Combat

ryeb-sawl

Premier round...

« Bon, tu sors seule comme une grande ou on vient te chercher ? » Rires de pintade. Je reste là encore un petit moment. Elles vont peut-être m’oublier. Il y a un clown dans la glace qui me fait une grimace. Une volaille caquète : « Moi, j’aurais pris celle-ci, elle est d’un chic ! » Autre volatile :  «  Tant mieux pour toi si elle lui plait pas, tu peux déjà la réserver ! » Gloussements. Je me sens vide. J’attendais une révélation mais finalement, ce n’est qu’une grosse meringue abricot. Piaillements de plus en plus hystériques. J’ouvre violemment le rideau pour les disperser.

« Tu es MA-GNI-FI-QUE ! Ton homme, il va craquer ! » Moi aussi, et beaucoup plus rapidement que prévu. 

Deuxième Round...

« Nous, on a compté de notre côté, cent cinquante. » C’est bizarre, j’ai l’impression que mon sang quitte gentiment mais sûrement les veines de mon cerveau. Donc l’amour-de-ma-vie doit prendre le relais. Loupé, il se marre comme une baleine. «  Ah, quand même… » Je vais être obligé d’annuler ma lobotomisation, soupape évitant tout pétage de plomb. «  Euh, ça fait beaucoup pour une fête intime, non ? » Qu’il est minable, ce non ! J’ai déjà perdu la partie. «  C’est vrai qu’il reste nos amis et sa famille, papa. » Il a dû sentir par vibrations négatives que j’allais l’envoyer valser s’il laissait passer ça. «  Alors, à la louche, on dit deux cent cinquante, les enfants ? » Silence gêné qui équivaut sûrement pour papa à un accord tacite. « Et puis, on paie alors on peut bien se faire plaisir ! » Grrrr…

Dernier round...

On y est. Pour de vrai ; je me suis pincée. Des années à en rêver, des semaines à en cauchemarder. Je n’ai pas le bouquet que je voulais, j’ai oublié mes bijoux sur la table de chevet mais il va falloir avancer dans cette allée toute sombre. Papa vissé à mon bras, je fais un premier pas. Tout est noir. Comme mon cerveau. Je viens d’oublier mon discours passe-partout piqué sur le net. Fourmillements dans les oreilles. Les mètres défilent sous mes pieds qui touchent bizarrement encore terre. Toutes ces concessions, tous ces soucis, toutes ces dépenses. Mes yeux s’habituent à l’obscurité et je vois le visage de mes proches souriant. Toute cette mise en scène. Et là, j’ouvre les yeux – vraiment – et il est là, maladroit et souriant. Je l’avais perdu de vue dans cette histoire, je suis ravie de le retrouver, je rends les gants.

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