Coeur d'Argent - Prologue

Cassandre

Il était une fois une forêt, une maison, une jeune fille amnésique. Il était une fois un monde, le chaos, la cupidité, l'égoïsme et la guerre.... et un coeur d'argent qui se perd.

- Prologue -


Une foule immense s'étendait devant moi.

Vivante, agitée et chaotique, elle était petite et grande à la fois et semblait sur le point de m'engloutir, de ne faire de mon existence tristement pathétique qu'une seule bouchée. La voilà qui me regardait avidement, la voilà qui me crachait ses mots à la figure tout en continuant de me décortiquer avec son regard de serpent, un sourire puérile défigurant ce visage composé par les mille hommes assemblés. Voilà ses mains qui se levèrent, se tendirent en grandissant, ses doigts m'aplatissant.

Le présentateur lui sourit.

Regardez, regardez bien, ouvrez grand vos yeux et vos oreilles, parce qu'aujourd'hui est un jour particulier. Comme vous le voyez si bien, se tient à côté de moi un des plus rares spécimens qu'on trouve aujourd'hui dans nos forêts, une représentante de l'espèce la plus vieille, la plus noble, la plus belle, celle qui sert le mieux l'être humain.

Une musique festive vint souligner ses mots.

Tout n'était plus que chaos et confusion.

Ce monde n'avait plus aucun sens à mes yeux.

Tout d'un coup, j'étais une feuille tremblante et je reculais, je reculais, je reculais encore jusqu'à ce que mes muscles frissonnent en sentant les barreaux de ma cage effleurer ma peau. Mes genoux qui vacillaient et s'entrechoquaient, n'étaient plus que deux fines brindilles incapables de soutenir le poids de tous ces regards braqués sur moi. Je me sentis vaciller. Le froid me tétanisait, la musique m'étouffait et la trahison me tuait à petit feu ; j'étais mourante ou j'avais envie de me laisser mourir, écrasée par cette assemblée.

Par cette marée qui m'approuvait perversement.

― Cette femelle a un prix de départ de 10 000 joyaux. Qui dit mieux ?

Une rumeur traversa la foule désormais indécise.

 Je fermais mes yeux et tentais de respirer malgré la douleur accablante. Le dégoût avait pris d'assaut mon cœur rouillé, la nervosité le faisant tressaillir et je n'étais soudainement rien de plus qu'boule informe qu'on aurait rempli peur. Plus rien ne va dans ce bas-monde, je réalisais fugacement. Mes poumons prirent feu alors que les chiffres montaient, ils se débattirent alors que les mains se levèrent et que l'animateur continua d'effectuer cette étrange danse des nombres. Et tout se mélangeait, les voix, les images, les sons, tout avait fondu pour mieux s'assembler en une mosaïque incompréhensible indifférente à ma présence. Moi j'étais là, au milieu de ces bêtes affamées, j'étais là et je leur tenais tête malgré la peur qui me transperçait le ventre. C'était mon dernier acte de stupide héroïsme, complétement inconscient.

Soudain, le silence réussit à se frayer un chemin vers les cœurs glacés de ces humains.  Plus aucun mot n'osait intervenir dans ce calme subit, dans ce calme religieux qui donnait froid dans le dos. À présent, il n'y avait plus de voix, plus de cris, de murmures d'approbation, même la musique semblait s'être tue pendant ces quelques instants, attendant, elle aussi, avide, une réponse de la part de l'animateur. À présent, seuls les yeux des citadins continuaient de suivre et de me marquer la peau au fer rouge.

Enfin on clamait :

― Nous avons un acquéreur !

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