Charles IV : la valse du pourvoir - extrait

Lucie Debrock

Extrait de la pièce "Charles IV : la valse du pouvoir" écrite et mise en scène par Lucie Debrock. Disponible aux Editions Edilivre. Reproduction et récupération interdite sans accord de l'auteure.

ACTE I

Scène 7

Franck, Charles, Léonie.

Entre Franck.

FRANCK

Qui a dit qu'un plan n'était pas aisé à mettre à exécution ? Je ne le sais, et en suis bienheureux ! Ce serait folie d'affirmer haut et fort que j'ai commencé à dresser les esprits de mes frères contre notre aîné. Mais ce serait de même de me le cacher à moi-même. Fratrie fut-elle jamais écrasée de cette façon, réduite aux soupçons des uns envers les autres par la seule force de mon discours ? La bassesse d'esprit de mes frères éclatera rapidement au grand jour, lorsque je porterai fièrement l'étendard de mon Royaume au-dessus de ma tête. Mais cessons les divagations. La nouvelle du couronnement de Charles commence à se répandre, et bientôt va s'abattre ma carte la plus précieuse.

Franck sort. Décor de chambre. Léonie est assise et occupée. Entre Charles.

CHARLES 

Avant que cela ne vous vienne aux oreilles d'une autre voix que la mienne, sachez ma chère que nous serons tous deux couronnés Roi et Reine de ce Royaume d'ici deux jours. Léonie se redresse.

LÉONIE

Comment ? Ne disiez-vous pas, pas plus tard qu'hier, que ce couronnement pouvait attendre ?

CHARLES

Par malheur, si, mais je crains qu'il ne soit pas du goût de tout le monde dans ce château que je procède à un deuil digne de la mémoire de mon père.

Il vient s'asseoir aux côtés de Léonie et plonge son regard dans le vide.

CHARLES

Oh, si seulement cette maudite couronne ne m'était pas destinée.

LÉONIE

Ne dites pas cela. Ce titre vous revient de droit, et vous…

CHARLES

Certes, me revient-il de droit, mais ai-je vraiment les épaules pour porter un tel poids ?

LÉONIE

Ne voyez-vous donc ce pouvoir de justice que comme un fardeau, et non l'honneur dont il vous pare ?

CHARLES

Dont il m'afflige !

LÉONIE

N'avez-vous jamais auprès de moi tenu tous ces discours, m'expliquant que vous partiez risquer votre vie pour la gloire de ce Royaume ?

Elle attrape Charles par les épaules.


LÉONIE

N'avez-vous jamais souhaité que votre fils amené à naître soit fier du père qu'il a ? Ne souhaitez-vous donc pas que cet enfant hérite un jour de ce trône ?

CHARLES

Mais je n'ai jamais été aussi torturé de recevoir les honneurs. Léonie…

Il marque une pause.

CHARLES

J'ai cauchemardé, plusieurs fois depuis mon retour. Je suis debout, sur une étendue de terre interminable. Je ne la vois pas, il fait bien trop noir. Je crois entendre la voix de mes frères à l'horizon. Tout d'abord Franck, puis Henri. Un cri. Arthur me hurle de me retourner, de prendre garde. Je n'ai pas le temps de réagir qu'une lame vient pénétrer mon torse. La douleur est intense. Je la vois, elle est là, dépasse de mon corps comme un pieux. Je sens que je vais mourir, et je tombe à genoux. Arthur tombe à ma droite, il pousse un cri qui déchire le ciel. Je veux l'aider, mais je ne peux pas bouger. Mes mains tremblantes frôlent le sol, et je les relève devant mes yeux, pleines de sang chaud, avant de m'effondrer. Ô que je suis tourmenté par ces images !

LÉONIE

Allons, mon ami, ne vous laissez pas abattre par ces songes sans sens.

CHARLES

Et s'ils en avaient ? Cette couronne ne semble bonne qu'à me pousser vers la mort.

LÉONIE

Songez un instant au bien que cela apportera au pays. Quelle vague de fraîcheur déferlera dans les rues, lorsque vos sujets, et vos frères, tous trois biens vivants, vous verront ainsi paré d'un cercle d'or qui viendra enlacer vos tempes faites pour gouverner ! Ne vous laissez pas mener par ces tourments de Morphée.

CHARLES

Vous semblez tous avoir plus confiance en moi que je n'aie moi-même confiance en moi.

LÉONIE

Eh bien tâchez de vous réconcilier avec vous-même. Car vous n'êtes plus le bambin apeuré en entendant le hurlement du loup.

CHARLES

Il semble que bien que je tente de me convaincre, vos mots aient plus de force que ceux que je me répète inlassablement. Charles attrape les mains de Léonie et la tire afin qu'elle vienne s'asseoir à côté de lui.

CHARLES

Demain, vous et moi ne serons plus simplement Prince et Princesse, mais dotés d'une influence bien plus lourde.

LÉONIE

Ne soyez pas effrayé. Votre couronnement ne pourra qu'apporter le bien en ces temps.


FIN DE L'EXTRAIT

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