Chapitre 9 - Quatorze ans pour l'éternité
pindariste_
Chapitre 9
Jeudi 11 novembre 2021
Lucie Lambert
Aujourd'hui, je n'ai pas envie d'aller en cours. Je n'ai pas envie de revoir Candice et toute sa bande, et encore moins Diana, me regardant avec pitié, mais sans jamais rien faire. Est-ce vraiment ma meilleure amie ? Je ne lui ai pas envoyé un seul message depuis la dernière fois que je suis allée chez elle, je n'avais pas envie. Je ne comprends pas pourquoi elle ne me défend pas, alors qu'on se connaît depuis si longtemps.
Même avec le soutien de Matéo, Gaetan et Dylan, je n'y arrive plus. Les insultes incessantes me montent à la tête. Je n'arrive vraiment plus à ne pas y penser.
Je me lève. Je ne prends pas la peine d'ouvrir mes volets et pars directement dans la cuisine. Mes deux parents sont au travail. Ça m'arrange à vrai dire, comme ça, je peux partir un peu plus tard que d'habitude. Je prends une brique de jus de pomme et un paquet de biscuits en guise petit-déjeuner. Je remonte ensuite dans ma chambre pour prendre mon porte-monnaie qui était posé sur mon bureau. Je fais mon sac, mais à la place d'y mettre mes affaires de cours, j'y mets à manger et à boire pour la journée. Je m'habille et vais dans la salle de bain. J'ai vraiment une salle tête, ça se voit que j'ai mal dormi. J'ai des cernes énormes sous les yeux. Je passe un gant humide sur mon visage et pars prendre mon sac à dos.
Avant de partir, j'ouvre quand même les volets, et regarde un instant dehors. Le Soleil est en train de se lever, le ciel a pris des teintes rosées, c'est si beau. Je pourrais regarder ce spectacle pendant de longues minutes mais il faut que je parte pour ne pas louper le bus. Le prochain passe dans dix minutes.
J'espère que le collège n'appellera pas mes parents pour mon absence, sinon, je suis fichue. Je dois quand même me préparer une excuse. Ce n'est pas un jour de grève, il n'y a pas d'inondations, il n'y a pas de neige. Pourquoi c'est toujours compliqué de trouver une excuse valable pour être absent en cours ? J'y réfléchirai dans la journée. Je peux toujours faire croire que j'ai vomi ce matin avant de partir. Je ne peux pas le prouver mais ils ne peuvent pas non plus dire que ce n'est pas vrai.
Je descends et sors de chez moi. Je ferme la maison à clé. Je longe l'allée et pars en direction inverse de celle de mon arrêt. Le bus que j'ai décidé de prendre est le 28, et il m'amène non loin de la gare. On doit être à environ 1h de route de chez moi.
Je sors du bus, et aperçois une forêt. Je décide d'aller marcher un peu là bas. J'aime beaucoup la nature, elle m'apaise. Le vent qui souffle dans les feuilles qui ne sont pas encore tombés est fort agréable.
Je m'assois sur un gros rocher, assez plat, et admire un instant ce spectacle. Je mets mes écouteurs et lance ma playlist. Je bois mon jus de pomme et mange un peu.
Soudain, je reçois un message de Matéo. Ça doit être l'entre-cours.
Matéo | Putain, mais t'es où ?
Lucie | Quelque part
Matéo | Non sérieux, je rigole pas. T'es où ?
Lucie | Matéo, je vais bien. Ne t'en fais pas. J'ai juste besoin d'être seule
Matéo | Si, je m'inquiète. Je veux pas que tu fasses n'importe quoi
Matéo | Le prof est pas là, donc je finis à 14h, je te rejoindrai, t'es où ?
Lucie | Non, Matéo, s'il te plaît...
Matéo | Tu m'énerves. Bon, le cours reprend, à plus
Je range mon portable et prends mon cartable. Je décide de sortir de la forêt. Il fait assez bon, un temps d'automne-hiver. Je sors enfin du bois et arrive devant un centre équestre. Je regarde le ciel, il n'y a pas de nuage, puis mon regard retombe sur la carrière. J'ai dû faire quatre années d'équitation dans ma jeunesse, mais je ne connais pas ce centre. Il a dû se construire récemment. Je continue de marcher à travers les écuries et croise une cavalière qui amène son cheval dans le manège. Je la suis de loin et la regarde monter. Elle monte bien, elle doit certainement s'entraîner pour un concours. Je me rappelle une fois, à mon ancien centre équestre, je montais un cheval gris. Elle s'appelait Imprévue. La fille qui montait dans le même cours que moi était malade ce jour-là, donc j'avais eu un cours particulier. On avait sauté. Je me souviens aussi de mon premier concours de CSO. C'était à Saint Sébastien, une belle expérience.
Je continue ma route.
Je rentre dans un autre petit village que je connais. Ma grand-mère habitait ici avant de nous quitter. J'allais chez elle tous les mercredi après-midi, je jouais à la poupée, je dessinais, je l'aidais au potager, j'étais heureuse. J'arrive devant un muret en pierre qui me sépare du fleuve et m'empêche de tomber. Je m'appuie sur la pierre et regarde l'eau couler. Sur l'autre rive, il y a une forêt. Que la nature est belle !
* * *
Je regarde l'heure sur mon portable. Dix-huit heures et toujours pas de nouvelles de Matéo. J'hésite à rentrer. Je passe devant une poubelle et jette les emballages de ma nourriture. Avant d'aller attendre le bus, je décide de passer devant la maison de ma grand-mère. Il y a de nouveaux locataires, mais rien n'a changé. Ils ont laissé le jardin intact. Le potager est bien entretenu, il y a une échelle dans le pommier, c'est beau.
Par chance, je rentre vers dix-neuf heures, avant mes parents. La vie scolaire a laissé un message sur le répondeur, que je supprime. D'après ce qu'ils ont dit, ce n'est pas grave si je ne justifie pas mon absence. J'aurai juste deux heures de colle si j'ai deux autres absences injustifiées en plus.
Je monte dans ma chambre et demande les devoirs à Matéo. Il me les envoie et je les fais.
Matéo | Ça va mieux ?
Lucie | Oui, ça va
Matéo | Tu refais plus jamais ok ? Du moins, sans moi
Lucie | Oui t'inquiète
Matéo | C'est à cause de Candice ?
Lucie | Non
Matéo | Me mens pas, ça se voit. Et je te comprends
Je pose mon portable et le fais charger. Je vais m'allonger sur mon lit et regarde longuement le plafond. J'appréhende demain, j'en ai marre de tout ça.
Une larme coule sur ma joue, puis, une autre...