Clotûre du jour
Ana Elle (Cendrillon Des Routes)
Regarde mon corps. Regarde ce que tu as fais à mon corps.
Grande et belle poupée de viande, en marrée noir
Perdue en désert, coffre trop de son histoire
Regarde. Regarde comme je garde.
Je garde la saleté, la sueur et le sang
Je garde la puanteur, la peur, et l'avilissement
Je garde les blocs et les blocs de pierre
Sur mon corps. Je garde les fermetures éclairs
Je garde les désordres, les chantiers, les chemins
Je garde l'insomnie de trois heures du matin
Et la honte, couteau pointant dans mon thorax
Je garde cette putain cette putain de garce
Je garde les mains. Pressantes sur mon corps.
Qui me mangeaient encore et encore
Je garde le vide
Je garde le silence. Je garde les pleurs et la paralysie
Je garde tous ces tuyaux qui me rattachaient vers la vie
Et surtout surtout… la réserve.
La capacité sublime et sordide de ce monstre incubateur
Ce ventre dont tu es le déserteur
Réserve profonde et mouillée
Je garde ici toute cette éternité
Alors regarde. Regardez. Pas contempler, ni admirer, ni scruter, étudier, supputer, juste… regarder. Regardez-moi.