Comme chaque semaine ...
Claire Lejeune
Quand je pense qu'elle est dans cet état depuis plus d'une semaine ! Elle est là, étalée dans un coin de la pièce. Après l'acte abominable je ne savais pas quoi en faire. M'en débarrasser ? Oui mais si on me voyait ? Elle repose là, gisante, un sentiment de culpabilité m'envahit. J'ai l'impression qu'elle me regarde, elle insiste même ! C'est un calvaire. J'essaie de l'oublier, de faire comme si elle n'existait pas, mais je n'y arrive pas … Elle me regarde encore ! Je me rapproche puis arrivée près d'elle, je tourne les talons. Je ne peux pas ! Mais sa présence occupe toute mes pensées … Comment puis-je avoir si peu de morale et la tenir en mon appartement depuis si longtemps. Je ne tiens plus, c'est décidé ! La vue de cette horreur dans un coin de la pièce m'insupporte. Il faut que je m'en débarrasse. Je soulève péniblement sa lourde charge et un haut le coeur vient se terrer dans ma gorge. J'ouvre ma porte et sors dans le couloir. Je la traine péniblement sur la moquette, elle coule. J'aspire l'air étouffant, pour essayer de ne pas vomir. Des traces d'un liquide rouge marquent notre chemin jusqu'à l'entrée de ma descente aux enfers. J'appelle l'ascenseur … il en met un temps ! Je rentre enfin dans l'ascenseur, les portes se referment brutalement derrière nous, j'insère la clé et descends lentement jusqu'au sous sol. Encore un seul étage … Pourvu que je ne croise personne ! Je respire profondément pour me donner un peu de courage. Ma délivrance sera bientôt là. Une fois séparée d'elle je pourrais continuer de prétendre que je n'ai aucune névrose. Je sors sur le palier en la poussant avec mes pieds, j'ouvre la porte, allume la lumière. Je rase les murs du parking, en la trainant, dans un bruit de frottement, derrière moi. Une voiture fait crisser ses pneus sur le sol. Je continue d'avancer. Encore un effort et je suis libérée. Je tourne à gauche. Le dernier obstacle est là, à quelques mètres de moi, il m'attend. Droit, sombre, solide … Arrivée devant lui, je suis comme liquéfiée. Situées dans cet enfer malodorant, les portes de son dernier antre sont là. J'ouvre la porte, elle grince. Je regarde derrière moi, elle est là, vautrée, informe et complètement disloquée ... Dans un ultime effort, je la soulève et la balance précipitamment dans un container, le tout premier ! Je dois faire vite pour pouvoir sortir de là. Un bruit sourd retentit dans le fond. Je la regarde une dernière fois d'un air satisfait. Je me frotte les mains avec contentement. Je remonte en rasant les murs, me faufile dans l'ascenseur. Je soupire … C'est bon, j'ai jeté ma poubelle !
Dommage, au bout de 4 lignes, on a déjà deviné... Du coup le reste du temps on s'ennuie.
· Il y a plus de 14 ans ·karma