Coup de fil d'un vieux dégueulasse
kyrie
...Ca tiraillait,ça piquait.Le vif du sujet,dans le vif de l'action,dans la peur du moment,nous sommes laches.
Je le disais fréquemment,"forniquons!"J'étais bete,de dire que nous nous sentirons moins seuls.Dès que l'orgasme nous prend,nous ne sommes plus que l'ombre frauduleuse d'une solitude qui nous dépasse.
Ma cigarette,je ne la fume pas parce qu'elle est bonne fiston,ça m’empêche juste de porter mes mains à mon cou.
J'étais ivre le soir où tu m'as rencontré,et je puais cette cigarette,qui m'a prise à 16,et qui tarde à me reprendre.J'étais là,sur le trottoir de ma maison,à me demander où étaient mes clés,alors que je les tenais dans mes mainsJe repensais,à la couleur verte de la bouteille,à l'effet placebo que je regrettais,et à ma joie malgré tout de m'en foutre de n'etre qu'un bon à rien.Ce soir là,tu es venu,tu m'as demandé,de tes petits yeux espiègles,si je cherchais quelque chose,j'aurais voulu te répondre autre chose que "mes clés,fils,mes clés".Je t'aurais parlé de ma maison que je n'habite pas,parce que je n'y vais que quand l'alcool ne supporte plus mes blagues de vieux bourge dégueulasse,de ce chat qui me toise de regards hautains et de miaulements lassés de me voir tarder à ramener la sardine,de mon arbre qui peine à pousser,parce que la voisine aime le son de la javelle renversé sur le sol,de ces habits que je porte pas,de cette vie que je ne mène pas,de mon propre corps étranger à son essence,de mes ébats avec les putes,et de cet air attendri qu'elles ont quand elles me disent que je mérite de connaitre l'amour,je te parlerais de ce temps,où j'avais connu cette fille,et du temps où je m'en suis foutu de cette garce,des anxiolytiques de ma culpabilité,et des dettes alcoolisées...Tout ça je ne te l'ai pas dit,je me suis contenté de répéter "mes clés,mes clés",je pensais que tu n'aurais rien compris.Là,j'ai plus d'alcool dans le sang que d'hémoglobine,là,je sais que je suis saoul,et ma conscience me fait mal,je ne sais pas pourquoi j'ai repensé à toi,pourquoi je t'ai appelé,et comment je me suis souvenu de ton numéro de téléphone.Ce soir je meurs comme un vieux chien,sur ce même trottoir où tu m'as laissé,cette fois,où tu m'as dit,que je me trompais de clés,et moi l'air hagard,je me suis contenté de t'empoigner la feuille avec le numéro,en pensant secrètement que tu n'étais qu'une fiotte qui faisait son coming out.Mon fils,j'aurais aimé la revoi...
-Monsieur,monsieur vous m'entendez,monsieur...