Chez Caroline

emilka

Toi.

Moi.

Et tout en bas,

Les bois

Pleins de flaques

Et de foi

En des choses

Qui n’existent…

Qui n’existent…

Non, qui n’existent pas.

C’est le bois

Et ses voix

Qui parfois

Au détour d’une plaque d’hiver

Qui fait « crac ! » sur la piste

Comme un verre ou un kyste

Que l’on broie sous le pas,

C’est la forêt de voix,

Voix qui se muent parfois

En cris de Christ en croix.

Vois le froid qui claque

Sur mes joues de laque

Et de bois.

Comme il nous niaque ce vent-là !

Ce soir, les troncs sont noirs comme

Tous les soirs où le jour ploie

Et s’en va con et sans loupiote.

Il pluviote de petite crottes d’eau et d’âme

Qui se déposent sur nos nez et sur nos bottes.

Venez madame – entrons petiote ! – et faisons fi !

Faisons fi, ma jolie, ma hulotte.

Le gui, rond fruit d'azur,

Pâleur de morte,

Le gui, disais-je,

buisson-glaçon,

Buisson gris neige,

Nous nimbera

d’une aura dure

Couleur de piège.

Buisson-glaçon de mauvaise augure.

Toi. Moi. Et les bois, tout en bas.

Les feuilles fortes

Son notre escorte qui rougeoie.

Sens-tu la terre

Gorgée de pluie,

Ami qui rit et qui blatère ?

C’est la folie qui nous pénètre et nous chatouille le derrière.

C’est la nuit qui nous darde,

S’introduit dans nos cous.

Rentrons-nous ?

Non ! Regarde !

Le saindoux, la moutarde

Des glands tombés qui tardent

A fondre en humus roux.

La moutarde écœurante,

La mort lente des feuilles

Descendues trop en bas, trop au seuil.

Ces gros tas monotones sont rouges,

Veux-tu savoir pourquoi ?

Un gros loup gris qui mange

Ou qui mangeait, du moins, les filles du village

Avec seize printemps et presque pas de seins,

En mangea une, un soir, un soir tel celui-là,

Puis, on ne sait comment, il recracha le corps en morceaux dégoutants

Sur ce grands tapis gras fait de feuilles tout or.

Et abracadabra – c’est abracadabrant ! – maintenant, elles sont sang,

Et ni enfant ni grand ne l’explique tout fort…

Tu as tort d’avoir peur, c’est un leurre !

C’est un loir, pas un loup, et la fille est ici, quelque part !

C’est dommage

De rentrer,

Il n’est pas encore

Tard.

Et ce soir était fort parmi les soir d’hiver…

Quittons donc les taillis,

Guillerets mais salis

De boue qui rafraîchit et de nuit qui effraie.

Quelle chance d’être là !

Là où meurt la raison !

Enfin, de tardons pas,

Regagnons la maison.

Notre chanson prend fin

Dans les bois qui ruminent

La nuit très assassine,

Sombre avec violence,

Noire avec violine

– car la nuit des collines

est un violet intense –

La nuit chez Caroline…

Caroline…

Caroline…

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