Couleur arc-en-ciel

plumedesang

Nouvelle que je viens de terminer.

Il était une fois, dans un pays lointain, en des temps reculés, une reine cruelle et sa fille unique. La monarque n'avait que peu faire de cette dernière, ses parures et sa beauté la préoccupant d'avantage que de prodiguer à son enfant l'amour d'une mère. La reine se faisait de jour en jour un peu plus vieille et sa beauté fanait à vue d'œil. Aussi, jalouse de la fraicheur et de la candeur de sa fille, qui n'était que douceur et amour incarné, elle mit au point un plan machiavélique pour s'en débarrasser à tout jamais. Elle la rendit coupable du vol de l'un de ses plus beaux bijoux, qu'elle avait elle-même soigneusement dissimulé.


Traînant la pauvre femme devant ses sujets elle la condamna à être enchaînée à la falaise surplombant l'océan non loin, à la merci des monstres marins et autres rapaces. Apeurés sur leur sort s'ils contredisaient la décision de leur souveraine sans pitié, aucun ne réagit pour défendre ou venir en aide à la jeune femme. C'est ainsi qu'elle fut conduite à la falaise où elle allait subir le châtiment pour un vol qu'elle n'avait pas commis.


Tout le peuple regardait la scène en silence, horrifié au spectacle du corps a demi-nu sans défense, solidement attaché au roc, battu par les flots violents de l'eau. Et tous se demandaient quel était le monstre qui, le premier allait se jeter sur ce festin de choix. Tous sauf un. Un valeureux guerrier de passage, de retour de l'une de ses innombrables aventures, s'était arrêté, curieux de la raison d'un tel attroupement. Et lorsqu'il avait vu la jeune fille enchaînée à la falaise, il s'était immédiatement épris d'elle et s'était promis de la délivrer et de la venger de l'auteur de cette horrible scène qui se jouait sous ces yeux. Questionnant un homme qui se tenait près de lui, il obtint la réponse quant au responsable de l'abomination qui avait lieu. C'était la reine en personne et la belle femme n'était autre que sa fille. Sa fureur redoublant, le jeune homme la découvrit sur le rivage, aux premières loges pour assister à l'infanticide. Parmi la foule, elle était reconnaissable entre toutes car, contrairement aux vêtements sobres et usés et l'air horrifié des autres femmes, elle arborait de somptueuses étoffes aux couleurs chatoyantes et un sourire carnassier étirait ses lèvres. Le héros s'approcha et, lorsqu'il fut tout près, transperça d'un coup sec le cœur de la reine acariâtre de la lame de son épée. Quelques gouttes de son sang, rongé par l'amertume et la jalousie, tombèrent dans l'eau, et le curieux mélange donna naissance à une bête ignoble, au corps de serpent et aux innombrables têtes arborant des gueules béantes s'ouvrant sur des crocs acérés. Le héros n'eut pas le temps de régir, l'immondice ne fit qu'une bouchée de sa bien aimée. Même morte, la marâtre avait obtenu ce qu'elle voulait. De désespoir il s'enfonça dans l'océan et avant que la bête n'ait le temps de le dévorer lui aussi, se planta son épée en plein cœur.


L'assistance était sous le choc de tous ces morts qu'elle venait de voir. Mais comme le sang impur de la reine avait donné naissance à un monstre, un miracle se produisit alors. L'eau prit d'abord une teinte arc-en-ciel et bientôt, le sang valeureux du guerrier et celui, noble, de la jeune femme donnèrent naissance à un magnifique triton et à une sirène splendide.


Dès lors qui traverse cet océan encourt le danger de se voir déchiqueter par l'horrible bête mais le couple à corps d'homme et queue de poisson, ainsi que leur nombreux enfants veillent à protéger les malheureux de l'affreux rapace pour que, plus jamais, elle n'obtienne satisfaction.

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