Coup de poudre

Clairvius Narcisse 1922-1964 42 ans

Pour une question d'héritage, Clairvius, est zombifié par son propre frère

Une poudre est glissée dans ses chaussures, Clairvius est intoxiqué. Il s'effondre dans la rue

Déclaré mort. Vite enterré

La nuit venue, il est déterré, ramené d'entre les morts. Pour relancer son cœur, un antidote lui est administré

Département de l'Artibonite. En compagnie d'autres Zombi, esclave privé de volonté, il est exploité sur une plantation de canne à sucre

Clairvius se souvient du visage de sa femme

Par hasard, il ingère un morceau de viande -antidote, prohibé par les maîtres

L'esprit embrumé, il s'enfuit, se réfugie dans les hauteurs montagneuses de l'île

Certains soirs, il s'aventure en ville ; accroupi derrière un coin de mur, il observe sa femme qui à la lumière de la lampe, prépare la cuisine. Elle dîne seule

Clairvius revient à la vie

Succès fou : les femmes veulent coucher avec le Zombi

Agé de 42 ans, Clairvius meurt en 1964

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Le cas de Clairvius est documenté par l'anthropologue canadien Wade Davis, né en 1953

ethnobotaniste et anthropologue. Son travail est reconnu à partir de 1985 -Davis a 32 ans- avec la parution du livre "The Serpent and the Rainbow", qui traite du Vaudou et des Zombi en Haïti

2008. Terence Hines, professeur de psychologie. Davis est un touriste crédule, son livre est rempli d'absurdités scientifiques

Davis a ramené des échantillons de "poudre à Zombi", analysés en 1986 par les docteurs C. Y. Kao et T. Yasumoto. Insignifiantes traces de tétrodotoxine

Réalité ? Puissant contexte culturel, auto-suggestion ? La famille a intégré quelqu'un, qu'elle a cru reconnaître ?

Des cas sont documentés ou pour remplacer un / une disparu(e), la famille intègre un homme / une femme. La personne est formée, prend les souvenirs du disparu. Fausses cicatrices. Le manque est comblé, l'équilibre est rétabli

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1560. France Artigat, comté de Foix (Ariège)

affaire judiciaire d'usurpation d'identité, jugée à Toulouse

1548. Paysan d'Artigat né vers 1524, accusé de vol de grain, Martin Guerre (24 ans) abandonne sa famille. Il reparaît huit ans plus tard

Il dépose plainte contre Arnaud du Tilh, qui a usurpé son identité pendant trois ans et même trompé son épouse, Bertrande de Rols (famille aisée)

À l'issue d'une longue procédure judiciaire, Arnaud du Tilh est déclaré coupable

1560. Il est pendu à Artigat

1561. L'un des magistrats instructeurs, juriste et professeur de droit à Toulouse, Jean de Coras, publie le récit de l'affaire

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Raoul Peck. Réalisateur, scénariste, producteur de cinéma et homme politique haïtien, né en 1953 à Port-au-Prince

"Exterminez toutes ces brutes". Origines du racisme et du suprémacisme blanc, déconstruction de l'Histoire occidentale

Je ne fais pas vraiment de différence entre les génocides des Indiens par les Américains, des Juifs par les Nazis ou des Tutsis par les Hutus, car ces massacres d'État -comme l'esclavage- sont tous le fruit d'un lourd héritage européen, qui n'a eu de cesse de déclasser des êtres humains pour en faire des sous-hommes, des brutes, que l'on peut alors décimer, non pas seulement selon leur couleur de peau, mais selon leurs croyances ou simplement leur altérité. On ne ne peut plus laisser aujourd'hui les lacunes et les silences de cet héritage travestir les récits nationaux

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Succession d'événements, l'Histoire est creusée par les faits étranges, gestes inconscients, béances insondables, rumeurs incertaines. Obscur soubassement de la destinée humaine

Patrick Boucheron, né en 1965

historien. Spécialiste du Moyen Âge et de la Renaissance

Il cite "Le Peuple", de Jules Michelet (1846). L'Histoire est « discontinue, hoquetante »

Jules Michelet s'insurge contre la vision donnée du peuple, par l'élite des écrivains : ignominie ou violence

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Zombi -en créole, esprit, revenant

Mort-vivant, Non-Mort, Mort social

Laënnec Hurbon, né en 1940

sociologue et écrivain haïtien spécialisé dans les relations entre religion, culture et politique dans la région des Caraïbes. Théologien catholique, ancien prêtre devenu chercheur et écrivain. Le Zombi et la trace de l'esclavage

Le fantôme de l'esclavage hante l'imaginaire de la culture haïtienne. Image survivante. Derrière le Zombi, se profile l'esclave

L'idéal du maître ? L'esclave, soumis à sa volonté

Lorsque l'inconscient génère des images survivantes, repenser l'héritage du passé. Traverser le miroir, se regarder dans la glace

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En Haïti, la justice officielle est ralentie par les catastrophes naturelles. État faible, gangs

Rapides, efficaces, les sociétés secrètes empêchent les criminels de nuire

Nombreuses, elles officient à la marge de la religion Vaudou

Philippe Charlier, anthropologue et médecin légiste, né en 1977

anatomo-pathologiste, archéo-anthropologue et paléo-pathologiste. "Zombis, enquête sur les morts-vivants"

« Les sociétés secrètes appliquent leur justice aux vivants qui font du mal »

Vaudou haïtien. Les prêtres qui font le bien, servent les Loa -les lois, les esprits- avec la main droite, sont les Oumgan. Les Mambo, pour les prêtresses

Faiseurs de Zombi, les Bokor. Ils œuvrent dans les péristyles -vastes hangars ouverts au public, où se déroulent les cérémonies

Sorciers Vaudou, ils louent leurs services. Ils "servent les lwa des deux mains". La droite fait le bien. La gauche, le mal. A la fois, ils pratiquent magie bénéfique et magie noire

Le Zombi criminel

Voleur, violeur, meurtrier, assassin, voleur d'héritage

Le fautif est convoqué de nuit et mis en garde. Solennel, terrifiant. S'il ne s'amende pas, une peine « pire que la mort » lui sera infligée

... ou pour résoudre un différend d'ordre privé. L'entourage administre la poudre

se débarrasser de quelqu'un

Une belle-mère, de sa bru

Une épouse, de son mari infidèle ...

Dans ce cas, la victime n'est pas mise en garde au préalable

Les sociétés secrètes -Cochons gris, Chanterelle ou Bizango

Depuis le XVIIIe siècle, les sorciers haïtiens se transmettent la recette magique

Le Bokor, le sorcier Vaudou, prépare la poudre blanche à base de tétrodotoxine (TTX). Neurotoxine extraite des viscères -foie, muscles, gonades- de certains tétraodontiformes à nageoires rayonnées. Le poisson-globe gonfle comme un ballon en cas de danger

La tétrodotoxine TTX détruit les fibres nerveuses sensitives. Insensibilité aux blessures minimes. Muqueuses nécrosées -langue, voile du palais. Voix caverneuse

La poudre ne pénètre pas à travers la peau ; elle est associée à un ingrédient urticant -le venin de crapaud, ...

Au cours de la nuit, le Bokor dépose le mélange sur les vêtements, dans les chaussures, de la victime

Au réveil, au contact de la poudre, le condamné se gratte. Éraflure, égratignure, écorchure, sanguinolent. Le poison pénètre dans l'organisme, provoque un fort ralentissement du rythme cardiaque. Catalepsie -perte de l'activité motrice volontaire, rigidité musculaire

"Coup de poudre". En quatre, cinq heures, la victime est en état de mort apparente -faible respiration, basse température corporelle, lents battements du cœur

Caraïbe, forte chaleur- "les funérailles sont chantées", rapide enterrement

Sur le dessus, cercueil vitré. Traumatisant. Les yeux de la victime sont maintenus ouverts

Elle voit, entend, comprend. Elle assiste à sa propre mort. Brouillés, les visages se penchent sur la vitre sale. Sa femme, ses enfants. Ils embrassent la vitre, pleurs. Son frère sourit. Fleurs

Les pelletées de terre cognent sur le cercueil, résonnent en tambour. Horreur. Dans la nuit sous terre s'amplifient les battements du cœur. Hypoxie -manque d'oxygène, lésions cérébrales

Vite. Deux heures du matin, le Bokor, accompagné de ses aides, les « loups-garous », éventrent la tombe. Ils déterrent le Zombi

Pour inactiver la tétrodotoxine, antidote -jus de jusquiame, qui contient de l'atropine. Concombre-zombi, datura

Tête en bas, le sang afflue dans le cerveau. Fouetté avec des branchages -dissiper la rigidité cadavérique, les crampes musculaires

Dans le cercueil, sont déposés un cadavre ou des cailloux. La tombe est refermée

Nouveau prénom. Un sac de jute sur la tête, le Zombi est enchaîné, emmené à l'extrémité de l'île. Dans un département écarté, l'Artibonite

Privés de leur libre arbitre, de leur mémoire, les Zombi travaillent dans les champs de canne à sucre

Tels les esclaves du XVIIe-XVIIIe siècle, les Zombi sont nourris par terre, sur une feuille de bananier. Régime sans sel. Chez quelqu'un qui n'a pas d'insuffisance cardiaque, des désordres apparaissant, un œdème se forme au niveau du cerveau

Psychotropes

les benzodiazépines soulagent l'anxiété, le stress ou l'insomnie

les barbituriques, dépresseurs de l'activité du système nerveux central

Dix, vingt ans. Trente, quarante ans. Semi-hébétude. Tâches répétitives. Biner un champ, récolter du maïs, irriguer une rizière, …

travail dans les usines

garde-malade, garde d'enfant. Chez les Bokor ou les membres des sociétés secrètes

Quelques-uns s'échappent, reviennent

le Zombi mange la nourriture salée du Bokor. Pour récupérer un semblant de conscience, plusieurs jours

le Bokor meurt

cyclones, tremblements de terre, nombreuses victimes. Le chaos règne

Les "revenants" gardent des séquelles -troubles psychologiques, neuropsychiatriques

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Difficulté pour les "revenants" : pour l'état-civil, certificats de décès, ils sont morts. Les certificats de ressuscitation n'existent pas

Au barreau de Port-au-Prince, Me Emmanuel Jeanty -maître en criminologie, avocat militant- souhaite faire évoluer la loi, afin de réintégrer les victimes dans la société. Est à l'étude la création d'un certificat d'adoption par la famille d'origine, du "revenant". Nouveau nom, choisi par la famille

Chaque année, un millier d'Haïtiens sont punis par la justice des dieux

Philippe Charlier. Le nombre officiel est sur l'île, mille à mille cinq cents Zombi. Plutôt une dizaine de milliers -sur onze millions d'Haïtiens

Dans ses colonnes, le quotidien Le Nouvelliste évoque un cas de Zombi toutes les semaines ou les quinze jours

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Michael Jackson 1958-2009. "Thriller" (1982)

... Je vais te faire frémir ce soir

Je peux te faire frémir bien plus

Que n'importe quel fantôme qui oserait essayer

Alors laisse-moi te serrer fort ...