Chroniques d'une sortie de route volontaire-10

romualdmartin

chroniques de ma promenade dans le monde des vivants

La sale soirée à mater des films de merde, coulé dans le plumard grâce à cet été qui ne se termine pas. Rien en dessous de 30 degrés, que ce soit la température ou les boissons. Je trainais mon caleçon de siège en siège, cherchant désespérément à mettre mon cul au frais, histoire de ne pas passer le reste de la nuit avec les couilles liquides.

Rien à dire sur le film, un nanar notoire dont les salles et les veaux qui s'y rendent sont férus. Je regarde en vo, un peu de mal avec les voix de pré pubères que nos chers studios filent au doublage. C'un un point de détails.

Ça a commencé, les sous-titres se sont mis gentiment à se dédoubler comme pour me faire chier. Je suis migraineux, ce n'est pas une grande nouvelle et souvent, l'autre la haut, à des comportements bizarres, ça tremble, c'est flou, ça devient n'importe quoi, comme un mauvais trip ou une mauvaise digestion du repas du midi. Je suis rodé. Normalement je me farcis la gueule avec ma deuxième meilleure copine et ça passe. Elle s'appelle codéine et est coquine.

Ce soir-là, rien à faire, tellement désespéré, j'en ai été jusqu'à chausser mes lunettes, en me disant que juste mes yeux me disaient de la merde, rien à faire, toujours tout en double.

Je ne suis pas d'un naturel inquiet. Surement mon côté « déjà mort ». J'ai plus la culture de me dire que je serais cueillis quand ça sera le moment, on ne choisit pas l'âge de la fauche. Mais là, ça devenait aussi chiant qu'une pluie de merde le jour du printemps. Le général mal de crâne est arrivé, avec son armée. Un troupeau de cheval qui prend une joie de te marteler la gueule sans discontinuer. Je hais ce genre de cavalerie, surtout quand t'as pas sonné le clairon. J'ai baissé mon froc, direction hosto. Rien de mieux à faire quand t'en ai à voir du mal à foutre un pied devant l'autre, que tu renifle du sang et que le film est fini.

Quand j'étais môme, aller aux urgences était synonyme de soins de, prise en charge, qu'on allait te brosser dans le sens du poil le temps de te décoincer le prépuce de ta braguette. Là, il n'y avait aucune splendeur. Une grande salle carrelée comme une piscine ou un abattoir, un relent de pisse inconfortable. Un gros con qui tapent sa pute, des infirmiers qui volent au gré de la danse de saint Guy d'un autre.

Je file mes papelards, on me dit d'attendre. Une aubaine pour eux si je crevais avant d'être pris en charge, ils pourraient peut-être rentrer plus tôt chez eux. On me dit quatre heures à glander, pas de bouquin, pas de chiottes ou se taper une queue, pas le droit de cloper, bienvenue dans le petit couloir de la mort.

J'entends mon nom, enfin mon nom, un truc qui y ressemble, je lève mon cul, on me demande

« Sur l'échelle de la douleur de 1 à 10 ? «  J'ai dit 12 et j'ai demandé un flingue pour gagner du temps.

Hop, soins intensifs direct, j'étais devenu un transfuge de médecine en partant pour le S.A.U.

Il a fallu moins de deux minutes pour que l'infirmière me foute en calebar. Vu le personnage, j'ai su qu'elle n'admirait pas la viande. J'aurais dû avoir des nibards et une chatte rasée pour qu'elle soit délicate. Là, je te dessape vite fait, je te fous en brancard, le cul à l'air et jette fous dans un coin. En moins de temps qu'il te faut pour ouvrir une conserve, on te branche à tout un tas de conneries, des machines qui font « Ping » comme disaient les Monty python du temps où ils n'étaient pas des petits vieux du troisième âge. T'attend, tu ne sais pas quoi, mais t'attend.

On te pause cinquante fois les mêmes questions, tu réponds cinquante fois la même chose. Au lieu de t'occuper, ça te donne de plus en plus l'envie d'arracher les ficelles et de te casser en gueulant sur tout le monde. Faut un peu de courage de fuir le cul à l'air et à moitié sédaté.

Moi, j'avais les sons des urgences pour me distraire. Y en a qui arrivaient en gueulant, le classique, ceux ou celles qui pleurnichaient pour qu'on laisse crever les autres et que l'on s'occupe d'eux avant tout le monde, la grande logique d'apres moi la fin du monde. Y a meme une connasse sous crack qu'est arrivé en faisant la chèvre. Tout le monde a ri, moi j'ai demandé quand est ce qu'on s'occupait de mon cas, rien à branler de la ferme pédagogique.

Je ne demandais pas un feu d'artifice en cette veille du quatorze juillet, je voulais juste avoir autre chose à foutre que regarder mes pieds qui se détachaient sur le fond crème du mur d'en face. Ils m'ont envoyé la rouquine, une étudiante, comme pour filer à bouffer au vieux poisson gisant à moitié mort.

Elle était mignonne, gênée de faire son taf. Elle avait de la chance que je ne fantasme pas sur les infirmières au premier abord.

Elle déboule son questionnaire, comme on tire du papier chiotte à un premier rendez-vous, sans détermination.

« Nom, prénom, âge, vous fumez beaucoup ? De l'alcool » j'ai un peu menti sur cette question-là.

« Usage de stupéfiants », je ne sais pas s'y vénérer les gros nichons peut être considéré comme une addiction ? j'ai dit « non, y a longtemps », comme pour les nichons quoi.

Elle m'étale son questionnaire et prend son petit air, déçu de devoir partir. Je suis un malade de bonne compagnie semble-t-il.

« Bon bah je crois que je vous ai tout demandé »elle lâche, suivi d'un silence plein de sous-entendus et de maladresse.

Que répondre à ça ? Je n'avais qu'une réponse en tête « Mon numéro ? »

ca tapait la dedans, j'aurais prétexté la fatigue ou les cachetons en intraveineuse si ma réponse avait déplu. Mais je sais me tenir. Et puis faire ce genre de proposition quand t'as le bide gras à l'air, les ongles jaunes en exposition, pas sûr que ça aurait porté ces fruits. J'ai préféré fermer ma gueule et regarder son petit cul s'éloigner dans le couloir.

Elle m'a vu lui mater son gracieux postérieur et m'a souri, pas suffisant pour mourir tranquille.

J'ai regardé mes pieds, écouté les conversations. Les infirmières sont aussi chiantes que la moyenne des gens quand elles parlent de leurs vacances ou de la lingerie qu'elles viennent de s'acheter pour essayer de lever le brancardier. Y en avait une, une prognathe anorexique, plus le profil du cheval malade que de l'infirmière qui te masse la bite pour te détendre, j'ai eu de le peine.

Pas longtemps après, la petite rouquine est revenue, elle avait oublié de me peloter, dixit ses mots. Dix minutes à se faire caresser par une jolie gamine, ça ne se refuse pas. Après un passage éclair sur ma tête, elle s'est longuement attaché à mon gras de ventre et mes jambes, aussi belle que celles de l'oncle Buk.

Je n'ai pas caché ma joie, elle non plus, on est resté comme deux adolescents à se mater les membres et le fond de l'œil jusqu'à l'arrivée de la chef, salope.

Direction le scan, vite expédié celui-là. Je m'allonge sur le lit froid. Je mesure aux traces d'ongles que plusieurs ont dû flipper avant moi, puis l'infirmier me toise du haut de sa couche.

Le cirque recommence. « Nom, prénom, date de naissance.. » me demande l'adjudant des rayions X

Pas d'autres solutions que de lui lâcher un franc « qu'est-ce que ça peut vous foutre ? t'as qu'à lire mon  dossier sur la table »

J'étais encore déçu d'avoir perdu la petite rouquine de vue. Si un jour tu lis ça monsieur Manhattan, m'en veux pas, ce faire ôter le pain de la bouche n'est pas agréable, d'autant plus à mon âge.

Scan normal, fin de perf, papiers signés, coup de pied au cul et me voilà dans la rue, assistant au réveil d'une ville que je déteste.

Ce jour-là c'est mieux passé apres six heures de médocs dans le cornet. Les trottoirs avaient l'air moins gris, les gens moins moches, mais le mal de crane guettait toujours, tachant de tout saloper.

Médecine 1, monde de merde 0

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