Chaque jour, une orchidée

My Martin

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16 avril 1869. Marguerite Jeanne Japy naît à Beaucourt (Territoire de Belfort) ; à 15 km de Montbéliard (Doubs) et 28 km de Belfort 

 

Marguerite est issue d'une famille de riches industriels (les machines à écrire Japy), longtemps associés de la famille Peugeot 

 

La fille  

d'Édouard Louis Frédéric Japy 1832-1888, agronome et industriel protestant 

et d'Émilie Rau 1844-1908 -fille d'aubergiste  

 

et la sœur aînée d'Eugénie Adèle Caroline Émilie Japy 1873-1955 

 

Marguerite (Meg) reçoit l'éducation soignée d'une jeune fille de la bonne bourgeoisie provinciale 

 

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Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), où vit sa sœur Eugénie. Âgée de vingt ans, elle rencontre Adolphe Steinheil 1850-1908. Peintre portraitiste ; miniatures, fresques, restauration des vitraux dans les églises 

Neveu du peintre Ernest Meissonier 1815-1891 -peinture historique militaire ; réalisme historique, courant académique « pompier ». Époux d'Emma Wilhelmine Nathalie Jenny Steinheil 1817-1888 

 

9 juillet 1890. Mariage à Beaucourt, au temple protestant  

 

25 juin 1891. Paris (15e). Naissance de leur fille, Marthe Adèle Jenny (1891-1931). En 1911, elle épousera le peintre Raphaël Séraphin del Perugia (Odessa, Ukraine, Empire russe, 1887-1915)  

 

Peintre académique, Adolphe ne vend pas 

Le couple se désunit. Marguerite et Adolphe ne divorcent pas et chacun de leur côté, mènent une vie libre 

 

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Marguerite est une figure importante de la vie parisienne ; elle reçoit 

Ferdinand de Lesseps 1805-1894 

Charles Gounod 1818-1893 compositeur 

Émile Zola 1840-1902. 13 janvier 1898. L'écrivain adresse à Félix Faure, sa célèbre lettre ouverte « J'accuse… ! ». Il dénonce la machination contre le capitaine Albert Dreyfus, accusé à tort d'avoir livré des documents à l'Allemagne 

Jules, Massenet 1842-1912 compositeur 

François Coppée 1842-1908 poète et dramaturge 

Pierre Loti 1850-1923 

 
 

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1897. Chamonix (Haute-Savoie). Marguerite est présentée au président Félix Faure (1895-1899). Il confie une commande officielle à Adolphe  

 

Félix Faure se rend souvent 6 bis, impasse Ronsin (15e). Une voie du quartier Necker. Dans la villa du couple Steinheil  

L'entrée de la voie se situait entre le 150 et 152, rue de Vaugirard. Années 1980. Voie absorbée par l'agrandissement de l'hôpital Necker-Enfants malades 

 

Marguerite devient la "connaissance" du président ; elle le rejoint régulièrement, au palais de l'Élysée 

Le salon bleu. Rez-de-chaussée. Porte dérobée. Pièce discrète. Divan 

Le président accorde à Marguerite, des audiences plus particulières 

 

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La cote des tableaux d'Adolphe s'envole  

Nombreuses commandes officielles 

Les œuvres, qui se vendaient 300 francs, atteignent 30 000 francs-or 

 

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Jeudi 16 février 1899. Pierre Darmon, historien de la médecine. Allongé sur le divan, fellation -"la pompe funèbre". Pantalon et caleçon sur les chevilles. Le président meurt dans les bras de Marguerite, « en lui faisant l'offrande des dernières étincelles d'une voluptueuse agonie » 

 

A l'époque des faits, ce scandale demeure partiellement caché à l'opinion publique  

 

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Selon d'autres versions. Vers seize heures, le président reçoit la visite du prince Albert Ier de Monaco (1848-1922. Explorateur, passionné des océans) ; il défend le capitaine Dreyfus et argumente pour la révision du procès 

Le président ne veut plus entendre parler de cette histoire. La France est divisée en deux camps opposés. Républicain modéré, Félix Faure est hostile à la révision du procès -ne pas humilier l'armée française 

 

La santé du président est médiocre. Consommation inappropriée d'aphrodisiaques ? Il est oppressé, stressé. Il n'arrive pas à respirer 

Il va voir Marguerite Steinheil dans le salon bleu. Il en ressort, avec son valet. Il s'allonge sur le canapé de son bureau. Sa femme le rejoint, sa fille, son médecin  

Il est trop tard. Attaque, apoplexie (hémorragie cérébrale). Vingt-deux heures. Félix Faure décède (58 ans)  

 

 

La mort de Félix Faure lance la carrière mondaine de Marguerite  

Notoriété est flatteuse  

Marguerite est la maîtresse de personnalités importantes 

 

7 avril 1908. Adolphe Steinheil expose des toiles dans son atelier. Le Tout-Paris accourt ; on espère apercevoir Marguerite 

 

 

Samedi 30 mai 1908. Mme Émilie Japy, la mère de Marguerite, séjourne chez sa fille, impasse Ronsin, à Paris  

Dimanche 31 mai 1908. Six heures du matin. Rémy Couillard, le domestique, descend de sa chambre, sous les combles  

Les portes du premier étage sont ouvertes  

Parcourant les chambres, il découvre les corps de Mme Japy puis du peintre Steinheil  

 

Mme Japy (64 ans) est décédée d'une crise cardiaque 

 

Vêtu de sa chemise de nuit, Adolphe Steinheil (58 ans) gît dans son cabinet de toilette, étranglé par une cordelette nouée autour de son cou 

Sépultures de la famille au cimetière de l'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne) 

 

Ligotée sur un lit, Marguerite, bâillonnée. "Elle a été attachée par trois personnes, vêtues de noir. Deux hommes et une femme rousse" 

 

Rémy Couillard appelle la police 

 

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Une enquête est ouverte 

Marguerite a organisé l'assassinat de son mari, puis maquillé en crime crapuleux ? 

Les voleurs voulaient mettre la main sur des documents du président Faure, conservés par Marguerite, en rapport avec l'affaire Dreyfus ? 

 

Marguerite accuse le valet de chambre Rémy Couillard ; il lui a dérobé un collier de perles 

Elle accuse Alexandre Wolff, maquignon. Le fils de Mariette, la gouvernante et cuisinière des époux Steinheil. Il a un alibi 

Elle s'accuse elle-même. Se rétracte 

 

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Mercredi 4 novembre 1908. Le juge d'instruction, Joseph Leydet, fait arrêter Marguerite 

Prison Saint-Lazare. 107, rue du Faubourg-Saint-Denis (10e). Quartier de la pistole -cellules individuelles. Les détenues sont traitées avec certains égards  

Marguerite y passe trois cents jours 

 

Nouveau juge d'instruction, M. André 

 

 

Juin 1908 à la fin de l'année 1909. L'affaire est médiatisée, en raison de la personnalité de Marguerite, de sa relation avec le président Faure  

 

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22 décembre 1894. Le capitaine Alfred Dreyfus (35 ans) 1859-1935, accusé à tort d'avoir livré à l'Allemagne des documents militaires secrets, a été condamné au bagne à perpétuité 

 

L'opposition anti-dreyfusarde cherche à faire de cette affaire, un procès politique 

Elle accuse Mme Steinheil d'avoir empoisonné Félix Faure, pour le compte du « syndicat juif » -il voulait faire signer au président Faure, la révision du procès de Rennes et la réhabilitation du capitaine Dreyfus 

Le président Faure s'était déclaré hostile à la révision du procès  

 

9 septembre 1899. Le procès est révisé. La Cour de cassation annule sans renvoi le jugement du Conseil de guerre 

12 juillet 1906. L'innocence de Dreyfus est reconnue par la Cour de cassation 

 

 

Mercredi 3 novembre 1909  

Paris. La foule, devant le palais de justice 

Cour d'assises, le procès (dix-huit mois)  

Président, M. de Vallès  

Marguerite est défendue par Maître Antony Aubin, assisté de Maître Landowski 

 

Marguerite. Ses contradictions 

Le président du tribunal. Ces explications sont un « tissu de mensonges » 

 

Samedi 14 novembre 1908. Maître Antony Aubin plaide pendant sept heures 

 

Marguerite est acquittée  

 

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Pendant son procès, Marguerite reçoit chaque jour une orchidée, envoyée par un admirateur anglais, lord Robert Brooke Campbell Scarlett, 6th Baron Abinger (33 ans) 1876-1927 

 

 

La réputation de Marguerite est atteinte 

Elle part vivre à Londres, sous le nom de Mme de Sérignac 

 

1912. Eveleigh Nash Publisher, 36 King Street, Covent Garden, London. Madame Steinheil publie "My Memoirs" 

 

26 juin 1917. Marguerite épouse lord Robert Brooke Campbell Scarlett, 6e baron Abinger  

Marguerite, lady Abinger (1917-1954. 37 ans)  

 

1927. Lord Abinger (51 ans) décède. Pas d'enfants. Le titre passe à son plus jeune frère, Hugh (lieutenant-colonel 1878-1943) 

 

18 juillet 1954. Royaume-Uni (côte sud). Sussex, Hove. A l'ouest (3 km) de la ville voisine de Brighton 

Lady Abinger (85 ans) 1869-1954 décède  

Crémation ; cendres dispersées 


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