Chapitre 8 - Quatorze ans pour l'éternité

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Et puis un jour, tout bascula. Du mauvais côté. On dit que la Vie est un cadeau -empoisonné. C'est un peu comme un jeu sanglant. Mais peut-on en sortir indemne ?

Chapitre 8


Lundi 08 novembre 2021
Lucie Lambert


Je suis à bout. Je ne compte même plus le nombre de jours depuis que toute cette histoire a commencé. Je n'arrive toujours pas à me défendre, même avec l'aide de Matéo et le soutien de Gaetan et de Dylan. J'aimerais être forte, pouvoir lui crier que j'en ai marre et que je ne lui ai rien fait. J'aimerais pouvoir faire face à tout ça, passer au-dessus et l'ignorer. Mais ça devient de plus en plus dur.

– J'y vais ! crié-je depuis l'entrée.

Aucune réponse. Mon père doit être occupé à travailler dans son bureau. Je sors de la maison et ferme la porte derrière moi. Je vais à l'arrêt de bus.

Arrivée au collège, je vais m'asseoir dans les escaliers. J'en ai un peu marre des bancs de la cour. Voir tous ces gens me regarder commence à beaucoup de déranger. Je n'aime pas être le centre de l'attention. Soudain, un surveillant apparaît devant moi. Je lève la tête. Je présume qu'il va me dire que c'est interdit de rester à l'intérieur quand il ne pleut pas. C'est pour éviter la casse je présume.

– Tu es attendue chez le principal.

Tout se passe très vite dans ma tête. J'espère que Matéo n'est pas allé reparler au CPE. Pour la première fois de ma vie, j'aimerais que ce soit juste car je n'ai pas fait mes devoirs ou car je dérange le cours à force de bavarder.

Je prends mon sac, puis je vais chez le principal. Je toque à la porte et j'entre. Je me pétrifie sur place quand je vois Candice, assise sur la chaise en face du principal.

– Tu peux t'asseoir, me dit-il en montrant l'autre chaise.

Je m'assois à côté de Candice qui me jette un regard aussi noir que le néant. Je détourne le regard et me concentre sur la personne en face de moi. Je pose mon sac à mes pieds.

– Bon, alors, d'après Mlle. Ladia, c'est toi qui l'as cherché ?
– De quoi parlez-vous ?
– Bah c'est vrai hein, dit Candice.
– Mais, vous parlez de quoi ?
– Bon, me coupe le principal, tu peux me raconter ce qu'il s'est passé ?
– Quand ?
– Candice m'a dit que tu l'embêtes constamment. Tu peux m'expliquer de ton point de vue ?
– Elle me frappe parce que... commencé-je.

La sonnerie retentit et me coupe au milieu de la phrase. J'espère que le principal va nous libèrer mais je me trompe.

– Elle est jalouse parce que je parle à Matéo, avoué-je.

Candice souffle comme si ce que je venais de dire était le plus gros mensonge qu'elle ait entendu. Le principal nous regarde à tout de rôle. Il doit certainement se demander d'où je sors cette excuse bidon.

– Souffle pas c'est vrai ! m'exclamé-je en lui faisant les gros yeux.
– Candice ? Je ne la crois pas capable de cela. Elle n'a qu'un mot, et aucune observation ! Elle a toujours été sage. Et cette excuse est totalement bidon ! dit-il comme s'il avait lu dans mes pensées. Mlle. Lambert, donnez-moi votre carnet.
– Ça n'a aucun rapport ! Il ne faut pas se fier au carnet de correspondance ! rétorqué-je.

Vu la manière dont il me regarde, je sais que je n'ai pas mon mot à dire et que la prochaine étape est d'appeler mes parents si je n'obéis pas. Je sors donc mon carnet et le lui donne. C'est vraiment un mauvais principal. Et puis, il fait quoi le CPE là-dedans ?

– Un mot, et trois observations !
– Monsieur, il ne faut pas se fier aux carnets, me répété-je.
– Bavardages incessants, crie pendant le cours, énonce-t-il.
– Candice m'avait pincé !
– Bousculades dans le rang, continue-t-il.
– Elle m'avait poussé, dis-je.
– Même pas vrai ! s'exclame Candice.
– Bon, vous deux. Vous aurez deux heures de colle.
– Mais j'ai rien fait ! C'est pas juste !

Il nous fait signe de partir et on va en cours. Depuis quand un principal sanctionne sans chercher la vraie cause ? Certes, ce n'est pas un policier ou un détective mais c'est injuste ! Il devait avoir la flemme ou il a dû avoir peur des répercussions à cause de la famille Ladia.

À la fin de la journée, je rentre chez moi en bus. Pendant le trajet, je fais ma petite routine musicale. Je regarde les arbres défiler. Leurs feuilles bougent avec le vent. Qu'est-ce que j'aimerais me transformer en arbre et ne plus devoir être confrontée à Candice et sa bande. Juste être tranquille, observer les passants, être dehors à observer le ciel toute la nuit.

Rentrée, j'annonce à ma mère que je suis collée. Elle me crie dessus et m'ordonne d'aller dans ma chambre. Je ne suis pas passée loin d'être privée de sorties. Je pars m'effondrer sur mon lit, en pleurs, quand j'entends le bruit d'une notification.

Matéo | Pourquoi le principal voulait te voir ?
Lucie | Candice
Matéo | Ah... désolé pour toi. Ça donne quoi ?
Lucie | Je suis collée deux heures

Je pose mon portable sur ma table de nuit et je prends un livre. Je lis un chapitre, puis je fais mes devoirs. Autant essayer d'être le plus « parfaite » possible pour ne pas me faire remarquer par les professeurs.

Enfin arrive l'heure du dîner. Mes parents ont préparé des lasagnes. Je mange rapidement, sans parler, et je vais dans ma chambre m'isoler. Je dessine un peu avant de me coucher. Je range tout dans un tiroir. Je veux que cette journée se termine le plus vite possible. Mais avant, j'écris un peu dans mon journal intime, c'est devenu une routine.


Cher journal. J'espère que tu vas bien, parce que moi, c'est n'est pas la grande forme.

Je sais que dans la vie, il y a des hauts et des bas. On nous rebat les oreilles avec ça. On nous dit qu'il y a toujours une lumière au bout du tunnel, que tout va passer avec le temps. On positive, on nous dit que ça va aller.
Mais à force qu'on nous le dise, on y croit de moins en moins. On voudrait des réponses à nos questions.
Qu'est-ce que ça sera fini ? Donnez-nous une date précise, une deadline, à laquelle on pourra s'accrocher. Mais si vous n'en n'avez pas, ce n'est pas la peine de dire « un jour ». « Un jour », ça peut être demain comme jamais.
Est-ce qu'on trouvera un jour le bonheur ? On ne demande pas ça pour entendre « bien sûr que oui, tout le monde le trouve ». On demande ça car on y croit plus.
On veut juste quelqu'un qui nous écoute et qui nous comprenne. Pas quelqu'un qui essaie à tout prix de nous faire voir le bon côté des choses, même si des fois, ça fait du bien.
On veut quelqu'un qui nous soutienne, qui nous dise qu'ils seront à nos côtés lors de notre remontée à la surface et qu'ils nous encourageront toujours pour ça.


Puis, j'essaie de m'endormir.

Malgré qu'une bonne heure soit passée, je ne trouve toujours pas le sommeil. Je me mets sur le dos et regarde le plafond. Une larme coule de mon œil et vient s'écraser sur mon oreiller. Je m'assois sur mon lit et prends mon portable. J'hésite à envoyer un message à Matéo, il doit dormir. Je n'arrive pas à m'arrêter de pleurer, je souffre. Il n'y a que lui à qui je peux parler de tout ça.

Lucie | Tu dors ?

J'attends quelques minutes avant d'avoir une réponse.

Matéo | Non, ça ne va pas ?
Lucie | Pas vraiment non...
Matéo | Qu'est-ce qu'il y a ? Dis-moi tout
Lucie | J'arrête pas de penser à Candice, tout ça, tout ça
Matéo | Ça va s'arranger
Lucie | J'espère
Matéo | Reste forte et oublie pas que je suis là pou toi !
Matéo | Je commence à avoir sommeil
Matéo | Tu sais quoi ? Si dans la nuit, tu repenses à un truc, que quelque chose te tracasse, etc. Envoie-moi un message. Même si je dors, je le lirai demain et on en parlera si tu veux
Matéo | Allez, bonne nuit ❤️

C'est adorable. Je lui réponds et finis par m'endormir une heure après.

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