal à l'aise, tandis que grand-père riait à moitié devant mon audace. Certes, je suis petite, mais la soupe n'arrangera rien. J'assume mon mètre cinquante six. En plus parler de ça avec un homme de la vieille école l'a rendu incapable de prononcer un mot. Tant mieux. Je continuais ma visite mine de rien et j'avais presque tout trouvé quand Patterson me proposa de monter au premier étage. Sans doutes les accessoires vestimentaires se trouvaient en haut donc je montais les escaliers qui grincaient malgré le lours tapis brodé sur les marches. Je tournais à gauche et ouvrais la première des deux portes derrière laquelle il y avait une salle de bain rouge et or, elle était magnifique. J'y trouvais du maquillage d'époque, des barettes et une broche que je pris. Il n'y avait rien d'autre ici. J'aimais beaucoup cette pièce, sauf cette soudaine impression d'être observée. Pourtant, personne n'était là. Il n'y avait pas de poussière ici, ce qui était plutôt étrange. Je sortais pour ouvrir l'autre porte qui ouvrait sur une chambre dans les même tons que la salle de bain. Il y avait un lit à baldaquin, le genre que je rêverais d'avoir et une énorme armoire. J'en tournais la poignée et y découvrais des vêtements d'époque, surtout des robes. Madame Cooper devait être absolument magnifique dedans, je les contemplais pendant une minute ou deux tellement j'étais subjuguée par ce que j'avais sous les yeux.
- Vous trouvez ce qu'il vous faut, mademoiselle Darkest ? me demanda Patterson en entrant dans la chambre.
Je me tournais en sursautant vers lui.
- J'ai trouvé une broche, monsieur. Je continue de chercher.
La porte, restée grande ouverte derrière lui, se referma violement comme si un gros coup de vent l'avait faite se fermer. On se regardait avec effroi et Pattersonétait devenu livide.
- Il ou elle ne doit pas être content que nous soyons là, me disait-il.
- En effet, répondais-je en rangeant la robe et en refermant. Encore plus depuis qu'il ou qu'elle sait ce qu'il va arriver à sa demeure.
- Ne dites pas ça.
Il tentait de se convaincre. J'avoue que j'étais pas très rassurée non plus.
- On va aller de l'autre côté des escaliers. Si je trouve ce qu'il me faut on partira après, disaid-je en me dirigeant vers la porte qui s'ouvrit en grand sans que je n'y touche. Surprise je me stoppais avant de reprendre ma route. Au passage je rassurais Grand-père, et allais ouvrir une autre porte et découvris une autre chambre, plus petite. Des jouets reposaient sur le lit et sur le sol. Je devinais que c'était la chambre de Grant Junior. Je n'y trouvais pas ce que je cherchais, pas plus que dans la salle de bain en face de la chambre.
Je montais donc au deuxième étage, en me tournant, je ne vis pas Patterson, mais Grand-père.
- Tu remplaces monsieur le maire ?
- Il a voulu sortir, il m'a parlé de la porte qui se ferme et s'ouvre toute seule.
- Au moins je le l'entendait plus dire n'importe quoi. Tu sais ce qu'on dit sur la première impression... Même si c'est ton ami, je ne l'aime pas. Il veut détruire cette maison !
- Je lui ai dit que ça servirai à rien, ça ne ferai pas partir ceux qui sont là. Il a changé depuis qu'il est maire, je l'admets. Il a toujours été le meneur de groupe,mais il ne semblait pas aussi...
- Colérique ? Contrarié ?
- Oui. Il s'est moqué de ta taille ?
- Oui et je lui ai retorqué que la nature en a décidé ainsi depuis trois ans parce que je suis une femme.
- Ouch ! Dire ça à un vieux ! On ne parlait pas de ça quand on avait ton âge.
- Tant pis pour lui, il saura à quoi s'en tenir maintenant.
Il rit.
- Tu me rappelles tellement Annabella. On monte ?
Le deuxième étage était très poussiéreux, comme au rez-de-chaussée.
- Tiens, ça contraste avec l'étage précédent, disait Grand-père.
- C'est vrai. C'est bizarre. Il n'y en avait ni au sol, ni sur les objets.
- Curieux.
- Ça va ?
- C'est ici qu'on avait entendu la voix et les pas.
- Oh. Tu veux continuer ?
- Si tu continues, oui. Je ne veux pas te laisser toute seule.
Toutes les portes étaient fermées à clef, sauf une dans laquelle j'entrais. Elle était illuminée par des bougies et il y avait des fauteuils ainsi qu'une petite table sur laquelle reposait un livre. Un feu ronflait dans la cheminée. Qui avait allumé les bougies ?!
- C'est une bibliothèque, disait Grand-père.
- Avec des bougies allumées !
- En effet, répondait soudainement une voix douce émanant des fauteuils qui nous tournaient le dos. Nous sursautions de peur et vîmes une main une main d'homme se saisir du livre posé sur le guéridon. Mon coeur rata plusieurs battements.
- Qui... qui êtes-vous ? peinais-je à demander.
- Je crois que vous le savez déjà, mademoiselle Darkest.
- Grant Junior Cooper. Vous êtes décédé à 27 ans.
- Faux. Je ne suis jamais mort.
- Impossible ! m'exclamais-je.
- Partons, me coupait-grand-père en tirant sur ma manche.
Je suivais mais j'étais partagée: une partie de moi voulait s'enfuir, l'autre voulait rester ici pour avoir des réponses.

De retour en ville, je livrais à Rosemary les objets qu'elle voulait. Elle en fut très contente. Le maire lui avait déjà livré le vase.
- Tu peux y aller. Demain, tu veux venir le matin ou l'après-midi ? Il y a plus de monde.
- L'après-midi, ça me va.
- Bien à 14 heures ?
- Je serais là, Rosemary. Est-ce que je devrais visiter d'autres maisons pour y récupérer des objets ?
- Ça se pourrait si tu réussis ta période d'essai et que tu travailles trente cinq heures par semaine. Tu pourrais aussi retourner au manoir. Au fait, rien à signaler ?
- Non, tout était calme.
- Cette maison a une réputation qui n'est pas la sienne ! Les gens s'imaginent vite n'importe quoi, si tu veux mon avis.
Si seulement elle savait, elle en ferait des cauchemars.
- Sophia ! criait Grand-père qui collait son téléphone contre la vitre. Il me montrait un poulain.
Je souriais et disais au revoir à Rosemary avant de sortir et rentrer voir ce petit poulain.

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