Chapitre IV - La Terre
Joe Martinez
Sept ans plus tôt
Jane organisa impulsivement une petite excursion en dehors d'Alkmen. Sa destination restait globalement un mystère. Elle n'en connaissait que le nom qu'elle avait entendu de la bouche d'Arvell Overglade : son grand-père et mentor.
En une heure, ses affaires étaient empaquetées dans une valise. En deux heures, elle s'était déjà perdue.
Jane venait tout juste de rater ce qu'ils appelaient un ‘train'. Elle ne savait pas ce que c'était mais elle se lamenta malgré tout sur son misérable sort.
De plus, elle n'arrivait pas à se faire à l'idée que ce monde n'avait aucune arche de téléportation.
« Qu'est-ce qui m'a pris d'entreprendre ce voyage ? De tous les mondes connus, c'est celui avec le moins d'informations à son sujet… Pas étonnant que personne ne veuille jamais s'y rendre… Je ne relaterai jamais cette excursion ! Ça c'est sûr ! » se dit-elle à voix haute.
Jane soupira une énième fois, attrapa son bagage qu'elle avait posé à côté d'elle quelques minutes plus tôt avant de sortir par de grandes portes vitrées.
La rouquine aperçut les ‘voyageurs' dans les salles d'attentes et les habitués assis sur les bancs, le nez dans leur journal. Parfois, ils la suivaient du regard et retournaient à leur lecture une fois qu'ils ne la voyaient plus, parfois, ils ne levaient pas la tête ; beaucoup trop captivés par les Nouvelles.
En ouvrant la porte, elle laissa passer deux charmantes jeunes dames richement vêtues avant d'inspirer une grande bouffée d'air.
Elle profita de la brise chaude de cette après-midi d'été qui effleura sa peau blanche. Les yeux fermés, elle écouta le son des feuilles danser sur les branches, les rires des enfants, l'eau coulant dans la fontaine. Elle réprima un début de migraine en appuyant sur son front, les sourcils plissés. Peut-être avait-elle besoin d'un peu de repos.
La jeune femme se dirigea machinalement vers ce qui lui sembla être le centre-ville.
Elle regarda les marchandises diverses et les breloques que vendaient des commerçants aux airs les plus grotesques qui soient.
Puis, elle s'attarda sur les pigeons marchant sur leurs petites pattes le long des trottoirs, cherchant vainement un bout de pain qu'un passant aurait laissé tomber par mégarde. « C'est fantastique » s'exclama-t-elle.
À seize heures, quand la cloche de l'église sonna quatre coups, elle trouva un parc. Jane s'assit sur le premier blanc qu'elle trouva. Il était un peu vieux, paraissait abîmé par les saisons ainsi que toutes sortes de péripéties.
Elle fixa les hauts arbres dont les larges feuilles lui offraient une ombre rafraîchissante et apaisante.
C'est là qu'elle décida de s'allonger pour faire une sieste. « Une dizaine de minutes et ensuite, j'explorerai ce nouveau monde » se murmura la jeune femme.
Elle s'endormit rapidement, les bruits alentours ne la perturbèrent pas le moins du monde. Ce ne fut qu'une question de temps avant qu'elle ne plonge dans un profond rêve.
Le vent qui bousculait les branches fut remplacé par le doux son des vagues. Elles s'échouaient calmement sur la plage.
Les oiseaux entonnaient quelques chants agréables aux oreilles pendant que ses poumons s'imprégnaient de l'air pur, propre à celui de l'océan. Elle se délecta de cette senteur qu'elle appréciait tout particulièrement.
Ses pas la guidèrent machinalement sans qu'elle n'en ait le contrôle. D'abord sur la plage puis jusqu'à ce qu'elle sente les tendres va-et-vient de l'eau lui caresser les jambes et le sable se faufiler entre ses orteils.
Le vent revint. Il se mit à souffler, balaya ses lourdes boucles rousses. Enfin, plus violemment, en bourrasques, il la contraignit bientôt à se battre contre lui. Il était devenu menaçant et la balançait tantôt à droite, tantôt à gauche.
Le ciel se teinta d'un gris orageux pendant que la mélodie des oiseaux se tût d'une seule traite, laissant place à des sifflements stridents et des croassements rauques.
Les vagues devinrent lentement plus fortes, la frappant jusqu'aux genoux, puis aux cuisses et finalement monter jusqu'à sa taille. L'une d'elle la fit tomber sans problème.
Elle se releva de nombreuses fois, luttant contre vents et marées jusqu'à ce que son corps s'épuise. Ses genoux la lâchèrent en premier. Ses forces abandonnées, elle ne put résister plus longtemps aux courants froids qui l'entraînèrent au loin.
Là-bas, la mer était plus forte, plus déchaînée, indomptable. Elle finit par être suffisamment éloignée du rivage pour ne plus le percevoir.
Une pluie gelée commença à battre l'eau, la frappant, elle aussi, de ses lourdes gouttes froides tandis que la foudre et le tonnerre ravageaient le ciel. Le vacarme de milliers d'éclairs déchirant les nuages vint siffler à ses oreilles. Tout se passa si vite qu'elle ne put se rendre compte de la situation distinctement.
Elle sentit toutefois cette immense vague s'abattre sur sa pauvre tête et la terrasser. Son mouvement l'entraîna encore plus loin et plus profondément.
Ses membres devinrent plus raides et lourds. Ses poumons s'engorgèrent d'eau au fur et à mesure. Tantôt, elle inspirait une grande bouffée d'air lorsqu'elle le pouvait. Tantôt, elle devait retenir sa respiration lorsqu'elle se retrouvait sous les vagues. Elle haletait, tentant de discerner lorsqu'elle était à la surface et lorsqu'elle ne l'était plus.
Les jambes de la jeune femme battaient anxieusement contre les courants malgré la fatigue. Dans le même élan de survie, ses bras tentaient de la pousser à la surface.
Jane n'avait aucun appui sur lequel se propulser pour remonter. Elle eût l'impression qu'une longue main l'attrapait par la cheville et la tirait vers les profondeurs pendant qu'un millier d'autres la poussaient dans tous les sens.
Jane paniqua. Son cœur se mit à battre plus fort. Elle allait mourir, elle en était certaine.
Ce ne fut qu'à cet instant précis, lorsqu'elle sentit sa fin approcher, qu'elle fut propulsée dans une épaisse forêt sombre et glacée.
La rouquine reprit son souffle en s'écroulant au sol, le cœur toujours battant.
Son corps ne semblait pas avoir souvenir de la guerre interminable avec l'océan. Il se mouvait sans problème, aucun de ses muscles ne la tiraillaient. Seul son esprit était épuisé.
Elle se sentit libérée et tellement vivante.
Et cela, malgré la présence malfaisante qui la faisait frissonner. Elle la sentait l'observer dans son dos et se délecter de sa terreur. Elle réfléchit en une fraction de seconde à une stratégie de fuite fiable, mais elle en fut incapable.
Fallait-il qu'elle coure ? Ou bien qu'elle se batte ?
Une odeur de fumée lui chatouilla les narines. Elle jeta un œil aux alentours et aperçut une petite silhouette assise à côté d'un feu de camp.
La présence disparut à mesure que le feu venait à elle, ou bien qu'elle vînt à lui, elle n'aurait su le dire.
Quelques rayons de soleil percèrent alors les branches noires, l'épais brouillard qui l'entourait se dissipa aussitôt et elle perçut nettement le feu, ondulant légèrement.
La silhouette prit forme, se retourna et offrit à la jeune femme une place à côté d'elle.
Elle ne refusa pas la proposition et s'accroupit pour profiter de la chaleur apaisante.
C'était agréable de sentir ses mains se réchauffer, ses jambes et enfin son âme. Elle en oublia les désastreuses aventures précédentes en souriant comme si tout cela ne s'était jamais produit.
La silhouette se transforma petit-à-petit, dévoilant les traits fins et creusés d'un jeune homme d'une vingtaine d'années. Il la fixait silencieusement, comme s'il voulait garder cet instant en lui-même. Tous deux restèrent ainsi dans la pénombre pendant un certain laps de temps.
Un chuchotement vint rompre cet instant mystérieux, se transformant en écho puis en cri. L'air redevint froid et glacial. Jane se leva d'un bond.
La jeune femme se trouvait à nouveau sur le banc du parc. Elle prit une longue inspiration, calma -aussi bien qu'elle le put- les palpitements de son cœur puis elle regarda autour d'elle. Elle se trouvait dans le parc dans lequel elle s'était endormie, même si visiblement des heures entières s'étaient écoulées.
Par prévention, elle toucha sa poitrine, ses bras et aussi son visage, bien plus pâle qu'à l'accoutumée. Elle observa ses mains et en compta les doigts « Dix ! Parfait ! Je suis éveillée ! ».
Jane posa une main sur son front brûlant, sentant la sueur couler le long de ses tempes avant de glisser sous son menton.
« Quel horrible cauchemar » se dit-elle.
La rouquine remarqua qu'on l'observait. Aussitôt, elle se posta sur ses deux jambes, prête à attaquer.
« Allez-vous en espèce de pervers » cria-t-elle.
Ce fut un enfant aux cheveux d'un noir de jais qui s'avança vers elle. Il la fixa silencieusement de son seul œil, l'autre était recouvert d'un tissu sale.
« Vous savez que c'est dangereux de s'endormir dans un lieu public ? Ou vous êtes juste inconsciente » demanda-t-il les mains dans les poches.
« Venant d'un enfant… C'est culotté… » lui répondit la jeune femme.
Ils se regardèrent dans le blanc des yeux. Elle se frotta les bras pour les réchauffer, la chair de poule décorait sa peau de poils hérissés. Elle se rassit en attendant qu'il parle mais il ne dit rien de plus.
« - Quelle heure est-il, marmonna-t-elle alors
- Il est dix heures, répondit-il calmement
- Du soir ?
- Évidemment, du soir. Il fait nuit ! Vous vous êtes cogné la tête M'dame ? »
L'enfant s'approcha pour l'ausculter, elle lui fit signe de s'arrêter là où il était. Obéissant, il n'avança pas plus et croisa les bras sous sa poitrine.
« - Vous savez. On vous aurait volé si je ne vous avais pas réveillée. Même si, ajouta-t-il en frappant sa valise, elle n'a pas l'air d'avoir beaucoup de valeur…
- Eh ! Doucement ! Espèce de grand insensible ! »
Il la regarda curieusement. Il observa les traits de son visage, ses épaisses boucles tombantes, ses vêtements et sa posture.
« - Vous n'êtes pas d'ici, M'dame ? Je ne vous ai jamais vue
- Non, hélas. Je viens d'A… De Loin, se coupa-t-elle en s'exclamant
- D'où, répéta-t-il sans comprendre
- J'ai dit ‘de loin' ! Toi, tu habites ici ?
- Oui, pourquoi ça ?
- Tu ne connaîtrais pas un endroit où je pourrais dormir par tout hasard ?
- Il y a une auberge plus loin, s'enquit-il le sourire aux lèvres. Évidemment, ce n'est pas gratuit… Mais… Pour vous M'dame, l'escorte est offerte !
- Je vais juste me rendormir sur ce banc, annonça-t-elle après un long silence
- Il n'a pas l'air confortable
- Il est bien plus confortable qu'il n'en a l'air ! Aller ! Du vent, le chassa Jane
- L'argent vous manque M'dame ?
- J'allais le formuler autrement, mais oui c'est ça.
- Mais qui voilà, gloussa une voix grasse »
Ils se retournèrent. Derrière eux, un garçon blond d'environ seize ans manifesta sa présence. Il était accompagné de cinq autres jeunes gens -approximativement du même âge- qui s'attroupèrent autour de Jane et de son inconnu.
Il fourra ses maigres mains dans ses poches, puis il les toisa agressivement.
« - C'est Dufour, ricana l'un d'eux dont la morve lui coulait au nez. On dirait qu'il essaie de se trouver une petite amie !
- T'es bête ou quoi, l'insulta le blond »
Le garçon se tût par embarrassement. Il écrasa son menton dans son cou gras, le rouge aux joues.
« - Il paraît que tu essaies de récupérer des touristes pour ton auberge Dufour, rigola le chef.À ce qu'on dit, vous n'avez plus rien pour garder votre taudis. Ne t'inquiète pas ! Quand vous serez dehors à mendier comme des clébards, on te donnera une petite pièce ! »
Le groupe éclata de rire. Ils se rapprochèrent, menaçants, en tapant dans leurs poings pour signifier la suite des évènements.
Jane observa la scène rapidement, tentant de comprendre la situation, le ‘pourquoi du comment' sans y parvenir.
« - Qui sont ces imbéciles, chuchota-t-elle audit ‘Dufour'
- Des boulets, lui répondit-il en haussant les épaules
- Et tu les traînes souvent ?
- Ils ont tendance à s'inviter d'eux-mêmes. On s'y fait, lui assura-t-il avec lassitude
- Alors qu'est-ce qu'on te fait aujourd'hui Dufour, rigola l'une des brutes
- On pourrait l'enfermer quelque part, suggéra l'un d'eux dont le visage était recouvert de pustules
- Vous l'avez déjà fait hier, soupira Dufour. Je commence à me dire que vous avez perdu la main…
- Quelle bonne idée, s'exclama le blond. Ça fait longtemps qu'on a pas utilisé nos mains… Ça nous évitera de nous creuser la tête ! »
Jane se pencha vers l'enfant et lui demanda s'ils le frappaient régulièrement. Il répondit que c'était comme une douche froide « désagréable mais avec le temps, c'est moins pénible qu'on ne le pense ».
La rouquine remonta disgracieusement ses manches, puis elle poussa ‘Dufour' derrière-elle si fort qu'il fut projeté sur le banc. Ce-dernier la regarda en écarquillant les yeux.
« - M'dame, ne restez pas là. Ça ne vous concerne pas, cria-t-il
- La mégère est en colère, s'amusèrent les brutes
- La mégère va éclater ta sale tête d'avorton, le rectifia Jane
- Dufour a raison. Ça ne vous concerne pas, fit le blond agacé. Les étrangers devraient vraiment se mêler de leurs affaires, sérieusement…
- J'en ai mâté des plus coriaces que vous bande d'ignorants ! »
Dufour attrapa la rouquine par la main, la valise dans l'autre, quelques secondes avant qu'elle ne saute sur le petit groupe.
Il l'entraîna en dehors du parc en courant pendant que le groupe pouffait. Le chef lança tout-de-même une dernière menace : « On te retrouvera Dufour ! C'est une petite ville ici ! ». Puis, ils partirent dans la direction opposée.
Le jeune garçon garda sa paume longuement dans celle de Jane pendant qu'ils marchaient.
Il jeta un coup d'œil vers la rouquine. Cette-dernière était à bout de souffle. Jamais elle n'avait été si fatiguée à cause d'une simple course.
Son ombre, quant à elle, se dessinait sur les pierres à la lueur de la flamme vacillante d'un lampadaire. Un vent frais vint caresser son visage et la fit greloter. Jane essuya la sueur de son visage d'un revers de manche, elle effleura ensuite son front brûlant mais décida de ne pas en tenir compte.
Sa gorge se resserra, devint sèche et l'empêcha de respirer convenablement. L'air peinait à arriver jusqu'à ses poumons.
Puis, dans un long soupir, Jane perdit connaissance.
Elle entendit la voix du garçon l'appeler à plusieurs reprises pendant qu'elle sombrait dans une sorte de transe.
L'enfant traîna péniblement son corps dans le coin sombre d'une ruelle et se glissa derrière son dos. Il posa la tête de la jeune femme contre son torse, observa les alentours et chuchota à son oreille. « Réveillez-vous M'dame. S'il vous plaît… ».
Il craignait qu'elle ne soit morte à cause de lui. Dufour se mit à pleurer, croyant être devenu un meurtrier. Ses larmes chaudes tombèrent sur les joues de Jane.
Celle-ci était retournée dans son rêve.
Elle était à nouveau dans la forêt. Le feu en face d'elle s'était éteint, il n'en restait plus que des braises froides. L'écho qu'elle avait entendu auparavant s'était évanoui. Et le jeune homme avait disparu.
La rouquine s'avança dans la pénombre, elle ne pouvait pas même distinguer son propre corps.
Soudain, ses muscles se crispèrent. Chacune de ses articulations tressaillit lorsqu'elle sentit la présence revenir. Un long frisson lui parcourut l'échine.
Elle entendit une voix rauque prononcer son nom. Deux lourdes mains, congelées, maigres et sèches se posèrent sur ses épaules. Elle eut l'impression qu'un mort venait de l'attraper. Jane resta tétanisée ainsi. La peur lui prenait les entrailles.
Chacun de ses membres lui hurlaient de fuir mais son corps ne lui obéissait plus. Ne sachant trop quoi faire dans ces circonstances, elle s'aventura à balbutier une simple question : « Qui êtes-vous ? ». Elle attendit une réponse claire, mais rien ne lui répondit à l'exception d'un hurlement grave au creux de son oreille lui percer les tympans. Une langue claqua.
Puis le silence. Un long silence qui lui sembla durer une éternité.
Elle sentit un souffle fétide s'approcher et lui chuchoter : « Le déséquilibre te perdra… Tu es ici depuis bien trop longtemps. Fuis ! ».
Jane sursauta. Elle était toujours adossée au garçon, l'œil gauche rougit par les pleurs.
Elle se sentait faible. Son corps était complètement engourdi. La migraine la plia en deux au point qu'elle désirait s'arracher la tête. Son visage était d'une pâleur presque cadavérique. Les murs tournaient autour d'elle pendant que ses entrailles remuaient. Elle crut un instant qu'elle allait vomir, mais rien ne sortit de son estomac.
La rouquine ne se souvint pas de son rêve. Son instinct en revanche savait qu'il lui fallait partir le plus vite possible.
« - Tu devrais rentrer chez toi, peina Jane
- Je ne vous laisserai ici !
- Je ne peux pas rester…
- Je suis désolé de vous avoir causé des problèmes M'dame, chuchota-t-il tristement
- Tu n'as rien fait de mal… »
Jane se releva douloureusement. Elle tituba un peu avant de retomber au sol sur ses genoux.
Elle prit appui sur un bout de bois tout en traînant sa valise derrière elle. L'étrangère abandonna l'enfant derrière elle et déambula quelques minutes dans la rue.
Elle trouva finalement un cul-de-sac, puis vérifia en un coup d'œil si elle était seule.
La jeune femme brisa le silence en récitant d'étranges incantions. Sa main tremblante dessina un grand cercle recouvert d'écritures lumineuses. Lorsqu'il fut bouclé, le mur devant elle disparut comme par enchantement pour laisser place à une plaine verdoyante.
Jane se laissa glisser de l'autre côté, elle s'étala sur l'herbe fraîche avant de perdre connaissance à nouveau. Elle était enfin en sécurité et allait devenir un vague souvenir pour ceux qu'elle avait croisés.
Le garçon, qui l'avait suivie, avait observé toute la scène en cachette. Il n'en croyait pas son œil. Était-il trop fatigué ? Délirait-il ? Ou bien cette femme était une sorcière ?
Il se frotta les yeux comme pour faire disparaître le cercle lumineux de sa rétine, sans effet. C'était bien réel.
« Ce serait pas Dufour » dit une voix derrière lui.
Le concerné se retourna en sursaut. Il aperçut -à une centaine de mètres- le groupe de brutes.
Le blond le pointa du doigt et la seconde d'après, ils courraient tous dans sa direction. « On va te faire la peau Dufour ! » entendit-il.
Il chercha du regard une issue, des prises à escalader pour fuir, sans qu'aucune issue ne se présente à lui.
Sans réfléchir, il se rua jusqu'au fond du cul-de-sac. En quelques enjambées, il atteignit la porte de runes et la traversa d'un saut. Il roula quelques mètres sur les plaines vertes, puis il se releva.
Les inscriptions sur le mur disparurent et avec elles la porte de runes, Jane et le jeune Dufour.
Le blond et son groupe retournèrent la rue sens dessus dessous. « Il est passé où » hurla l'un d'eux.
« Il n'a pas dû se cacher bien loin » suggéra un autre.
« Trouvez-moi ce bouffon ! Trouvez-moi ce foutu Gabriel ! » cracha leur chef.