Confidences mortelles d'un amoureux fou

Kevin Holsters

Attention à toi lecteur ! Ô que ta curiosité est vilaine et indiscrète. Pourquoi veux-tu fouiller ma vie ? Pourquoi t'intéresses-tu à elle ?

Tu es une magnifique compagne. Tu n'est pas celle qui passe son temps à se maquiller ou a faire les magasins. Tu es unique. Comment dire ?

Tu es froide et remplie de chaleur. Tu est douce mais on retient tes méthodes brutales. Tu es jolie mais tout aussi affreuse. Des milliers de gens te haïssent mais finissent par succomber à tes désirs.

Tu causes la tristesse, la mélancolie, la dépression. Tu as fait couler plus de larmes que d'eau présente dans l'Amazone mais dès que tu rends visite aux gens qui coulent ces larmes amères pour ton expression de bienveillante, alors, à ce moment là, ils ont le sourire. Le sourire de te voir arriver après tant de temps.

Tu ne tournes pas autour du pot. Tu dis la vérité en face et tes propos ne te font ni chaud ni froid. Tu n'as peur que de toi-même. Or, tu es assez maligne pour ne pas te détruire.

Si seulement les gens savaient qui tu étais, ils me prendraient pour un fou et m'enfermeraient. Ils croiraient m'enfermer loin de toi, loin de ton charme, loin de tes conséquences, loin de tes envoûtements mais ils se tromperaient. Tout cela ne ferait que me rapprocher de toi. Tout cela me rapprocherait de toi et de toi, je pourrais savoir de nombreuses choses car malgré que je te côtoie chaque jour, malgré que je te croise à chaque coin de rue, à chaque carrefour, sur le seuil de chaque maison, tu m'es inconnue. Imagine ce que le lecteur doit éprouver en lisant ce texte, en te lisant, il me prendrait pour un fou, tu ne crois pas ?

Et si je dévoilais qui tu étais et si j'arrêtais le suspense là ? Ah non, ça tu ne veux pas, tu aimes te faire sentir, tu aimes être longue, tu aimes prendre le temps des gens, de ces malheureux lecteurs occasionnés, ces lecteurs d'une page insignifiante. Tu aimes qu'on se souvienne de toi. C'est pour ça qu'après chaque catastrophe, après chaque accident, je sentais, on sentait ton parfum mélancolique. Ton parfum gelant le cœur sucré des fleurs, rendant d'une couleur blanchâtre les herbes folles du jardin. Oh oui, tu aimes bien faire savoir aux gens que tu arrives pour eux et qu'ils ne savent pas trouver d'issue de secours. Ils ont peur en t'attendant et tu te régales de cette peur. Tu te délectes de ces expressions sur leurs visages. Et dès que tu repars, tout redevient tel qu'il était avant. Sauf la malheureuse personne froide de peur.

Certains aventureux, plutôt fous, le terme est plus exacte, pensent qu'ils peuvent, eux, misérables personnes, se surmonter à toi, te tromper. Mais, personne ne te trompe toi, ça je l'ai compris et je n'ai jamais essayé de te tromper, je t'ai toujours regardée mais toi, tu avais le visage voilé, caché.

As-tu honte ? Un jour, tu es comme le chien d'un petit enfant ou une charmante dame pour un homme vicieux. Rien ne te fait peur. Tu ne crains rien. Et eux, tombent sous ton charme et dès qu'ils ont compris le piège, c'est trop tard. Tu es présente sous des formes différentes. Tu es tout et tu n'es rien. Tu es lâche et tu es courageuse. Mais en vérité, ce que tu caches vraiment, ce n'est pas ton visage, oh non, vu que tout le monde tombe sous son charme.

Non, ce que tu redoutes, ce sont tes yeux. Oui, tes yeux car eux seuls peuvent nous dire long sur toi. Eux seuls peuvent nous dire ton histoire, ton vécu. Si un malheureux écervelé regardait dans tes yeux, il verrait quelque chose encore de plus terrible que tes colères. Il verrait que tu viens d'un monde lointain. Il verrait que tu es si jeune mais si âgée en même temps. Il verrait l'horreur que tu as vécu dans ton monde. Oui, ton monde, tu te souviens de cette petite qui courait dans les chemins de terre ? Cette petite gamine appréciée de tous, si serviable, si gentille. De ton monde, les barrières de l'âge étaient infinies et toi, tu étais jeune, très jeune par rapport à tes aïeuls. Tu aidais à remplir l'eau dans les cruches, tu aidais à cuisiner de délicieux mets. Mais, ce que tu adorais le plus, car oui, tu as vécu du bonheur, du vrai bonheur, oui, ce que tu adorais le plus, c'était de te balader, pieds nus, tu te souviens ? Pieds nus dans la terre fertile, dans le souffle d'un vent tiède, parmi les fleurs resplendissantes. Oh oui, chaque semaine, chaque jour, tu allais là et tu prenais de grandes inspirations de cette air si doux, si pur. Tu savais cuisiner avec ces fleurs si méconnues, tu connaissais tout de ces plantes et elles, elles te connaissaient. Tu te souviens de cet homme ? Cet homme debout, cet homme au sourire jaunâtre ? Oui, cet homme. Tu te souviens comment tu as eu mal ? Tu te souviens de ta souffrance en obéissant à ses ordres et te taisant ? Tu te souviens, cet été là, sous le soleil couchant ? Tu te souviens de ce vent devenu frais, très frais tout d'un coup sur ton corps découvert ? Sur ton corps innocent ? Oui, cet été-là, quand les fleurs venaient de finir leur floraison, toi, tu as été défloré de ton innocence, de ta pureté. Et dans tes larmes, tous les maux du monde s'y retrouvent. Oui, si un écervelé te regardait droit dans les yeux, tu te souviendrais ce que tu as fait après. Après, tu te souviens ? Tu avais les joues rouges, les yeux en larmes. Tu te souviens d'avoir souillé tes habits avec ton sang te coulant sur les jambes ? Tu te souviens de ta dernière larme, de ta dernière gentillesse ? Il est parti sans même avoir de remords, te laissant seule, toi, jeune fille, en train de pleurer. En train de mélanger ses larmes à son sang. Mais, il ne savait pas ce que tu allais devenir. Oh non, il ne savait pas. Raconte nous ce que tu as fait au village lors de la fête, oui cette fête se déroulant quelques jours après avoir senti en toi ce que jeune fille ne devrait pas subir. Tu t'es lamentée des heures durant. Puis, tu les as entendues qui te parlaient. Après les avoir entendues, tu as souri, souri de ta souffrance. Dis à nos lecteurs que c'est toi qui a mis ce mélange dans le jus de la récolte, dis leur que le premier mort fût, non ce type, mais les gens de ton village.

Il faut dire que tu laisses ce type en vie, il est aujourd'hui aussi âgé que toi car à ton âge, les années ne se comptent plus à une ou deux près. Tu le laisses vivre car tu veux qu'il erre jusqu'à la fin des temps dans cette torture journalière. Oui, cette torture de blesser tant de gens. De blesser des centaines de gens. Et il vient souvent te supplier de le pardonner, de l'accepter mais tu lui laisses juste un baiser, un baiser glacé, lui détruisant le reste de rationnel qu'il avait encore.

Depuis ce jour là, tu n'arrêtes pas l'idée mais l'idée de qui ? Qui étaient ces voix ? Non, ce n'était pas Satan, lui, il a peur de toi. C'était toi, oui, toi-même que tu as entendu. Et depuis ce jour-là, tu t'en prends à tout le monde, des jeunes nourrissons aux personnes dont les années ont défilées par dizaines. Tu es pire qu'une pandémie car tu es le quotidien.

Maintenant, je peux dire au lecteur fou qui aura lu jusqu'ici, seulement maintenant, pour ne pas me rapprocher de toi, pour ne plus me rapprocher de toi, seulement maintenant je peux dire qui tu es s'il, ce lecteur solitaire, ne t'aura pas trouvé encore. Malheureusement à lui, s'il a lu ton histoire, ton vécu, ses heures, ses jours sont comptés car tu es la Mort





Signaler ce texte