Comment Arlequin parcourt le monde

Pierre Neyt

Comment Arlequin parcourt le mondeRépartition des rôles pour 8 comédiens : 5 hommes et 3 femmesPantalon / Pantalone / PantalonorDame Carla / Donna Carla / Dame en or et Le minéralLe Docteur / L’homme-médecine / Il Dottore / Le DoctorCapitaine / Capitano / CapitanorIsabelle / La jeune squaw / Isabellor et Le végétalColombine / Colombina / ColombinorArlequin / Arlechino / ArlequinorLélio / Lélior et LeandroLa cible, c’est la xénophobie. J’ai emprunté deux pistes : 1/ Nous descendons tous de la même souche (qu’on l’appelle Adam et Eve ou M. et Mme Toumaï) et nous appartenons tous, encore, à la même espèce. Pour l’illustrer, nous parcourons, à travers des passages choisis, l’histoire de l’humanité. La première cellule, la sexualité, la sédentarité, et la sédentarité implique les conquêtes… etc. On fait même un petit détour du côté du végétal et du minéral pour prendre un peu de distance, car nous sommes si contents de nous.2/ Quel que soit le continent que nous fréquentons, notre culture, nos us, etc. Dans toutes les sociétés homo sapiennes, nous retrouvons les mêmes caractères. Ces caractères, ils existent sur les planches depuis belle lurette, ce sont les personnages de la commedia dell’arte. Et ce sont eux qui nous feront le spectacle, chacun dans sa spécialité. Pantalon, le puissant, le riche ; Dame Carla, son alter ego féminin apporte un peu d’agitation ; le Docteur, l’instruit subordonné au pouvoir ; Capitaine, l’homme de main ; le peuple, ici ce pauvre Arlequin et Colombine, plus futée et plus généreuse, c’est à elle que nous nous identifierons ; et, évidemment, le couple d’amoureux.L’époque est contemporaine. Les costumes aussi, les losanges du costume d’Arlequin sont le signe d’habits rapiécés. Le jeu des comédiens doit se référer au jeu traditionnel des rôles (claudication d’Arlequin, pantalonnades, jeu de masques, etc.).Caprice d’auteur : A aucun moment, les comédiens interprétant Isabelle/Le végétal et Lélio/Leandro (les amoureux) ne se croiseront sur scène. Ils pourraient venir saluer en couple.

Comment Arlequin parcourt le monde

Comédie de masques

Répartition des rôles pour 8 comédiens : 5 hommes et 3 femmes
Pantalon / Pantalone / Pantalonor

Dame Carla / Donna Carla / Dame en or et Le minéral

Le Docteur / L’homme-médecine / Il Dottore / Le Doctor

Capitaine / Capitano / Capitanor

Isabelle / La jeune squaw / Isabellor et Le végétal

Colombine / Colombina / Colombinor

Arlequin / Arlechino / Arlequinor

Lélio / Lélior et Leandro

La cible, c’est la xénophobie. J’ai emprunté deux pistes :

1/ Nous descendons tous de la même souche (qu’on l’appelle Adam et Eve ou M. et Mme Toumaï) et nous appartenons tous, encore, à la même espèce. Pour l’illustrer, nous parcourons, à travers des passages choisis, l’histoire de l’humanité. La première cellule, la sexualité, la sédentarité, et la sédentarité implique les conquêtes… etc. On fait même un petit détour du côté du végétal et du minéral pour prendre un peu de distance, car nous sommes si contents de nous.

2/ Quel que soit le continent que nous fréquentons, notre culture, nos us, etc. Dans toutes les sociétés homo sapiennes, nous retrouvons les mêmes caractères. Ces caractères, ils existent sur les planches depuis belle lurette, ce sont les personnages de la commedia dell’arte. Et ce sont eux qui nous feront le spectacle, chacun dans sa spécialité. Pantalon, le puissant, le riche ; Dame Carla, son alter ego féminin apporte un peu d’agitation ; le Docteur, l’instruit subordonné au pouvoir ; Capitaine, l’homme de main ; le peuple, ici ce pauvre Arlequin et Colombine, plus futée et plus généreuse, c’est à elle que nous nous identifierons ; et, évidemment, le couple d’amoureux.
L’époque est contemporaine. Les costumes aussi, les losanges du costume d’Arlequin sont le signe d’habits rapiécés. Le jeu des comédiens doit se référer au jeu traditionnel des rôles (claudication d’Arlequin, pantalonnades, jeu de masques, etc.).

Caprice d’auteur : A aucun moment, les comédiens interprétant Isabelle/Le végétal et Lélio/Leandro (les amoureux) ne se croiseront sur scène. Ils pourraient venir saluer en couple.

Le décor représente une rue. Des tréteaux. Arlequin ronfle sous des cartons.

Isabelle : (Elle est amoureuse. Isabelle déboule au centre de la scène comme si elle dansait sur un nuage. Elle aperçoit le public, révérence distraite, et file côté cour, appelle :) Colombine ! (côté jardin) Colombine ! (Repartant, elle découvre Arlequin) Arlequin ! Tu sais où est Colombine ? (Le trouvant ensommeillé, Isabelle part sans attendre la réponse, en dansant.)

Arlequin : (Encore dans son rêve, sort sa tête d’une couverture de cartons) Hein ? Y’en a partout !

Entrée de Colombine en trombe.

Colombine : Oh ! Arlequin, tu es là !

Arlequin : (Colombine aide Arlequin, un œil encore fermé, à se lever) Oh ! Eh ! Les enfants !

Colombine : Réveille-toi ! Tu dormais ?

Arlequin : (Se réveillant, la bouche pâteuse et les membres engourdis) Quoi ? Ah ? C’est toi Colombine. Oui, je me suis endormi…

Colombine : Ça fait longtemps que tu dors ?

Arlequin : Euh… Je ne sais pas. Je n’ai pas vu le temps passer.

Colombine : Tu n’as pas vu le temps passer ? (Colombine se met à ranger les cartons) Mon pauvre Arlequin ! C’est tout ce que tu as trouvé comme abri de fortune ?

Arlequin : Oh ! Tu sais bien Colombine, moi, question fortune… (Bien éveillé et les mains baladeuses) J’avais bien une autre idée mais…

Colombine : Tais-toi donc, tu vas dire des bêtises.

Arlequin : (Arlequin se rassoit) J’ai fait un rêve épouvantable !

Colombine : Lève-toi maintenant ! On commence de suite. (Colombine va saluer le public).

Arlequin : Attends, attends, Colombine !

Colombine : Quoi ?

Arlequin : On était mariés tous les deux.

Colombine : Et tu trouves ça épouvantable ?

Arlequin : Non, ce n’est pas ça. J’ai eu très peur. On avait plein d’enfants.

Colombine : Je croyais que tu en voulais plein.

Arlequin : Oui, mais là, on en avait vraiment plein.

Colombine : Plein ?

Arlequin : Plein ! Une multitude, c’était incroyable. Une seule portée et…

Colombine : Une seule portée ? Dis donc, tu parles de moi !

Arlequin : Oui… Enfin… Un seul accouchement et il est né des jumeaux et des jumeaux, un nombre incalculable de jumeaux ! Comment on appelle des jumeaux quand il y en a mille ?

Colombine : Mille ? Dis-donc, tu me rêves. On appelle ça des… Je ne sais pas… Une famille nombreuse ?

Arlequin : Ils se ressemblaient tous comme deux gouttes d’eau, évidemment. On aurait dit que c’était toujours le même. On ne savait plus quoi en faire, alors, on les plaçait ça et là, un peu partout.

Colombine : On les plaçait ? Tu es sûr que j’étais dans ton rêve ?

Arlequin : On en a mis aux quatre coins de la planète, partout où il y avait de la place. Mais après, c’est devenu un cauchemar.

Colombine : Allons bon ! Encore pire ?

Arlequin : Il s’est passé une chose étrange. Les petits, lorsqu’ils ont grandi, ils sont devenus, les uns des grands mammifères, des grands oiseaux et aussi des tout petits, des molécules, des amibes…

Colombine : Des amibes ?

Arlequin : Y’en avait partout ! Et tous ces… tous ces… frangins, plus ils grandissaient et plus il y avait de… de… Et d’autres encore ! Des bouquets de marguerites, des fougères, des salades…

Colombine : Des pissenlits ?

Arlequin : Oui, des pissenlits aussi, avec leur racines.

Colombine : Avec leur racines. (Dubitative) Hum.

Arlequin : Et, côte à côte, des garçons et des filles…

Colombine : Ah ! Je suis heureuse d’apprendre que j’ai quand même accouché de garçons et de filles, ça me rassure… (Colombine s’apprête à commencer à jouer, face public) et sur un CV, ça fait mieux.

Arlequin : Attends ! C’est pas fini. Les humains, ils se parlaient.

Colombine : Ils se parlaient, bien sûr, ils se parlaient.

Arlequin : Oui. Sauf que, eux aussi, ils ont tellement d’enfants que…

Colombine : Que… ?

Arlequin : Ah ! Je ne sais pas comment t’expliquer ça. C’était pourtant tellement limpide dans mon rêve.

Colombine : Bon alors, ces humains, qu’est-ce qu’ils se racontent ?

Arlequin : Ben, justement, à force de faire des petits, et bien ils n’arrivent plus à se comprendre !

Colombine : (Après un temps de réflexion) Je ne vois pas le rapport.

Arlequin : Mais… Moi non plus !

Là, ils se retrouvent face au public comme deux gourdes. Colombine reprend les choses en main.

Colombine : Effectivement, Arlequin, tu as besoin de repos, mais si dormir te met dans cet état… Joue !

Arlequin : Tu as sans doute raison. Euh… Voilà… Je commence. (Au public, révérence avec courbatures) Bonjour. (Colombine l’observe affectueusement un pas en retrait) Eh ! Vous ne savez pas ? On va vous raconter des histoires, on va vous raconter des choses sensationnelles, des choses que tout le monde sait. Ça c’est bien, hein, d’entendre des choses que l’on connaît déjà ? On se dit Oh la la, je le savais, ça, je le savais, je dois être drôlement intelligent. On va vous raconter comment on a fait le tour du monde avec Colombine. Eh ! Colombine, elle est où Colombine ?

Colombine : Je suis là. Bon, qu’est-ce que tu disais ? (A son oreille) Fais gaffe avec les choses sensationnelles.

Arlequin : Je voudrais qu’on se raconte des histoires que tout le monde connaît. Comme ça, on s’en rappelle plus facilement.

Colombine : Bien sûr que l’on va se raconter des histoires, c’est ce que l’on fait de mieux, on ne va pas se priver. (Au public) On va vous raconter notre vie, notre vie et la vôtre, mais avant tout, les présentations, Arlequin.

Arlequin : Les présentations, évidemment, on ne va pas jouer tout seuls. (Arlequin se place au centre et prend la pose) Mesdames, Mesdemoiselles, mes cieux… C’est pour toi aussi, Colombine, tu peux écouter.

Colombine : Oh, mais je sais ce que tu vas dire.

Arlequin : Mes cieux, je l’écris en deux mots : Mesdames, mes cieux. C’est joli, n’est-ce pas ? C’est pour dire…

Colombine : Oui, oui, oui, ne te fatigue pas, on a compris.

Arlequin : On a compris, hein ? Et toi aussi, tu as compris ?

Colombine : J’ai compris.

Arlequin : Bien alors, je continue. Mesdames, Mesdemoiselles…

Colombine : …Messieurs !

Arlequin : Ce soir, nous sommes très émoustillés de vous parler de notre tour du monde. (Il s’amuse avec une boule imaginaire) Ah ! Cette planète est tellement étonnante qu’on ne sait pas par quel bout la prendre. Elle n’a pas de bouts, elle n’a pas de côtés, elle est toute ronde. (La boule tombe) Moi, je ne sais pas comment faire.

Colombine : Tu veux un coup de main ?

Arlequin : Non, non, je me débrouille avec la Terre. (Il renvoie la boule d’un coup de pied) Cette planète cosmopolite, peuplée de toutes sortes de gens, de ceux qui nous paraissent les plus familiers : nos voisins, nos cousins, aux gens les plus extraordinaires : nos voisins, nos cousins. Oui, Mesdames et Mesdemoiselles, sur cette scène, dans quelques minutes, nous allons, avec toute la troupe, esquisser le portrait, qu’est-ce que je dis le portrait, les portraits de l’humanité. Vous allez en voir de toutes les couleurs, nous les peindrons tous, des plus aimables aux plus méchants sans aucune distinction de sexes, de religions, d’orientations sexuelle ou professionnelle, d’opinions politiques, d’âges, de tailles, de styles de vie, de lubies, de hobbies, de pratiques musicales, sportives, de garde-robes (sur le souffle) ni même d’épaisseur de comptes en banque…

Colombine : …Mais !… Pour décrire une personne, n’est-il pas plus facile de peindre l’apparence qu’elle veut bien nous présenter ? Et pour cela, quoi de plus commode qu’une comédie de masques.

Colombine montre au public le visage masqué d’Arlequin. Celui-ci pose et voulant lui rendre la politesse, Arlequin présente le visage de Colombine qui s’en offusque puisqu’elle ne porte pas de masque.

Arlequin : Que de talents sont déployés là sur cette simple farce ! Sur ces tréteaux, vous verrez jouer pour vous une vingtaine… Une centaine de figures ! De l’homme de Cro-magnon, si si, il sera là ce soir, à l’homme d’aujourd’hui, il est là aussi. Pour les incarner, nous avons fait appel aux plus célèbres vedettes de la scène mondiale, aux stars les plus populaires, aux people les plus extravagants, aux célébrités les plus tapageuses, aux… aux…

Colombine : (Venant à la rescousse d’Arlequin) Ces personnages qui tiennent le devant de la scène depuis maintenant plus de cinq siècles, c’est dire si leur réputation n’est plus à faire, sont venus, ce soir, vous divertir. Permettez-nous à présent de vous les présenter. Voyons, Arlequin, par qui allons-nous commencer ?

Le Docteur : (Des coulisses, les pas du Docteur sonnent très lourds) Moi, moi, moi ! Attendez !

Arlequin : (De plus en plus lourds) Pas la peine de choisir, j’entends quelqu’un. Au son, il est doit être énorme.

Le Docteur : (Essoufflé, il vient directement au centre de la scène) Moi, moi, moi !

Colombine : Docteur !

Le Docteur : (A bout de souffle) Enfin ! J’avais peur de manquer. Je sais que je suis un personnage important.

Colombine : Important ? Je n’en doute pas, on dit que vous êtes également suffisant.

Le Docteur : Suffisant ? Oui, je suis bien suffisant. (Il salue copieusement) Oh, vous savez, je me contente de donner mon point de vue, (Saluant toujours) mais mon point de vue fait autorité.

Moqueurs, Arlequin et Colombine invitent le public à applaudir de Docteur.

Arlequin : Celui-là, il a l’air content de lui.

Colombine : En voilà un qui est bien dans sa peau.

Arlequin : (A part, se moquant de l’obésité du docteur) C’est normal, il a de la place.

Le Docteur : (Ayant entendu la réflexion d’Arlequin) Bien sûr, je suis bien dans ma peau et je n’aurai pas voulu naître dans la peau d’un autre (jetant un œil sur Arlequin) ni dans son costume.

Colombine : Docteur ? Docteur en quoi ?

Le Docteur : Oui, docteur… Docteur en doctorat !… Docteur en tout… En tout ce que les gens ignorent !

Colombine : Quelle chance de vous compter parmi nous. Nous qui nous posons tant de questions, vous allez pouvoir nous rassasier de l’étendue de votre savoir.

Le Docteur : …Car mon érudition est universelle ! Avec plaisir, j’ai réponse à tout. J’ai tout vu, tout entendu et tout intellectualisé. Voyez-vous, je sais la vraie nature des choses, je les ai étudiées. Moi, moi, moi ! Je suis un type formidable. J’ai une opinion sur tout et c’est toujours la bonne puisque c’est moi qui juge et qui arbitre. Vous avez une question ? A peine l’aurez-vous ébauchée, je me lance déjà dans une explication : Je fais des improvisations de génie et je m’en tire toujours admirablement bien. Alors n’hésitez pas, si vous avez le moindre doute, la moindre interrogation ou quoi que ce soit d’autre, un mal de dent ? une lacune handicapante sur un point de philosophie, d’histoire, de religion, de mécanique ou d’obstétrique ? Demandez-moi, je me ferai un plaisir de vous répondre, une joie de vous apprendre la vie. (Prenant la pose) Me voilà ! Nous pouvons commencer.

Colombine : Commencer ? Vous allez un peu vite sur ce coup, Docteur. Nous ne sommes pas au complet.

Arlequin : (Au public.) Celui-là, il a de la gueule. Il va falloir faire attention qu’il ne prenne pas trop son élan sinon on ne pourra plus l’arrêter.

Colombine : Et Pantalon, vous n’auriez pas oublié M. Pantalon ?

Arlequin : Oui, il faut présenter M. Pantalon, le monsieur à la parole importante.

Le Docteur : Pantalon, oui, bien sûr, M. Pantalon. Une personne de valeur, respectable, un être sensé, on en manque tant, et puis c’est aussi un battant, un fonceur. Quelle réussite ! Pour tout le monde, il est la réussite personnifiée !

Colombine : Vous êtes de ses amis, dit-on. Je vous laisse le soin de l’introduire.

Le Docteur se met en place.

Le Docteur : Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs.

Arlequin : (Au public.) Lui, il ne l’écrit pas comme moi.

Le Docteur : (Indiquant la rue par laquelle il pense que Pantalon doit arriver) Je vous demande d’accueillir M. Pantalon. (Pas de réponse) M. Pantalon !

Pantalon : (Invisible) Non !

Le Docteur : M. Pantalon !

Pantalon : Non !

Le Docteur : Le magnifique M. Pantalon.

Pantalon : Non !

Arlequin : Eh Pantalon ! Qu’est-ce que tu deviens, mon ami ? (Pas de réponse.)

Le Docteur : (A Arlequin) Non mais ! Ça ne va pas ? Pour qui te prends-tu ! (A Pantalon) Pantalon, mon ami, mon vieil ami.

Pantalon : Non !

Le Docteur : Comment ça, non ?

Pantalon : Je n’en ai pas ! Je n’en ai pas !

Le Docteur : Qu’est-ce que vous n’avez pas, Pantalon ?

Pantalon : Tu le sais très bien.

Le Docteur : De quoi parlez-vous ?

Pantalon : A quoi bon en parler puisque je te dis que je n’en ai pas.

Le Docteur : Pantalon, mon ami, n’ayez crainte. (Désignant le public) Il n’y a ici que d’honnêtes personnes.

Pantalon : Je me méfie encore plus de cette race-là.

Le Docteur : Ceux-là sont différents, ils ont payé pour venir nous voir.

Courbé, la voix chevrotante, voulant se faire passer pour une victime, Pantalon apparaît.

Pantalon : Ah bon ?

Ouf de soulagement du Docteur, Colombine et Arlequin.

Pantalon : Ah bon ? Ils ont payé ? (Pantalon se rassure) Ils donnent de l’argent ? Ah ! Bien, bien, très bien. J’ai toujours beaucoup de plaisir à me faire de nouveaux amis. (Soudain, lestement, Pantalon bondit sur la scène) Je trouve cela enrichissant.

Le Docteur : Il Signor Magnifico !

Colombine : Bonjour M. Pantalon.

Arlequin se plie en quatre pour saluer M. Pantalon et aura du mal à se redresser.

Colombine : Qu’est-ce qui s’est passé M. Pantalon, vous avez cru qu’on allait vous demander des sous ?

Pantalon : (A Colombine) Pour être franc, oui. (Au Docteur) Oh, mon cher ami ! Comme je suis content de te voir, j’ai eu si peur.

Le Docteur : Tranquillisez-vous. Tout le monde sait qu’il est impossible de vous soutirer ne serait-ce qu’une seule pièce. Vous ne cessez de pleurer et pourtant quelle réussite !

Pantalon : Oui, mais je n’ai rien à donner. (Sa voix devient soudainement nette) Si je donnais à quelqu’un d’autre de l’argent qui est à moi, j’en viendrai à me voler moi-même !

Colombine : Quelle drôle de philosophie.

Arlequin : C’est même un peu dommage.

Pantalon : Voulez-vous que je vous dise ma façon de penser ?

Le Docteur : J’allais vous en prier, mon cher Pantalon.

Pantalon : Voilà, il ne faut pas gâcher l’argent. Par conséquent, il est préférable que l’argent aille au riche plutôt qu’au pauvre. Car le pauvre, pour subsister, est obligé de dépenser l’argent… alors que le riche l’économise. 

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