Communion

Parfois le corps est un obstacle,

Tel un rocher dressé contre la vague il brise les plus beaux élans,

Qui se fracassent en gerbes d’écumes, salées.

Il peut couper le souffle d’un seul trait,

Brouiller les mots,

Fausser les gestes.

Et rafraîchir, aussi.

Souvent le corps est une calamité naturelle,

Qui, dès qu’il est libéré, se répand,

De proche en proche, comme une flamme de contagion,

Dévastant tout sur son passage, il se réveille dans la cendre.

Et, de temps en temps, réchauffe au passage.

Puis, un jour, un jour différent des autres,

Pour la première fois le corps se trouble

Et retrouve ses sens.

Entité diaphane qui enveloppe de matière

Le vif-argent des perceptions,

Il  transforme soudain sa substance, ses effets.

Dédoublé ou regroupé, c’est difficile à dire,

Il se passe quelque chose, comme une réconciliation.

Comme aimer toujours en double en pleine évidence,

Un genre d’illumination.

Maintenant, le corps devient un langage,

Une concession au perceptible,

Habité d’une unique passion :

Refléter en permanence, en toute circonstance,

La clarté transparente qui l’anime,

Secrète, indicible, avérée pourtant,

Nourrie de la sève intime,

De l’élan qui la rend vivante.

Ainsi, poursuivant son œuvre mystérieuse,

L’Esprit, insondable, insuffle sa vérité en mille facettes.

Le corps traverse alors tous les obstacles qui s’élèvent

En transformant la vague en étoile, puis la lune en poisson

Et ce dernier prend son vol pour rejoindre l’aigle,

Qui s’attarde, et l’attend, sans même songer qu’il/elle existe…

Voguant sur le mystère des espèces,

Comme une feuille sur l’onde,

Le corps, dense de puissance,

Et libéré des possessions,

Trouve sa plénitude en Communion,

Limpide, quelle que soit la distance.

* Pour les chrétiens la Communion est un rituel sacré d’unification spirituelle et matérielle avec Dieu et l’Humanité. Cette « eucharistie » (du grec : action de grâce) commémore la Cène prise par le Christ avec ses disciples la veille de son arrestation (Jeudi Saint).