Colombe - Janvier - X

loiseauphenix

J'ai demandé à Janvier : Qui es-tu ? Et Janvier m'a répondu : « Je suis un souvenir qui naît. »

Elle se sentait mieux lorsque Stéphanie revint.

L'infirmière lui annonça être allée voir l'un de ses amis, dont la femme, qui travaillait dans une boutique de la rue principale, avait demandé à la gérante s'il serait possible de lui donner quelques vêtements des anciennes collections… Elle avait accepté. C'était au neuf de la rue… Stéphanie avait dit que l'inconnue devait faire un trente-six, mais elle verrait bien sur place ; et la boutique vendait aussi des sous-vêtements.

— Tu vas voir, elle est adorable.

Mais avec la mère d'Hannah, comprit-elle rapidement, tout le monde l'était. Elle alliait à sa bonté naturelle la chance rare qui lui avait permis de la garder… À compter du mardi, elle vint déjeuner dans la chambre de l'inconnue à la plupart de ses pauses.

Hannah préférait lui rendre visite entre les cours, le lycée se trouvant tout près.

Elles allaient sur la passerelle, s'installaient parfois à la terrasse du réfectoire, déserte, où leur présence laissait dans la neige deux marques profondes, que les jours qui passaient ne recouvraient pas, et où elles se sentaient à leur place. Si la jeune fille était très entourée, il n'était personne parmi ses amis à qui elle pouvait parler : à travers le silence qu'elle partageait avec l'inconnue, elle sentait qu'elle la comprenait. Cela lui suffisait, l'origine de cette affection lui étant aussi indifférente que le passé de la jeune femme : dans cette légèreté, elles se retrouvaient. Une force les réunissait, par-delà le vide, par-delà les années, implacable, inéluctable, et dont l'éternité ne faisait à leurs yeux aucun doute…

Elle lui offrit un jour une cigarette.

L'inconnue la prit sans hésiter. Hannah l'observait : ses doigts fins se mouvaient élégamment, comme s'ils avaient toujours dessiné ces gestes… Mais cela ne signifiait rien. Le vide qui habitait la jeune femme lui donnait en toutes choses une assurance sublime, un calme dont la sérénité lumineuse avait la force et la clarté d'un diamant pur… Cette confiance inaltérable, à laquelle ne pouvait prétendre qui croyait se connaître, troublait autant qu'elle la faisait briller.

Elle prit la cigarette, et la fuma. C'était une sensation curieuse, comme la découverte en creux d'un souvenir rêvé… C'était fort, c'était doux comme le retour d'un être longtemps aimé, dont l'absence, disparaissant elle-même, aurait creusé l'âme avec une lenteur silencieuse, constante et mortelle… La jeune fille restait près d'elle sans rien dire, lui souriait. Peut-être n'avait-elle jamais fumé. Peut-être n'avait-elle jamais rien ressenti de pareil : cela n'avait pas d'importance.

Quelque chose en avait-il ?

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