consentement mutuel

Simon Lecoeur

chapitre 7

J’appris que mes parents effectuèrent les démarches pour « un divorce par consentement mutuel », c’est maman qui rapporte les paroles de l’avocat. Ils avaient pris le même avocat pour faire des économies. Ils conservaient des relations neutres. Après plusieurs semaines de séparation, je fus stupéfait de voir ce couple se retrouver. Aucun éclat de voix, aucun reproche un peu brusque, nulle agressivité dans les propos échangés, les deux semblaient attentifs à conserver, devant nous, une certaine bienveillance. Ils se croisaient, dialoguaient, répondaient parfaitement aux règles de politesse.

Olivier me chuchotait gaiement :

« Tu vois comme ils sont, ils s’aiment encore ; on va revivre tous comme avant dans le grand appartement ! »

Au cours de ces rencontres, j'avais face à moi deux inconnus qui jouaient un spectacle. Le corps en position de retrait, le timbre de la voix posé et distant, je ne reconnaissais rien de naturel ni de spontané.

Je ne croyais pas une seconde à leur petit jeu, je les regardais même terrifié ces deux adultes qui se parlaient comme deux parfaits étrangers alors qu’ils avaient formé un couple durant dix années. Je compris qu’ il n’existait plus la moindre affection. Dans le hall feutré de l’immeuble maternel, je subis une profonde humiliation. Mes parents venaient de ravager ma vie et ils bavardaient devant moi, échangeaient des regards placides pareils à deux voisins, et qui à la rentrée, se racontent leurs grandes vacances.

Il y avait entre eux une forme de complicité. Je crus bien saisir que cette rupture était une libération pour eux, sauf pour moi. A ce moment, j'aurais souhaité mourir. J’étais donc le seul à en souffrir. Je les regardais vivre sans gêne l’épanouissement de leur indépendance retrouvée.

Je les observais de leur côté et moi du mien, comme si je n’étais plus leur enfant. J’étais hanté par cette rupture, je vivais avec cette obsession, je subissais par leur faute, une douleur insurmontable qui me faisait porter une charge trop lourde pour moi. Je n'avais plus la légèreté et la grâce des autres enfants de mon âge, j'étais encombré par ce poids qui me rabaissait sous le niveau du sol. Et je les voyais eux devant moi, presque souriants et soulagés de n’être plus ensemble.

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