Christmas Carole (6/6)

Olivier Verdy

Une petite fille profite des festivités de Noël en cherchant un cadeau pour son frère. Elle se montre naturellement gentille, ce qui, en cette période pourrait s'avérer magique.

Sa mère la regarde puis la serre fort dans ses bras.

— Je ne pense pas, je ne sais pas.


Afin de diminuer un peu la tension émotionnelle, la grand-mère propose à «Ca» d'aller chercher quelque chose dans la voiture, à grignoter si sa mère a faim ou une veste peut être si elle a froid ? Ou alors peut-être que «Ca» et sa mère pourraient aller marcher dehors quelques instants pour prendre l'air pendant qu'elle attend. Ne voulant pas abandonner son poste stratégique au cas où un docteur viendrait, la mère de «Ca» décline poliment car les nouvelles ne devraient plus tarder. Un silence s'installe, pesant. Les trois femmes regardent devant elles, le regard peu ou prou perdu. Toutes pensent à Charles et aux conséquences éventuelles de son état.


C'est d'un bond que se lève la maman de «Ca» à la vue d'un docteur qui semble se diriger vers elle. En trois pas, elle est devant l'homme en blanc — crocs inclus — le regard aussi interrogateur que sa parole. Le temps que «Ca» et sa grand-mère les rejoignent, le ton rassurant et rempli de précautions est déjà entrain de se déverser. Le médecin n'en sait pas plus pour l'instant. Les examens ont été faits et le docteur Lamaison est arrivé. On les préviendra dès que ce sera possible. Le petit va, en tout cas, rester là cette nuit et ils vont faire préparer une chambre. Sa maman pourra dormir ici si elle le souhaite. Cela dit, la bonne nouvelle est que Charles est stabilisé et qu'il se repose. Elles pourront le voir très bientôt. En attendant, il leur est conseillé d'aller s'aérer, peut-être récupérer des affaires pour la nuit et de grignoter.


Une fois le docteur parti, et contenant difficilement les perles qui gonflent ses yeux, la maman de «Ca» propose d'aller marcher et de prendre les vêtements dans la voiture avant de prendre possession dans la chambre. Une bonne heure plus tard, elles sont revenues et regardent la télévision sans dire un mot. Un petit sommier pliant été installé à côté du grand lit de patient. Les affaires sont rangées dans une armoire. Le programme diffusé sert d'excuse pour ne pas parler. Même «Ca» ne trouve rien à dire. Charles est malade. Il va passer la nuit à l'hôpital. Sa mère va aussi rester avec lui. Elle va rentrer seule avec sa grand-mère à la maison. Cet anniversaire va être bien triste. C'est perdue dans ses pensées que «Ca» sursaute quand on toque à la porte. Cette dernière s'entrouvre et une voix féminine demande à sa mère de venir quelques instants. Celle-ci s'exécute et la porte se referme. La fillette, remise de sa surprise, se rapproche de sa grand-mère et par la même occasion de la porte, sans pour autant entendre quoi que ce soit à la conversation qui se déroule derrière. L'attente, interminable pour la famille, n'est même pas compensée par la diffusion des publicités, sans le son, sur le poste de télévision.

Avant même que la porte s'ouvre entièrement, les deux têtes se tournent vers la sortie et aperçoivent une main connue sur la poignée qui apparaît. La mère de «Ca» entre, sonnée comme un boxeur tout proche du KO.


— Le docteur ne va pas venir tout de suite

— Ah bon ? Pourquoi ?

— Il y a un autre patient plus urgent apparemment.

— Comment ça plus plus urgent ? Le spécialiste devait venir voir Charles et maintenant, il a disparu. ?

— Ils pensent que c'est moins grave et ça, c'est une moins mauvaise nouvelle et donc le docteur passera après.

— Après quoi ? Et nous on peut voir Charles ou pas ?

— Je vais aller le voir, mais toi ma puce, ce n'est pas possible, les enfants ne sont pas admis.


La grand-mère a éteint la télévision sans s'en rendre compte. S'en suis un silence encore plus long et plus pesant. Il est parfois entrecoupé de phrases sans forcément de liens entre elles.


— Ils vont venir me chercher pour que j'aille le voir.

— Je viendrai avec toi juste quelques instants.

— Je lui dirai que tu l'aimes et que tu penses fort à lui.

— Dis-lui que je garde son cadeau pour quand il ira mieux.


De nouveau, on frappe à la porte et une infirmière se présente pour accompagner les deux femmes. «Ca» fait un gros câlin à sa grand-mère puis à sa mère. Elle va attendre ici, en regardant la télévision. Tout va bien se passer et quelqu'un passera chercher les papiers posés sur la table de nuit. Que «Ca» ne s'inquiète pas, ses aïeules seront de retour très vite.


La fillette s'installe dans le fauteuil laissé libre et tente de se changer les idées en zappant sur les différentes chaînes proposées. Mais peu de dessins animés ou de programmes pour enfants sont proposés à cette heure et elle doit se contenter de jeux qui la font sourire à défaut de trouver les bonnes réponses.


Croyant sa famille de retour quand la poignée se tourne, «Ca» se précipite vers la porte pour se retrouver face à face avec une femme brune d'une trentaine d'années vêtue d'une tenue blanc médical.


— Tiens, bonjour, tu es de la famille de Charles ?

— Oui. C'est mon petit frère.

— Ah d'accord. Je suis le docteur Lamaison, je viens récupérer des papiers, tu peux me les donner s'il te plaît ?

— Oui, ils ont là. Dites, vous allez revenir quand vous occuper de mon petit frère ?

— Tu sais quoi, si je suis là ce soir, c'est en grande partie grâce à toi, alors je vais m'en occuper tout de suite. Je repasse bientôt d'accord ?

— D'accord.

— À tout à l'heure alors. Et ton frère a de la chance d'avoir une grande sœur aussi gentille. Je vais bien m'occuper de lui.


La porte se referme alors sur la femme qui avait perdu ses clés sur le parking. «Ca» est toujours sous le coup de la surprise quand sa mère et sa grand-mère reviennent.


— Comment va Charles ?

— Il se repose, mais on a pu lui parler un peu

— Et il a dit quoi. ?

— Il a soif surtout. Mais il t'embrasse et il lui tarde de te revoir.

— Moi aussi il me tarde de le revoir.

— J'ai une autre bonne nouvelle : une infirmière est venue nous avoir et le spécialiste s'occupe de Charles tout de suite.

— Je sais. Je la connais. Et c'est une spécialiste.

— Ah bon ? Comment ça, tu la connais ?


Et «Ca» raconte alors, avec moult détails, comment elle a récupéré les clés de la doctoresse plus tôt sur un parking. L'heure avançant et en l'absence de nouvelles, les femmes décident de manger quelques sandwichs avant que «Ca» et sa grand-mère ne rentrent. Malgré tout, l'espoir d'obtenir des informations en ce début de soirée perdure.


Des coups à la porte font tourner les trois têtes en une fraction de seconde puis la mère de «Ca» se lève afin de discuter de nouveau dans le couloir. Elle réintègre la chambre quelques minutes plus tard, le visage moins triste que les fois précédentes.

Devant les regards interrogateurs, elle transmet l'information comme quoi Charles va plutôt pas mal, que la spécialiste semble avoir peut-être trouvé ce qu'il a et qu'ils vont commencer le traitement dès maintenant. Il va cependant devoir rester quelques jours ou semaines à l'hôpital jusqu'à ce qu'il soit complémentent guéri. Cette nuit, il sera dans un autre service où on peut mieux le surveiller et il ne viendra dans la chambre que demain. Donc, il n'y a aucune raison qu'elles restent plus longtemps ce soir et elles vont rentrer toutes les trois. Cela leur fera du bien de peut-être pouvoir se reposer. Attentive aux explications de sa mère et s'abandonnant aux câlins de cette dernière, «Ca» n'a pas entendu l'arrivée d'une tierce personne venue les aider à ranger et à accomplir les formalités avant leur départ. Alors qu'elle sanglote qu'elle est triste de ne pas avoir pu voir Charles, elle se retourne et découvre une femme entrain de réajuster les draps. Celle-ci la regarde, lui sourit.


— Tiens, c'est toi ! Parce que tu es vraiment une petite fille gentille, exceptionnellement, je vais t'emmener voir ton petit frère. Enfin si ta maman est d'accord bien sûr. Et ce sera de loin parce qu'on ne peut pas rentrer dans sa chambre.


Avec l'accord explicite donné par sa mère, «Ca» emboîte le pas de l'infirmière : la dame aux mandarines. Serpentant dans les couloirs, la fillette se retrouve derrière une petite vitre d'où elle aperçoit son frère. Il semble dormir paisiblement. Il a un tube dans la bouche et des perfusions dans les coudes. Mais il a l'air calme et surtout il n'est plus tout blanc. Comprenant qu'elle ne peut pas entrer dans la pièce et aller plus près, elle envoie des baisers à travers la vitre. Presque aussi vite qu'elles sont venues, les deux intruses repartent retrouver la famille de «Ca». La petite fille est triste de quitter son frère et, en même temps, contente de l'avoir vu ce soir.


— Dis-moi «Ca», on fait un petit câlin avant que je retourne travailler ?

— Carole. Je m'appelle Carole.

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