Chuter au nom de l'étoile

plumedesang

Il était une fois, dans des contrées lointaines, en des temps reculés, trois sœurs. Elles étaient toutes très belles, riches et les prétendants se massaient en foules à leurs pieds afin de les épouser. Grand mal leur prennent! Car aucun des valeureux jeunes hommes ne retenaient l'attention de l'une ou l'autre des sœurs. Et pour cause! Les trois sœurs régnaient chacune sur un royaume. Au décès de leur père, précédent roi de ces trois contrées, n'ayant point de descendance mâle, leur mère avait décidé de partager le royaume en trois et d'en confier le règne à chacune de ses filles afin d'éviter jalousies, convoitises et crêpages de chignons. C'est ainsi que les trois sœurs s'étaient retrouvées au pouvoir. Elles avaient tout pour être heureuses, excepté un mari et un héritier pour leur succéder sur le trône et ainsi faire perdurer la lignée, au grand dam de leur mère. Pourtant ce n'était pas l'envie de se marier qui manquait au trois splendides sœurs, seulement, hors de question d'épouser un goujat indigne de leur rang, aussi beau fusse-t-il. Non, il fallait quelqu'un dont les richesses n'aurait d'égale que leur beauté. Car les monarques ne montraient que peut d'intérêt pour les tourments du cœur, ce qui les intéressaient c'était le profit, les soieries et parures de diamants à profusion. Les reines étaient en effet très belles, mais elles étaient encore plus cupides.


Aussi, lorsqu'un jeune empereur étendit ses terres jusqu'à ce que son empire se trouve être limitrophe aux royaumes des trois chimères, ces dernières ne se firent pas prier pour s'enquérir de sa situation. Quelle ne fut pas leur surprise et, surtout, leur joie lorsqu'elles apprirent que le jeune homme était célibataire et recherchait une épouse. Ni une, ni deux, les sœurs se mirent toutes trois en tête de conquérir le cœur du fortuné. Afin d'éviter une guerre entre ses propres filles, leur mère ordonna à ces dernières de laisser l'empereur choisir celle qu'il épouserait. C'est le cœur lourd qu'elles acceptèrent finalement la requête de leur aïeule. Le jeune empereur fut donc convié aux royaume de l'ainée afin de choisir sa dulcinée. Les trois royaumes, en émoi, se hâtèrent les jours suivants pour les préparatifs.


Le jour J, tout était fin prêt. Les reines resplendissaient dans leurs plus beaux atours, la salle où avait lieu la réception était décorée avec goût et des mets tous plus délicieux les uns que les autres s'entassaient sur les tables du banquet que l'on donnait en cette occasion. L'empereur arriva sur son char tiré par quatre somptueuses juments au pelage blanc comme neige. Comme il avait fière allure! Pour la première fois, en apercevant ce beau jeune homme, les trois sœurs eurent un pincement au cœur. Cupidon venait d'entrer à l'œuvre. Les monarques, éperdument amoureuses, se jurèrent chacune de tout faire pour conquérir le cœur de l'empereur, quitte à trahir ses sœurs.


La réception se déroula néanmoins comme les reines l'avaient promis à leur mère: malgré leur désir ardent de posséder l'empereur, elles restèrent de marbre à écouter son bon vouloir. Et l'empereur ne se fit pas prier, il épouserait celle qui lui offrirait le présent le plus utile. Ni une ni deux, les reines prirent la parole. L'ainée lui offrirait tellement de luxe et de clinquant qu'il en serait à jamais ébloui. La cadette lui donnerait sa beauté qu'il en resterait pour toujours béat. La benjamine lui offrirait l'espoir éternel d'une vie prometteuse qu'il en aurait infiniment l'eau à la bouche. Le jeune homme allait exprimer son choix lorsqu'une dernière voix féminine se fit entendre: « Mon bon empereur, pardonnez mon insolence mais je pense que malgré ma modeste condition, j'ai mieux à vous offrir. Voyez, je ne suis pas aussi belle ni aussi riche ou puissante que nos trois reines, mais si vous consentez à me prendre pour épouse, je vous offrirait mon cœur, mon corps et mon âme. Je serai à jamais l'étoile qui guide vos pas lorsque la nuit est aussi noire que l'ébène ». Troublé et plus que tout touché par ces paroles, l'empereur ordonna à la propriétaire de ces paroles d'approcher. La rage des reines fut à son comble lorsque approcha une des servantes de l'ainée. Bien qu'elle n'était pas aussi resplendissante que les trois sœurs, son physique n'était pas désagréable pour l'œil: elle avait une peau laiteuse, de longs cheveux blonds comme les blés et des courbes féminines. L'empereur, plantant son regard vert émeraude dans ses yeux bleus azur, lui dit: « Ton audace pourrait en choquer plus d'un, mais elle me plait, quant à ce que tu as à m'offrir, c'est le plus beau des présents qu'une femme puisse faire à un homme, bien mieux que l'or, la beauté ou de belles paroles insipides. Malgré ta condition de servante je fais de toi ma femme ». Les reines gardèrent le silence mais à l'intérieur, elles écumaient de rage. La servante fut emmenée dans l'empire de son futur mari, où les noces furent célébrées.


Mais les trois sœurs n'avaient pas dit leur dernier mot. Durant les mois qui suivirent, elles s'activèrent à réunir les meilleurs soldats de leurs trois royaumes réunis afin de prendre d'assaut l'empire de leur amour perdu. Fin prêtes, elles déclenchèrent une guerre sans précédent. Elle dura des années et fit de nombreux morts. Mais les chimères perdirent et périrent au combat. Leurs âmes souillées se réincarnèrent en trois colombes magnifiques: volupté, grâce et foi. Colombes que l'empereur s'empressa d'offrir à sa dulcinée qui elle au moins était dotée de toutes ces qualités et bien plus encore.

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