Chapitre 5

Violette N

Dans une cohue infernale (due au déplacement de tous les demi-dieux), Amy me retrouve et me tire par le bras. Thomas me suit de près, s'accrochant parfois à mon tee-shirt.

- Jason ! me dit-il. M'oublie pas, mon frère. Tu sais où on va ?

- Non ! dis-je, presque en criant pour me faire entendre (c'est fou ce que les ados sont bruyants, hein !). J'en ai absolument aucune idée !

- Ah, c'est super ça ! fait le fils d'Adicie.

Amy me tire toujours par le bras, semblant suivre les autres demi-dieux.

- Amy, je demande, on va où au juste ?

Elle se tourne rapidement pour me faire face, l'espace d'un instant, puis me répond :

- Je vous emmène à vos bungalows, rencontrer vos frères et soeurs.

Je vois Thomas blêmir. Il déglutit avec difficulté, puis questionne, d'une voix teintée par l'émotion (je sais qu'avoir des frères et sœurs c'est son rêve) :

- On a de la famille ? Des frères et tout et tout ?

- Oui, répond la jeune fille, enfin Jason c'est sûr. Je ne crois pas avoir vu d'enfants d'Adicie depuis très longtemps. Le dernier, c'était... Thaís Azevedo, je crois. Une brésilienne. Une grande combattante, une vraie tête brulée, partie en quête, puis jamais revenue. C'est tellement dommage, elle était adorable - un peu sans limites mais adorable.

Thomas détourne le regard, se reprochant sûrement d'avoir pu croire à quelque chose d'aussi merveilleux, de s'être fait autant de faux espoirs.

Je crois voir des larmes briller dans ses yeux, et j'espère que j'ai juste mal vu. Mon ami a toujours recherché une famille, alors s'il a cru un instant qu'il en aurait une, je n'imagine pas sa déception...

Et donc... J'ai des frères et sœurs ?

- Allez, suivez-moi ! s'exclame Amy. Venez, on va pas tarder à arriver au bungalow 29, celui d'Adicie.

Thomas a mis ses mains dans ses poches et regarde le sol, en shootant ici et là dans un caillou qui a le malheur de se trouver sur son chemin.

Notre guide stoppe la marche devant un bungalow peint en gris foncé. Des fresques semblables à des tatouages sont peintes sur le bois, des torches dépassent et un drapeau est planté dans le sol. Il représente une femme brune avec un bandeau blanc devant les yeux, qui pleure du sang.

Je ne saisis pas le message, mais je ne suis pas certain de vouloir le connaître. Toujours son sac sur le dos, Thomas pousse doucement la porte de son futur logement. Il se retourne vers moi, m'adresse un regard suppliant. Je l'encourage, il prend une inspiration puis rentre (sans enlever ses chaussures, mais je doute que quiconque s'en soucie).

- Aller, me dit Amy, à toi Jason ! Ton bungalow est le 16.

                                             .oOo.

Deux minutes plus tard, je suis arrivé devant un bungalow entièrement noir. Deux colonnes de marbre blanc sont disposées à droite et à gauche du bâtiment, des escaliers de la même matière s'étalent devant. Les fenêtres sont blanches, en forme de roues cassées, et une roue en bois de deux mètres est sur le toit. Je suppose qu'on peut y monter... Ça doit être sympa.

- Je te laisse faire connaissance avec tes frères et sœurs, me dit la jeune fille qui m'accompagne avec un sourire. A ce soir au pavillon-réfectoire !

Elle s'éloigne d'une démarche sautillante, puis disparait dans un Mobil-Home que je reconnais comme le 25, juste à côté de celui de Thomas.

Je soupire, puis, prenant mon courage à deux mains, toque à la porte.

Presque aussitôt, un garçon ouvre la porte.

- T'es Jason ? demande t-il avec un accent allemand léger en m'inspectant de haut en bas.

- Heu ouais, dis-je, mal à l'aise.

- Bienvenu, je suis Tobias. J'ai une sœur jumelle, Lisa. Elle n'est pas encore rentrée mais elle ne devrait pas tarder. Nous sommes d'origine allemande.

Je regarde Tobias avec étonnement : alors comme ça j'ai un frère et une sœur ?

Il a les cheveux noirs comme les miens, mais les siens sont bouclés. Ses yeux sont verts (je suis jaloux là) et sa peau pâle, contrairement à moi. Je lui donnerai quoi, dix-huit ou dix-neuf ans ? C'est peut-être le plus âgé de tous les ados que j'ai vu depuis mon arrivée ici.

- Enchanté, je fais.

- Vas-y, entre, poursuit mon frère (ça fait bizarre de dire ça). Juste, enlève tes chaussures parce qu'on a tout nettoyé.

Je retire mes Nike et les laisse dans le meuble aménagé pour. Je regarde l'intérieur du Mobil-Home. Tout est décoré avec goût, c'est peut-être juste un peu sombre.

- Bouge pas, je reviens ! s'exclame Tobias en disparaissant.

Il réapparait dix secondes plus tard, un pull et deux tee-shirts (tous oranges) sous le bras.

- Tiens, dit-il, c'est pour toi. C'est des tee-shirts et un pull de la colonie. Si tu as besoin de fringues, hésite pas à me demander, je dois en avoir des vieilles qui peuvent t'aller. Tu peux poser tes affaires dans la chambre au fond du couloir, Lisa et moi on se partage l'autre.

- OK, merci.

- De rien, si tu as des questions hésite pas !

Il retourne dans sa chambre et ferme la porte, me laissant seul dans l'entrée qui fait aussi office de salon. Une table en bois est mise au milieu, entourée de quatre chaises. Les seuls objets décoratifs sont des livres disposés ici et là, visiblement oubliés en cours de lecture.

Je traverse donc le couloir, puis entre dans la chambre au bout, ma chambre du coup.

Elle est presque vide et ne contient qu'un lit à gauche, un bureau et une chaise, une étagère, une commode à droite. Les murs sont violet foncé, ce qui est déjà mieux que noir.

J'ouvre les tiroirs : tout est vide. Je sors mes affaires et les range. Je trouve mon téléphone, mais je vois qu'il ne reste que trois pourcents de batterie. Je sors le chargeur et cherche, en vain, une prise. Je vais voir dans le salon, fouille partout, mais toujours aucune trace.

Je retourne dans la chambre de Tobias, puis, timidement, toque à la porte.

- Entrez ! s'exclame t-il.

J'entre. Tobias est allongé sur son lit, un livre entre les mains. Les murs de la chambre sont en bleu foncé, ce qui est assez beau.

- Heu, dis-je, excuse-moi, tu ne saurais pas où il y a une prise pour charger mon téléphone ?

- Tu en auras pas besoin, ici, répond mon frère avec un petit sourire. Si tu utilises ton téléphone, tous les monstres de la région vont ramener leur fraise. Pas de téléphone à la Colonie, frangin désolé ! Par contre, si tu veux charger autre chose, il y a des prises à la Grande Maison.

Hein ? Quoi ? Pas de téléphone ? Mais comment je vais pouvoir survivre ?

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